L’Affaire Diana
Vaughan - Léo Taxil
au scanner
La plus grande mystification du XIXème
siècle.
Ouvrage collectif auto-édité
© Sources-Retrouvées, Paris,
2002
Chronologie succincte pour
comprendre
a. Principales sources bibliographiques
a. Principales sources bibliographiques
I. Tous les secrets de la
Franc-Maçonnerie sont dévoilés.
1..... Tout commence avec Léo Taxil
Taxil l’anticlérical à Taxil converti
La première apparition du Palladisme
2.
La grande saga du Diable au XIXe siècle du Dr Bataille
Les anti-maçons lors de la publication du Diable au XIXe siècle
Quelques extraits du Diable au XIXe siècle
Une première preuve incontestable à propos de l’existence de Diana Vaughan
Témoignage important au sujet du Dr Bataille
L’entrée de Taxil à la Revue Mensuelle
Le docteur Bataille est-il médecin ?
L’auxiliaire du Grand-Orient, suite
Adriano Lemmi hors du Palais Borghèse
La conversion de Diana Vaughan
Le Temple palladique du palais Borghèse
Mort de Mgr Meurin (1er juin 1895)
Lettre d’un missionnaire aux Etats-Unis au sujet de miss Vaughan
La conversion de Solutore Zola
Confirmation de l’œuvre du Dr Bataille
II. La secte maçonnique redouble
ses efforts et semble marquer des points
1.
Miss Vaughan et M. Margiotta.
3.
Témoignage du Commandeur P. Lautier
5.
La question miss Diana Vaughan au Congrès de Trente
Rapport sur l’existence de miss Diana Vaughan
6.
Une lettre de Diana Vaughan au Révérend Père Directeur de La Croix
8.
Le cas de M. Laurent Billiet
14.
Renseignements et raisonnements allemands… et autres
15.
Les négations de M. Margiotta
16.
L’épisode avec Mgr d’Edimbourg
17.
Les portraits de Miss Vaughan
18.
Article de Tardivel dans la Vérité de Québec
20.
Diana Vaughan à Villefranche
21.
Quelques extraits des Mémoires de Diana Vaughan
23.
Les variations de Margiotta
24.
Témoignage de l’abbé Laugier
25.
Extraits d’un article de J. P. Tardivel paru dans la Vérité de Québec,
du 19 décembre 1896.
26.
De nombreux mensonges démasqués
27.
Résultat de la commission sur Diana Vaughan
28.
Une lettre de Taxil au chanoine Mustel
29.
Diana Vaughan annonce qu’elle va apparaître en public pour faire taire les
contradicteurs
30.
Derniers écrits de Diana avant son assassinat
31.
Le retournement de Léo Taxil : la journée du 19 avril 1897
III. Mais la vérité finit toujours
par éclater
1.
Une critique du discours de Taxil par l’abbé de la Tour de Noé
2.
Recherches sur les publications et révélations relatives à la franc-maçonnerie
depuis douze ans
Contribution à l’étude des sources du Diable au XIXe siècle.
Une lettre de M. de Nion à propos de Sophie Walder.
Haute-Maçonnerie et Palladisme selon les Fr.˙. Bertrand et Blitz, (Supérieurs Inconnus)
Contribution à l’étude des sources du Diable au XIXe siècle. (Suite.)
M. Paul Rosen : Dernières informations
3.
Que penser des œuvres de Taxil ?.
4.
Qui est l’auteur du Diable au XIXe siècle ? La preuve par le Bnaï-Bérith
5.
La Franc-Maçonnerie, Lucifer et Satan.
6.
Des confirmations sur le Dr Hacks
Le récit du crocodile ailé qui joue du piano
8.
Les origines de Diana Vaughan
9.
Que pensez de l’œuvre de Diana Vaughan ?
Diana Vaughan confirme l’œuvre du Dr Bataille (et corrige les fautes involontaires)
Diana apporte des faits précis non démentis
10.
Etude sur les Mémoires, par Hiram
12.
Le Marquis de la Franquerie et Diana Vaughan
Annexe I : La voyante de la
Salette Mélanie Calvat confirme notre « thèse »
Annexe II : Notre réponse à
Massimo Introvigne
Principaux ouvrages nous
intéressant ayant paru durant la période : 1860-1900
Signé d’un pseudonyme, cet ouvrage est l’œuvre d’un collectif de chercheurs
indépendants, membres de l’Observatoire de la Haute-Maçonnerie et
en collaboration avec la William Morgan Association.
Nous dédions ce livre :
A tous ceux
qui luttent contre le conformisme ambiant dans certains milieux.
A tous ceux qui luttent pour
rétablir la Vérité.
Dans cette affaire, nous
allons tout d’abord rendre hommage à ceux qui surent voir le dessous des cartes
et garder la tête froide lors de ces évènements.
Honneur donc à ces
courageux auteurs anti-maçonniques :
Qui ne connaît pas l’histoire du diable apparaissant sous les formes d’un
crocodile ailé, jouant du piano à une réunion de maçons occultistes ? Tous
ceux qui s’intéressent un peu à la maçonnerie vous répondront tout de
suite : c’est Léo Taxil !
Combien de fois n’avons nous
pas entendu dans les milieux bien-pensants ce genre de propos :
« mais c’est du Léo Taxil », autrement dit « mais ce
sont des sornettes, une mystification, etc. »
L’histoire de Diana Vaughan,
cette grande prêtresse luciférienne dans la haute-maçonnerie et qui s’est
convertie, mais cela encore, c’est une mystification ! D’ailleurs Léo
Taxil a reconnu publiquement qu’il avait tout inventé, qu’il avait voulu jouer
un bon tour aux catholiques. L’affaire est donc close. D’ailleurs tous les
anti-maçons le reconnaissent.
Tous, oui… ou en tous cas 90
% de ces auteurs. Le conformisme souffle partout et même là où on l’attend le
moins.
Le sujet que nous abordons
étant très vaste, nous avons dû nous restreindre considérablement. Cependant
l’essentiel est là. Par souci d’objectivité, nous avons rassemblé tous les
arguments opposés, afin que celui qui nous lit ne soit pas déconcerté par un
contradicteur vicieux.
Ne voulant nullement faire
de cet écrit une œuvre polémique, nous désirons au contraire faire éclater la
vérité toute nue, telle qu’elle est, en nous basant sur les documents d’époque,
sur les ouvrages écrits sur cette affaire, et enfin sur des archives ou des
documents peu connus ou inédits.
Nous ferons surtout parler
les documents par eux-mêmes. Vous trouverez donc dans ce livre que des faits,
des documents, des preuves.
Cet ouvrage étant seulement
un essai, nous ne prétendons pas avoir éclairci tous les mystères. Nous sommes
donc ouvert à toutes communications, à toutes rectifications et à tout
dialogue.
Etes-vous prêt à faire un
saut dans « l’anti-maçonniquement incorrect » ?
Alors, en avant !
ATHIRSATA.
§
21 mars 1854 : Naissance de Léo Taxil, né d’une famille catholique
monarchiste.
§
De 1868 à 1885 : Léo Taxil devient libre-penseur et se lance dans
la publication d’ouvrages anticléricaux, certains de ses livres étant à la
limite de la pornographie.
§
1881 : Léo Taxil est initié à la Franc-Maçonnerie, mais ne reste
que 8 mois.
§
Avril 1885 : Conversion de Taxil. Ecrit jusqu’en 1897 de nombreux
ouvrages anti-maçonniques.
§
Avril 1891 : Mort d’Albert Pike, chef de la Maçonnerie
universelle.
§
1892-1894 : Parution du Diable au XIXe siècle, du Docteur
Bataille (Docteur Hacks).
§
Mars 1894 : Diana Vaughan se sépare du palladisme
(Haute-Maçonnerie luciférienne dirigeant toute la Maçonnerie) et fonde un
groupement de palladistes indépendants en réaction à l’élection à la tête du
Palladisme d’Adriano Lemmi. Elle est rejointe et soutenue par l’italien
franc-maçon 33e : Domenico Margiotta.
§
Juin 1894 : Conversion de Domenico Margiotta.
§
Décembre 1894 : Conversion de Jules Doinel.
§
Juin 1895 : Conversion de Diana Vaughan.
§
Avril 1896 : Conversion de Solutore Zola.
§
Fin 1896 : Margiotta retourne sa veste : il pense qu’il y a 2
Diana : la vraie demeurée franc-maçonne, et une autre. Puis, il dira qu’en
fait Diana Vaughan n’a jamais existé.
§
26-30 septembre 1896 : Congrès anti-maçonnique de Trente.
§
Juste après le Congrès, le docteur Bataille avoue qu’il a mystifié tout
le monde avec son Diable au XIXe siècle.
§
Début 1897, Diana s’engage à paraître en public avec toutes ses
preuves. Elle annonce qu’elle donnera une conférence publique pour les
journalistes le lundi de Pâques, 19 avril dans la grande salle de la Société de
géographie, 184, boulevard Saint-Germain.
§
19 avril 1897 : Diana Vaughan n’est pas là, par contre Léo Taxil y
est, et affirme qu’il a mystifié les catholiques et que c’est lui l’inventeur
de Diana Vaughan, du Palladisme, etc.
§
Depuis, tous les catholiques ont cru à la version de Taxil du 19 avril
1897, sauf une poignée d’irréductibles dont nous sommes les héritiers…
La Franc-Maçonnerie
démasquée,
années consultées : de 1893 à 1899. Abréviation : La FMD. Excellente
revue mensuelle dont les principaux collaborateurs sont Gabriel Soulacroix
(Abbé de Bessonies) et Abel Clarin de la Rive. Revue qui prit parti pour
l’existence de Diana Vaughan. Mais depuis 1897 et le départ d’Abel Clarin de la
Rive, c’est l’abbé Joseph dit Tourmentin qui « reprend » la revue
d’où une dérive progressive reniant les critiques satanisantes sur la
Franc-Maçonnerie.
La Revue Mensuelle
Religieuse, Politique, Scientifique. Abréviation : La Revue
Mensuelle. Complément de la publication « Le Diable au XIXe
siècle » du Docteur Bataille. « Organe de combat contre la Haute
maçonnerie et le satanisme contemporain ». (1894-1897). Dirigé par le
Docteur Hacks puis par Léo Taxil.
La Revue Catholique de
Coutances,
dirigé par le chanoine Mustel, ardent défenseur de Diana Vaughan.
L’Anti-Maçon (1896-1897), organe de la
Ligue du Labarum antimaçonnique. Dirigé par Taxil (sous le pseudo Paul de
Régis) et secondé par Jules Doinel alias Kostka de Borgia.
La France chrétienne
antimaçonnique,
dirigé par Léo Taxil puis à partir de janvier 1896 par Abel Clarin de la Rive.
Les Mémoires d’une
ex-palladiste, de Diana Vaughan (de juillet 1895 à avril 1897).
Abréviation : Les Mémoires.
La Revue Internationale
des Sociétés Secrètes, (Abréviation : RISS) dans les années
1929-1930, plusieurs articles intitulés : « Diana Vaughan a-t-elle
existé ? Notes sur les Mémoires d’une ex-palladiste », par
Hiram (en fait Emmanuel Bon). Et aussi l’article de Spectator (en fait Mgr
Ernest Jouin et le T. R. Père Pègues) : « Le Mystère de Léo Taxil et la Vraie
Diana Vaughan ».
Fry Leslie (pseudonyme de
Paquita Chichmarev), Léo Taxil et la Franc-Maçonnerie. Lettres inédites
publiées par les amis de Mgr Jouin, British-American Press, Chatou, 1934.
Marquis de la Franquerie, Lucifer
& le Pouvoir Occulte (ouvrage non mis dans le commerce, réservé
exclusivement aux amis de l’auteur, 1984).
Remarque : la plupart des ouvrages ou revues contre Diana Vaughan font
généralement l’impasse sur les arguments des « pour ». Comme s’ils
n’existaient pas. Ce qui est assez hallucinant et démontre bien leur sans-gêne
et leur parti pris. Les quelques personnes qui osent parler (un peu) des
arguments des « pour » le font généralement d’une façon incomplète,
déformée.
La Vérité, de Paris.
L’Univers.
Waite Arthur Edward, Devil-Worship in
Méry Gaston, Un complot
maçonnique. La Vérité sur Diana Vaughan, 1897.
Lea Henry Charles, Léo
Taxil, Diana Vaughan et l’Eglise romaine, histoire d’une mystification,
1901.
Weber Eugen, Satan
Franc-Maçon. La mystification de Léo Taxil, Julliard, 1964.
L’intérêt de ce livre est que l’auteur a effectué des recherches aux archives de la préfecture de police pour avoir des documents sur Léo Taxil. C’est sur ce livre que se basent tous les auteurs qui écrivent contre Diana Vaughan.
Berchmans Michel, Le
Diable au XIXe siècle – la mystification du Dr Bataille, Marabout, 1973.
Livre divisé en deux
parties : la première qui raconte l’épopée taxilienne reprenant les
arguments du livre d’Eugen Weber, et la deuxième partie qui consiste en des
extraits du Diable au XIXe siècle du Docteur Bataille.
Introvigne Massimo, Enquête
sur le satanisme, Dervy, Paris, 1997.
Le « catholique »
ésotérisant Massimo Introvigne, considéré par Le Monde du 12
juillet 1996 comme « le meilleur spécialiste mondial des nouvelles
religions » a sorti un livre chez Arnoldo Mondadori Editore en 1994
ayant pour titre : « Indagine sul satanismo. Satanisti e
anti-satanisti dal seicento ai nostri giorni ». Les éditions Dervy ont
eu la bonne idée de le traduire et de l’éditer trois ans après. Cet important
ouvrage, qui mériterait plus d’attention de la part de nos
« élites », consacre tout un chapitre intitulé : « La
mystification de Léo Taxil ». Se voulant objectif, l’auteur qui connaît
bien son sujet et qui apporte des éléments nouveaux, ne fait malheureusement
que compiler les arguments anti-Diana Vaughan.
Muracciole Bernard, Léo Taxil. Vrai fumiste et faux Frère,
Editions Maçonniques de France, 1998.
Aux mêmes éditions, cet auteur franc-maçon (Baryton de l’Opéra, metteur
en scène, décorateur et costumier)a également fait paraître ces deux
titres : « Vous avez dit …Franc-Maçonnerie ? »
(1995) et « Vous avez dit …Chansons Maçonniques ? »
(livre +CD, 1996).
Dans ce livre sur Léo Taxil, le but de l’auteur est simple. Il s’agit de bien insister sur les fumisteries de Léo Taxil avant sa conversion, afin de le discréditer à jamais, et ensuite montrer qu’il n’a passé que huit mois au GODF, ayant été viré grâce à l’exemplaire justice maçonnique.[1]
Jarrige Michel, L’Eglise et
les Francs-Maçons dans la tourmente, croisade de la revue la Franc-Maçonnerie
démasquée, éditions arguments, Paris, 1999.
Ce livre intéressant retrace
l’histoire de la revue anti-maçonnique La Franc-Maçonnerie démasquée, de
1884 à 1899.
L’Official bulletin of the
Supreme council of the 33d degree for the southern jurisdiction of the
« Avant tout, je me suis
efforcé de mettre bien en relief ce fait qui me paraît dominer la situation où
nous nous débattons : le tarissement de toute source de vérité à laquelle
les hommes de ce temps se puissent abreuver.
C’est à ce signe que Satan,
le père du Mensonge, l’être des ténèbres, se révèle clairement comme le maître
de l’heure présente. L’organisation actuelle est bien le chef-d’œuvre de ce roi
de l’imposture et de la malfaisante ironie. Il a machiné cette société de façon
à ce que l’homme semble avoir toutes les apparences de la liberté et, qu’en
réalité, il ne puisse entendre lui-même ou faire entendre à ses frères une
parole de vérité. » (E. Drumont, Le Testament d’un antisémite, préface,
pages VI et VII).
« Il n’y a pas de
milieu entre le lutte opiniâtre ou la mort. » (Lettre de S. S. Léon
XIII, aux Evêques d’Italie, le 8 décembre 1892, à propos de la
Franc-Maçonnerie).
Léo Taxil est le pseudonyme de Marie Joseph Antoine Gabriel
Jogand-Pagès (1854-1907), né à Marseille le 21 mars 1854, fils de
Charles-François-Marie Jogand, commerçant et de Joséphine Pagès son épouse. Il
a un frère, Maurice, de quatre ans son aîné qui fera une carrière d’écrivain
sous le pseudonyme de Marc Mario et une sœur, Marguerite. Son père était, selon
un rapport de police, d’opinions «
monarchistes et cléricales »[2]
; son grand-père, au contraire, était franc-maçon, de même que l’un de ses
oncles paternels ; Jogand avait aussi, parmi ses tantes, une religieuse.
Le père du futur Taxil envoie le jeune Gabriel dans les meilleures écoles
privées catholiques de Marseille. A l’age de quatorze ans, alors qu’il est
élève au collège Saint-Louis, Gabriel se lie d’amitié avec un camarade dont le
père est franc-maçon ; c’est en fréquentant cette famille qu’il commence à
s’intéresser à la franc-maçonnerie. Dans la bibliothèque familiale, il ne
trouve que le livre de Mgr de Ségur : « Les Francs-Maçons, ce qu’ils
sont, ce qu’ils font, ce qu’ils veulent » (1867). Selon Massimo Introvigne[3],
ce livre est aux origines des interprétations « diabolisatrices » de la
Franc-Maçonnerie. Mais l’ouvrage a sur lui un effet contraire aux intentions de
l’auteur. Progressivement, il se rapproche des libres-penseurs et abandonne la
religion catholique.
A l’été 1868 il prend connaissance des premiers numéros de la Lanterne
d’Henri Rochefort. Les doctrines révolutionnaires agissent alors sur lui à
la manière d’un aimant. Il demande aussitôt à rencontrer deux radicaux
matérialistes, messieurs Leballeur-Villiers et Royannez auxquels s’ajoute peu
après le juif Simon Weil qui tous trois allaient exercer sur lui une influence
décisive. Très affecté par l’exil forcé d’Henri Rochefort en Belgique, à la
mi-octobre 1868 il décide de le rejoindre et décide son frère aîné à l’accompagner
pour ce voyage qui doit le mener en Belgique via l’Italie. Cette fugue ne
durera que quatre jours. En effet, sur l’initiative de leur père, les deux
gamins sont récupérés aux abords de la frontière italienne.
Le Père Jogand ayant estimé
que son fils cadet était responsable de cette escapade, l’envoie à la colonie
pénitentiaire agricole de Mettray près de Tours. Le jeune Jogand-Pagès y passe
soixante-cinq jours en cellule.
Cette courte période d’incarcération aura suffi pour faire germer en
notre jeune homme un sentiment indélébile de vengeance contre le clergé qu’il
croit – à tort – responsable de la décision draconienne de son père.[4]
Jogand n’a alors que seize ans mais fait plus que son âge. Cela lui
permet de déclarer qu’il en a dix-huit et de s’engager dans le Troisième
régiment de Zouaves, avec lequel il part en août 1870 pour l’Algérie. Sa mère
découvre son aventure, communique son âge véritable aux autorités militaires
et le fait revenir à Marseille en septembre 1870.
A Marseille, il organise avec son ami William Esquiros, fils du préfet
des Bouches-du-Rhône, la « jeune légion urbaine », corps de trois
cents jeunes gens reconnu et armé par l’Etat. C’est alors qu’il fit la
connaissance de Garibaldi, et depuis celui-ci n’a cessé de témoigner au jeune
écrivain la plus grande affection.
Lors de la capitulation de Metz, il entre au Midi républicain de
Marseille, où il prend le pseudonyme de Léo Taxil, qu’il conservera désormais.
Il choisit ce pseudonyme, « pour ne pas
nuire, dira-t-il plus tard, à ma famille ». Pseudonyme qu’il déclare
avoir tiré du chef spartiate Léonidas et d’un roi indien appelé Taxile[5].
Notons aussi que le notaire de la famille de ses parents s’appelait
Taxil-Fortoul.
Il collabore à la Révolution et au Socialiste pendant la
Commune, puis il entre à l’Egalité, où il fait tous les jours un article
de variétés politiques et notamment il rédige des biographies d’hommes
célèbres. Puis il fonde un journal satyrique La Marotte (1870-1872).
A la fin de 1872 il est cité à comparaître devant la Cour d’assise des
Bouches-du-Rhône pour outrage à la religion. Bientôt, il est obligé de faire
imprimer ses journaux à la Ciotat puis à Toulon, plus aucun imprimeur
marseillais n’acceptant de travailler pour lui. Jusqu’en 1876, il publie ou
écrit dans une suite de feuilles anticléricales comme La Fronde, La
Jeune République et Le Furet, vit au jour le jour, accumule les
procès, les duels (trois entre 1872 et 1874), fréquente les mauvais lieux et
partage sa couche avec « des femmes de mauvaise vie ». Il
collectionne au cours de ces années tant de condamnations (treize en quelques
semaines) et tant d’amendes qu’il se voit contraint, pour échapper à un total
de plus de huit ans de prison, de s’exiler à Genève.
A Genève, il vit d’expédients et correspond avec Garibaldi. Quelque
temps plus tard, Taxil est expulsé du territoire genevois à la suite de
plusieurs plaintes déposées contre lui en particulier pour la publicité faite à
des pilules aphrodisiaques vendues sous le nom de « Bonbons du
Sérail ».
L’amnistie de 1878 facilite
son retour en France et il en profite pour se faire passer pour un exilé
politique. Il fait alors le vœu, écrit-il, de se consacrer « spécialement
aux attaques contre l’Eglise » et de « répandre dans le peuple des
brochures à bon marché, pour vulgariser les idées anticléricales ».
La police
parisienne le surveille, mais ne le considère pas comme un révolutionnaire
particulièrement dangereux : un rapport souligne alors que «durant son
séjour à Marseille, le sieur Jogand fréquentait assidûment les lieux mal famés
et les femmes de mauvaise vie », et que, bien payé pour cela, il n’hésite pas à
collaborer avec la police pour fournir des informations sur les activités
d’autres jeunes militants « subversifs ».
Taxil possède pour tout
viatique, une concubine et deux enfants mais pas un centime en poche. (Il
faudra attendre les années 70, le legs de Jean Baylot (1897-1976), préfet de
police et Franc-Maçon, dont le très important « Dossier Taxil » à la
BNF, pour apprendre que sa concubine, Marie Besson, était une de ces
« femmes de mauvaise vie ». En effet, d’après un rapport de police de
l’époque, cette Marie Besson aurait été acquittée après une tentative
d’assassinat sur un employé de la Régie, son amant du moment. Selon toute
vraisemblance, au moins les deux premiers de ses enfants (elle en aura quatre,
deux filles et deux garçons) n’étaient pas de Taxil).
La famille Taxil s’installe
en février1878 à Montpellier où est imprimé le journal Le Frondeur. En
septembre, l’Exposition de 1878 le conduit à Paris. Il obtient des
propriétaires du Frondeur l’autorisation de s’installer dans la
capitale. Le 1er janvier 1879, Le Frondeur a un dépôt-vente à
Paris.
En 1879, il lance L’Anti-clérical,
journal hebdomadaire qui, rapidement, devant le succès remporté auprès du
public (il tire jusqu’à 60 000 exemplaires) paraît deux fois par semaine. En
même temps commence la parution de A Bas la Calotte première brochure
(dont le tirage dépassera les 130 000 exemplaires) d’une longue série.
Afin de ne plus être obligé
de passer par un éditeur, il fonde sa propre maison d’édition : la Librairie
anti-cléricale, rue des écoles à Paris.
A partir de cette date
(1879), Léo Taxil ne se contente plus de ses journaux et édite une kyrielle de
pamphlets anticléricaux, voir pornographiques :
La vie de Jésus, 1884.
Les soutanes grotesques, 1879.
Le fils du jésuite, 1879.
Les jocrisses de sacristie, 1879.
La Chasse aux corbeaux, 1879.
Prêtres, miracles et
reliques,
1879.
Calottes et calotins, 1880.
La Clique noire, 1880.
Les Bêtises sacrées, 1880.
Les Friponneries religieuses, 1880.
La Marseillaise
anti-cléricale, chant des électeurs, 1881.
Les Amours secrètes de Pie
IX, par un ancien camérier du pape, 1881.
La Bible amusante pour les
grands et les petits enfants, 1882.
Une pape femelle – Roman
historique. Aventures et crimes de la Papesse Jeanne, 1882.
Les Livres secrets des
confesseurs dévoilés aux pères de famille, 1883.
La Prostitution
contemporaine,
1883.
Jeanne d’Arc, victime des
prêtres,
1884.
Les divagations et les
grossièretés de Taxil ne laissent pas les croyants indifférents et il continue
d’être accablé de procès, la plupart du temps en diffamation. Il perd
régulièrement ses procès et les frais de justice se transforment en gouffre
financier pour sa librairie. Pour récupérer une partie de ses dépenses, il fait
publier les analyses des procès, avec ses propres commentaires, ce qui lui vaut
souvent de nouveaux procès.
Dès 1879, certains livres sont
préfacés par son ami Garibaldi, qui depuis Caprera l’incite à s’acharner sur «
cette race de crocodiles noirs », les prêtres. La formule qui fait le succès de
Taxil, c’est « la fusion de l’anticléricalisme avec la pornographie ». Garibaldi n’est pas le
seul à se réjouir.
En 1878, Taxil est l’invité
d’honneur d’une fête organisée par la loge « La Réunion des Amis Choisis
» à Béziers ; en 1879, plusieurs loges se félicitent du succès obtenu par Le
Fils du jésuite.
Léo Taxil est reçu
franc-maçon le 21 février 1881 dans la loge « Le Temple des amis de
l’honneur français ». Il est initié au « Temple Rouge », 16 rue
Cadet, à Paris.
Deux autres personnes sont
initiées en même temps que lui : M. Vélitchkoff, député de l’Assemblée
provinciale de Roumélie Orientale et M. Rollet musicien au 22ème
régiment d’artillerie.
Mais pendant cette
cérémonie, le côté facétieux de Taxil ne plaît pas à tous les frères présents :
le journaliste anticlérical relève une faute d’orthographe sur un panneau dans
le temple ; sans hésiter, il prend sa plume et écrit sur le crâne qui lui a été
présenté: « Le Grand Architecte de l’Univers est prié de corriger la faute
d’orthographe qui se trouve dans l’inscription du 31e panneau à gauche ».
Selon Esprit-Eugène Hubert,
Vénérable d’Honneur ad vitam de la Loge « Le Temple des Amis »,
« Léo Taxil, à la suite de sa réception, n’est venu qu’à trois de nos
Tenues. Les Tenues de mars, juillet et de septembre 1881. »[6]
Commentaire de Bernard
Muracciole : « Léo Taxil a donc manqué quatre tenues (avril, mai,
juin et août) ce qui est beaucoup pour un jeune initié. En étant présent à
seulement trois d’entre elles, ce qui est bien peu, il a réussi à noircir des dizaines de milliers de
pages sur la Franc-Maçonnerie, superbe exploit ! »[7]
Voici, à l’époque des faits,
les noms des frères ayant une fonction au sein du Collège des Officiers de la
Loge « Les Amis du temple de l’honneur français » :
Vénérable : Lemaire
1er
Surveillant : Rothé
2nd
Surveillant : Le Leurch
Orateur : Lemonon.
Adjoint : Vézien
Secrétaire : Castaneda
Trésorier : Pélaquier.
Adjoint : Talon
Hospitalier : Voelker
2ème Maître des
Cérémonies : Rat
Vénérable d’Honneur ad
Vitam : Hubert[8]
Page 15 de son livre Les
Mystères de la Franc-Maçonnerie[9],
Léo Taxil indique qu’il retranche de la circulaire (que nous reproduisons) le
nom du Premier Surveillant, lequel lui a affirmé s’être retiré de
l’association. Contrairement à Bernard Muracciole, Léo Taxil montre des
documents authentiques, alors que Bernard Muracciole ne montre aucun document.
Dans son livre, Bernard Muracciole nous donne sur dix pages un extrait
des Constitutions, statuts et règlements généraux et dispositions judiciaires
du GODF en vigueur en 1881.
Puis il nous retranscrit des
textes imprimés du « Temple des amis » et des lettres manuscrites de
Taxil. Malheureusement, il ne nous montre aucune photocopie ou photographie de
ces lettres (que le GODF conserve dans ses archives). Nous avons au contraire
comme illustration des extraits de gravures du Diable au XIXe. Par
contre aucune lettre. Il faut donc faire aveuglement confiance au contenu de
ces lettres que l’auteur à recopié (fidèlement ?)
Bref, l’auteur nous montre
beaucoup d’extraits, tout cela pour montrer comment Léo Taxil a été viré de la
franc-maçonnerie. En effet, le 28 avril 1881, le secrétariat général de l’Ordre
lui écrit pour lui interdire de prononcer des conférences dans les loges -
il avait été
invité à l’inauguration la loge « La Libre Pensée » de Narbonne
- en attendant
que soit éclaircie l’une de ses mésaventures judiciaires : Taxil a en effet été
accusé de plagiat par des auteurs qui sont francs-maçons comme Louis Blanc ou
fils de maçons comme Victor Hugo. En août 1881, un nouvel affrontement a lieu,
provoqué par la présentation de sa candidature à la députation à Narbonne, où
est aussi candidat le frère Malric, appuyé par le Grand Orient. En octobre
1881, Taxil est contraint de quitter la franc-maçonnerie, qui le déclare exclu
définitivement pour indignité le 17 octobre 1881.
Début 1881, Taxil est
réclamé à Montpellier comme rédacteur en chef du Petit Eclaireur
quotidien radical qui est au bord de la faillite. Taxil accepte ce poste et
commence ses fonctions en débaptisant Le Petit Eclaireur qui devient Le
Midi Républicain.
Taxil va essayer de profiter
de l’appui de ce journal pour se présenter à Narbonne en août 1881, à la
députation. Il est battu aux élections.
Pour relancer Le Midi
Républicain, il a l’idée de faire publier dans ce journal du 24 avril au 25
mai 1881 un feuilleton : Les Amours de Pie IX.
Devant le tollé provoqué par les énormités publiées, le journal est
obligé d’en cesser la parution. Sans perdre de temps, Taxil fait alors imprimer
la suite par sa « Librairie anti-cléricale » et ce jusqu’en octobre
de la même année.
Un procès en diffamation,
encore un, lui est intenté par le Comte Mastaï, neveu de Pie IX (Pie IX est
mort en 1878).
Taxil va utiliser les
réseaux de publications d’Eugène Mayer, propriétaire du journal La Lanterne
pour couvrir toute la France de ses écrits et la « Librairie
anti-cléricale » prospère : de six à huit recueils par an, plus L’Anti-clérical.
Cependant, à partir de la
fin 1882, la concurrence se faisant sentir, ses affaires périclitent et les
tirages de son journal et de ses publications baissent. Les procès et les
amendes que ses inventions et ses insultes font pleuvoir sur sa maison
d’édition, le conduisent tout droit à la faillite.
Le dossier qui le concerne à
la préfecture de police de Paris indique que son journal, L’Anti-Clérical,
passe d’un tirage de 67 000 exemplaires à 10 000 exemplaires seulement. Le
remplacement de cette publication par un énième nouveau titre, La République
Anti-Cléricale, ne résout pas les difficultés de Taxil. Cancanière, la
police signale aussi qu’à partir d’avril 1882 Taxil a une maîtresse et des
différends avec sa femme. Il continue à publier ses opuscules anticléricaux,
mais le succès n’est plus celui d’autrefois. En mai 1884, la police parle de
l’ « extrême pénurie » de Taxil, et le 30 juillet 1884 la Librairie
Anti-cléricale qui est au nom de sa femme (épousée en 1882) dépose son
bilan. L’année est celle de la publication de l’encyclique Humanum Genus
de Léon XIII. Est-ce un signe de la Providence ?
Un an après la proclamation
de l’encyclique Humanum Genus, lors même qu’il est secrétaire de la
Ligue anti-cléricale et se penche sur la traduction du procès de Jeanne d’Arc,
il est touché par la grâce le 23 avril 1884 et procède à une rétractation
publique dans la République anticléricale du 23 juillet 1885.
Un ancien militaire s’occupe
alors du cas Taxil. Ce dernier fait retraite dans un couvent de Clamart et se
confesse le 4 septembre 1885. Suite à ce revirement, son épouse demande la
séparation. Il rend alors visite à sa marraine Joséphine Jogand, religieuse au
couvent Notre-Dame de la Réparation à Lyon et qui n’avait eu cesse de prier
pour la conversion de son filleul. A la mi-novembre 1885 il reprend la vie
commune avec son épouse et, à la fin de décembre, procède à la liquidation pure
et simple de la Librairie anticléricale compte tenu que les éventuels
acheteurs requéraient le droit de réimprimer les anciens ouvrages de Taxil.
L’Eglise paye les lourdes dettes de Taxil et l’emploie à la librairie
Saint-Paul pour 300 F par mois.
Léo Taxil passe alors à des
« révélations complètes sur la Franc-Maçonnerie » en publiant trois
livres écrits entre la fin de l’année 1885 et la fin de l’année suivante : Les
Frères Trois Points (en 2 volumes), Le Culte du Grand Architecte, Les
Sœurs Maçonnes. Suit ensuite une édition populaire résumant ses trois
volumes de révélations, sous le titre La Franc-Maçonnerie dévoilée et
expliquée. Ce livre est présenté comme un manuel résumant l’édition intégrale, «
spécialement destiné à la propagande auprès du peuple » ; mais le contenu des
trois volumes est aussi revu et augmenté pour une édition de luxe avec de
nombreuses illustrations. Toujours en 1886 Taxil consolide sa réputation auprès
des catholiques en publiant un utile recueil des textes antimaçonniques du
Saint-Siège : Le Vatican et les Francs-Maçons.
En septembre 1886, Léo Taxil
est reçu à Rome par Sa Sainteté le Pape Léon XIII. L’année suivante, il livre
ses Confessions d’un libre-penseur (1887) de même qu’une Histoire
anecdotique de la 3ème République (1887). En 1888 il fonde la
collection « Le contre-poison » où il publie quelques fascicules,
poursuit la rédaction de ses ouvrages anti-maçonniques et étoffe La Petite Guerre
appelée à fusionner avec le journal Jeanne d’Arc et à devenir La
France chrétienne que Taxil dirigera jusqu’à la fin de 1895. Au début de
1888 il fait la connaissance de l’abbé Paul Fesch avec lequel il développe des
contacts de plus en plus étroits jusqu’en 1890[10] ;
d’ailleurs ils signeront conjointement Le Martyr de Jeanne d’Arc (1890).
Au témoignage de l’abbé Fesch[11],
nul doute que la conversion de Taxil fut réelle et authentique et il en veut
pour preuve des signes dont il a été témoin et qui ne peuvent mentir, mais il
est non moins certain qu’il ne persévéra pas et l’abbé Fesch situe la rechute
au cours de l’année 1890.[12]
Taxil continue d’écrire sa littérature anti-maçonnique jusqu’en 1895.[13]
Voici ce qu’écrit Michel Jarrige :
« A partir de 1887 Taxil réalise son souhait. Il publie
dans son journal La Petite Guerre (La Petite Guerre.
Organe populaire de la lutte contre la Franc-Maçonnerie, parut de janvier
1887 à janvier 1889, et fut remplacée en septembre 1889 par Le Petit
Catholique) les noms qu’il a trouvés dans les documents maçonniques en sa
possession. Afin de compléter la nomenclature en gestation l’écrivain incite
ses lecteurs à la délation. Numéro après numéro le panorama entier de la
franc-maçonnerie française défile sous le titre La France maçonnique : loges
de Paris et de province, adhérents, dirigeants. Tout y passe. Au total l’auteur
révèle l’identité de treize mille francs-maçons. Et il le fait méticuleusement,
à la façon d’un clerc de notaire consciencieux. Il donne les coordonnées complètes
de ses victimes qu’il classe par ordre alphabétique. Rien n’est oublié dans ces
dénonciations en masse. Le Grand Divulgateur s’était fixé l’objectif de réunir
toutes ses informations en un gros volume, une sorte de Bottin de la secte.
Et effectivement l’ouvrage annoncé paraît en 1888 (La France maçonnique.
Liste alphabétique des francs-maçons noms, prénoms, professions et domiciles.
Seize mille noms dévoilés. Organisations actuelles des loges).
Puisque les conférences sont à la mode et attirent les foules, Taxil se
lance, lui aussi, à l’assaut des salles. Sa première prestation, agrémentée de
soixante et onze projections à la lumière oxhydrique, le dernier cri de la
technique de l’époque, se déroule à Paris dans une Salle des Capucines bondée.
L’orateur dévoile à des spectateurs confortablement installés dans leurs
fauteuils les rites secrets réservés d’ordinaire aux seuls initiés. Comme s’ils
y étaient. Grâce à la magie des projections. Les commentaires acidulés du
conférencier déclenchent l’hilarité générale. Le succès considérable qu’il
remporte ce soir-là l’encourage à persévérer. Six représentations identiques
furent données, suivies d’une tournée en province.
Tout ce travail antimaçonnique fourni sans compter par le très
médiatique repenti ne pouvait que plaire à La Franc-Maçonnerie démasquée.
D’autant que le célèbre converti se réclamait bruyamment d’un
catholicisme ardent pour fonder de nouveaux journaux La France chrétienne, une
revue hebdomadaire antimaçonnique, en 1887 Le Petit Catholique, un
hebdomadaire populaire de lutte contre la franc-maçonnerie, en 1889. Cette
même année La France chrétienne absorba l’hebdomadaire Jeanne d’Arc créé
par l’abbé Paul Fesch et dont Taxil était le principal collaborateur.
En 1888 Taxil marie sa belle-fille,
qu’il élève depuis l’âge de sept ans, à un architecte de Maisons-Laffitte,
Édouard Joubert. Les anciens amis du « traître » prennent
prétexte de la cérémonie nuptiale pour régler quelques vieux comptes en
souffrance. Des tracts et des articles de presse s’en prennent à la vie privée
de l’écrivain. La mariée serait la fille naturelle de l’une de ses nombreuses
maîtresses. L’affaire se termine devant les tribunaux qui condamnent les
auteurs des libelles diffamatoires à de lourdes peines de dommages-intérêts. La
Franc-Maçonnerie démasquée révèle qu’en réalité Léo Taxil se trouve,
par rapport à la jeune madame Joubert, exactement dans la même situation que
Lockroy vis-à-vis de Georges et Jeanne Hugo, les petits-enfants du poète. Le
ministre de l’Instruction publique a, en effet, épousé la veuve de Charles,
fils de Victor Hugo. »[14]
Le dernier chapitre du livre
d’Edouard Drumont Testament d’un antisémite (1891), intitulé :
« Léo Taxil et le nonce du pape », est une réponse au livre de
Taxil : Monsieur Drumont, étude psychologique. Ce livre de Taxil
fut écrit en 1890, lors de l’élection municipale de Paris. Taxil et Drumont
étaient tous deux candidats à un siège de conseiller municipal dans le quartier
du Gros Caillou. Léo Taxil représentait le parti conservateur et Drumont le
mouvement antisémite. Ils se trouvaient donc face-à-face dans la recherche des
voix des catholiques et du « bon peuple ». Sans entrer dans les
arguments de l’un et de l’autre (cette polémique très intéressante fera
certainement l’objet d’un livre ou d’une brochure prochainement), essayons de retenir ce qui peut nous
intéresser pour notre étude. Taxil, ne croyant pas au rôle prédominant des
juifs dans la franc-maçonnerie, il n’est pas un fanatique des idées de Drumont[15].
En effet, dans son livre de presque deux cents pages, Léo Taxil démontre que
les papes ont toujours protégé les juifs, que ce n’est pas bien d’avoir la
« haine du juif », et enfin, il démontre que Drumont est un homme riche
(grâce au succès de la France juive) et avare comme les juifs. Il n’a
donc pas à donner de leçons aux Rothschild puisque lui fait pareil. Taxil, dans
la deuxième partie de son livre, traite Drumont de « juivomane »
et étudie le personnage comme relevant de l’hôpital psychiatrique.
C’est dire si après ça,
Edouard Drumont ne se montre pas tendre envers Léo Taxil. Voici un extrait,
page 405 du Testament d’un antisémite :
« Il est bon de dire, en effet, pour prouver la sincérité et
l’honnêteté du Monsieur qui parle « au nom du haut clergé », que
quelque mois avant de prendre chaleureusement la défense d’Israël et de
déclarer que « les noms des Rothschild, des Pereire, des Cahen d’Anvers,
des de Hirsch, des Ephrussi, des Camondo sont universellement estimés »,
Taxil attaquait les juifs à outrance et les montrait exerçant leurs ravages à
Vienne comme à Paris :
« A Vienne, disait le Petit catholique du 15 octobre 1889, les
Juifs sont à peu près maîtres de toutes choses. D’après de récentes
statistiques ils possèdent 40 pour 100 des maisons de la ville et 40 autres
pour 100 leur sont hypothéquées ; ce qui revient à dire qu’en dehors des
édifices communaux et de quelques palais aristocratiques, toute la fortune
privée est entre leurs mains. En 1848, pas un juif ne possédait un immeuble
dans la capitale autrichienne.
Ces immenses richesses leur ont permis de confisquer à leur profit
l’industrie, le commerce et jusqu’à la vie intellectuelle et politique de la
nation. La Presse, même gouvernementale, dépend de leurs caprices et est
dirigée ou rédigée par eux.
L’instruction publique à tous ses degrés est devenue un instrument
docile de leurs haines religieuses ; et si le projet de loi scolaire du
prince Lichtenstein a rencontré tant d’opposition, c’est que les juifs n’en
veulent point. Il y a des universités où le corps enseignant est peuplé de
Juifs ; à Vienne, dans une des plus anciennes universités du monde et qui,
en vertu de ses lettres de fondation, devrait être une université foncièrement
catholique, la majorité des professeurs est formée par des juifs. Si cela
continue ainsi, la fameuse science allemande se réduira, dans un temps qu’on
peut prévoir, à des cours sur la Talmud et Schoutchan-Brouch.
La magistrature, le corps
médical, le barreau sont envahis par des juifs. La bureaucratie est imprégnée
de leurs principes et obéit à leur mot d’ordre. Il y a quelque chose de plus
navrant encore. Grâce aux propriétés qu’ils ont acquises, les Juifs possèdent
en Autriche 63 patronats ecclésiastiques ; de sorte qu’il y a autant de
curés forcés de demander leur investiture à des juifs ! La Cour elle-même
n’est plus à l’abri des envahissements sémitiques, et le moment arrivera, sans
doute, où les archiducs seront trop heureux d’épouser des filles d’Israël.
Seule, l’armée a su tenir les juifs à distance. »
Dans l’élucubration qu’il a publiée contre moi, Taxil déclare que la
Franc-Maçonnerie n’a rien à voir avec les juifs, que « la
franc-maçonnerie n’a pas été fondée par les juifs et n’est nullement une
institution juive ». On ne voit même pas très bien l’utilité de ce
mensonge niais. Les Israélites eux-mêmes, en effet, reconnaissent, ce qui est
d’ailleurs indéniable, l’origine juive de la Franc-Maçonnerie. Dans l’Annuaire
des Archives israélites, pour l’an du monde 5651 (du 15 septembre 1890 au 2
octobre 1891), un érudit fort connu, M. Schwab, a publié un très intéressant
article sur ce sujet. En invoquant le témoignage du Talmud et du rabbin Pinhus
B. Yair, M. Schwab, démontre que la Franc-Maçonnerie est copiée dans ses moindres
détails sur l’organisation des Esséniens.
« Ceux qui entraient dans cet ordre, dit M. Schwab, commençaient
par ceindre leurs reins d’un tablier de peau ; ils le revêtaient en
se réunissant pour porter sur eux d’une manière ostensible l’emblème de leur
zèle et de leur activité. De même, dans la Maçonnerie, celui qui est reçu au
premier degré ou au titre d’apprenti porte comme insigne, dans les assemblées
(plus exactement les tenues), le tablier en peau blanche.
Il est évident une fois de plus, dit en terminant M. Schwab, que la
Maçonnerie se rattache, par l’ensemble comme par les détails, au
judaïsme ; c’est d’après lui qu’elle a été formée, organisée et, à son
exemple, ses adhérents se trouvent répandus sur toute la surface de la
terre. »
Les rares ecclésiastiques qui auraient confiance en ce qu’écrit Léo
Taxil savent maintenant à quoi s’en tenir sur sa véracité.
A la date du 18 décembre 1889, Taxil montrait dans la France
chrétienne la Maçonnerie et la Juiverie associées pour tenter de déshonorer
la figure de Jeanne d’Arc :
« En France, les sectaires, qui dominent dans les assemblées
délibérantes, applaudissent les révolutionnaires du Brésil ; ceux-ci les
avaient prévenus, depuis longtemps, de leurs projets. Toute la Juiverie
maçonnique de Paris et des départements adresse de chaleureuses félicitations
aux FF\ brésiliens.
Chez nous, la secte est plus militante que jamais. Elle n’a plus de
trône à renverser ; mais les autels sont encore debout. La foi renaît, les
églises redeviennent pleines, le peuple n’écoute plus, comme il y a quelques
années, les prédicateurs d’athéisme. Il y a en France un mouvement
incontestable de retour à la religion : tels citoyens qui se
désintéressent de la politique déclarent hautement que la religion doit être
respectée. Aussi, les Juifs et les Francs-Maçons cherchent par quel moyen ils
pourront arrêter ce mouvement.
Tout leur est bon.
Un exemple : on sait à quel point Jeanne d’Arc est sympathique au
peuple ; elle est la personnification de la France chrétienne ; son
histoire merveilleuse prouve combien Dieu aime notre pays. Eh bien, en présence
des témoignages toujours plus nombreux et plus vifs de l’admiration de nos
compatriotes pour l’héroïque vierge de Domrémy, les Francs-Maçons et les Juifs,
dignes fils de Voltaire, complotent de diminuer, aux yeux du peuple, la grande
figure de la libératrice de la France.
Ils ont fait, en effet, monter un drame soi-disant populaire, qui va se
jouer prochainement à Paris : Jeanne d’Arc est le sujet de cette pièce de
théâtre. Et, pour représenter le personnage de la sublime chrétienne, les
ennemis de Dieu ont choisi une actrice juive dont les aventures scandaleuses
défraient couramment la chronique des journaux boulevardiers. Cette juive
s’appliquera à jouer le rôle de Jeanne d’Arc à contre-sens ; elle en fera
une hallucinée, une hystérique[16] ;
elle lui donnera des allures extravagantes ; de la sainte fille elle fera
une virago folle et grotesque.
Ce complot de la juiverie boulevardière échouera, nous en avons la
conviction […]. »
Voilà comment parlait des juifs en décembre 1889 celui qui devait les
louer si chaleureusement en avril 1890 ! »
Que retenir de tout cela ?
Tout d’abord, faisons
remarquer que si Léo Taxil attaquait les Juifs dans des articles en 1889,
c’était pour dénoncer leur haine anti-catholique. Et l’on peut attaquer les
juifs sans pour autant croire que ce sont les « fondateurs ou inspirateurs
de la franc-maçonnerie ». Si en 1890, Edouard Drumont trouve que Léo Taxil a retourné sa veste
envers les juifs, à cause de son livre Monsieur Drumont, en fait il se
trompe. Léo Taxil n’a pas changé d’avis. Seulement, face aux passages du livre
de Drumont La Dernière Bataille, où Drumont, dans des accès de sainte
colère veut « exterminer les juifs », Taxil rappelle que tuer un juif
ou le voler est anti-chrétien.
En fait, nous avons
face-à-face deux esprits forts, à la polémique facile, ce qui nous vaut de
beaux passages de littérature, pour notre plaisir à tous.
En ce qui concerne l’origine
juive de la franc-maçonnerie, Drumont s’appuie sur un historien juif
franc-maçon qui affirme que la Franc-Maçonnerie descend des Esséniens. Pourquoi
pas. Mais cela est très controversé et il ne faut pas prendre tout ce que dit
cet « historien » pour argent comptant. Est-ce à dire que Léo Taxil à
raison sur Drumont sur cette question ?
Non, car, on peut démontrer
l’influence juive, par d’autres exemples irréfutables, voir sur ce point le
chapitre du Diable au XIXe sur cette question.
Page 37 du livre : L’Existence
des loges de femmes, d’Adolphe Ricoux, nous lisons :
« La haute direction de
la secte a été dès lors scindée en deux : à Rome, siège le Chef d’Action
Politique, qui a été, jusqu’en 1872, le Fr. Mazzini, puis de 1872 à 1882, le
Fr. Garibaldi, auquel a succédé le Fr. Giuseppe Petroni, remplacé aujourd’hui
par le Fr. Adriano Lemmi ; à Charleston, d’autre part, siège le Chef
Dogmatique, l’Anti-pape secret, qui a été pendant fort longtemps le Fr. Albert
Pike, général américain, décédé il y a quelques semaines et que l’on s’occupe à
présent de remplacer…
Albert Pike a réformé
l’ancien rite Palladique et lui a donné le caractère luciférien dans toute sa
brutalité. Le Palladisme, pour lui, est une sélection : il laisse aux
Loges ordinaires les adeptes qui se bornent au matérialisme ou qui invoquent le
Grand Architecte sans oser lui donner son vrai nom ; et il groupe sous le
titre de Chevaliers et de Maîtresses Templières, les fanatiques que le
patronage direct de Lucifer ne fait pas frémir. »[17]
Ecrit en 1891, c’est la première fois qu’il est
question de Palladisme dans des écrits anti-maçonniques. C’est en fait Léo
Taxil qui commence sous le pseudonyme d’Adolphe Ricoux. Il parle du Palladisme
plus de 5 ans après ses premiers ouvrages anti-maçonniques. Pourquoi
cela ? Pourquoi seulement après plus de cinq ans ? Tout simplement
parce qu’il n’en connaissait pas l’existence. N’oublions pas que Léo Taxil n’a
été lors de son passage dans la Franc-Maçonnerie qu’apprenti. Mais depuis 1891,
il a repris contact avec le Dr Hacks (un ami d’enfance), et c’est celui-ci qui
lui a alors donné des faits dont il ignorait l’existence.
Petite précision : le rite palladique
luciférien dont il est question a pour origine un rite androgyne créer au début
du XVIIIe : le « Rite Palladique », rite qui est tombé en
désuétude au cours du XIXe siècle. Albert Pike a repris ce rite, et l’a remanié
pour faire son rite luciférien.
Le rite palladique originel n’est pas une invention.
Léo Taxil en parle page 622 de son livre : Les Mystères de la
Franc-Maçonnerie :
« La maçonnerie
palladique est celle dont les rites sont pratiqués par des Ateliers androgynes
ayant pour but de dresser une certaine catégorie de femmes aux intrigues de la
politique. Elle est donc une sorte de sélection féminine.
Cette sorte de
sous-Maçonnerie se divise en deux Ordres ou rites : l’Ordre des Sept
Sages ou de Minerve, qui, à part certaines séances exclusivement réservées
aux hommes, est la réunion particulière des Frères s’occupant de la direction
des Sœurs, et l’Ordre du Palladium ou Souverain Conseil de la Sagesse,
où les Frères se mêlent aux Sœurs qui ont été distinguées dans les Loges
d’Adoption et auxquelles on veut faire jouer un rôle.
Le second système des Rites
Palladiques se compose de deux grades masculins et d’un grade féminin.
Grades de Frères : 1er
degré, L’Adelphe ; 2e degré, Compagnon d’Ulysse.
Grade sœur : unique degré, la Compagne de
Pénélope. »
Pour montrer que Léo Taxil n’invente rien, voici des
photocopies du Tuileur général de la Franc-Maçonnerie de J.-M. Ragon,
pages 98-99.[18]
De son vrai nom Charles
Hacks, il est un ami d’enfance marseillais de Léo Taxil. Mais à la différence
de Taxil, il est fervent catholique. Il est médecin à bord des bateaux de la
Compagnie des Messageries Maritimes. En 1880, sur un bateau le conduisant de
Marseille au Japon, il reçu les confidences d’un homme d’affaire italien, M.
Gaëtano Carbuccia, natif de Maddaloni (province de Caserta), qui s’était
imprudemment fait initier, dans l’espoir d’améliorer ses affaires, à la
franc-maçonnerie dans le rite de Memphis-Misraïm, dirigé à Naples par
Giambattista Pessina[19].
Mais le rite de Pessina n’avait été pour Carbuccia que la porte d’entrée dans
un monde plus ténébreux. Il était passé à la société du « Nouveau
Palladium Réformé » ou des « Ré-théurgistes optimates » (Cette
dernière expression avait déjà été utilisée par Huysmans dans Là-Bas).
Le docteur Bataille décide alors, après avoir soigné Carbuccia, de devenir
« l’explorateur, et non le complice du satanisme moderne » en
s’infiltrant dans les sociétés sataniques. Il rencontre à Naples Pessina, qui
lui vend pour cinq cents francs un diplôme de « Souverain Grand Maître à
Vie » du Rite de Memphis-Misraïm[20],
et se lance, d’après Massimo Introvigne, « après que ses confesseurs
l’en eurent dissuadé en vain », dans l’exploration du satanisme
international. Remarquons que cela est faux, puisqu’il s’est expliqué de son
projet qu’à un seul abbé (l’abbé Laugier) et non à plusieurs
« confesseurs ». Deuxièmement, bien qu’hostile au début, l’abbé
finalement accepta (certes, sans grande joie) et lui donna des conseils.
Le Dr Hacks va raconter tout
son « voyage » à travers le monde luciférien de la Haute-Maçonnerie
palladique dans : Le Diable au XIXe siècle[21],
sous le pseudonyme du Dr Bataille.
Le Diable au XIXe siècle est publié de 1892 à 1894
(en tout 1800 pages). Puis, pour défendre son œuvre, le Dr Bataille publie en
1894, 1895 et 1896, la Revue Mensuelle, dont le premier numéro sort en
janvier 1894. L’intitulé exact de cette revue est : « Revue mensuelle,
religieuse, politique, scientifique, complément de la publication Le Diable
au XIXe siècle. Cette revue mensuelle est spécialement un organe de combat
contre la Haute-Maçonnerie et le satanisme contemporain. Elle est aussi
consacrée à l’examen, selon la science catholique, des faits surnaturels du
prétendu spiritisme et autres manifestations diaboliques constatées. »
Massimo Introvigne, de la
page 162 à la page 167 de son ouvrage, nous dépeint les principaux courants
anti-maçonniques :
« Une autre controverse
violente divise d’ailleurs l’antimaçonnisme des dernières décennies du XIXe
siècle. Tant l’antimaçonnisme laïque que le contre-maçonnisme religieux (dans
ses deux variantes philosophique et « diabolisatrice ») se scindent
en effet à propos du rôle des juifs dans la franc-maçonnerie. Pour « Saint-André »
(autrement dit Dom Emmanuel A. Chabauty), cela ne fait aucun doute : la
Haute Maçonnerie diabolique est entièrement dirigée par les juifs. D’une
manière moins virulente et plus érudite – grâce à une bonne connaissance de
l’hébreu (ainsi que de l’anglais, du persan et du sanscrit), à une carrière
internationale et à une familiarité avec les écrits de Gougenot des Mousseaux
-, cette thèse sera reprise par un évêque catholique, Léon Meurin (1825-1895),
fils d’un officier de Napoléon. Elevé à Berlin et entré au séminaire de
Cologne, Meurin était devenu prêtre en 1848 et jésuite en 1853. Missionnaire en
Inde à partir de 1858, il devient en 1867 évêque et vicaire apostolique de
Bombay. Diplomate pontifical, chargé de missions délicates en faveur des
catholiques indiens, il est nommé en 1887 évêque de Port-Louis, dans les îles
Maurice. Or à Port-Louis, une loge maçonnique anticléricale, la « Triple
espérance », se trouve au centre de la vie sociale. Mgr Meurin se sent
alors poussé à reprendre son projet d’un ouvrage antimaçonnique qu’il avait
déjà commencé en Inde. Après avoir
recueilli en France une documentation supplémentaire, il publie en 1893 La
Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, qui deviendra l’ouvrage le plus connu
du contre-maçonnisme catholique de type anti-judaïque et qui sera traduit en
plusieurs langues, dont l’italien en 1895.
Entre-temps, un autre genre
de littérature contre-maçonnique avait toutefois fait son apparition, prenant
systématiquement ses distances avec l’antisémitisme et la critique de judaïsme.
Cette littérature attaquait la franc-maçonnerie comme satanique mais soutenait
que les juifs, peuple profondément religieux, n’étaient pas moins victimes de
la « Haute Maçonnerie » sataniste – qui en outre abusait de leurs
symboles – que les chrétiens. L’auteur le plus représentatif de ce courant est
Samuel Paul Rosen (1840-1907), juif polonais né à Varsovie, rabbin et
franc-maçon avant de se convertir au catholicisme. Il paraît que René Guénon
racontait que Rosen, fameux bibliophile, portait volontiers une houppelande
avec de grandes poches intérieures où il pouvait, si nécessaire, cacher les
livres qu’il dérobait dans les bibliothèques. Rosen fit ses débuts d’auteur
antimaçonnique peu après s’être installé en France. Après avoir quitté la
Pologne, il avait vécu, un temps, à Constantinople. En 1885, il publie une
histoire chaotique des sociétés secrètes, depuis les druides jusqu’aux carbonari
en passant par les francs-maçons. En 1885, il réussit un « coup de
maître » : sous le titre Maçonnerie pratique paraît le premier
tome d’un gros ouvrage dans lequel il fournit des informations très complètes
sur chacun des 33 degrés du Rite écossais.
Alors qu’il écrivait ce
livre, Rosen s’était rapproché de l’Eglise catholique, au point de publier en
appendice l’encyclique Humanum genus. Mais son ouvrage, qualifié par un
auteur pro-maçonnique d’ « un des plus sérieux qui aient jamais été
écrits sur la Franc-Maçonnerie », se tenait assez loin de l’interprétation
« diabolisatrice ». On ne peut pas en dire autant de l’ouvrage
suivant de Rosen, qui eut pourtant « un prodigieux succès » et qui
s’intitule Satan & Cie. »
[…]
« Rosen, comme ses
adversaires les plus acharnés le reconnaissent, n’invente rien, ou presque
rien : son tort consiste plutôt à vouloir présenter comme un système
cohérent, tant du point de vue de la doctrine que du point de vue de
l’organisation, une série de thèmes, de groupes, d’idées qui, au sein du monde
des nouveaux mouvements magiques (bien plus vaste que la franc-maçonnerie,
régulière ou « de marge »), se présentent de façon désarticulée. Cela
étant, un catalogue établi par des ésotéristes de notre siècle déclarait que
« bien conçu dans un but nettement hostile à la franc-maçonnerie, cet
ouvrage est l’un des plus documentés qui existent sur cet Ordre ». La
carrière de Rosen ne s’achève pas avec Satan & Cie. Deux ans plus
tard, l’ancien rabbin publie un autre gros livre, l’Ennemie sociale,
rehaussé d’une bénédiction apostolique de Léon XIII. Rosen y répète que la
franc-maçonnerie a été « instituée par Satan » et que les initiales
AGDGADU – familières à la franc-maçonnerie française, qui les avait pourtant
rendues facultatives à l’occasion du tournant vers l’athéisme et du schisme
avec la Grande Loge d’Angleterre – ne signifie pas, comme on le croit, « A
la Gloire du Grand Architecte de l’Univers », mais « A la Gloire de
la Grande Association Destructrice de l’Univers ». Rosen révèle aussi que
la direction suprême de la Haute Maçonnerie se trouve à Berlin, dont dépendent
quatre centres situés à Naples, Calcutta, Washington et Montevido : une
affirmation qui ne sera confirmée par aucun historien franc-maçon mais que le
Dr Bataille mettra à profit, en la modifiant légèrement. Pour autant, le thème
satanique joue somme toute un rôle moins important dans l’Ennemie sociale
que dans les précédents livres de Rosen.
Vers 1890, il existe donc au
moins quatre écoles différentes d’anti-maçonnisme, qui réagiront différemment à
la parution du Diable au XIXe :
a)
Il y a, tout d’abord, une école antimaçonnique qui, bien que composée
de catholiques également, se sert d’arguments « laïques » et
politiques, en estimant que pour réagir contre l’influence abusive de la
maçonnerie sur l’Etat, il faut créer un front plus large qui ne comprenne pas
seulement les fidèles de l’Eglise catholique. Généralement antijudaïque et
parfois ouvertement antisémite, ce courant est représenté surtout par Edouard
Drumont (18844-1917) et par son disciple Gaston Méry (1866-1909). Quand en
1894, année où prend fin la publication du Diable sous la forme de
fascicules, la France se coupera en deux à propos de l’Affaire Dreyfus, ce sera
cette école qui prendra la tête de la faction antimaçonnique et antisémite[22].
b)
Dans le monde catholique plus lié aux organisations officielles de
l’Eglise, la critique de la maçonnerie part de la doctrine et voit dans les
positions défendues spécifiquement par la maçonnerie en France une conséquence
inévitable des présupposés doctrinaux. On peut donc parler de contre-maçonnisme
plutôt que d’anti-maçonnisme. La bibliographie de ce contre-maçonnisme
philosophique catholique (pour ne pas parler du contre-maçonnisme protestant,
largement répandu aux Etats-Unis et doué de caractéristiques propres) est
immense ; parmi ses représentants typiques à l’époque où est publié Le
Diable, on peut rappeler Mgr Henri Delassus (1836-1921), directeur de La
Semaine religieuse de Cambrai, et l’avocat parisien Georges Bois
(1852-1921), ami de Huysmans comme Jules Bois mais sans lien de parenté avec ce
dernier. Des auteurs comme Delassus et Bois restent attachés, dans le sillage
de l’encyclique Humanum genus, à une critique doctrinale de la
maçonnerie et regardent avec beaucoup de suspicion les interprétations «
diabolisatrices ».
c)
Par opposition à la tendance philosophique, un autre courant du
contre-maçonnisme catholique est, lui, nettement « diabolisateur ».
Le courant qui culmine avec l’œuvre de Mgr Meurin complète les simples aperçus
des auteurs antisatanistes des années 1860 à propos de la maçonnerie et relie
étroitement, en s’inspirant des interprétations générales de ces auteurs
(surtout de Gougenot des Mousseaux), maçonnerie et judaïsme, adoptant une
attitude antijudaïque.
d)
Au sein même du contre-maçonnisme catholique qui adopte une
interprétation « diabolisatrice » de la maçonnerie, un autre courant,
préoccupé par la possibilité de glissements vers l’antisémitisme, cherche à
prendre ses distances avec l’antijudaïsme. Samuel Paul Rosen est le principal
représentant de cette tendance. »
Pour le docteur Bataille, le
Palladisme a été fondé le 20 septembre 1870, jour de la prise de Rome et de la
fin du pouvoir temporel des papes. Est créé à Charleston une papauté
maçonnique, et est nommé un souverain pontife luciférien. Tout cela pour
préparer le règne de l’Anté-Christ. Laissons Massimo Introvigne nous
résumer la description que fait le docteur Bataille du palladisme[23] :
« Toutefois, il ne faudrait pas confondre le Palladisme, qui
est « le culte de Satan », avec la « Haute
Maçonnerie », structure qui se tient derrière les loges maçonniques
courantes. Certes, les « chefs secrets » du Palladisme et de la
« Haute Maçonnerie » sont souvent les mêmes ; mais alors que
tous les responsables administratifs de la « Haute Maçonnerie » ne
sont pas automatiquement Palladistes (certains sont athées ou sceptiques, alors
que le Palladisme, bien que satanique, est « un culte, une
religion »). Pour compliquer les choses, sont parfois admis parmi les
Palladistes – « mais à titre tout à fait exceptionnel » - des lucifériens
qui n’ont jamais fait partie de la « franc-maçonnerie ordinaire »,
mais qui y viennent, par exemple, des hautes sphères du spiritisme. Quoi qu’il
en soit, il ne fait aucun doute que le Palladisme est personnellement dirigé
par Satan, qui en avait du reste demandé la fondation en apparaissant en
juillet 1870 à Milan.
Au-dessus d’Albert Pike (et
de son successeur, le grand maître du Grand Orient d’Italie, Adriano Lemmi), il
n’y a que Satan ; mais aux côtés de Pike, qui est le « Suprême Chef
Dogmatique », il y a un « Chef de l’Action politique » qui
réside à Rome, et que Bataille identifie à Giuseppe Mazzini. Il existe aussi un
Souverain Directoire Administratif à Berlin, dont les chefs, toutefois, se
succèdent par roulement et ne sont pas sur le même plan que Pike et Mazzini. En
dessous de ce commandement suprême, il y a cinq Grands Directoires Centraux,
qui divisent le monde par zones géographiques et qui siègent respectivement à
Washington, Montevido, Naples, Calcutta et Port-Louis (dans les îles Maurice). Plus bas encore il y a les
chefs apparents des différentes sociétés secrètes, occultes, spirites, etc.,
qui se trouvent donc toutes, quelles le sachent ou non, sous la
direction du Suprême Directoire Dogmatique. »
Albert Pike
C’est dans le Diable au
XIXe siècle, que va apparaître pour la première fois le personnage Diana
Vaughan. Voici pourquoi :
Albert Pike est mort en
avril 1891. Adriano Lemmi devait lui succéder après un court intervalle, mais
il n’accéda au Pontificat Suprême qu’au prix d’une élection remplie d’intrigues
et de fraudes. Ce qui était pire, car les irrégularités électorales inconnues
ailleurs sont tout de même assez communes dans le monde maçonnique, c’est que
Lemmi avait toujours montré un penchant prononcé pour le culte du diable, non
pas en sa qualité de Dieu Bon des lucifériens, mais comme prince du mal. Quatre
mois après son élection de septembre 1893, une encyclique de sa main autorisait
les palladistes à s’adresser au dieu qu’ils adoraient indifféremment sous les
noms de Lucifer ou de Satan. C’était trop. On apprenait des sécessions, dont la
plus marquante était celle de Miss Diana Vaughan qui s’apprête alors à
déclencher une révolte et un schisme. Diana Vaughan fonde une contre-association
de palladistes indépendants et une revue, Le Palladium Régénéré et Libre,
lien des groupes Lucifériens indépendants, dont le premier numéro
apparaît en mars 1894.
Un autre sécessionniste, le professeur
Domenico Margiotta, bientôt chevalier de l’ordre pontifical du Saint-Sépulcre,
attaquait Lemmi dans un ouvrage qui fit quelque bruit, Souvenirs d’un
Trente-Troisième. Adriano Lemmi, Chef Suprême des Francs-Maçons[24].
Mais n’allons pas trop loin
et occupons-nous des réactions et surtout des critiques que suscita la
publication du Diable au XIXe siècle. Pour cela, nous allons procéder à
une étude chronologique des faits concernant les réactions face au Diable au
XIXe siècle et les événements qui vont venir se greffer par la suite. Nous
suivrons donc cette aventure pas à pas, en relatant les controverses d’alors,
en faisant parler d’elles-mêmes les sources, pour que nous soyons bien dans
l’ambiance de l’époque.
P.19-20 :
« Le rôle que je m’assignai fut celui de témoin, de simple témoin,
faisant serment dans mon cœur de refuser mon concours à tout acte contraire à
ma foi, s’il m’était demandé, et quels que soient les dangers que mon refus
pourrait me faire courir. »
P.36 :
« Toutefois, il importe
de remarquer que les cabalistes admis aux mystères de la théurgie ne
prononcent jamais le mot Satan ; ils disent Lucifer ou Lucif. Ils
considèrent comme hérétiques certains adeptes dissidents qui invoquent le
diable sous le nom de Satan ; le système de ces derniers, dont je
m’occuperai aussi, s’appelle la goétie, par opposition à la théurgie.
Les théurgistes disent pratiquer la magie blanche, et ils qualifient la
goétie de magie noire. »
P.42 :
« Je m’expliquerai plus
loin sur les phénomènes étranges, dont j’ai tenu à citer un exemple sans
tarder ; je dirai, comme médecin, jusqu’où peut aller la nature dans ces
choses, et où commence le surnaturel, à moins qu’il n’y ait supercherie. »
P.50 :
« L’abbé m’expliqua
encore que le diable, véritable « singe de Dieu », - c’est ainsi, du
reste, que le qualifient tous les Pères de l’Eglise, - met une sorte
d’amour-propre à répondre aux miracles du ciel par des prodiges qui n’en sont
que des grotesque imitation.
Jésus-Christ, quarante jours après sa mort, s’éleva glorieusement au
ciel sur le mont des Oliviers. Simon le Magicien, le fondateur du gnosticisme,
pour montrer publiquement qu’il avait à sa disposition des puissances
surnaturelles, s’éleva dans les airs devant l’empereur Néron et le peuple
romain : il est bon de dire que ce prestige ne réussit qu’à moitié ;
Simon avait opéré son ascension jusqu’à une certaine hauteur, lorsque saint
Pierre qui était là se mit à prier, et aussitôt le sectateur de Lucifer fit une
chute effroyable, dans laquelle il se cassa les deux jambes et dont il mourut
peu après. »
P.158 :
« Le Palladisme, nous
le savons, est la haute maçonnerie. Il se compose, en tout, de cinq
grades : trois grades masculins, et deux grades féminins. Les grades
masculins sont : 1° le Kadosch du Palladium ; 2° le Hiérarque ;
3° le Mage Elu. Les grades féminins sont : 1° l’Elue ; 2° la
Maîtresse Templière.[…]
Le Palladisme ne cherche ses
recrues que chez les francs-maçons, et encore il lui faut, pour ses initiations
hermétiques, des frères déjà parvenus aux grades philosophiques et
cabalistiques. […]
Or, pour ne parler que des
trois rites que je viens de citer, c’est seulement aux grades de Kadosch
(trentième degré, écossisme), Chevalier de Saint-Michel (vingt-septième degré,
York) et Grand Inquisiteur Commandeur (soixante-sixième degré, Misraïm) que
l’initié doit clairement comprendre, à moins d’être le plus obtus des
imbéciles, que c’est vers le satanisme qu’il est dirigé.
Encore, même après ces
grades, dans les rites ordinaires, la maçonnerie ne procède qu’avec un luxe
inouï de précautions. Ainsi, dans le Rite Ecossais, on prévoit le cas où, au
trente-deuxième degré (grade de Prince du Royal-Secret), l’initié n’aurait pas
encore compris le but. La réception à ce grade a une petite variante qui n’a
l’air de rien, mais qui est des plus significatives, en réalité.
Au moment de conférer le
grade au récipiendaire, le président de l’atelier doit lui remettre un anneau, et
pourtant il peut ne pas le lui remettre. « Recevez cet anneau d’or,
gage de notre union », dit le Grand Commandeur (titre du président). Le
postulant, ainsi reçu avec son anneau de Prince du Royal-Secret, se considère
comme réellement initié. Eh bien, pas du tout ; c’est précisément l’initié
à qui l’on remet l’anneau d’or, qui n’est reçu que pour la forme ; au
cours des épreuves et de l’interrogatoire, on a constaté qu’il n’a pas encore
deviné que le grand architecte de l’univers n’est autre que Lucifer déifié, et
son anneau d’or, qu’il portera désormais avec orgueil dans les arrière-loges,
le désignera aux vrais initiés comme étant un frère inintelligent avec qui il
est prudent de ne pas trop causer ; il restera au trente-deuxième degré et
n’ira pas plus loin. »[25]
P.187 :
« Un des prélats les
plus distingués de notre siècle, Mgr Germain, évêque de Coutances, a écrit
quelque part : « La plus grande habilité de Satan a été de se faire
nier ; comment se défier d’un ennemi qui n’existe pas ? »
Certainement, cette malice
diabolique vise la multitude, en proie au scepticisme en ces tristes temps. Du
scepticisme à l’athéisme, il n’y a qu’un pas. Mais Satan n’est pas seulement
malicieux ; avant tout, il est le père de l’orgueil. « Non
serviam ! » tel est le cri qu’il a poussé dans sa révolte. Aussi,
son monstrueux orgueil est-il satisfait, lorsqu’il voit des hommes, fussent-ils
fous, lui rendre hommage. A ses adorateurs il se manifeste. Eh bien, il est bon
de faire connaître ces manifestations. Les constater, c’est obliger le
scepticisme à s’avouer vaincu. Par orgueil, tu te manifestes à tes élus, ô
Satan ; des témoins surgissent, tu ne peux plus te faire nier ; car,
si tu te manifestes, donc tu existes. Et si tu existes, toi l’archange
déchu, si tu apparais, même en dupant tes fidèles et en leur faisant croire que
tu es le principe du bien, si tu te montres aux adeptes de ta religion
ré-théurgiste ou palladique, eh bien, l’athéisme n’est plus soutenable.
Tu es pris à ton propre piège, esprit du mal ! »
P. 242 :
« Ici, nous rentrons
dans le merveilleux, ou, pour mieux dire, dans l’effroyable. Toutefois, je ne
saurais trop le répéter, toutes ces choses sont de la plus rigoureuse
authenticité. Bon nombre de sceptiques haussèrent les épaules, lorsque le P.
Huc, missionnaire lazariste en ces pays, publia ses récits de voyage ;
pourtant, il rapportait l’absolue vérité, et je m’inscris au nombre de ceux qui
confirment ses assertions. »
P.305 :
« A l’époque où nous
vivons, il est trois vérités que les francs-maçons nient obstinément : 1°
l’existence des loges androgynes ; 2° l’exercice des vengeances poussées
jusqu’au crime ; 3° la pratique du Luciférianisme.
A les entendre,
l’association n’admet que des frères et pas une seule sœur ; loin d’avoir
le moindre meurtre à se reprocher, elle est, au contraire, essentiellement
philanthropique ; quant à adorer Satan sous le nom de grand architecte, il
faut avoir l’esprit bien mal tourné pour supposer pareille chose, attendu que
la divinité à laquelle l’ordre maçonnique rend hommage est tout simplement
vague, idéale, indéfinissable.
Voilà ce que répondent les
maçons, lorsqu’on leur pose ces trois questions.
Je me hâte de dire que,
parmi ceux qui parlent ainsi, il en est un grand nombre qui sont de très bonne
foi. On peut posséder les plus hauts grades de la maçonnerie ordinaire,
et avoir toujours été tenu à l’écart des ateliers où frères et sœurs
travaillent ensemble, ignorer l’enrôlement et la mise en œuvre des
ultionnistes, et ne pas soupçonner même l’occultisme luciférien (Théurgie
palladique, Fakirisme, Old-Fellows, San-ho-hoeï, etc.).
Sur le fait de l’occultisme,
principalement, la question des grades, en dehors de la haute maçonnerie,
ne signifie rien, absolument rien : ainsi, par exemple, dans le Rite
Ecossais, un chevalier Kadosch (30e degré), que les Palladistes ont
bien voulu appeler à eux, le reconnaissant digne de leurs mystères, est en
réalité plus instruit, et, par conséquent, plus en faveur auprès des chefs
secrets qu’un initié au 33e degré de ce rite, tenu dans l’ignorance
de l’occultisme et utilisé uniquement pour les affaires d’ordre
administratif ; ce Kadosch là saura tout, et l’autre, tout 33e
qu’il soit, ne saura rien. C’est ainsi que la secte se joue de tant et tant
d’adeptes, qu’elle conduit aux plus hauts grades connus, se servant
d’eux alors qu’ils croient se servir d’elle, leur donnant
« l’anneau », cet anneau qui les désigne aux vrais initiés comme
frères peu perspicaces et qu’il est nécessaire d’entretenir dans de douces
illusions, en un mot, les bafouant, les mystifiant, ne leur apprenant pas le
secret des secrets, puisque d’eux-mêmes ils ne l’ont pas compris.
Je ne citerai qu’un cas de
cet aveuglement dans lequel les chefs secrets de la haute maçonnerie se
plaisent à tenir ceux de leurs initiés qui ont reçu l’anneau ; mais
ce cas est caractéristique.
Il s’agit de M. Paul Rosen,
33e du Rite Ecossais, qui ne sera certes pas suspect de ménagement
envers la confrérie trois-point ; car, depuis quelques années, il a publié
contre elle un certain nombre de volumes où l’on rencontre par-ci par-là des
documents qui ne manquent pas d’intérêt.
M. Rosen, qui est juif et
qui a même été rabbin, à ce que l’on m’a assuré, s’affilia, en outre, à la franc-maçonnerie,
à une époque où il haïssait de toute son âme le catholicisme ; ce
qu’aujourd’hui il regrette sans doute, j’aime à le croire. Je ne sais pas quel
suprême conseil lui conféra le 33e degré ; en tous cas, ce
n’est aucun de ceux que j’ai visités, attendu que je n’ai trouvé trace de son
initiation à ce grade dans nulles archives à ma connaissance ; mais il est
juste de dire qu’au temps où je pouvais mettre mon nez un peu partout je ne me
préoccupais guère du F.˙. Rosen ; son inscription a donc pu fort bien
m’échapper.
Quoi qu’il en soit, soit
qu’il ait passé toute la filière, soit qu’il ait trouvé, comme tant d’autres,
deux haut-gradés assez complaisants pour lui céder (contre finances, bien
entendu, en maçonnerie rien ne se donne) une patente de 33e, il a ce
titre, ou, du moins, il l’a eu.
Plus tard, - bien tard,
dirai-je, car M. Rosen n’est pas de la première jeunesse, - il a renoncé à la
maçonnerie, à ses pompes, à ses œuvres. Les lauriers d’Andrieux et de Léo Taxil
l’empêchant de dormir, il fit un coup d’éclat et vint grossir la phalange des
écrivains anti-maçonniques.
Certes, il a rendu service à
la cause sainte de la religion ; ceci est indiscutable ; et je serai
toujours des premiers à louer son initiative et même à le défendre contre ses
ex-frères qui, du jour où ils ont constaté qu’il leur tournait le dos, l’ont
vilipendé, traduit à leur barre, et, au lieu de l’expulser franchement pour
anti-maçonnisme subit, ont tenu à le radier dans des conditions qui seraient
déshonorantes pour lui, si les accusations portées en de telles circonstances
n’étaient pas calomnieuses.
Et c’est bien là, vraiment
la franc-maçonnerie : soyez pour elle, vous êtes le nec plus ultra
de l’humanité ; soyez contre elle, vous êtes le dernier des êtres parmi
les plus vils.
Voilà donc un homme qui a
fait tout son possible pour apporter la lumière aux profanes, pour leur faire
connaître les mystères du temple d’Hiram. Et pourtant, quand on examine de près
son œuvre, on voit qu’en dépit de ses coupures de journaux maçonniques, il n’a
rien révélé de sérieux, d’important. Pourquoi ? Parce qu’il ne savait
rien, « parce qu’il avait reçu l’anneau ».
Il s’est livré à une besogne
de bouquiniste ; il a ramassé, de droite et de gauche, des circulaires,
des brochures, des discours (plus ou moins
authentiques), des articles de revues officielles de grands
orients et de suprêmes conseils ; et de tout cela il a fait une salade,
qui ne pouvait pas produire une forte émotion chez les sectaires, puisqu’il ne
dévoilait que ce qu’aujourd’hui ils ne cachent plus.
Ce qui lui manquait, à M.
Rosen, c’était la clef, c’est-à-dire l’affiliation luciférienne au
Palladium de Charleston, le droit de montrer patte blanche pour être reçu dans
les loges androgynes, l’autorité nécessaire pour commander à des ultionnistes
ou arrêter leur bras. Tout 33e qu’il était, il ignorait la
personnalité du grand architecte, l’existence des sœurs d’adoption et autres,
et jusqu’aux crimes maçonniques, aujourd’hui indiscutés. Si bien, qu’il s’est
trouvé de simples profanes, qui, ayant compris, eux, le grand secret, ayant eu
la patience de collectionner des documents et l’intelligence de lire entre les
lignes, comme le père Deschamps, comme Claudio Jannet, comme Mgr Fava, comme
dom Benoît, comme Mgr Meurin, ont découvert et divulgué cent fois plus que M.
Rosen, 33e.
Les sœurs maçonnes ?…
Ce pauvre M. Rosen en a ignoré l’existence jusqu’en 1888, et, il y avait alors
au moins trente ans qu’il gâchait du mortier pour reconstruire le temple de
Salomon, s’il est aussi vieux maçon qu’il le dit. Oui, certes, en 1888, ce naïf
33e niait publiquement les loges androgynes ; et il était de
bonne foi, personne n’ayant voulu le désigner pour l’admission. Mais, deux ans
après, il apprenait indirectement qu’on s’était moqué de lui jusqu’alors, et
que ces sœurs maçonnes qu’il n’avait jamais vues existaient pourtant bel et
bien. Alors, il écrivit dans son volume l’Ennemie Sociale qu’il y avait
sur le globe « 2 850 000 femmes appelées Sœurs-Maçonnes » ;
chiffre mis un peu trop au hasard, et que je rectifierai en entrant dans les
détails. Mais l’intention y était ; il faut lui en savoir gré. Quoique ne
publiant aucun rituel de la maçonnerie féminine, quoique n’expliquant même pas
ce qu’étaient ces sœurs maçonnes dont il donnait un total, au petit bonheur, il
est juste de tenir compte à M. Rosen de son aveu, si tardif et si incomplet
qu’il ait été.
Sur la question des crimes
ordonnés et exécutés par la haute maçonnerie, même ignorance chez M. Rosen. Son
dernier livre, l’Ennemie Sociale, a plus de cent pages consacrées à
« la franc-maçonnerie en Italie ». Cette partie importante est
divisée en trois chapitres, intitulés : 1° « Origine et développement
de la franc-maçonnerie en Italie » ; 2° « l’exploitation de la
franc-maçonnerie en Italie » ; 3° « l’action de la
franc-maçonnerie en Italie ». Or, s’il est un pays où des assassinats ont
été commis par la secte, c’est bien celui-là. M. Rosen les ignore, ne fait
mention d’aucun d’eux, il ne cite même pas l’assassinat du comte Pellegrino
Rossi, ce franc-maçon converti dont Pie IX fit son premier ministre et qui, le
15 novembre 1848, tomba sous le poignard des ultionnistes désignés par les
chefs sectaires. Ce crime est historique : on sait que la mort de Rossi
avait été délibérée et décidée le 10 octobre, à Turin, dans un conciliabule
maçonnique présidé par Mazzini ; on sait qu’à Rome, le 14 novembre, veille
de l’assassinat, les ultionnistes s’étaient procuré, à l’hôpital San-Giacomo,
un cadavre de la taille du ministre condamné à périr, et que ce cadavre, maintenu
debout, dressé contre un portant, leur servit à se faire la main ; on sait
que la leçon criminelle fut donnée, salle Capranica, au F.˙.
Sante-Costantini, que le sort avait désigné pour être le meurtrier ; on
sait, en un mot, tous les détails de cet abominable forfait, accompli en plein
jour. Quelle belle page M. Rosen aurait eu à écrire sur cet épisode tragique,
dans son chapitre de « l’action de la franc-maçonnerie en Italie »,
s’il avait été tant soit peu renseigné ! Mais non, on lui a affirmé, dans sa
loge, que l’ordre maçonnique répugnait à verser le sang, et naïvement il l’a
cru ; on a traité devant lui de calomniateurs les écrivains qui ont accusé
la secte de se vautrer dans le crime, et il s’est bien gardé, dans ses
ouvrages, de faire la moindre allusion aux ultionnistes, de citer un seul des
nombreux assassinats dont l’odieuse société secrète s’est souillée, 33e
avec l’anneau, il ne savait rien de tout cela.
Quant à la pratique du culte
luciférien dans les triangles palladiques, il ne pouvait pas s’en douter,
n’ayant jamais pénétré au sein d’une arrière-loge occultiste. Bien mieux, M.
Rosen, que ses frères ont berné dans des proportions fantastiques, croit que la
doctrine de la haute maçonnerie, loin d’être la déification de Satan, est le
naturalisme matérialiste. Il fait prêcher par Albert Pike lui-même que
« le vrai Dieu, c’est la raison pure dans la nature » ; or,
Albert Pike, le grand organisateur du luciférianisme dans les arrière-loges,
n’a jamais écrit, jamais ! pareille sentence. Il trouvait même que
l’expression « grand architecte de l’univers » était trop vague et
devait être abandonnée dès le grade de Rose-Croix ; il a officiellement
proposé au Grand-Orient de France, à l’époque des premières discussions sur
cette formule, d’adopter celle-ci : « Dei Optimi Maximi ad
Gloriam », c’est-à-dire : « A la gloire du Dieu le meilleur et
le plus grand », phrase luciférienne qui est d’une clarté remarquable. Et
ce pauvre M. Rosen prend Albert Pike pour un athée !…
Voici, en effet, quelle est
la situation de M. Rosen dans la franc-maçonnerie : malgré sa radiation
par un loge, on le reçoit encore, - je veux dire, les frères servants le
reçoivent, - quand il se présente au local du Grand-Orient de France ou du
Suprême Conseil, pour se procurer des renseignements, des imprimés maçonniques
quelconques. Les frères servants ont l’ordre de lui faire bon accueil et de
feindre d’ignorer sa radiation ; et alors c’est à qui lui passera des
renseignements de la plus haute fantaisie. C’est ainsi qu’on lui a fabriqué une
prétendue réception de Garibaldi au 33e degré à Palerme, le 5 avril
1860, avec un discours adressé censément par le grand-maître Anghera au dit
Garibaldi pour lui donner l’instruction secrète, pour lui révéler les secrets
de ce grade ; et M. Rosen a bien ingénument publié ce discours fabriqué
tout exprès pour lui par des frères fumistes, ignorant ce point qui a son
importance : c’est qu’à l’époque (avril 1860) où il fait recevoir
Garibaldi au 33e degré, celui-ci n’avait pas grand chose à apprendre
en fait de maçonnerie, attendu qu’il avait reçu déjà non seulement les grades
philosophiques, mais même tous les grades cabalistiques des dernières
arrière-loges jusqu’au 92e degré inclusivement, attendu qu’à cette
époque même il était, depuis plusieurs années, le souverain grand-maître et
grand hiérophante du Rite de Memphis pour tous les pays du globe, et que, par
conséquent, Anghera avait plutôt à apprendre quelque chose par Garibaldi que
d’avoir à lui enseigner le moindre secret.
Dans son premier livre de
révélations, M. Rosen cite à plusieurs reprises, un ouvrage maçonnique
d’Albert-Georges Mackey, où il puise toutes sortes d’arguments en faveur de la
thèse qu’il soutient. Il donne ces extraits, et chaque fois il met en note au
bas de la page : « Tiré du Lexicon of Freemasonry, par
Albert-Georges Mackey, grand secrétaire du Suprême Conseil de la Juridiction
Sud des Etats-Unis. » M. Rosen fait au moins vingt citations de cet
ouvrage. Or, le Lexicon of Freemasonry existe bien ; mais il n’est
pas d’Albert-Georges Mackey, qui, au surplus, n’a jamais écrit une ligne de
publication maçonnique quelconque, et qui n’a jamais été grand secrétaire du
Suprême Conseil de la juridiction Sud des Etats-Unis. M. Rosen s’en est
rapporté au frère servant, à qui il avait glissé la pièce, en le priant de lui
copier quelques extraits de cet ouvrage maçonnique qui est à la bibliothèque du
Suprême Conseil de Paris ; le frère servant a empoché l’argent de M.
Rosen, et l’archiviste du Rite Ecossais s’est fait une douce joie de mystifier
son frère 33e avec l’anneau. Si M. Rosen avait seulement vu la
première page du Lexicon of Freemasonry, il aurait su que cet important
ouvrage maçonnique a pour auteur, non pas l’ingénieur Albert-Georges Mackey,
mais son oncle le docteur Gallatin Mackey, que j’ai eu l’avantage de connaître
personnellement à Charleston, environ trois mois avant sa mort. »
[Or, d’après la liste
suivante qui date de 1872 (le Lexicon of Freemasonry date de 1873),
c’est bien le Dr Bataille qui a raison. C’est bien Albert Gallatin Mackey qui
est secrétaire général, et non Albert-Georges Mackey.
Liste extrait de « Ancient and accepted Scottish rite of Freemasonry.
The Constitutions and regulations of 1762. Statues and regulations of
perfection, and other degrees. Vera instituta secreta et fundamenta ordinis of
1786. The secret constitutions of the 33d degree, with the Statues of 1859,
1866, 1868, 1870 and 1872, of the Supreme Council for the southern
jurisdiction. Compiled by Albert Pike. » (New-York, Masonic publishing Cy.,
1872, 567 pages.) ATHIRSATA.]
P.446 :
« en attendant,
l’Italie comptait quatre puissances maçonniques en état d’hostilité sourde. Et
à ce propos, je ne puis m’empêcher de relever ici une des innombrables erreurs
de M. Paul Rosen, écrivant ses livres en initié par trop incomplet. Dans son
volume l’ennemie Sociale (p. 329), cet auteur ne cite et ne connaît,
comme puissances maçonniques italiennes de 1877 à 1887, que le Grand Orient de
Rome, le Suprême Conseil de Rome et le Suprême Conseil de Turin. Il oublie tout
simplement, il ignore le Souverain Conseil Général de Naples, dont Garibaldi
était le souverain grand-maître, non pas à titre honorifique, mais bien à titre
réel et effectif. Pour un oubli, en voilà un qui peut compter ; et, après
une omission de ce calibre, fiez-vous donc aux renseignements d’un 33e
reçu avec l’anneau ! »
Note du Dr Bataille :
« Ce pauvre Rosen s’est
tellement bien fait mystifier par ses collègues, lorsqu’ils lui ont conféré ce
33e degré comme étant le plus haut grade maçonnique, qu’il a eu
l’ingénuité de publier, dans son ouvrage en collaboration intitulé : Cours
de Maçonnerie pratique (tome II, page 42-43), le passage du cérémonial de
l’initiation au dit 33e degré où le grand-maître donne l’anneau au
bon jobard dont on se moque. Il est fier d’avoir eu une si belle bague, et il
décrit l’incident en termes pompeux.
« Le Très Puissant
Souverain Grand Commandeur, raconte M. Rosen avec une délicieuse naïveté, place
une double alliance d’or, de l’épaisseur de deux centimètres, dont l’intérieur
porte gravés, sur l’un des cercles, le nom du nouveau Souverain Grand
Inspecteur Général (33e degré) et sur l’autre, la devise de
l’Ordre : Deus meumque Jus ! autour de l’annulaire gauche du
récipiendaire, en lui disant : « Recevez cette alliance comme gage
précieux de votre union indissoluble avec l’Ordre, comme emblème de tous et
chacun des devoirs importants que vous êtes dorénavant appelé à remplir. Vous
ne devez vous en séparer qu’en quittant cette vie mortelle ; car c’est
à vie que vous êtes uni à l’ordre, et c’est pendant toute votre vie que vous
lui devez l’accomplissement de tous les devoirs que vous avez volontairement
acceptés. »
M. Rosen, en se laissant
enfiler au doigt le fameux anneau et en écoutant la recommandation qui lui
était faite de ne jamais s’en séparer, était à mille lieues de se douter qu’il
allait porter désormais un signe distinctif dont le plus clair résultat pour
lui serait le silence des vrais initiés en sa présence, sans compter les
joyeuses moqueries à son adresse, une fois le dos tourné.
Et cependant, il aurait pu
flairer la mystification, s’il avait eu soin de lire, en y réfléchissant, le
Tuileur des 33 grades écossais qui figure à la fin de la brochure donnant le
compte rendu officiel du Convent de Lausanne, en 1875. En effet, à propos des
bijoux du 33e degré remis au récipiendaire par le grand maître, lors
de l’initiation, il est dit, et ceci est signé par les chefs (à
l’avant-dernière page) : « La remise d’une double alliance en or,
avec le nom du frère, est facultative. » Ce dernier mot ne
peut qu’éveiller la défiance de tout récipiendaire bien avisé ; car il
doit se dire, en toute logique : « Pourquoi donne-t-on aux uns
l’anneau, et aux autres non ? Il y a évidemment quelque chose là-dessous.
Méfions nous ! »
P.456 :
« Et c’est pour cela
que je puis dire ce qui se passe, autrement que le premier venu donnant des
renseignements à coups de ciseaux à travers des bulletins maçonniques, où les
chefs de la secte ne laissent publier que ce qu’ils veulent, où ils se plaisent
même à glisser, à côté de quelques vérités sans importance, des faussetés
ingénieusement combinées pour dérouter les recherches. »
P.463 :
« Mais, depuis lors,
Pessina a reçu connaissance des livraisons qui ont suivi, et il n’a plus bougé.
J’ai même tout envoyé au grand chancelier du rite, le capitaine Vincenzo Mineo,
demeurant rue Pietrarsa, n° 18, à Portici, près de Naples ; aucun des
misraïmites italiens n’a contesté l’exactitude des renseignements jusqu’à
présent donnés par moi sur leur rite essentiellement hermétique et
cabalistique, et je les mets bien au défi de prouver qu’il y a la moindre
erreur sur ceux qu’il me reste encore à donner. »
[Comme toujours, le Dr
Bataille donne des faits précis, des adresses et est toujours prêt à affronter
les procès au cas où. ATHIRSATA.]
P. 466 :
« Quand aux menaces de
procès, on pense combien elles sont peu de nature à m’émouvoir. Pessina peut,
quand il le voudra, déposer sa plainte entre les mains du procureur de la
République ; il lui est loisible d’assigner le docteur Bataille et ses
éditeurs ; l’assignation donnée à l’auteur d’un ouvrage est parfaitement
valable, ce nom fût-il un pseudonyme ; et j’affirme à Pessina qu’il aura
bien devant lui, à l’audience, l’auteur réel de cette publication. »
P. 471 :
« Le Souverain
Sanctuaire du Rite oriental et primitif de Memphis et Misraïm a son
siège : vico dei Carbonari, n° 11, à Forcella (faubourg de Naples). C’est
là aussi le domicile actuel de Pessina. »
P. 483 :
« La Mancique ou magie
divinatoire. On constatera que ceux qui s’y livrent : sont ou des
charlatans dupeurs, ou des fanatiques trompés par le démon, puisque Satan n’a
pas la science de l’avenir. »
P. 503 :
« Le lecteur qui lira
jusqu’au bout cet ouvrage en saura autant que s’il avait fréquenté pendant
plusieurs années les triangles.
On doit comprendre à présent
combien l’œuvre de divulgation que j’ai entreprise excite contre moi des
colères sourdes. Les sectaires sont dans la rage ; mais ils sont obligés
d’avaler leur bile, car ils sentent que mes mesures sont prises et bien prises
contre eux. Les plus furieux, ce sont les faux catholiques, ceux qui jouent un
rôle et qui croyaient pouvoir le tenir jusqu’au bout[26].
Ceux-ci sont littéralement épouvantés par cette publication ; ils se
demandent avec anxiété s’ils sont au nombre de ceux dont j’ai pu constater la
duplicité ; et, pour peu qu’ils se soient mis en avant comme catholique,
pour peu qu’ils se soient montrés chrétiens militants afin de mieux masquer
leur jeu, tandis qu’ils fraternisent en secret avec les gros bonnets de la
maçonnerie des divers rites, ils frémissent à la pensée que leurs masques
seront peut-être arrachés bientôt. Les plus hardis prennent les devants,
cherchent à créer la confusion dans les esprits, répandent à demi-mot des
insinuations de nature à discréditer ma campagne efficacement antimaçonnique,
essaient d’en diminuer la portée, s’oublient dans leur désarroi jusqu’à nier le
surnaturel, les apparitions de mauvais esprits, les possessions, tant ils ont à
cœur, ces prétendus catholiques, de jeter à l’avance le doute sur la véracité
de cet ouvrage, qui dévoilera leurs accointances maçonniques, ils le sentent
bien. Mais ces tristes individus, dont la rage de dénigrement est l’indice dénonciateur
de la honteuse culpabilité, perdent leur temps et leur peine. »
P. 542 :
« Ah ! Les
empoisonneurs palladistes n’en sont plus, ainsi que je le disais en commençant
ce chapitre, à la Manna di San Nicola di Bari. Ils obtiennent des
poisons par des procédés d’une simplicité extrême ; telle chose qui est de
l’usage courant, et je me garderai bien de nommer, mêlée à tel mets pendant la
cuisson, engendre un toxique terrible, qui foudroie la personne ayant absorbé
quelques bouchées du plat, et cet personne succombe avec tous les symptômes
d’une mort subite naturelle ; le médecin, appelé pour constater et pour
faire sa déclaration, constatera et déclarera, par exemple, une hémorragie
cérébrale, de la meilleure foi du monde : aucun soupçon ne sera possible,
attendu que l’assassin, ayant avalé auparavant tel contre-poison du laboratoire
palladique, se sera assis à la même table que sa victime et aura mangé du même
plat impunément. »
P.556 :
« J’étais venu, je
l’avoue, à Berlin un peu au hasard, sans autres renseignements que l’adresse du
Directoire Administratif (Dorotheenstrasse, n°27). »
P.712 :
« Je n’ai eu l’occasion
de voir que deux fois seulement la sœur Diana : à New-York, où elle est
actuellement grande-maîtresse d’honneur ad vitam du grand triangle Phébé-la-Rose,
et à Paris, où elle vient assez fréquemment et toujours volontiers. »
P.713 :
« Ils sont, dans le
monde, plus d’un million de palladistes, à qui l’on raconte que le triangle de
Louisville a eu d’abord et qu’un des triangles de New-York possède aujourd’hui
en dépôt la queue du lion de saint Marc, conquise dans une bataille entre les
anges et les démons ; et ils sont, oui, plus d’un million, hommes et
femmes, qui croient une pareille ineptie ! »
P.789 :
« Je cite volontiers le
courageux écrivain religieux (le chanoine Mustel), non seulement parce que son
érudition théologique est bien connue, mais aussi parce qu’il est honoré de la
haine spéciale des francs-maçons en général et des palladistes en particulier.
Je ne le connaissais pas, lorsque j’ai entrepris la divulgation de mon
enquête ; et déjà, avec son esprit perspicace, comme Mgr Fava, comme Mgr
Meurin, il avait sondé les profondeurs de Satan. Il savait sans avoir vu ;
il était certain des infamies qui se commettent et que je suis venu dévoiler.
J’ai été, je suis le témoin dénonciateur. M. le chanoine Mustel, constatant que
ce que je révélais confirmait ce que les catholiques clairvoyants ont depuis
longtemps annoncé, s’est rendu sans hésiter auprès de moi ; sa loyauté n’a
pas mis un moment en suspicion ma sincérité ; la sympathie réciproque a
été le premier résultat de cette connaissance, qui a bientôt entraîné des
relations plus régulières, nous avons échangé nos vues, et c’est ainsi qu’à mon
tour je n’ai pas hésité à confier à cet intrépide champion de l’Eglise bien des
choses que je ne pouvais livrer à la publicité. »
P. 832 :
« Ce sont ces mous dont
j’essaie de secouer la torpeur, et j’écris ma publication sous une forme
populaire précisément pour la faire pénétrer dans les masses, où il y a des
millions et des millions d’aveugles. »
P.862 :
« La magie, dit-il (Richelieu), est un art de produire des effets par la puissance du diable ; la sorcellerie, ou maléficerie, est un art de nuire aux hommes par la puissance du diable. Il y a cette différence entre la magie et la sorcellerie : que la magie a pour fin principale l’ostentation, et la sorcellerie la nuisance. »
P. 960, fin du tome I :
« Mais, pour combattre avec efficacité les stratagèmes de l’enfer,
il faut être un saint. Le croyant, qui est aussi, hélas ! un grand
pécheur, ne peut pas grand’chose contre les puissances diaboliques ; mais,
si ce chrétien indigne a su du moins conserver sa foi, s’il sait la retrouver
après les tristes heures de défaillance, s’il est, en outre, un observateur
doublé d’un médecin, et s’il est ou a été en mesure d’assister à des phénomènes
étranges et troublants, il les note, les étudie, les rapporte, et, dans la
mesure de ses faibles forces, il en tire argument et travaille en ceci pour la
cause de Dieu : c’est la son seul mérite, et il est bien petit. »
Tome II :
P. 131 :
« Le Rituel de la
haute Magie, dont l’auteur est le F.˙. Constant, prêtre apostat,
chevalier Kadosch, ami intime du F.˙. Ragon, et le chef d’un groupe
luciférien chez lequel le F.˙. Walder recruta les premiers adeptes
nécessaires à la constitution du Palladisme en France. »
P. 146 :
« Il est arrivé à des
catholiques de perdre de vue que, dans ces apparitions, c’est le diable qui se
montre ; oui, un chrétien fidèle, un auteur catholique, comme M. de
Mirville, a cru vraiment que ce sont les trépassés eux-mêmes qui
apparaissent. »
« Vous ne souffrirez point ceux qui
jettent des maléfices, ils méritent la mort. » (Exode, XXII, 18.)
« Que personne parmi
vous ne consulte les devins… ne pratique de maléfice ni d’enchantement… Car le
Seigneur déteste toutes ces choses, et c’est pour de tels crimes qu’il
anéantira ces peuples (les idolâtres) devant toi. » (deutér., XVIII,
9-12.)
P.232 :
Saint Thomas d’Aquin :
« Quelques-uns disent
que le maléfice n’est que dans l’imagination, et qu’on traite de maléfices des
effets très naturels, dont les causes sont occultes. L’Eglise nous atteste la
grande puissance des démons sur les corps et sur l’imagination de l’homme,
quand Dieu le permet ; c’est de là que viennent les prodiges des
magiciens… Cette opinion que les maléfices sont naturels a pour origine le
manque de foi et l’incrédulité ; car les impies croient que les démons
n’existent que dans les opinions du vulgaire, qui leur impute ses frayeurs imaginaires. »
P.280 :
« En vain, les rares
adversaires qui se sont élevés contre moi dans la presse catholique s’efforcent
de représenter les Jules Bois et Huysmans comme de simples observateurs, comme
des hommes qui se bornent à étudier l’occultisme en interrogeant ses
adeptes ; c’est là une hypocrisie nouvelle, une manœuvre pour dissimuler
aux catholiques le travail souterrain de nos satanistes modernes.
Je ne citerai qu’un exemple
de cette supercherie ; mais il est caractéristique.
Voici comment Georges Bois
apprécie son homonyme Jules Bois, l’occultiste :
« Le scepticisme
de M. Jules Bois est aux antipodes de la foi catholique. Mais on ne saurait lui
contester sa compétence et son expérience des choses de l’occultisme ;
c’est un spécialiste d’une autorité reconnue… M. Jules Bois publie sur
l’occultisme une série d’études : les Petites Religions de Paris.
Après avoir parlé du bouddhisme, il vient au luciférianisme et à
l’essénianisme. Sa méthode consiste à écouter les praticiens de ces diverses
spécialités et à résumer ses interviews avec la plus indifférente et la plus
sceptique exactitude. » (Extrait de la Vérité, n° du 5 mars
1894.)
« M. Jules Bois n’est
pas un palladiste ; il ne voit pas en Lucifer le principe du Bien, l’égal
du Dieu des chrétiens et son antagoniste finalement vainqueur. […] Pour lui,
Jésus est un magicien, dont les préceptes ont du bon, comme ceux d’autres
magiciens, Simon, Apollonius de Tyane, qu’il met sur le même pied d’égalité que
le Christ. »
P.284 :
« Si M. jules Bois est
un égaré, un instrument inconscient du diable, un simple possédé qui se croit
un mage ayant l’inspiration divine, l’autre Bois, le George Bois qui se dit
catholique abuse étrangement de la confiance de ses lecteurs en faisant passer
à leurs yeux pour un indifférent et un sceptique son homonyme l’occultiste
dogmatisant et pratiquant, le croyant en Satan futur Messie, l’initié
convaincu, disciple de Boullan l’apostat.
Et une question se pose à
l’esprit de quiconque n’est pas de parti-pris :
Quel intérêt M. Georges Bois
a-t-il à sophistiquer à ce point la vérité ? Quel but poursuit-il, à
quelle mystérieuse consigne obéit-il, en dissimulant avec une opiniâtreté
inouïe l’œuvre puissante du satanisme dans la société moderne, en s’efforçant
de discréditer de toutes manières (heureusement sans y parvenir) tout homme qui
vient déchirer les voiles du magisme infernal de notre époque et mettre en
garde la chrétienté contre une organisation ténébreuse, l’âme de toutes les
sectes anticatholiques et en particulier le moteur occulte de la
franc-maçonnerie ?… Oui, quel est le ressort caché de cette conduite
incompréhensible ? Voilà ce que se demandent ceux qui apprécient ma
campagne contre les sectateurs de la religion luciférienne, en considérant,
d’autre part, les moyens déloyaux employés pour la faire échouer.
Note :
Un de mes abonnés m’envoie
un exemplaire du journal l’Eclair, numéro portant la date du jeudi 18
mai 1893, où se trouve, aux faits divers, un entrefilet révélant l’existence
d’une société de plaisir, non secrète évidemment, mais peu connue, dont je
demande pardon à mes lecteurs de reproduire le nom. Cette société, qui
fonctionne à Paris, s’appelle : les Bons Bougres, et a, paraît-il,
un banquet annuel.
« Le déjeuner annuel
des « Bons Bougres », dit l’Eclair, a eu lieu hier avec une
joyeuse animation. Parmi les convives : MM. Deschamps, président du
Conseil général ; Albert Pétrot, conseiller municipal ; Paul Vivien,
président de la Ligue de l’Intérêt public ; … nos confrères Charles
Raymond, Joseph Gayda, Georges Bois ; les acteurs Paul Mounet, etc. »
Je n’irai pas jusqu’à dire
que cette société des bons Bougres est un triangle luciférien, ni même
une émanation de loges maçonniques, non certes ! Sauf erreur, nous avons
affaire là tout simplement à un groupe de joyeux vivants, pour employer le
terme boulevardier. Mais il n’empêche que les sociétaires comptent parmi eux
des francs-maçons notoires : le F.˙. Deschamps, qui est ou a été
vénérable de loge, et qui appartient certainement au Grand Orient de France ;
le F.˙. Vivien, maçon des plus actifs, lui aussi, vénérable de la loge Droit
et Justice, également du Grand Orient de France ; le F.˙. Albert
Pétrot, aujourd’hui député, Rose-Croix, vénérable d’honneur, membre et
secrétaire du Conseil de l’Ordre, toujours au Grand Orient de France.
D’autre part, il est à
remarquer que l’Eclair a imprimé « Georges Bois » et non pas
« Jules Bois ».
Il est à remarquer encore
que M. Georges Bois (le rédacteur de la Vérité, journal catholique),
dans son volume intitulé Maçonnerie nouvelle du Grand Orient de France,
a falsifié les documents qu’il a reproduits concernant les convents de 1889,
1890, 1891 ; que ces falsifications consistaient à enlever les noms de francs-maçons
militants se trouvant au cours des documents maçonniques officiels et à les
remplacer par des désignations incompréhensibles pour le public, lui
cachant ainsi les personnalités (une longue nomenclature de ces falsifications
a été publié dans le 1er numéro de la Revue mensuelle, religieuse,
politique, scientifique) ; que ces falsifications sont d’autant plus
coupables, que, dans son livre même, M. Georges Bois déclare qu’il faut publier
les noms des francs-maçons, « afin que les catholiques sachent qui ils ont
devant eux » (page 514) ; qu’il a été obligé, pris sur le fait, ne
pouvant nier, d’avouer ces falsifications (Vérité, n° du 5 février
1894) ; que le Saint-Siège prescrit l’obligation générale de dévoiler les
noms des francs-maçons et particulièrement ceux des chefs, des coryphées, des
militants, et cela sous peine d’excommunication (bulle Apostolicae
Sedis ; consultation du Saint-Office en réponse à une lettre de Mgr
l’évêque de Bayonne, 19 avril 1893) ; que plusieurs des falsifications de M.
Georges Bois ont eu notamment pour effet de cacher aux catholiques le rôle
personnel, violemment antichrétien, joué par le F.˙. Albert Pétrot dans
les convents de la francs-maçonnerie.
[…] Enfin, mon abonné me
fait observé très judicieusement la coïncidence singulière qui existe entre la
date du déjeuner Deschamps-Vivien-Pétrot-Bois (Georges) et la date de
l’ouverture des hostilités du journal la Vérité contre mes révélations
démasquant la haute-maçonnerie. En effet, la campagne si incompréhensible de M.
Georges Bois a commencé immédiatement après cette petite ripaille intime où
figuraient trois importants chefs francs-maçons. »
P.376 :
« Je n’ai pas pénétré
chez les Odd-Fellows, ayant assez à faire chez les Palladistes ; mais, une
partie de ceux-là (les initiés de la seconde classe) étant en rapports avec
ceux-ci, ayant la correspondance directe de Charleston, étant reçus dans les
triangles, j’en sais suffisamment pour pouvoir tracer à grands traits une
esquisse de cette société non moins satanique que l ‘autre.
En outre, je complèterai,
dans ce bref tableau, mes renseignements personnels par ceux de mon excellent
ami M. A.-C. de la Rive, qui est un travailleur infatigable, doublé d’un
enquêteur habile, sachant à merveille diriger où il faut ses recherches et
possédant des moyens sûrs d’information, dont son récent volume La Femme et
l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie Universelle a fourni l’éclatante preuve.
Nous avons, lui et moi, en diverses circonstances, travaillé chacun de notre
côté, en des enquêtes parfois bien délicates, hérissées de difficultés, nous
livrant parallèlement à des investigations sur des questions identiques ou
analogues, et, je dois le dire, nos renseignements ont parfaitement concordé.
Je vais donc relever ici
quelques notes de M. A.-C. de la Rive (La Franc-Maçonnerie démasquée,
numéro d’avril 1894).
L’Ordre des
Odd-Fellows : il y a deux classes d’adeptes, dont l’une absolument secrète
qui s’intitule : « Ré-Théurgistes Optimates », exactement comme
les Palladistes. Il y a encore une différence entre les Palladistes, qui n’ont
qu’une classe (en cinq grades), et les Odd-Fellows, c’est que, chez les
premiers, le prétendu Dieu-Bon est invoqué uniquement sous le nom de Lucifer
(sauf en Italie), tandis que les Odd-Fellows parfaits initiés disent
indifféremment Lucifer ou Satan. Ajoutons encore que les Palladistes nomment
leurs groupes triangles, alors que les Odd-Fellows appellent les
leurs loges, comme dans la maçonnerie ordinaire des grades
symboliques. »
P.428 :
« Si d’autre part, des
profanes s’obstinent à douter encore, je ne saurais mieux faire que de leur
recommander une expérience conseillée déjà par M. Léo Taxil ; c’est cette
expérience qui a mis M. de la Rive sur la piste de toutes ses découvertes. Elle
consiste à se procurer des collections de journaux secrets de la secte ;
ce n’est pas chose impossible ; en tous cas, toute personne habitant Paris
peut les feuilleter à la Bibliothèque Nationale. Si l’on ne veut pas perdre son
temps à recueillir des noms, il suffira de se procurer le Manuel Général de
Maçonnerie, par le F.˙. Teissier, 33e. Ce livre, qui est
d’un usage courant en maçonnerie, n’est pas un antique bouquin du siècle
dernier, que les Georges Bois et autres complaisants négateurs des turpitudes
de la secte pourraient récuser comme rapportant des pratiques abandonnées
aujourd’hui : c’est un livre tout à fait contemporain, imprimé pour la
première fois en 1883 (imprimerie des F.˙. Putel et Désableau, à Pontoise)
et figurant sur les catalogues des librairies maçonniques en cette présente
année 1894.
On n’aura qu’à ouvrir ce
livre à la page 243, et l’on sera pleinement édifié sur l’existence des loges
androgynes à l’heure actuelle. […]
Eh bien, le curieux lira,
dans ce manuel tout contemporain, quarante-deux pages consacrées à toutes les
indications utiles aux frères servants pour la préparation de la salle aux
tenues des grades du Rite d’Adoption, c’est-à-dire aux tenues
androgynes. »
P.443 :
« Si les sœurs maçonnes
ont leur grande part dans le combat de la secte internationale contre l’Eglise
de Jésus-Christ, combien plus important encore est le rôle des juifs. Les sœurs
maçonnes sont, sauf quelques rares exceptions, des instruments ; les
juifs, au contraire, sont des inspirateurs, ils participent aux plus violentes
entreprises, ils attisent les haines antichrétiennes au foyer des loges, et, de
connivence avec le Palladisme où bon nombre d’entre eux sont chefs, ils ont
même leurs arrière-loges spéciales, confédérées à l’insu des maçons vulgaires
et gouvernées par le Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg.
Ici, je suis obligé de ma
séparer complètement de M. Léo Taxil.
M. Léo Taxil s’est plus
occupé de mettre des rituels au jour, que d’étudier l’histoire de la secte.
Dans cette excellent ouvrage Les Mystères de la Franc-Maçonnerie, il a à
peine tracé une esquisse de l’histoire de l’Ordre, et l’on voit, en le lisant,
que c’est là un travail hâtif, fait à l’aide de notes prises au courant de
rapides lectures, fort incomplètes ; en un mot, le temps lui a manqué, il
n’a pas approfondi. Du reste, M. Léo Taxil a déclaré que ce n’était là qu’une
ébauche et qu’il se proposait d’écrire un jour, en entrant dans les détails,
l’histoire complète de la franc-maçonnerie.
M. Léo Taxil ne croit pas
que juiverie et maçonnerie se tiennent ; il est convaincu qu’il y a
incompatibilité entre la qualité de franc-maçon et celle d’israélite
pratiquant ; il constate que ce ne sont pas les juifs qui ont créé la
franc-maçonnerie, et il se refuse à admettre qu’un israélite, croyant en sa
religion, puisse adopter dans les loges une liturgie où les épisodes les plus
respectables, les plus sacrés de la Bible servent de thème à des parodies
impies.
Voilà, en six lignes, la
thèse de cet auteur. Il est mon ami, et je le sais de bonne foi. Mais il se
trompe ; il se trompe absolument. […]
Le rabbin est infiniment
rare dans les loges, je le reconnais, tandis que les pasteurs protestants y
pullulent ; c’est sans doute ce qui a trompé M. Léo Taxil. »
P.506 :
« J’appelle l’attention
de Léo Taxil sur ce point. Il est bien certain que Crémieux était un
« vrai juif de synagogue », un israélite pieux dans sa religion. Cela
l’a-t-il empêché d’être un maçon actif et même un des chefs ? »
P.826, dans un note :
« J’avais l’intention
de publier les adresses des locaux servant à Paris aux réunions des palladistes
et autres occultistes, surtout après que M. Georges Bois (de la Vérité)
me porta un défi à ce sujet, en niant, d’une part, ces réunions, et en
affirmant, d’autre part, que les vrais satanistes n’étaient pas ceux dont je me
suis occupé ; M. Bois, on s’en souvient, ajoutait que les vrais satanistes
parisiens avaient, dans le quartier Saint-Sulpice, vingt-deux chapelles
secrètes où se dirait la messe noire. Mais plusieurs conseillers prudents m’ont
vivement engagé à abandonner ce projet, en me faisant observer que le défi de
M. Georges Bois cachait sans aucun doute un piège ; car M. Bois, qui me
sommait en quelque sorte de faire la publication précise des locaux
d’occultisme à ma connaissance, c’est-à-dire imprimer les noms des rues avec le
numéro des immeubles, se gardait bien d’en faire autant pour les prétendues
chapelles secrètes dont il parlait. En effet, étant donné que j’ai décrit dans
cet ouvrage les scènes horribles qui se passent d’ordinaire dans les antres du
palladisme et que j’en ai montré toute l’immoralité et vu aussi la résolution
prise dans le Convent de Paris de septembre 1894 de poursuivre en diffamation
les publications catholiques démasquant la franc-maçonnerie et les
francs-maçons toutes les fois qu’elles pourraient tomber sous le coup de notre
loi imparfaite, laquelle n’autorise pas la preuve des faits allégués, il est
plus que probable qu’en donnant les numéros des maisons, nous nous ferions, mes
éditeurs et moi, intenter, par les propriétaires d’immeubles abritant ces
honteuses pratiques, des procès d’avance perdus pour nous. Ce serait donc, de
notre part, une naïveté de publier ces adresses, quand M. Georges Bois, pour
une autre cause, sinon pour celle-là, ne publie pas les siennes.
Toutefois, voici quelques
indications, dans la mesure du possible :
L’hôtel du Grand Orient de
France n’abrite pas de réunions palladistes ; mais il n’en est pas de même
de l’immeuble où se trouve le siège du Suprême Conseil du Rite Ecossais, rue
Rochechouart. La Mère-Loge le Lotus de France, Suisse et Belgique a ses
tenues administratives rues Saint-Antoine et ses tenues expérimentales et
liturgiques dans un immeuble particulier, tout près du couvent du Sacré-Cœur et
dans l’îlot même de maisons où est l’Archevêché ; l’entrée est rue
Varennes. Un triangle sous-loue à certains jours, pour ses réunions au 1er
degré masculin, une salle, rue Payenne ; mais ses réunions androgynes ont
lieu aux trois S. Un autre triangle reçoit l’hospitalité d’une secte
occultiste, qui est loin d’être mal vue par le Grand Orient de France, les
Théophilanthropes ; ce temple est situé rue Croix-Nivert. Enfin, dans la
petite rue de la Huchette, se trouve un des antres secrets du satanisme le plus
honteux, le plus avilissant ; les initiés le désignent sous le simple nom
de « Caveau ». »
P.846 :
« Dans le palladisme,
comme ailleurs, il y a une sorte d’émulation, un esprit de gloriole, qui amène
l’invention de récits exagérés. Tel visiteur, venant dans un triangle étranger
et y assistant à une œuvre de grand-rite, dit souvent, à la sortie, en
causant : « Oh ! Chez nous, nous avons tel frère ou telle sœur,
qui, en état de pénétration, opère tel et tel prodiges, bien plus merveilleux
que ce que je viens de voir ici ». C’est l’éternelle histoire du
marseillais et du gascon, qui, renchérissent sur ce qui leur est arrivé. »
P. 945, Appendice – Réclamations et rectifications :
« Il est bien certain,
- et mes lecteurs l’ont compris dès le début, - qu’en écrivant un ouvrage aussi
considérable que celui-ci, je n’ai pas eu la prétention de ne jamais commette
une erreur dans mes récits, encore moins en rapportant ceux qui m’ont été faits
par des tiers, si dignes de foi que ceux-ci puissent être.
Ainsi que je l’ai dit chaque
fois qu’il y a eu lieu, il s’est trouvé tels et tels faits dont je me suis
borné à me faire l’écho, lorsqu’il m’ont été certifiés par des personnes
n’ayant aucun intérêt à me tromper ; je peux alors avoir mal retenu
certains points non essentiels.
En ce qui concerne mes
observations personnelles, j’ai pu aussi me tromper parfois, mais alors plutôt
dans mes appréciations que dans les constatations de faits ; car j’ai été
sincère. […]
Il n’est pas un seul
ouvrage, même parmi les mieux documentés, parmi ceux qui font le plus autorité,
qui soit absolument impeccable et qui échappe aux erreurs de détails. Celui-ci
a été minutieusement épluché, tant par les adversaires que par grand nombre de
catholiques incrédules ou défiants. J’ai annoncé à plusieurs reprises que le
champ était ouvert aux réclamations, qu’un appendice serait consacré à toutes
les protestations qui se produiraient ; avec les retards que la
publication a subis dans la seconde année, la période qui s’est écoulé depuis
l’apparition du 1er fascicule (20 novembre 1892) jusqu’à aujourd’hui
(20 mars 1895) est donc de deux ans et quatre mois ; ces fascicules n’ont
pas été ignorés des intéressés, et n’ont pas passés inaperçus, puisque, dans
tous les pays, même au Canada et en Australie, des articles ont été consacrés à
cet ouvrage par la presse favorable et par la presse hostile, puisque les
épisodes les plus saillants ont été traduits dans toutes les langues (et je
parle seulement de ceux envoyés à mes éditeurs ou à moi-même). Eh bien, en deux
ans et quatre mois, sur près de deux mille personnes figurant nommément dans
cet ouvrage, sept seulement, sept en tout, ont envoyé une lettre de
réclamation. »
[…]
« M. Georges Bois
Ici, il importe de débuter
par une remarque : ce n’est pas moi qui ai mis M. Georges Bois en
cause ; il s’y est mis lui-même, par des attaques faites avec une violence
inouïe.
C’est lui qui, le 19 juin
1893, imprimait ceci dans la Vérité ( ?) :
« … Le feuilleton
illustré du Dr Bataille, rendons-lui cette justice, n’est pas obscène. C’est une
fumisterie violente, à peu près l’histoire de M. de Crac devenu franc-maçon…
Nous ne consentirons pas à qualifier d’innocent le parti pris de se moquer du
public catholique en lui présentant comme la vérité même, appuyée de
témoignages personnels et de démonstrations pieuses, - parfois trop pieuses et
même ratées, - une série d’inventions abominables ou dégoûtantes, poussées,
sans ménagement pour l’imagination du lecteur, jusqu’à
l’invraisemblable. »
Quelques temps après, M.
Bois, étonné que je n’eusse pas laissé passer sans protester une pareille
sortie, se plaignait, toujours dans la Vérité, de la riposte du Dr
Bataille, et il ajoutait : « Il est vrai que j’ai traité son œuvre de
fumisterie et d’imposture ». Mais notre homme ne reconnaissait nullement
ses torts.
Il eût peut-être été bon de
consigner ici tous les incidents de cette polémique, où M. George Bois a
accumulé mensonges sur mensonges, ne désarmant pas, ayant toujours la
prétention d’avoir le dernier mot, lui le provocateur, passant sous silence celles
des répliques où il était irréfutablement prouvé qu’il avait menti ; par
exemple, son audacieuse affirmation, imprimée par lui jusqu’à trois fois, que
c’était lui qui, au mois de mai 1893, m’avait appris la mort du Dr Gallatin
Mackey. Pour le confondre, il n’y eût qu’à exhiber le 4e fascicule
de cet ouvrage, mis en vente le 5 mars 1893 et fini d’imprimer le 28 février,
où, en trois passages (pages 311, 318, 319), il est question de cette mort, où
j’en donnais la date exacte, et le 5e fascicule, paru le 5 avril, où
j’ai publié une notice biographique complète du Dr Gallatin Mackey (de la page
335 à la page 340), avec même le compte rendu des obsèques. Pris la main dans
le sac, M. Georges Bois se garda bien de faire part à ses lecteurs de cette
démonstration concluante ; et c’est là ce qui prouve bien sa mauvaise foi.
Tout autre contradicteur eut saisi avec empressement cette occasion de faire
une paix honorable et de désavouer, de démasquer même le drôle qui lui avait
soufflé ce mensonge maladroit. Vingt fois, M. Georges Bois a été ainsi éclairé
sur des erreurs par lui commises dans cette polémique où il se ruait, tête
baissée, comme un fou furieux qui ne veut rien voir ni rien entendre ;
mais jamais il n’a eu la loyauté de se rétracter.
Oui, l’historique de cette
polémique mériterait de rester à la fin de ce volume ; malheureusement, la
place me fait défaut. Du moins, les principaux incidents se trouvent relatés,
attaques reproduites et réponses, dans la collection de la Revue Mensuelle.
Quant à moi, au cours de la
polémique, il m’est arrivé de commettre une erreur (page 284 du second volume).
Une similitude absolue de nom et de prénom m’a fait croire, à la suite d’une
communication d’un abonné, que mon adversaire était membre d’une société dite
des Bons Bougres. Il y a, paraît-il, deux Georges Bois, tous les deux
journalistes, tous deux amis du F.˙. Albert Pétrot. On avouera que le
quiproquo, au sujet des Bons Bougres, était facile à commettre, quoique
dise M. Georges Bois, celui de la Vérité ; et, sur l’honneur, je
déclare avoir ignoré l’existence de cet homonyme ; sa signature au bas
d’un feuilleton, si le hasard avait fait tomber sous mes yeux le journal qu’il
publiait, n’eût contribué qu’à me donner à croire que l’unique Georges Bois
connu de moi en était l’auteur. Mais, sitôt que j’ai reçu la réclamation de mon
adversaire, j’ai inséré intégralement sa lettre sur le bulletin qui servait de
couverture au 17e fascicule (n° d’avril 1894). M. Bois, me
signifiant sa lettre par huissier, me sommait de l’insérer immédiatement dans
le texte de l’ouvrage, c’est-à-dire d’interrompre ma publication en son
honneur ; j’ai refusé d’obtempérer à cette prétention inadmissible, car un
volume n’est pas un journal. Avec la présente insertion, cela fait donc deux
fois que je fais connaître à mes lecteurs la protestation de mon
adversaire ; et, en outre, je l’ai mentionnée en note dans le corps de
l’ouvrage, page 643 (second volume), en lavant de nouveau M. Georges Bois du
soupçon d’avoir fait partie des Bons Bougres. C’est qu’en effet il n’en
coûte jamais de reconnaître une erreur, quand elle a été commise de bonne foi.
Voici la lettre en
question :
« Paris, le 31 mars
1894.
Monsieur,
Dans votre dernier fascicule
du Diable au XIXe siècle, paru ce présent mois de mars, je lis page
280 : « M. Georges Bois ment, trompe ses lecteurs, etc. » Un peu
plus loin (page 184), je suis soupçonné « d’obéir à une mystérieuse
consigne, de dissimuler avec une opiniâtreté inouïe l’œuvre puissante du
satanisme…, etc. » Enfin, p.284 et 285, dans une longue note, vous me
montrez, d’après l’Eclair du 18 mai 1893, prenant part au déjeuner
annuel d’une société dite des Bons Bougres. Au nombre des convives, sont
trois notables francs-maçons, et vous notez cette coïncidence que les articles
de la Vérité touchant le Diable commencent « immédiatement
après cette petite ripaille intime. » Ces expressions ne sont pas de celui
de vos abonnés qui vous envoie l’Eclair. Elles sont de vous, et
inexcusables.
Voilà plus qu’il n’en faut
pour donner ouverture au droit de réponse.
Le ton de votre récit montre
que vous avez cru être sûr au moins d’un fait. Malgré toutes les apparences,
vous vous êtes trompé. Je n’assistais pas au déjeuner dont parle l’Eclair
et je ne suis pas membre de la société qui se le donnait. Je ne suis point le
Georges Bois dont l’Eclair a parlé. J’admets que votre abonné qui a lu
l’Eclair ne soit pas tenu de connaître tous les homonymats de la presse
parisienne Celui-là existe (prénom compris) ; vous pourriez le voir
aujourd’hui même par le feuilleton du Petit Moniteur ; vous
pourriez le voir aussi par d’autre œuvres. Au reste, je n’incrimine pas les
déjeuners de mes homonymes ; je constate que cet homonyme (nom et prénom)
existe et qu’il est connu dans la presse depuis une dizaine d’années. Je veux
admettre que votre correspondant a commis cette méprise de bonne foi, et que
vous l’avez partagée par simple inattention.
Mais elle est suivie d’une
erreur qui vous est bien personnelle et qui me donne le droit le plus absolu de
faire appel à votre loyauté. Il y a coïncidence, dites-vous, entre ce déjeuner
du 18 mai et la polémique de la Vérité ? Cette coïncidence n’existe
pas en fait. Si elle existerait, elle résulterait de ce que la Vérité a
été fondée le 15 mai 1893. Mais comment ne vous êtes-vous pas rappelé que nous
nous étions rencontré dès le 5 mai ? Et ce, pour discuter des objections
bien antérieures elles-mêmes à cette conversation ?
Ce qui est exact, c’est que
la Vérité a fait mention du Diable pour la première fois le 19
juin, incidemment, en même temps que du livre de M. Huysmans, dans un article
qui traitait de l’occultisme en général. Et l’intention du journal était de
n’en plus reparler. J’étais en province depuis trois mois et je ne lisais même
plus le Diable, lorsque j’ai appris inopinément que j’avais à répondre
au Bulletin mensuel. J’apprenais du même coup l’existence de ce
bulletin. J’ai donc répondu.
Voilà ce que vous appelez
mon opiniâtreté inouïe. Je n’ai fait que me défendre et je n’y ais mis d’autre
opiniâtreté que celle de la modération.
Je vous requiers, bien
entendu, d’insérer la présente réponse, non sur la couverture violente du Diable,
mais sur le texte même du prochain fascicule, en une place et avec le même
caractère que la note des pages 284 et 285.
Quant aux appréciations qui
sont dans le texte, je proteste une fois de plus que je « n’obéis » à
aucune « mystérieuse consigne » et que la discussion que vous me
reprochez serait depuis longtemps close si vous n’aviez tenu à la poursuivre.
Veuillez, monsieur, agréer
l’expression de mes sentiments distingués.
Georges Bois,
Paris, 11, rue
d’Arcole. »
Il est facile de comprendre
que j’ai cru tout naturellement que la campagne inqualifiable de la Vérité
était une des conséquences du dîner avec le F.˙. Pétrot et autres
« bons bougres », puisque la coïncidence de date était frappante, et
puisque je voyais, trompé par les apparences, l’un des convives du dîner
dont il s’agit, en M. George Bois, de la Vérité (qui est, du reste, ami
personnel du F.˙. Pétrot) ; quant à la prétendue rencontre du 5 mai,
dont M. Bois parle dans sa lettre, mon contradicteur joue sur les mots. C’est
le 5 mai que je fis, au Salon de la Société Bibliographique, sur la demande de
M. de Marolles, une conférence sur mes voyages et mon enquête ; M. Bois se
trouvait dans l’assistance, c’est ce qu’il appelle « notre
rencontre ». Lorsque je vins à dire que le successeur d’Albert Pike au
souverain pontificat de la secte était Albert-Georges Mackey, un monsieur,
alors totalement inconnu de moi, se leva et me cria dans une interruption :
« Monsieur, permettez-moi de vous apprendre que le F.˙. Mackey, dont
vous faites le successeur de Pike, est mort en 1881, soit dix ans avant Pie, et
que le successeur de Pike est le F.˙. Bachelor. »
Ce monsieur était M. Georges
Bois. Moi qui, deux mois auparavant, avait publié qu’il ne fallait pas
confondre les deux Mackey, le docteur Gallatin et son soi-disant neveu (premier
volume, page 311), moi qui, un mois auparavant, avait publié le compte-rendu
des obsèques du docteur Gallatin Mackey, mort à Fortress-Monroë le 20 juin 1881
(page 322 et page 340), je ne pouvais que prendre en pitié une interruption
aussi inepte ; aussi j’y répondis par un haussement d’épaules, c’est ce
que M. Bois appelle « notre conversation ».
Du reste, toute la polémique
de M. Georges Bois a été faite avec la même mauvaise foi. Le plus fort, c’est
qu’il a l’aplomb, dans la lettre ci-dessus, de dire que la Vérité, après
son article du 19 juin 1893, avait l’attention d’en demeurer là, et qu’il ne
m’a répliqué que parce que je lui ai répondu dans le Bulletin mensuel
servant alors de couverture à mes fascicules. Or, c’est dans le 3e bulletin,
celui du 11e fascicule, paru en octobre, que j’ai pris la peine,
pour la première fois, de répondre à M. Georges Bois. Or, dans l’intervalle, la
Vérité avait reproduit toutes les attaques imaginées contre moi, à qui
l’on osait opposer comme honnête et loyal l’ignoble F.˙. Cadorna, attaques
de M. Aigueperse, de son correspondant turinois, et de M. Delassus. Et je ne
parle pas des odieuses lettres privées, me calomniant, écrites et envoyées par
M. Bois à tort et à travers. On reconnaîtra, que j’ai fait preuve, au
contraire, d’une grande patience.
Au surplus, à cette heure,
la Vérité est jugée. Elle ne se relèvera pas du blâme sévère que lui a
infligé le Saint-Siège par la lettre officielle du cardinal Rampolla, du 30
janvier 1895, au sujet de son attitude dans la question politique ; et
encore l’éminent secrétaire d’Etat de S. S. Léon XIII, a-t-il eu soin
d’écrire : « En me bornant a la question politique, par la
lecture de la Vérité et par l’esprit qui l’inspire, on a pu constater
que, nonobstant la persuasion où elle est de seconder les vues du Saint-Siège,
elle se trouve avec lui en désaccord. » Etc… Vraiment, c’est bien à la Vérité
qu’il appartenait de donner des leçons aux autres, elle qui vient de se faire
prendre en flagrant délit de diffusion d’œuvres abominables ! Lire l’Union
catholique des Basses-Pyrénées, de Pau (directeur : M. l’abbé
Pon), numéro du 21 février 1895. Sous prétexte de primes à ses abonnés, la Vérité
distribuait des romans mis à l’index et jusqu’aux impiétés de M. Hyacinthe
Loyson, le renégat ! « Des romans, dont les seuls titres font monter
la rougeur au front, est-il dit dans le vaillant petit journal
catholique ; des ouvrages immoraux, impies, condamnés par l’Eglise. »
Prise sur le fait et la dénonciation ayant été publique, la Vérité n’a
pu moins faire que d’interrompre cette propagande malsaine. Dans son numéro du
27 février, elle a balbutié des aveux embarrassés, et a cru s’en tirer devant
l’opinion publique en annonçant qu’elle change son catalogue de primes.
Personnellement, M. Georges
Bois est jugé, lui aussi. Dans un de ses derniers articles, il se plaignait de
ce que, depuis ses attaques acharnés et incompréhensibles, grand nombre de
personnes le tiennent pour franc-maçon déguisé en catholique ; et ici la
loyauté m’oblige à déclarer que je n’ai vu son nom dans aucun des registres
d’archives que j’ai pu consulter. Mais s’il est devenu suspect, M. Bois ne doit
s’en prendre qu’à lui-même. On ne choisit pas pour son alter ego un
Moïse Lid-Nazareth ! On ne se fait pas le répondant d’un agent de
Lemmi ! C’est pourquoi, tant qu’il n’aura pas publiquement avoué ses
torts, rétracté ses méchants articles et ses indignes lettres privées, jeté
par-dessus bord son fidèle Achate sur qui tous les anti-maçons sont fixés, M.
Georges Bois demeurera sous le coup des pénibles vérités qui lui ont été dites
par mon vénérable ami, M. le chanoine Mustel.
« Je ne suis pas,
écrivait le directeur de la Semaine Catholique de Coutances (n° du 14
décembre 1894), en s’adressant à M. Bois, je ne veux pas tirer de vos
relations, ni de vos attaques parallèles, et parfois combinées, une conclusion
qui vous blesse. Mais comment ne pas se rappeler le proverbe : Dis-moi qui
tu hantes… Surtout quand on ne se contente pas de hanter, mais qu’on travaille
d’accord aux mêmes besognes et qu’on s’appuie l’un sur l’autre. »
Dans 1’Echo de Rome du 1er
janvier1894, sous le titre : « Une luciférienne », M. Pierre
Lautier a rendu compte d’une entrevue qu’il a eue avec Diana Vaughan, lors d’un
séjour de celle-ci à Paris :
« Il y a trois mois, lorsque nous avons parlé, non sans de
nombreux détails très précis, du couvent secret de la haute-maçonnerie, qui
s’est tenu à Rome le 20 septembre, nous avons insisté, nos lecteurs doivent se
le rappeler sur l’opposition faite par plusieurs délégués des triangles à
l’élection du renégat enjuivé Adriano Lemmi, comme chef suprême de la secte.
Nous avons, en passant, fait allusion à un incident très vif qui avait marqué
la fin de la séance et qui avait provoqué une démission dans la délégation
d’Amérique : « Il s’agirait même, disions-nous, d’une démission complète
de la maçonnerie. »
Comme toujours, nos renseignements étaient
d’une exactitude parfaite, et nous aurions pu même en dire davantage, si nous
n’avions été tenu, sur quelques points, par une promesse de discrétion
vis-à-vis du public. Aujourd’hui, nous ne sommes plus obligé de garder une
aussi complète réserve ; les inconvénients qu’il y avait alors à nommer la
personne démissionnaire dont il s’agit, n’existent plus.
Les délégués des triangles directeurs au
convent secret du palais Borghèse étaient au nombre de soixante-dix-sept,
avons-nous dit ; ce nombre comprenait soixante-huit frères des hauts grades et
neuf sœurs, Maîtresses Templières. La personne démissionnaire est une de ces
dernières et n’est autre que miss Diana Vaughan, la grande-maîtresse de
New-York, présidente du Parf.˙. Tr.˙. Phébé-la-Rose, et l’une
des plus actives propagandistes du palladisme aux Etats-Unis.
Miss Vaughan est certainement une des
personnalités les plus originales de la haute-maçonnerie ; aussi sa démission
a-t-elle causé un grand émoi parmi les chefs de la secte infernale, et
plusieurs s’efforcent de la faire revenir sur sa décision.
Aussitôt après le couvent du 20 septembre, la
grande-maîtresse de New-York s’est rendue en Angleterre en compagnie des délégués
fidèles au parti de Charleston, c’est-à-dire adversaires de l’élection de
Lemmi ; c’est là que les opposants se sont concertés sur les moyens à
employer en vue de la résistance, qu’ils basent sur l’indignité notoire du
nouveau chef suprême et sur la corruption mise en œuvre par lui pour se faire
élire. Nous tenons de la bouche de miss Vaughan elle-même que le sénateur
italien Carducci l’auteur tristement fameux de l’Hymne à Satan,
aurait reçu plus de deux millions, à lui versés par la caisse de la Banque
Romaine, sur l’ordre d’Adriano Lemmi, pour ne pas poser sa candidature
palladiste en concurrence à celle de ce dernier ; c’est à prix d’or que le
renégat de Livourne, passé à la juiverie, s’est fait élire sans concurrents.
Il y a peu de temps, miss Vaughan faisait un
séjour à Paris. L’ayant appris par un de nos informateurs, nous n’avons pas
hésité à demander une entrevue à l’ex-grande-maîtresse américaine, sans lui
cacher certes nos titres et qualités et en lui faisant bien entendre qu’elle ne
devait considérer notre démarche que comme celle d’un adversaire loyal et
déplorant sincèrement l’erreur où elle est restée ; car, quoique
démissionnaire de la secte, la sœur Vaughan n’en est nullement pour cela une
convertie, nous l’avons bien vite vu, hélas ! Nous avons pensé qu’au cours
de cette entrevue nous pourrions apprendre bien des choses dont profiterait la
cause que nous servons ; c’est dans cet ordre d’idées que nous nous sommes
imposé le tête-à-tête d’un catholique avec une luciférienne militante, et nous
sommes convaincu que nos lecteurs ne nous en blâmeront pas.
Notre demande favorablement accueillie, miss
Vaughan nous ayant fixé rendez-vous à son hôtel pour jeudi le 21 décembre à
onze heures et demie du matin, nous avons été exact, comme bien on pense. Notre
adversaire, qui est tenue à une certaine prudence à raison de son hostilité
contre le nouveau chef suprême de la maçonnerie, n’avait exigé de nous qu’une
promesse : celle de ne pas faire connaître l’endroit où elle séjourne
désormais, quand elle vient à Paris. Nous croyons pouvoir dire toutefois que
c’est un des premiers hôtels de la capitale, l’un de ceux fréquentés par
l’aristocratie princière d’Europe. Ce détail a son importance ; car il
prouve que les chefs de la haute-maçonnerie disposent d’un budget secret
considérable, leur permettant de voyager avec tout le confort des favorisés de
la fortune, qui n’ont rien à se refuser ; cette question de ressources
pécuniaires formidables n’est peut-être pas étrangère à la résolution des
partisans de Charleston, ne voulant pas laisser Lemmi les déposséder d’un
pareil gâteau. Nous donnerons plus loin quelques chiffres.
A l’hôtel de Miss Vaughan, dans le luxueux
salon d’attente, nous avons la bonne fortune de nous rencontrer avec M. le
docteur Bataille, l’auteur renommé du Diable au XIXe Siècle, qui, mieux
que nous, connaît l’ex-grande-maîtresse de New-York, l’ayant vue plusieurs fois
dans ses voyages et l’ayant étudiée d’une façon toute spéciale, tant comme
médecin que comme catholique ; le docteur, qui a gardé avec miss des relations
amicales et qui ne cesse de former des vœux pour sa conversion, nous parle
d’elle en termes émus ; il lui rend visite presque quotidiennement, à chacun de
ses séjours à Paris. Nous nous trouvons aussi avec deux autres anti-maçons. On
le voit, la démissionnaire du 20 septembre entre carrément en lutte contre le
sire Lemmi.
Miss ne nous fait point attendre ; à
peine lui a-t-on fait passer nos cartes qu’elle sort de son appartement et
vient à nous, les mains tendues au docteur. Les présentations ont lieu. A un
artiste dessinateur qui est là et qui est venu lui soumettre un croquis de
sujet maçonnique, elle indique rapidement certaines retouches à faire, donne
des renseignements précis sur quelques menus détails, fait rectifier, supprimer,
ajouter, bref lui fait mettre son dessin au point.
Au docteur Bataille qui vient de lui glisser
quelques mots en anglais, elle répond : « Mon cher ami, vous oubliez que,
lorsque je suis en France, j’aime à ne converser qu’en français. » Et, en effet,
elle parle très correctement, mais sans aucun accent, notre langue, que lui a
apprise sa mère, qui était française.
C’est une jeune femme de vingt-neuf ans,
jolie, très distinguée, d’une stature au-dessus de la moyenne, la physionomie
ouverte, l’air franc et honnête, le regard pétillant d’intelligence et
témoignant la résolution et l’habitude du commandement ; la mise est fort
élégante, mais du meilleur goût, sans affectation, ni cette abondance de bijoux
qui caractérise si ridiculement la majorité des riches étrangères. En voyant
cette personne, si bien douée sous tous les rapports, nous nous sentons envahi
par un sentiment de pitié profonde ; car nous nous disons en nous-même
combien il est déplorable qu’une telle créature soit en proie à une aussi funeste
erreur.
Nous sommes en présence de la luciférienne
convaincue, de la sœur maçonne de haute marque, de l’initiée aux derniers
secrets du satanisme sectaire.
M. le docteur Bataille, dont nous avons eu
grand plaisir à faire la connaissance ce jour-là, nous fait observer, tandis
que miss Vaughan s’explique avec le dessinateur, l’étrange flamme que jettent
ses yeux. A vrai dire, ces yeux-là sont peu communs, tantôt bleu de mer, tantôt
jaune d’or très vif. Le docteur nous rapporte à voix basse quelques-unes de ses
observations sur les lucifériennes qui jouissent, comme miss qui est là, de la
faculté d’extase diabolique, qu’il ne faut pas confondre avec les crises
d’hystérie, ni avec la possession ordinaire, telle qu’elle est bien connue par
les cas officiels d’exorcisation ; ces démoniaques-là, parait-il, font une
simple invocation à leur « daimon protecteur » (celui de la sœur Diana serait
Asmodée), et aussitôt elles tombent comme mortes ; elles restent dans cet
état jusqu’à quatre heures consécutives, vivant d’une autre vie, disent-elles
lorsqu’elles se raniment : cela est pour elles un jeu, une volupté, nous
ajouterons, une joie vraiment infernale ; et c’est là, nous dit le
docteur, une caractéristique de la possession dite à l’état latent. Le docteur
affirme même que ces lucifériennes s’élèvent souvent à une certaine distance du
sol, durant l’extase diabolique, et semblent soutenues, bercées dans l’espace
par des esprits invisibles.
Mais nous sommes venu, non pour assister à
des expériences de satanisme, qui d’ailleurs n’ont lieu qu’en présence
d’initiés, mais pour recueillir des informations sur la grande querelle entre
Adriano Lemmi et les partisans de Charleston.
Justement, miss Vaughan prie les diverses
personnes qui se trouvent dans le salon d’accepter une invitation à déjeuner
avec elle. « Ce sera, nous dit-elle, le meilleur moyen de causer, tous
ensemble. » Nous acceptons.
Dans ce déjeuner-interwiew, nous n’avons pas
appris tout ce que nous aurions voulu savoir ; mais nous connaissons maintenant,
du moins, les bassesses et la complète indignité du pape des francs-maçons.
Malgré toute son habileté, qui nous semble hors de pair, miss Vaughan, pressée
de questions, a laissé échapper devant nous bien des mots qui nous ont donné la
clef de plusieurs mystères.
Nous savons ainsi que, d’après la statistique
la plus récente dressée par le Directoire Administratif de Berlin, l’effectif
général de la maçonnerie universelle a augmenté de plus d’un demi-million
d’adeptes en douze ans (de 1880 à 1892), et que, là-dessus, l’augmentation des
frères maçons est de 404 044 individus, et celle des sœurs maçonnes, de 149 096
individus ; ce qui témoigne une recrudescence énorme dans les ateliers
androgynes. Nous en concluons donc qu’il y a là un très grand danger.
En 1880, le nombre total des loges existant
sur la surface du globe, s’élevait à 137 065 ; pour 1892, le Directoire
Administratif de Berlin a constaté, cette année-ci, d’après les rapports des
Suprêmes Conseils et Grands Orients, que ce nombre total des loges s’est élevé
à 141 425. Il n’y a donc eu, en douze ans, qu’une augmentation de 4 320
ateliers-souches, et, comme l’augmentation par adeptes (chiffres exacts) est de
553 140 individus, il s’ensuit qu’en moyenne les loges existantes sont très
prospères, en dehors même des nouvelles loges créées.
Tout en étant démissionnaire (et encore
l’est-elle bien irrévocablement ?), miss Vaughan mettait un certain
orgueil à citer ces chiffres. Le docteur Bataille, qui l’a revue après nous,
n’a pas eu de peine à se faire donner le détail de la statistique des adeptes
en état d’activité, pour l’année 1892, et il a bien voulu nous communiquer le
tableau suivant, résumant les relevés officiels de la secte :
Nombre des Frères
Maçons :
Etats-Unis d’Amérique……………………….…5 805 320
Autres républiques américaines et
Canada……...4 581 208
Cuba et Porto-Rico………………………………....19 717
Asie et Océanie…………………………………....675 953
Afrique, y compris l’Egypte……………………..…87
882
Europe………………………………………..….7 966 148
Total des Frères……………………………..….19 136
228
Nombre des Sœurs Maçonnes………………...…2 725 556
Total général des adeptes…………………….…21 861
784
Sur la question des capitaux dont la secte
dispose, nous avons eu plus de difficultés à arracher à miss Vaughan quelques
chiffres. Evidemment, elle s’était fixé, au préalable, jusqu’où iraient ses
confidences et tenait surtout à nous armer contre Lemmi. « Les ennemis de
Lemmi sont mes amis », tel avait été son premier mot quand nous engageâmes
la conversation. Aussi, cherchait-elle à se dérober, chaque fois que nous
voulions l’entraîner sur un autre terrain.
« _ Non, messieurs ! Sur ceci, je
n’ai rien à vous dire. »
Nous insistions, notamment au sujet du
palladisme ; mais en vain.
« _ Vous n’obtiendrez rien de moi. Je
vous en prie, parlons d’autre chose… On m’a dit que le Pape désire acquérir le
palais Borghèse, pour en expulser Lemmi ; il fera bien. Je voudrais le
voir chassé de partout, sans feu ni lieu ; cet homme est la honte de
l’humanité. »
Lemmi peut se vanter d’avoir en miss Diana
quelqu’un qui le déteste cordialement. Chaque fois qu’elle prononce son nom,
c’est avec un mépris indéfinissable.
Par contre, elle ne parle de feu Albert Pike
qu’avec une véritable vénération.
« _ Etait-il bien, de sa
personne ? » lui demandons-nous.
« _ Oh ! Oui, répond-elle ; un
grand et beau vieillard. Et la belle tête ! Avec sa grande barbe blanche
et ses beaux longs cheveux blancs ! Une tête de patriarche !... Et
pas un exploiteur, lui ! Tout à sa mission ! L’homme de tous les
dévouements !... »
En disant cela, elle renversait la tête en
arrière et levait ses yeux, comme si elle plongeait son regard dans une vision
qui nous échappait.
« _ Vous regardez vers le ciel ? »
lui disons-nous brusquement.
« _ Mon ciel n’est pas le vôtre ! »
nous riposte-t-elle avec la même brusquerie.
Nous revenons sur la question des
« métaux ». Le docteur essaie de la faire parler, en la piquant par
l’ironie.
« _ Voyons, miss, lui dit-il, qu’est-ce
que ça peut vous faire de causer de cela ? Nous savons bien à peu près ce
qu’il en est. Dans la scission projetée par les partisans de Charleston, le
fond du sac, c’est le un-pour-cent du prélèvement général qui est attribué à la
direction suprême. Vos amis ne veulent pas abandonner le droit au maniement des
millions qui vont au Sanctum Regnum ?... Allons, avouez-le, c’est cela,
rien que cela ! »
Elle ne répond rien et se contente de
sourire.
« _ Le total des collectes annuelles,
continue le docteur, s’adressant à nous, s’élève parfois jusqu’à quatre
millions... »
« _ Et plus ! » fait miss Vaughan,
se décidant à parler cette fois.
« _ Là-dessus, poursuit le docteur, les
Suprêmes Conseils et les Grands Orients perçoivent en moyenne le
trente-pour-cent sur les ateliers de leur juridiction, et dans quelques pays
ils n’en sont guère plus riches pour cela. Mais le un-pour-cent que les chefs
de centres prélèvent pour l’envoyer à la direction suprême, à l’insu des loges,
tout en passant inaperçu dans les comptes particuliers de chaque juridiction,
forme un total énorme, puisqu’il frappe la recette générale brute... Trente-six
millions par an pour le budget du palladisme... Voyons, miss, n’est-ce point
cela ? Je le répète : trente-six millions. »
« _ Et plus ! » murmure encore l’ex-grande-maîtresse
de New-York.
C’est tout ce que nous avons pu obtenir
d’elle sur ce chapitre.
Heureusement, sur d’autres points, miss
Vaughan a été plus loquace, et nous pourrons, de temps on temps, jeter la
lumière sur bien des événements qui parfois paraissent incompréhensibles. La
sœur Diana ne nous a demandé le secret sur rien de ce qu’elle nous a dit.
« _ Les coquineries de Lemmi n’ont pas à
être protégées par le serment de discrétion, nous déclare-t-elle ; si ce
sont-là des armes pour vous, peu m’importe ! La probité avant tout !
»
Nous lui disons encore :
« _ Vous êtes l’ennemie jurée du
Vatican ; pourtant, vous ne le connaissez pas. »
« _ En effet, je ne suis allée à Rome
que deux fois, pour affaires (sic), et le Vatican ne m’a certes point attirée.
Du reste, je n’aime pas l’Italie ; à chacun de mes deux voyages, j’ai eu
hâte d’en partir le plus tôt possible. J’aime la France, et l’Italie hait la
France. Un peuple de mendiants, les Italiens ! Mais New-York et Paris,
voilà les deux villes que j’aime. »
Prévoyant le cas où elle aurait à retourner à
Rome et où nous nous y trouverions en même temps, nous nous risquons à lui
proposer de rendre visite à quelque prince de l’Eglise, espérant que la
curiosité pourra l’amener à vaincre ses préjugés. Nous lui nommons un cardinal,
qui nous honore de son amitié.
« _ Me rencontrer avec un
cardinal ! Nous réplique-t-elle ; moi, aller chez un cardinal ?…
Oh! non, cela, jamais ! »
Lorsqu’on nous eut servi le café, miss
Vaughan fit apporter des liqueurs ; elle demanda de la fine champagne et
de la chartreuse. Détail significatif : elle ne toucha pas à cette liqueur
et prit même plaisir à nous en servir, comme une malice d’enfant
espiègle ; quant à elle, elle but du cognac dont le velouté dénonçait
l’extrême vieillesse. L’hostilité envers l’Eglise, poussée jusqu’à l’abstention
de la liqueur des Chartreux, voilà qui est typique.
Nous en fîmes l’observation, en riant.
« _ Une liqueur adonaïte, dit la
luciférienne ; cela n’est pas pour moi. »
En résumé, cette longue entrevue nous a
laissé perplexe. Il nous parait évident qu’une scission dans la
haute-maçonnerie est inévitable ; mais qu’en résultera-t-il ?...
Il n’y a pas lieu non plus de nous réjouir de
la démission de miss Vaughan, même si elle est maintenue jusqu’au bout. Les
scissionnistes organiseront un palladisme indépendant ; la sœur Diana fera
une chapelle luciférienne à part ; mais Satan continuera son horrible
moisson d’âmes.
Quant à nous, nous avons voulu voir, et nous
avons vu ; nous connaissons à présent l’état d’esprit d’une
luciférienne ; nous savons ce qu’est, hors triangle, une sœur de la
haute-maçonnerie. Voilà une femme supérieure, certes ; eh bien, elle n’en
est que plus dangereuse. Nous avons eu en face de nous, pendant plus de deux
.heures, l’erreur sous sa forme la plus contraire à notre foi, c’est-à-dire une
adepte fanatique du culte secret rendu à Lucifer, considéré comme esprit de
lumière, comme vrai Dieu, comme principe du bien !
Ce n’est pourtant pas à la table d’une folle
que nous nous sommes assis ; c’est bien avec une personne en pleine
possession de ses facultés mentales que nous avons conversé. Mais, s’il n’y a
pas folie, dans le sens médical du mot, il y a, par contre, au sens religieux,
aveuglement complet, renversement absolu de toutes les idées admises. Aussi,
n’est-ce pas sans terreur que nous voyons couver dans l’ombre cette religion
infernale des arrière-loges, ce culte du gnosticisme néo-manichéen, attendant
l’occasion propice pour s’épanouir au soleil à la suite de quelque atroce bouleversement
social.
Les périodes de tempête irréligieuse ont
toujours été précédées de signes précurseurs, semblables à ceux que nous
constatons aujourd’hui. Faisons la veillée des armes, le rosaire à la main.
En ce qui concerne particulièrement cette
pauvre Diana Vaughan, nous ne saurions mieux conclure qu’en rapportant les
paroles de M. le docteur Bataille, alors que nous revenions ensemble :
« Elle a, du moins, un grand mérite,
nous disait-il : elle n’est pas gangrenée, comme la plupart des
autres ; son erreur provient de l’éducation insensée qu’elle a reçue de
son père, protestant haineux. S’il est vrai qu’il faille un miracle pour la
convertir, ce miracle, Dieu le fera peut-être. Jamais, dans un triangle
palladique, elle n’a voulu consentir à profaner une hostie, et ses chefs, qui
tenaient à elle comme propagandiste, ont dû la dispenser des épreuves
sacrilèges. Sans doute, il lui sera tenu compte de cela là-haut. »
Commandeur Pierre Lautier,
Président général de l’ordre des Avocats de
St-Pierre. »
Nos lecteurs savent que, dans ces derniers
temps, on a cherché à créer une confusion dans les esprits, au sujet des hautes
fonctions maçonniques remplies par l’illustrissime F.˙. Albert Pike,
décédé en Lucifer le 2 avril 1891.
Cependant, il n’y avait pas à s’y tromper.
A cet égard, notamment, la Croix de Reims,
peu après l’élection de Lemmi à la suprême grande-maîtrise de la secte, publia
des renseignements on ne peut plus clairs et précis. Les voici[28] :
« Feu Albert Pike cumulait trois
fonctions dans la haute-maçonnerie, et sa succession a été répartie entre trois
personnes :
1° Comme souverain pontife de la maçonnerie
universelle, chef suprême du directoire dogmatique luciférien, Pike a eu pour
successeur le sieur Albert-Georges, ingénieur, fils naturel du docteur Gallatin
Mackey, lequel passe aux yeux des initiés pour le neveu du docteur et porte
abusivement le nom de Albert-Georges Mackey. Cette nomination comme successeur
à ce poste, a été connue de S. G. Mgr Meurin, qui l’a révélée au public profane
bien avant la publication de l’ouvrage du docteur Bataille, et son
renseignement, très fidèle, n’a jamais été contesté. Albert-Georges, luciférien
incapable, vient d’être remplacé par Lemmi.
2° Comme souverain directeur du grand
consistoire central pour l’Amérique du Nord, Pike a eu pour successeur le sieur
Macdonald Bates, rentier, qui était auparavant son directeur-adjoint à ce même
consistoire et qui était entré au sérénissime grand collège des maçons émérites
en remplacement du sieur Thomas Tullock. Macdonald Bates est aussi luciférien
ou palladiste.
3° Comme grand commandeur grand-maître du
suprême conseil du rite écossais pour les Etats-Unis d’Amérique (juridiction
sud), Pike a été remplacé par le sieur James Cuningham, dit James Batchelor,
médecin, entré au suprême conseil écossais en 1859. James Batchelor n’est pas
luciférien, bien qu’il ait fait partie de la loge Euréka de la
Nouvelle-Orléans, au sein de laquelle il y a un triangle.
Voilà qui est clair et doit empêcher désormais
tout quiproquo.
Rhemus. »
Ces lignes terminaient un article intitulé l’Anti-Pape
Luciférien et consacré en grande partie à Lemmi. C’est dans cet article que
Rhemus a donné, le premier, l’extrait d’acte de baptême du renégat enjuivé
aujourd’hui vicaire de Satan.
Cet article fut reproduit par toute la presse
catholique, et notamment par la Croix Angevine d’Angers.
Veut-on savoir comment la Vérité[29]
s’y prit pour mettre à profit les renseignements de Rhemus concernant l’acte de
baptême d’Adriano Lemmi, tout en cherchant à entretenir la confusion au sujet
de la succession d’Albert Pike ?
Elle employa un « truc » où éclate toute sa
mauvaise foi.
L’article de Rhemus fut scindé en deux. La
première partie, celle relative au baptême de Lemmi, fut servie aux lecteurs
comme reproduction de la Croix de Reims, sous le titre F.˙.
Lemmi Le Converti. La seconde ne fut pas donnée telle qu’on vient de la
lire ci-dessus (ce qui aurait permis aux lecteurs de se rendre exactement
compte des trois fonctions si distinctes de feu Pike) ; mais, dans un
autre article, intitulé Polémiques sur le diable, on feignit d’attribuer
à la Croix Angevine ce que Rhemus avait dit de Batchelor, on laissait
croire que Batchelor fut le seul et unique successeur d’Albert Pike, et, comme
l’article de Rhemus contenait en passant un mot désagréable pour M. Georges
Bois, celui-ci tança vertement la Croix Angevine, qui cependant n’avait
fait que reproduire la Croix de Reims et qui le disait expressément en
tête de sa reproduction.
Les deux Polémiques sur le diable et
F.˙. Lemmi le converti sont tous les deux, l’un à la suite de l’autre,
dans le même numéro de la Vérité, numéro portant la date du jeudi 26
octobre ; et comme ils proviennent tous deux de coupures faites dans la Croix
Angevine, expliquant qu’elle reproduit la Croix de Reims, il est
absolument certain que M. Georges Bois, signataire des deux articles de la Vérité,
savait très bien qu’il attaquait à tort la Croix Angevine ; mais il
recourait à ce procédé digne de lui, pour perpétuer le quiproquo sur la
question Pike-Mackey-Batchelor, tout en utilisant le document de Rhemus sur le
baptême de Lemmi.
Le lendemain, la Vérité[30]
feignait de s’être trompée la veille et publiait la note suivante sous la
signature de son directeur :
« Nous avons attribué hier à la Croix
Angevine un article que, sans doute, elle avait fait sien, mais qui a paru
tout d’abord dans la Croix de Reims. Une petite note, qui nous avait
échappé à première lecture, en avertissait le lecteur.
C’est donc à la Croix de Reims qu’il
convient de rendre la paternité d’un article où l’on accuse si délibérément de
mauvaise foi habituelle notre excellent ami et collaborateur, M. Georges Bois,
parce qu’il a l’audace grande, avec une entière sincérité et selon son
droit, de discuter sérieusement la véracité de certains récits extraordinaires.
Quand on a l’honneur d’écrire dans un journal
qui porte le crucifix en tête de ses colonnes, il semble que la contemplation
de ce divin modèle devrait préserver de si discourtois et iniques procédés.
Auguste Roussel. »
Quiconque voudra constater la parfaite déloyauté du journal la Vérité
n’aura qu’à se procurer les deux numéros en question (ceux du 26 et du 27 octobre
1893) et demander, en même temps, à la Croix Angevine, le numéro où elle
reproduisait l’article de la Croix de Reims.
M. Georges Bois et son directeur sont ainsi
pris la main dans le sac.
Et c’est la Vérité qui ose parler de
procédés discourtois et iniques ?… Franchement, c’est de l’aplomb !
Le nouvelliste de l’Ouest, a publié, dans son numéro du 12
janvier1894, une intéressante lettre que son directeur dit tenir « d’une
personne sérieuse qui est allée interviewer le docteur Bataille ».
Voici cette lettre :
« Monsieur le rédacteur,
Je crois que vous seriez agréable à un certain nombre de vos lecteurs
en leur faisant connaître le témoignage que je viens vous apporter en faveur du
docteur Bataille, l’auteur de la publication si répandue déjà et si critiquée, le
diable au XIXe siècle. Un de mes amis m’ayant rendu compte d’un entretien
qu’il avait eu avec ce docteur, à un voyage qu’il eut occasion de faire à
Paris, je lui ai demandé la permission de livrer sa lettre à la presse, ce
qu’il m’a permis. Voici donc sa lettre telle qu’il l’a définitivement retouchée
:
« J’arrivai, non sans peine, à découvrir l’adresse du docteur. A
la librairie Delhomme et Briguet, où il reçoit le lundi dans la matinée, on
m’avait répondu qu’il était pour le moment absent de Paris. Je sus là son nom
sans la moindre difficulté. Ayant vu ensuite un ecclésiastique éminent du
clergé de Paris (le chanoine Brettes), qui me parla en termes enthousiastes de
l’ouvrage et de l’auteur, lequel il connaissait très bien et auquel il avait
même communiqué quelques enseignements, je conçus plus que jamais le désir de
voir le docteur lui-même.
Le lendemain de ce jour, j’eus l’occasion de me convaincre qu’à Paris,
le clergé connaît très bien, au moins de son nom véritable, le docteur
Bataille. J’arrivai aussi à connaître son adresse, et je pus le voir lui-même
dès le soir, car il était de retour de son voyage.
Je crois bon de vous dire que, les circonstances ayant voulu que
j’attendisse quelque temps à la porterie, j’en profitai pour demander quelques
renseignements à la portière, personne distinguée, et ne répondant point au
type reçu.
Elle me dit que le docteur était un homme très religieux, que même elle
s’était demandée plusieurs fois comment il ne s’était pas fait prêtre (sic),
que beaucoup d’ecclésiastiques venaient le voir, qu’il avait beaucoup voyagé
dans sa vie, qu’il écrivait dans un journal illustré. Attendant vainement
qu’elle touchât à la question du Diable au XIXe siècle, j’en dis un mot.
Elle n’en avait point entendu parler.
Enfin le docteur arrive. Ce n’est pas sans émotion que je vois paraître
cet homme qui, à en croire ses récits, avait été mêlé à tant de manifestations
surnaturelles. C’est un homme grand, à l’apparence robuste, un peu
grassouillet. Il vous reçoit avec bonté et avec beaucoup de simplicité. On est
à l’aise avec lui et il vous parle en ami. On voit que c’est un marin, qui a
l’habitude d’y aller rondement. Son langage manifeste une foi vive et
chevaleresque. Il y a dans son caractère un touchant mélange d’intrépidité et
de candeur dans la docilité à l’égard de l’Eglise. C’est un homme à
l’imagination puissante, mais, en même temps, j’en suis convaincu, doué d’un
sens très droit, d’un grand discernement et d’une très belle intelligence.
Je lui fais observer qu’on regrette qu’il ait adopté pour sa
publication une forme si romantique et familière aux plus vulgaires productions
de la presse. Il m’a répondu qu’il avait précisément choisi ce mode de
publication pour répandre plus sûrement, parmi toutes les classes de lecteurs,
la connaissance du Palladisme. « Si j’avais fait une œuvre de savant, je
n’aurais point été lu. »
« _ Pourquoi persistez-vous à cacher votre nom ? »
« Eh ! M’a-t-il répondu, c’est le secret de Polichinelle ; mon nom,
tout le monde le connaît ; voyez vous-même comme vous avez su le trouver. On
persiste à me le demander, et je m’obstine à ne pas le publier. »
(On m’a expliqué ailleurs que le docteur redoute d’être assiégé par les
curieux.)
Je lui dis encore :
« _ Vous ouvrez un nouvel
horizon aux études maçonniques. »
Il m’a répondu simplement :
« _ Non ; j’apporte seulement des faits qui prouvent l’existence de ce
qui n’avait été jusqu’ici que soupçonné. »
Dans le cours de l’entretien, le docteur me montre des pièces
constatant qu’il est inscrit comme médecin aux Messageries maritimes. Il me
fait voir également un article d’une revue scientifique traitant d’un animal
qu’il a découvert au moyen de dragages dans le cours de ses voyages, et auquel
on a donné son nom.
Il ne paraît pas s’inquiéter beaucoup de l’accueil que reçoit son
ouvrage. Il sait que penser de ceux qui le combattent dans le Monde et
la Vérité. Une seule attaque l’a peiné, c’est celle qui venait de la
part d’un membre du clergé. (Il s’agit de la critique si injuste et si déplacée
de M. Delassus, directeur de la Semaine Religieuse de Cambrai, qui, à la
parole du docteur Bataille, n’a pas craint d’opposer, comme celle d’un honnête
homme, la parole de l’assassin F.˙. Cadorna[31].)
Il a la conviction de rendre service à la religion en portant la
lumière sur les agissements d’une association ténébreuse qui tend à se
substituer à la franc-maçonnerie vulgaire, et dont la malice et l’impiété
atteignent les dernières limites.
Voici, je crois, quelques-unes des raisons pour lesquels tant de bons
esprits ont de la peine à ajouter foi aux récits du Dr Bataille… »
Depuis fin1893, le vrai nom du docteur Bataille (Charles Hacks) a été
publié dans la presse.
« Afin de ne pas être soupçonnés, ils se donnent volontiers pour
adversaires de la franc-maçonnerie ; à l’occasion, ils en disent du mal,
ou ils écrivent contre elle, si leur mission doit s’exercer dans la presse.
Mais on aura vite remarqué que leurs attaques sont de celles qui sont
indifférentes à la secte. Ils l’attaquent, par exemple, sur la question
politique ; ils révèlent uniquement l’action parlementaire, que les loges
ne cachent plus depuis longtemps. Alors, on les crois anti-maçons, et on leur
accorde confiance dans le monde catholique. Seulement, quand il y a des
révélations gênantes pour la maçonnerie, comme ce qui touche aux loges de
femmes ou bien ce qui dévoile l’organisation centrale supérieure, aussitôt ils
prennent feu et ils crient à l’exagération, à l’imposture ; ils font tout
ce qu’ils peuvent pour détruire l’effet de la dénonciation publique des
manœuvres secrètes les plus dangereuses pour la société chrétienne ; car,
avec les sœurs maçonnes, tenues rigoureusement inconnues, la secte agit
jusqu’au foyer des familles, pour démoraliser, et, d’autre part, l’organisation
centrale supérieure, c’est-à-dire le Rite Suprême ou Palladisme, est la
véritable puissance, et la plus formidable, de la franc-maçonnerie. »
(Margiotta Domenico, Souvenirs d’un
trente-troisième. Adriano Lemmi chef suprême des Francs-Maçons, Delhomme et
Briguet, Paris, Lyon, 1894, page 181.)
Voici un article paru dans le numéro du 12
janvier 1894 de la Revue Catholique de Coutances du chanoine
Mustel :
« M. Paul Rosen s’est montré, dès le
premier jour, l’adversaire le plus acharné du docteur Bataille. C’est de lui
qu’on peut dire : « Pour le perdre, il n’est pas de ressort qu’il
n’invente. » Tantôt, comme à Lille, il s’abouche avec les hommes dont il
espère que l’opinion, s’il peut l’inspirer, s’infiltrera naturellement dans
l’esprit des catholiques militants ; il donne le nom véritable de
l’auteur, en insinuant que ce doit être un docteur allemand, si tant est qu’il
soit docteur, qu’en tout cas il n’est qu’un prête-nom, un homme de paille, et
que le véritable auteur du Diable au XIXe siècle est Léo Taxil, lequel,
bien entendu, au dire de M. Rosen, ne mérite aucune créance, ne veut que gagner
de l’argent en exploitant les catholiques per fas et nefas, de sorte que
l’ouvrage qui paraît sous le nom du docteur Bataille n’est qu’un roman absurde,
faux de tous points.
Tantôt il écrit, sous n’importe quel
prétexte, aux hommes qui s’occupent des questions maçonniques, dans le but
évident et bientôt avoué de combattre auprès d’eux, par des moyens analogues,
les révélations du docteur et tout ce qui s’y rapporte.
Malheureusement pour lui, M. Paul Rosen est
aussi maladroit qu’audacieux. Il m’en a amplement fourni la preuve.
Le premier prétexte qu’il imagina pour
m’écrire était d’une absurdité enfantine. Je me serais présenté en m’autorisant
de son nom, - à lui, Paul Rosen que je ne connaissais pas du tout, - chez M.
Léo Taxil, avec lequel j’entretenais depuis plus de deux mois une
correspondance suivie, intime, confidentielle !
Il avait tout simplement appris que, dans une
visite à M. Léo Taxil, j’avais parlé de lui et obtenu la confirmation, avec
références dignes de toute confiance, des renseignements que j’avais reçus du
comité anti-maçonnique de Paris.
Néanmoins, cet intrépide avertisseur
s’empressa de m’envoyer coup sur coup quatre nouvelles lettres, - que j’ai
gardées, - pour me prévenir : 1° Que Sophia Walder n’existait pas, et que
j’étais le jouet d’un « fumiste mâle », lequel était, - il fallait s’y
attendre, - M. Léo Taxil. – 2° Que « le Suprême Directoire Dogmatique » de
Charleston « n’existe pas ». – 3° Que « le Grand Collège des Maçons
Emérites n’existe pas. » - 4° Que « le Rite Palladique n’a aucun rapport
avec la F.˙. Mac.˙. et est un groupement où, sous couleur de Spiritisme,
on fait du naturalisme, et qui est conduit par des fumistes qui on tirent
profit (pornographiquement et autrement). » - 5° Enfin que « le seul Mackey
ayant eu des rapports avec Pike et avec le Rite Ecossais de la Juridiction Sud
des Etats-Unis est le défunt docteur-médecin qui a été Grand Secrétaire Général
du Suprême Conseil depuis 1844 jusqu’à sa mort, et pas autre chose que Grand
Sociétaire ».
De plus, je savais que, d’après M. Paul
Rosen, le seul successeur d’Albert Pike était le F.˙. Batchelor, et que
les lettres de Sophia Walder, reçues par moi, étaient de l’écriture de Léo
Taxil. C’est, du reste, ce qu’il a dit à un de mes amis que j’avais chargé de
consulter chez lui, 9, rue Chappe, les « documents probants », les
« preuves faisant foi » qui n’étaient pas, me faisait-il remarquer
« des simples dires, mais des réelles preuves matérielles authentiques »,
qu’il mettait chez lui à ma disposition.
Je n’avais besoin de consulter aucun des « documents
de M. Rosen pour savoir que celui-ci me prenait pour un imbécile, ou, si l’on
veut, pour un naïf et un ignorant di primo cartello. Je n’étais, grâce à
Dieu, ni si bête ni si mal renseigné qu’il me faisait l’injure de le croire. Je
n’en demandai pas moins à l’un de mes amis, très intelligent et que j’avais
prévenu, d’aller chez lui et de lui demander la production de ses fameuses «
preuves matérielles authentiques ».
Je savais à l’avance ce qu’elles étaient, M
.Rosen n’ayant pu prendre sur lui d’en dissimuler le caractère. C’étaient
purement et simplement les livres et cahiers plus ou moins secrets - en tout
cas, connus depuis longtemps, - du Rite écossais, l’un des Rites les plus
importants de la franc-maçonnerie, mais simplement l’un des Rites. Or, comme
tous les autres, ce Rite dépend du Suprême Pontificat maçonnique, tel que l’a
établi Albert Pike, et il est absolument distinct et différent du Palladisme,
qui, sans être composé uniquement de Francs-Maçons, domine et gouverne, non
seulement l’Ecossisme, mais tous les Rites et toutes les Puissances dont se
compose la Franc-Maçonnerie universelle. C’est ce que je savais longtemps avant
les révélations du docteur Bataille. J’avais suivi avec attention et j’avais
compris, du moins en grande partie, les précieuses révélations données
naïvement par le F.˙. Hubert, dans la Chaîne d’Union, - que les
francs-maçons ont tuée, parce qu’elle nous instruisait trop ; - j’avais lu
le beau livre de Mgr Meurin. Je savais donc : 1° que Albert Pike n’était pas
seulement un des chefs de l’Ecossisme, - Président de la Juridiction Sud, -
mais le chef de la Franc-Maçonnerie Universelle, ayant sous son obédience tous
les Rites, même le Rite français qu’il avait excommunié, - et je connaissais le
texte de son excommunication que j’avais publié, aussi bien que la fameuse
encyclique par laquelle il défendait de donner à Lucifer, le Dieu Bon, le nom
maudit de Satan, l’Ange déchu. Je savais donc que M. Paul Rosen ou était,
quoique 33e, dupe des mensonges de ses FF.˙., - ce qui me semblait
difficile a admettre, - ou mentait avec l’effronterie d’un arracheur de dents.
J’en avais une autre preuve matérielle, aussi
claire que le jour. Il prétendait, nous l’avons dit, que les lettres de Sophia
avaient été écrites par M. Léo Taxil, et que les deux écritures se
ressemblaient. Or, il est impossible d’émettre une assertion plus évidemment
fausse. Il n’y a entre les deux écritures pas la plus légère ressemblance, ou
bien il faut dire que les caractères d’imprimerie des éditions Lebel, de Versailles,
sont des caractères elzéviriens, ou encore qu’il n’y a nulle différence, quant
à l’impression, entre les éditions liturgiques de Pustet, de Ratisbonne, et
celles de Tournai, de Matines ou de Reims. Il suffît d’émettre et plus encore
de soutenir une affirmation de ce genre pour être complètement disqualifié.
Or, toutes les assertions de M. Rosen, que
nous avons rapportées, en nous servant de ses propres termes, sont aussi
manifestement mensongères et insoutenables. Ainsi : l° Il est avéré que,
depuis la mort du docteur-médecin Mackey, un autre personnage, fils naturel du
premier, mais que celui-ci faisait passer pour son neveu, Albert-George, dit
Mackey, a fait partie du « Sérénissime Grand Collège des Maçons Emérites»
(lequel existe parfaitement, quoiqu’en dise M. Rosen), puis est devenu, à la
mort d’Albert Pike, son successeur, non pas, il est vrai, comme chef du Suprême
Conseil du Rite Ecossais pour la Juridiction Sud des Etats-Unis, ni comme
Président du Grand Directoire central pour l’Amérique du Nord, mais comme
Président du Suprême Directoire Dogmatique de Charleston, ou comme Pape de la
Franc-Maçonnerie Universelle. C’est en cette qualité qu’il avait envoyé à Rome
sa démission avant la réunion du 20 septembre au Palais Borghèse. Cependant
nous croyons savoir qu’Albert-George, dit Mackey, qui vit, et dont nous avons
eu l’adresse entre les mains, il y a quelques jours, ne se serait pas rallié au
nouveau Souverain-Pontife maçonnique, Adriano Lemmi. Lui et les autres
dissidents feront parler d’eux prochainement ; nous le savons encore et
nous pouvons l’annoncer en toute certitude.
Quant a Batchelor, le prétendu successeur du
Pape maçonnique Albert Pike, il ne remplaça celui-ci que dans la moindre de ses
trois charges, ainsi que nous l’avons dit. Il est mort au mois de juillet
dernier. Voici la note que lui consacre le Bulletin du Suprême Conseil :
« James Cuningham Batchelor descendait d’une famille écossaise établie à Québec
(Canada). Il naquit dans cette ville, le 18 juillet 1818. Le Suprême Conseil de
la juridiction Sud (Etats-Unis), le choisit pour Lieut.˙. Gr.˙.
Comm.˙. le 22 juillet 1878, en remplacement du T.˙. Ill.˙.
F.˙. Jean-Robin-Mac Daniel, décédé le 14 mai précédent, et le 18 octobre,
Batchelor fut élu Lieut.˙. G.˙. Comm.˙. ad vitam.
Quand 1’Ill.˙. F.˙. Albert Pike,
Gr.˙. Comm.˙. du Sup.˙. Cons.˙. depuis le mois de novembre
1851, sentit venir la mort, il appela le F.˙. Batchelor et lui remit la
direction de l’Obédience ; il remplit cette fonction jusqu’à la mort du
regretté Pike, au mois d’avril 1891 ; et le 17 octobre 1892, il fut élu
Gr.˙. Comm.˙. ad vitam (septembre-octobre 1893, p. 163). »
James Cuningham, dit Batchelor, médecin,
n’était pas luciférien ni palladiste. Le Souverain Directeur du Directoire
central de l’Amérique du Nord, un des quatre Directoires centraux entre
lesquels se partage le gouvernement de la Maçonnerie universelle, sauf la
Maçonnerie chinoise, est, depuis la mort d’Albert Pike, le F.˙. Mac-Donald
Bates, membre du sérénissime Collège des Maçons Emérites (lequel, selon M.
Rosen, n’existerait pas), et par conséquent luciférien et palladiste.
Nous ne suivrons pas M. Rosen sur tous les
points que nous avons signalés. Cette question ne prend déjà que trop de
développements. Il nous suffira de montrer comment il essaya de se donner
raison auprès de notre obligeant mandataire. Ce fut très simple, et nous
l’avions prévu. Pour prouver qu il n’y a pas de Triangles palladiques dans la
Franc-Maçonnerie, il exhiba les livres, peu secrets, du Rite Ecossais. C’était
enfantin. Autant vaudrait produire les statuts de la Confrérie du Rosaire pour
établir que l’Ordre des Franciscains n’a jamais existé dans l’Eglise. Mais
aujourd’hui, nier le Palladisme ou prétendre qu’il est étranger à la
Franc-Maçonnerie, après les révélations de Mgr Meurin, celles de Rhémus, et les
aveux des feuilles maçonniques, ce serait tellement audacieux, que M. Rosen
lui-même ne l’oserait plus - Qu’il nous suffise d’emprunter à une note du Bulletin
maçonnique d’octobre 1891, citée par Rhémus dans le premier numéro de la Revue
mensuelle, l’indication suivante relative aux progrès de la secte en
Espagne : « Au moment de la constitution du G.˙. Conseil. actuel,
elle (la Franc-Maçonnerie) comptait 8 Loges supérieures, 136 ateliers avec 2
966 maçons. Depuis cette époque, elle s’est accrue considérablement par
l’admission de : 1 Chambre de 30es, 12 Chapitres, 30 Loges symboliques, 2 Loges
d’adoption et dix-huit Triangles »[32]
- Les Loges symboliques comprennent les francs-maçons ordinaires, jusqu’au
grade de Maître ; - les Chapitres sont les ateliers de Rose-Croix ; -
les Chambres, que l’on nomme on France les Aréopages sont les ateliers de
Kadosch ; - les Loges d’adoption sont celles où les Sœurs maçonnes travaillent
avec les Frères ; - quant aux Triangles, composés de Frères et de Sœurs,
ce sont les réunions palladiques. Sur ce point, aucun doute n’est possible.
Il nous resterait, pour faire la pleine
lumière, à dire ce qu’est M. Rosen. Mais la question est scabreuse. M. Rosen a
publié sous son nom deux ouvrages antimaçonniques, Satan et compagnie et
l’Ennemie sociale. Ces ouvrages sont pleins de documents que l’on
peut, pour la plupart du moins, regarder comme authentiques. Auparavant, un
ecclésiastique distingué de Paris avait publié sans nom d’auteur, mais avec des
documents fournis par le même personnage, un ouvrage très incomplet, mais
important et véridique, sous ce titre : La Franc-Maçonnerie pratique, en
deux volumes. Enfin, nous savons que, toujours par les soins de M. Paul Rosen,
un nouvel ouvrage, contre lequel nous sommes en grande défiance, doit paraître
prochainement. Le titre en sera, dit-on les Kadosch-Kadoschim. Ces
maçons d’un grade secret, complètement inconnu, auraient, comme les
Palladistes, des relations sataniques. M. Rosen n’écrit pas et, cela dans le
sens le plus rigoureux du mot. Ses amis même n’ont jamais vu, parait-il, son
écriture ; nous avons essayé en vain de nous en procurer un spécimen. Y a-t-il
là, comme on le croit volontiers, quelque mystère ?
En quel pays M. Rosen a-t-il vu le
jour ? Le nom qu’il porte est-il celui de son acte de naissance ? Ces
questions ont été publiquement faites, mais en vain.
Dans les lettres qu’il nous a adressées, M.
Rosen écrit pieusement : « Notre T. S. P. le Pape » ; « Notre Mère la
Sainte Eglise » ; il se montre très honoré et tire grand argument de ce qu’il a
obtenu un Bref pontifical et une lettre du cardinal Rampolla[33]
pour ses livres ; mais un homme qui le connaît fort bien, l’a fréquenté et
le fréquente encore, quoiqu’il se défende d’avoir jamais eu avec lui d’autres
rapports que ceux d’un client avec un marchand de livres, m’écrivait récemment
: « Je sais qu’il est juif, que lui-même s’en vante très volontiers, et qu’il
vend ses livres à ceux qui les paient, catholiques ou non. »
Tous ceux, et ils sont nombreux, auxquels
j’ai parlé de M. Rosen, membres du comité anti-maçonnique, ecclésiastiques,
laïques, ceux même qui ont collaboré avec lui, m’ont donné la même note, que
l’un d’eux résumait ainsi, tout dernièrement, chez moi : « Je ne connais
personne qui ait confiance en lui. »
On prétend encore qu’après avoir subi une
condamnation maçonnique, suivie de son exclusion des loges, il serait rentré en
possession de ses insignes ; ce qui ne pourrait s’expliquer que par une
infraction à toutes les règles. Quel en serait le motif ?
M. Rosen a conservé des relations fréquentes
avec M. Pétrot, député de Paris et encore conseiller municipal, une des
colonnes de la franc-maçonnerie. Je sais que d’autres auteurs anti-maçonniques
continuent de voir quelques-uns de leurs anciens amis qu’ils ont connus dans
les Loges, et je ne veux tirer de ce fait aucune conclusion.
Un dernier mot : un de mes amis, un
prêtre distingué du clergé de Paris, membre actif du comité antimaçonnique
ayant proposé d’abord au docteur Bataille, puis à M. Rosen, un colloque chez
lui, le docteur accepta de suite, avec un vif empressement. M. Rosen refusa net
et se répandit, selon son habitude, en violentes injures contre l’auteur du Diable
au XIXe Siècle, dont il prononce toujours le nom avec un accent de haine
extraordinaire.
M. Rosen protestera peut-être contre ces
informations. Pour obéir à la loi, nous publierons sa protestation, à laquelle
nous ne répondrons pas. Mais nous maintenons à l’avance ce que nous venons
d’écrire d’après des sources que nous avons sérieusement contrôlées.
L.-M. Mustel. »
Quivis, dans un article de la Revue
Mensuelle, apporte les précisions suivantes :
« Nous croyons que M. le chanoine Mustel
a donné à M. Paul Rosen un peu trop d’importance comme auteur antimaçonnique.
Dans ses deux livres, M. Rosen n’a nullement
fait œuvre d’auteur, mais uniquement travail de compilateur sans même adjoindre
à ses coupures le fruit de ses observations personnelles.
Et pourtant M. Rosen aurait pu dire et
raconter beaucoup de choses. Il ne faut pas oublier qu’il a reçu l’initiation
jusqu’au 33e degré du Rite Ecossais. Bien qu’il soit un initié avec l’anneau,
c’est-à-dire un membre des hauts-grades à qui l’accès des triangles est fermé,
il a certainement assisté en personne à des séances dont la narration aurait
été du plus vif intérêt pour les catholiques.
M. Rosen, sauf erreur, doit avoir bien près
d’une soixantaine d’années, et, mêlé de bonne heure aux conspirations et aux
sociétés secrètes, il a de trente-cinq à quarante ans de maçonnerie. Il aurait
donc pu être, s’il l’avait voulu, un témoin révélateur de premier ordre.
Il s’est, au contraire, borné à rassembler en
deux volumes des extraits de divers bulletins officiels maçonniques. Il a fait
en cela ni plus ni moins ce que les auteurs profanes antimaçonniques ont fait ;
avec cette différence que ceux-ci ont été obligés de passer des années entières
à recueillir des documents, - l’œuvre du R. P. Deschamps représente trente ans
de recherches patientes et minutieuses, - tandis que M. Rosen n’avait qu’à
aller au Suprême-Conseil ou au Grand-Orient, à y copier à la bibliothèque et
aux archives ce qui lui convenait, et à acheter dans les librairies maçonniques
les livres qui ne sont pas vendus aux profanes. Le mérite, on le voit, n’est
pas grand ; encore faudrait-il que M. Rosen eût publié précisément ce qui
gêne la secte, tandis qu’il n’a mis au jour que des reproductions de recueils
maçonniques et de bulletins sur ce que les Enfants de la Veuve ne cachent plus
depuis longtemps.
Sur l’importante question des sœurs maçonnes,
M. Rosen n’a absolument rien dit si ce n’est un chiffre général sans aucune
explication.
Cependant, lui, trente-troisième, ne
pouvait ignorer les innombrables documents que notre ami A.-C. De la Rive va
publier incessamment dans son volume La Femme et L’Enfant dans la
Franc-Maçonnerie Universelle (sous presse).
Sur l’Italie, M. Rosen a servi au public
français des coupures de la Rivista della Massoneria italiana, bulletin
officiel que les profanes se procurent sans grande difficultés, et où, à raison
de cela, Lemmi n’imprime que ce qui peut ne pas demeurer caché. Presque tout ce
que M. Rosen a divulgué (?) en fait d’extraits de cette revue avait déjà été
publié, en Italie même, par la Civiltà Cattolica, journal des RR. PP.
jésuites. Bien mieux, il nous semble que, puisque M. Rosen dans son dernier
livre, était si prodigue de reproductions de circulaires de Lemmi, outrageantes
au plus haut degré pour la personne du Souverain Pontife Léon XIII (nous le ne
blâmons pas d’avoir fait connaître ces infamies), il aurait dû, en même temps,
démasquer Lemmi et publier dans son livre le texte du jugement le condamnant
pour vol, - texte que M. Rosen ne pouvait pas ignorer, puisque les
francs-maçons hostiles a Lemmi l’ont envoyé à tous les 33es résidant en Italie,
en Espagne et en France.
Donc, sur la question des révélations de M.
Rosen, il est avéré qu’elles sont loin d’avoir l’importance que quelques
organes de la presse catholique leur ont attribué, par manque de réflexion, en
oubliant de se dire que l’auteur en question aurait pu apporter à l’Eglise
autre chose que des coupures, mais un témoignage de faits vus et vécus.
Quant a dire que M. Rosen est encore juif,
nous n’irons pas jusque-là. En effet, le détracteur acharné du docteur
Bataille, l’homme qui s’est posé dès le début comme son ennemi personnel, a
raconté à plusieurs personnes que le Saint-Père Léon XIII, heureux au plus haut
point de sa conversion, avait tenu à lui administrer lui-même le sacrement du
baptême, et qu’après cette cérémonie, qui avait eu lieu au Vatican, le
Souverain-Pontife lui avait fait cadeau d’un magnifique chapelet, chef-d’œuvre
de joaillerie artistique, d’une valeur de plusieurs milliers de francs.
Il est vrai que M. Rosen, quand il raconte
son baptême par Léon XIII, ajoute ceci : Tandis qu’il se retirait, un des
prélats de la Maison du Pape, le félicitant, lui apprit que ce superbe chapelet
avait souvent été demandé, mais en vain, au Saint-Père par une princesse
romaine, que le monsignor lui nomma. « Vous comprenez qu’alors, conclut
carrément M. Rosen, je n’ai fait qu’un saut chez la princesse, et que je lui ai
vendu le chapelet, dont elle a été, ma foi, enchantée ! »
Ce trait peint bien M. Rosen, et c’est par
des récits de ce genre, dépouillés de tout artifice, qu’il a vu peu à peu
s’éloigner de lui les catholiques clairvoyants.
Mais cela n’empêche pas que nous serions bien
curieux de voir l’extrait de baptême !
Quivis. »
Voici les raisons de l’entrée de Léo Taxil comme collaborateur à la Revue
Mensuelle :
« M. Georges Bois m’ayant fait intervenir dans la mauvaise
querelle que, depuis neuf mois environ, il cherche au docteur Bataille, dont je
m’honore d’être l’ami, j’ai prié celui-ci de vouloir bien me permettre de
prendre à ma charge le soin de faire connaître son étrange et obstiné
contradicteur.
Ce sera mon entrée à la Revue mensuelle,
puisque le docteur m’a demandé d’y collaborer.
Tout d’abord, pour que les fidèles abonnés du
Diable au XIXe Siècle ne s’étonnent pas outre mesure de me voir ainsi
marcher aux côtés du docteur, quoique ayant sur un point (la question
antisémitique) des idées diamétralement contraires aux siennes[34],
je dois dire qu’il a été bien entendu entre nous que ma collaboration
n’impliquerait aucunement mon adhésion à sa manière de voir là-dessus ; je
laisserai absolument de côté cette seule question qui nous divise, et je
m’occuperai uniquement de maçonnerie, dans le sens strict.
Je ne pouvais pas, du reste, refuser de venir
combattre aux côtés de mon ami. Bataille est un ancien camarade d’enfance, dont
j’ai toujours aimé la loyauté et admiré le caractère chevaleresque.
C’est sur lui que j’écrivais ces lignes,
bonnes à rappeler, dans les Confessions d’un ex-Libre-Penseur[35],
en décembre 1886 ; On ne dira pas qu’elles ont été publiées à l’époque
pour les besoins de la cause actuelle.
Je racontais les années d’exil que j’ai dû
passer à Genève pour m’éviter de subir des condamnations de presse, dont
j’avais été frappé au temps de l’état de siège, après la Commune, et je disais
que j’avais connu là la misère et son pain noir.
« Ma détresse, écrivais-je donc dans les
Confessions[36],
fut soupçonnée de loin par un camarade d’enfance, qui, bien que conservateur,
m’affectionnait au point de se compromettre pour moi. Notre liaison l’avait
brouillé avec bien des personnes qu’il fréquentait.
Lors donc - c’était pendant le régime du 16
mai - mon ami H***[37],
aujourd’hui l’un des médecins les plus distingués de Marseille, m’écrivit pour
me démontrer « l’absurdité de mon entêtement à défendre une cause qui, tant par
elle-même que par ses adhérents, ne m’offrait, disait-il, qu’ingratitude et
désillusions ».
Il déploya toute son éloquence pour me
convaincre.
Un important journal conservateur allait être
fondé dans le Midi. H*** m’offrait une place de 6 000 francs par an, et les
directeurs de l’organe se faisaient fort d’obtenir, de toutes les congrégations
religieuses qui m’avaient poursuivi, la renonciation aux jugements de
condamnation prononcés contre moi.
Je remerciai très cordialement mon ami ;
mais je lui répondis que « j’aimais mieux mourir de faim en exil plutôt
que d’abandonner la cause de la République ».
Quand, dans cette autobiographie fort
incomplète, je fis le court récit de ce petit incident, je n’avais en vue que
de montrer quelle fut ma folle obstination dans mes années d’égarement.
J’aurais pu raconter bien d’autres traits de
ce camarade, alors inconnu du public, qui devait devenir un jour le docteur Bataille
et avoir tout à coup une renommée dans le monde entier.
A la triste époque que je viens de rappeler,
presque tous mes anciens amis de collège m’avaient tourné le dos, et je ne dis
pas qu’ils eurent tort. Bataille fut un des rares qui continuèrent à me voir,
essayant de me ramener dans le droit chemin, et, comme il est plus âgé que moi
de quelques années, il me parlait avec une sorte d’autorité affectueuse.
Il avait aimé la mer dès son plus jeune âge et
avait ce sans-façon, cette rondeur qui caractérise si bien les marins.
Il lui arrivait de tomber chez moi à
l’improviste, de grand matin.
« _ Je viens de prier pour toi aux pieds
de la Bonne-Mère de la Garde, impie ! me disait-il... Faut-il que tu sois fou
pour ne pas comprendre que tu t’es fourré, comme un imbécile, entre les griffes
du diable ! et tu sais, méfie-toi, tu as le cou court ; une attaque
d’apoplexie peut t’enlever un de ces quatre matins, et je te réponds que
messire Lucifer, que tu sers avec tant de zèle, ne te lâchera pas
alors !... Enfin, Dieu est si bon qu’il écoutera sans doute les prières de
tes vrais amis ; il te ramènera à lui, malgré toi... J’ai confiance. »
Je l’invitais à ne pas me casser la tête avec
ses exhortations et à me parler d’autre chose.
Un jour, il se trouva me rendre visite au
moment où un de mes collaborateurs, nommé Henri Leloup, venait de m’apporter un
article dont il m’achevait la lecture. C’était une diatribe violente contre un
Père jésuite, qui avait depuis longtemps quitté la ville, mais y avait laissé
de nombreuses œuvres et une réputation de saint, le R. P. Tissier. En entendant
les dernières phrases de l’article, au moment où il entrait, Bataille ne put
maîtriser son indignation. Hors de lui, il arracha à mon collaborateur les
feuillets du manuscrit, en s’écriant :
« _ Mais c’est abominable, d’écrire de
pareilles choses ! C’est une infamie ! Le Père Tissier est un saint
prêtre ; on n’a pas le droit de parler de lui de la sorte !... Eh bien, je
suis heureux d’être venu ici ; comme cela, cet abominable article ne
paraîtra pas.
Ainsi qu’on pense bien, Leloup protesta,
disant que le docteur n’avait pas à se mêler de notre journal et qu’il avait
commis un attentat à sa propriété, puisqu’il était l’auteur de l’article si
brusquement arraché de ses mains et déchiré.
« _ Ah ! C’est vous qui avez écrit ces
horreurs ? Riposta Bataille, c’est vous qui vilipendez un religieux
irréprochable ? C’est vous qui trouvez que mon ami n’est pas assez égaré
et qui l’excitez encore, qui lui fournissez des turpitudes pareilles pour
augmenter le scandale qu’il donne ?... Eh bien, vous allez avoir affaire à
moi ! »
Et, en disant cela, Bataille, hors de lui,
avait pris mon collaborateur au collet ; il lui tordait la cravate, ma foi, à
l’étrangler, et déjà il commençait à lui allonger quelques coups de poing. Je
me précipitai la lutte était trop inégale, car le docteur est un robuste
gaillard, pouvant aisément assommer un homme en le boxant à l’anglaise. Bref,
mon intervention nécessaire mit fin à la scène, et Bataille s’en alla, en nous
lâchant une véritable bordée de reproches des plus indignés. Quant à Henri
Leloup, il ne voulut jamais refaire son article et me déclara que, tant que je
recevrais chez moi des amis de ce genre, il ne collaborerait plus au journal ;
et, de fait, peu après il m’envoya sa démission.
Je n’ai pas besoin de dire, d’autre part, que
cette mésaventure survenue à Leloup chez moi me mit en froid, pendant quelque
temps, avec mon bouillant ami.
Lui, il continuait à prier pour moi, et, dans
le monde des honnêtes gens qui se scandalisaient de mes écrits, il me
défendait.
« _ Il n’est pas mauvais, au fond,
disait-il de moi partout ; il est détraqué, il s’est perdu par des
fréquentations d’impies, mais il reviendra ; vous verrez qu’il reviendra. J’en
suis sûr, il a fait une bonne première communion. »
J’y insiste, Bataille est un de ceux qui
n’ont jamais désespéré de ma conversion.
J’ai tenu à retracer ces quelques traits de
lui pour que le public catholique comprenne bien que cet homme a vraiment un
caractère à part.
Lorsque les sectaires qu’aujourd’hui nous
combattons tous deux réussirent pour la première fois à imposer à ma ville
natale une municipalité ennemie de l’Eglise, le premier acte des édiles
radicaux et libres-penseurs fut d’interdire les processions. Ils supprimèrent
jusqu’à la procession de la fête du Sacré-Cœur, qui était plus qu’une cérémonie
traditionnelle, car elle avait pour cause, à titre de reconnaissance populaire,
un vœu solennel fait par l’évêque Mgr de Belzunce, le chevalier Roze et les
échevins de 1720, lors de la terrible peste qui désola la ville ; et ce vœu, on
le sait, avait désarmé la colère du ciel et fait miraculeusement cesser le
fléau ; c’était donc, de la part de la ville, une dette sacrée.
Les catholiques furent consternés, en
présence d’une telle audace des sectaires. Interdiction étant faite au clergé
de sortir des églises, quelques jeunes gens des diverses classes, aristocratie,
bourgeoisie, artisans et ouvriers, résolurent, pour protester contre l’arrêté
impie de la municipalité radicale, de porter des couronnes, le jour de la fête
votive, aux pieds de la statue de l’évêque Belzunce. On annonça alors que la
manifestation serait réprimée, que la police, qui, à Marseille, est sous les
ordres du maire, disperserait les groupes catholiques, et tout le monde
s’attendait à une vraie bagarre, si nos jeunes gens donnaient suite à leur
généreux dessein. Elle eut pourtant lieu, la manifestation, calme, mais prête à
résister aux violences des usurpateurs du pouvoir. Je vois encore, parmi les
manifestants, mon ami Bataille, sa couronne à la main et un revolver à la
ceinture. Un abîme séparait nos opinions alors ; mais j’admirais tout de même
sa crânerie. La police municipale n’osa pas engager la lutte, le sang aurait
coulé, et elle n’aurait peut-être pas été la plus forte ; car, s’il y avait eu
conflit, la population tout entière se serait sans doute laissé entraîner par
ces jeunes gens. Le peuple, nul ne l’ignore, aime les vaillants.
Il serait facile de raconter bien d’autres
épisodes de la vie si mouvementée de Bataille, épisodes que je connais et qu’il
laissera dans l’ombre, soit parce qu’ils ne se rapportent pas directement à sa
mission anti-luciférienne, soit par modestie ; mais j’offenserais, précisément,
sa modestie si j’en disais davantage, et je dois me taire.
Je n’ajouterai donc que ceci, c’est que mon
brave et loyal ami a laissé le meilleur souvenir dans les familles catholiques
de Marseille et partout où il a vécu. Je n’en veux pour preuve qu’une lettre
d’un de ses confrères marseillais, le docteur R***, lui écrivant, il y a
quelques mois :
« Bien que la suscription de ma lettre
porte le nom de... Bataille, je sais que j’écris au docteur H***, bien connu
ici... Le docteur G*** et sa famille, avec qui je suis en relations suivies,
vous ont connu chez l’abbé Laugier ; et à la Croix de Marseille,
comme en maintes bonnes places, vous ne manquez pas de solides amitiés. »
Aussi n’est-ce pas dans les journaux marseillais, qui défendent la
cause de Dieu, que les calomnies de M. Georges Bois trouveront jamais un écho.
Maintenant, les lecteurs de la Revue Mensuelle comprendront sans
peine quelle agréable surprise me causa Bataille, lorsqu’au cours de l’année
1892 il vint me confier le secret de son enquête, qui, pensait-il alors,
n’avait plus besoin que d’un an pour être complètement terminée ; sur ce
qui l’intéressait concernant la franc-maçonnerie, il était déjà, disait-il,
entièrement fixé ; il lui restait uniquement à finir son étude sur deux
organisations secrètes, antisociales comme la maçonnerie, mais dans un autre
sens.
J’étais le premier laïc à qui il révélait la
mission qu’il s’était donné onze ans auparavant ; seuls, quelques
ecclésiastiques, des religieux, en nombre très restreint, avaient reçu ses confidences.
Comme ami, devant en partie à ses prières mon retour à la vérité, et comme
auteur antimaçonnique, j’étais tout naturellement désigné pour le seconder, le
jour où il jugerait le moment venu de publier son enquête. Mais il se produisit
ceci, qui était inévitable étant donné qu’il nous annonçait (avec preuves à
l’appui) que la lutte de la secte maçonnique contre l’Eglise allait avant un an
entrer dans la période aiguë, les personnes qui étaient dans la confidence
furent unanimes à déclarer que le docteur commettrait une fausse manœuvre en
retardant plus longtemps ses révélations qu’il voulait rendre publiques, selon
le conseil de Léon XIII dans l’Encyclique Humanum Genus.
Les éditeurs MM. Delhomme et Briguet consentirent volontiers à se
charger de cette publication ; mais ils exigèrent que Bataille soumettrait
son manuscrit à un théologien, dont le concours s’est trouvé être une constante
approbation. En outre, ils me prièrent, vu qu’une publication en livraisons
illustrées était chose nouvelle pour eux, de me charger de la partie matérielle
(direction des dessinateurs, spécialement), puisque j’avais une longue
expérience de ces sortes d’éditions populaires[38].
Pendant ces pourparlers, Bataille et moi nous
nous étions expliqué sur nos sources d’informations maçonniques. On comprendra
que je me taise sur les moyens dont mon ami dispose pour avoir des
renseignements, même aujourd’hui. De mon côté, j’avais un petit noyau de
correspondants sûrs. Aussi, fût-il convenu que, sans nous faire connaître l’un
à l’autre nos informateurs réciproques, un contrôle sévère serait établi,
attendu que Bataille comptait ne pas se servir uniquement des notes prises au
cours de son enquête.
C’est ainsi que l’œuvre du docteur a pu lui
être absolument personnelle, sans aucune collaboration dans le sens propre du
mot, mais avec un concours de surveillance amicale tant au point de vue
théologique qu’au point de vue des faits strictement maçonniques. Dire, comme
on l’a dit, que l’œuvre a trois auteurs, c’est émettre une contre-vérité ;
autant vaudrait dire que les divers et nombreux abonnés qui ont signalé à
Bataille soit un texte à citer soit un fait surnaturel produit en dehors des
triangles sont tout autant de collaborateurs.
La publication, par son caractère et
l’ampleur du sujet qu’elle traite, est certainement exceptionnelle, constitue
un ouvrage tout à fait à part ; mais elle n’en constitue pas moins un
travail rigoureusement personnel, résultat d’une enquête personnelle. Les
lecteurs, du reste, ne s’y trompent pas.
Si donc un ouvrage paraissait ne pas devoir
être attaqué, c’était bien celui-là. Certes, chacun avait le droit de le
discuter, et Bataille ne s’est jamais formalisé d’une discussion. Il est quatre
personnes qui, vis-à-vis de lui, se sont posées non comme des critiques, mais
comme des adversaires, allant jusqu’à l’outrager dans son honneur.
Une discussion loyale a été, par exemple,
celle de M. le chanoine Ribet. Mais, pour ne citer ici que M. Georges Bois, parmi
les quatre adversaires du docteur, il est impossible de ne pas voir dans ses
attaques le parti-pris, le désir d’insulter quand même. Il semble que ce
journaliste, voyant la vogue de l’ouvrage d’un inconnu, conquérant du premier
coup la notoriété par son talent et l’énergie de son caractère, se soit dit : «
Tiens ! Pourquoi n’essaierais-je pas de paraître être quelqu’un, en
combattant à outrance et avec éclat cet auteur nouveau qui éclipse ma
nullité ? » C’est ce sentiment qui inspirait un abonné du docteur,
lorsqu’il lui écrivait : « Cette levée de quelques boucliers rouillés contre
vous, c’est la grande colère des bouquins qui ont fait four. » Mais ce
n’est peut-être pas rien que cela.
Or, puisque j’ai dit que Bataille est estimé
et aimé de tous ceux qui le connaissent, il me faut, étant avant tout
impartial, citer l’appréciation de quelqu’un qui a déclaré publiquement se
porter garant pour M. Georges Bois.
M. de Marolles a fait publier dans la Vérité
le certificat que voici, daté du 7 décembre 1893 :
« Absent de Paris, je n’avais pu lire
avant aujourd’hui, dans la publication mensuelle du Diable au XIXe siècle,
les attaques dirigées contre M. Georges Bois. Je ne veux aucunement prendre
parti sur les questions de fond qui divisent M. Bois et M. le docteur Bataille.
Ayant l’honneur de présider le comité anti-maçonnique en l’absence d’un
président titulaire, j’ai toujours demandé que la plus grande réserve fût
apportée dans ces matières délicates. Mais, comme président de la corporation
des publicistes chrétiens, il m’est impossible de ne pas rendre publiquement
hommage à l’honorabilité et à la dignité de caractère de notre secrétaire et
confrère M. Georges Bois.
Les attaques dont il est l’objet ont un
caractère personnel étranger à une polémique de doctrine, et dire de lui qu’il
est l’auxiliaire du Grand Orient, après le remarquable ouvrage dont il est
l’auteur sous le titre de « Franc-maçonnerie nouvelle du Grand-Orient
», c’est lancer une calomnie qui appelle une énergique protestation de la part
de ses amis. En la formulant, je suis persuadé que je réponds à la pensée de
tous ceux qui connaissent et estiment M. Georges Bois. »
Nous avons donc, en face l’un de l’autre,
deux hommes déclarés parfaitement honorables, et me voici bien à l’aise.
Cependant, il est nécessaire de constater que, dans son certificat, M. de
Marolles commet une grosse erreur de fait : il dit que M. Bois est attaqué. Ou
la langue française n’a plus aucun sens, ou « attaquer quelqu’un »
signifie « faire contre lui acte d’agression » ; et il faut que le
garant de M. Georges Bois n’ait jamais lu la Vérité, puisqu’il lit
d’autre part le Diable, pour donner au docteur le rôle d’agresseur. En
bon français, celui qui engage un combat, une polémique violente, attaque, et
celui qui riposte, se défend. Or, l’agression de M. Bois date du lundi 19 juin
1893, elle a été suivie d’autres attaques multipliées, et le premier mot
désagréable écrit par le docteur contre M. Bois, a paru le 5 septembre ;
M. Bois, ce jour-là, a été qualifié d’« aboyeur » ; il y avait
environ trois mois qu’il traitait publiquement Bataille
d’« imposteur », et si fréquemment qu’il serait trop long de faire le
compte de ses articles insultants. Du reste, il l’a reconnu expressément. Dans
je ne sais plus laquelle de ses diatribes de la Vérité (je m’y perds,
tant il en a été prodigue), il écrivait en parlant du docteur : « il est
vrai, dès le début, j’ai traité son œuvre d’imposture et de supercherie ».
Je cite de mémoire, mais je suis certain de ne pas me tromper ; cet aveu
narquois m’avait frappé.
Par conséquent, voici d’abord un point qui
est au-dessus de toute contestation, malgré même le certificat de M. de
Marolles : ce n’est pas le docteur qui a attaqué, c’est lui qui a été attaqué.
Et il faudrait qu’il descendit bien bas dans l’injure, pour dégringoler au
degré des grossièretés de M. Bois ; et je parle ici seulement des dénigrements
publics.
Voyons, à présent, lequel des deux a trompé
le public.
L’une des rengaines de M. Georges Bois est
celle-ci : Il prétend que, jusqu’à une certaine conférence faite dans le
local du Salon Bibliographique par le docteur Bataille, celui-ci ignorait la
mort du F.˙. Mackey (celui qui fut le secrétaire du Suprême Conseil du
Rite Ecossais, siégeant à Charleston pour la juridiction sud des Etats-Unis
d’Amérique), et il soutient cela parce que, dit-il, le docteur a révélé, dans
le Diable au XIXe siècle, que le successeur immédiat d’Albert Pike comme
Souverain Pontife de la Maçonnerie Universelle, président du Suprême Directoire
Dogmatique, également siégeant à Charleston, a été le F.˙. Albert-Georges
Mackey (aujourd’hui démissionnaire et remplacé par Lemmi).
Et, partant de là, M. Bois dit, s’adressant à
Bataille :
« _ C’est moi qui vous ai appris, à
cette conférence, que Mackey est mort dix années avant Pike, c’est-à-dire en
1881, et que le successeur de Pike a été Batchelor. Au lieu de reconnaître
votre erreur, vous avez alors mis en avant un certain Albert-Georges Mackey,
lequel n’existe pas et n’a jamais existé, et dont vous avez fait un prétendu
neveu de l’autre Mackey. »
Appelé à la rescousse, M. Paul Rosen, à qui
la Vérité ouvre largement ses colonnes en qualité d’ami intime de M.
Bois, écrit :
« _ Albert-Georges Mackey ? C’est
un mythe, un personnage imaginaire ; il n’y a jamais eu qu’un seul et
unique Mackey, le docteur Gallatin Mackey, décédé le 20 juin 1881. Albert Pike
est mort le 2 avril 1891 ; donc, aucun Mackey n’a pu lui succéder. »
De la part de M. Rosen, cette affirmation est
au moins étonnante. L’existence d’Albert-Georges Mackey est mentionnée par lui
: 1° Dans le Cours de Maçonnerie pratique, ouvrage dont il a fourni les
documents à M. le chanoine Brettes, qui l’a écrit, au premier volume, pages
178, 179, 180, 183, 187, 207, 209, 210, 211, 212, 213, 273, 279, 375. 376, 377,
378, et au deuxième volume, page 3 ; soit dix-huit mentions bien claires,
bien précises, avec le nom en toutes lettres, et ces mentions sont dues
justement à M. Paul Rosen ; 2° dans le volume l’Ennemie sociale,
qui est uniquement de M. Rosen, page 257, mention du même frère haut-gradé.
Mais, en parlant d’Albert-Georges Mackey dans
les deux ouvrages en question, M. Rosen commet une erreur : il lui
attribue le Lexicon of Freemasonry, qui est du docteur Gallatin.
Cette erreur est-elle involontaire ?
Une telle question n’est pas sans importance,
on va le voir. M. Rosen connaissait-il réellement le Lexicon of Freemasonry ?
Ce qui est constaté, c’est que M. Rosen a fait de ce livre plusieurs citations
très exactes ; ce qui est constaté aussi, c’est qu’il a toujours, dans ses
ouvrages, passé sous silence la question des Sœurs maçonnes, si irritante pour
les frères trois-points, qu’il n’en a jamais publié les rituels, même les plus
anodins, qu’il n’a jamais fait la moindre allusion à leur fonctionnement ni
même à leur recrutement, et qu’à quiconque lui demande un renseignement à ce
sujet il répond qu’aucune organisation de maçonnerie féminine n’existe, qu’il
n’y a pas de loges androgynes, et que ceux qui parlent de sœurs maçonnes sont
des menteurs ; et lorsqu’on lui met sous les yeux les preuves de
l’existence de la maçonnerie féminine, M. Rosen répond :
« Il y a peut-être des sœurs maçonnes en
Espagne ; mais c’est tout, et en France il n’en existe pas. » Or, le Lexicon
of Freemasonry est un des rares ouvrages de la secte, qui avouent
l’existence des loges androgynes ; le docteur Gallatin Mackey y mentionne
même des grades très curieux, tel celui intitulé « l’Héroïne de
Jéricho » ; en outre, il reconnaît formellement que la maçonnerie
féminine fonctionne en France. Donc, les citations exactes que M. Rosen fait de
ce livre donnent à penser qu’il le connaît ; mais alors c’est bien
volontairement qu’il omet de parler des sœurs maçonnes, et son attitude, qui va
jusqu’à la négation parfois, est au moins bizarre.
Interrogé, M. Rosen a répondu qu’il
connaissait parfaitement le livre, qu’il l’avait eu souvent entre les mains. Eh
bien, pourquoi alors créer une confusion entre les deux Mackey ? L’auteur
du Lexicon donne, dès le début de son ouvrage, son prénom de Gallatin en
toutes lettres ; partout, sa biographie le donne aussi, et ce prénom-là
est assez peu commun pour ne pas être oublié.
Quoiqu’il en soit, ces diverses bizarreries
de la conduite de M. Rosen l’avaient rendu suspect à mon ami Bataille ; si bien
que, l’occasion s’étant fortuitement présentée de voir si notre homme était de
bonne foi ou non en créant un quiproquo sur les deux Mackey, le docteur ne la
laissa point échapper.
C’était dans les premiers jours de mars 1893.
M. le chanoine Mustel venait de publier son premier article sur Sophie Walder.
L’Univers fit prévenir Bataille qu’il allait le reproduire, et le
docteur, qui n’avait point encore des relations avec ce journal passa à la
rédaction. On lui montra les épreuves. M. le chanoine Mustel, ignorant la mort
d’Albert Pike, avait commis une erreur ; il parlait de lui comme du chef
suprême alors vivant. Bataille, qui, à ce moment, avait déjà publié son 4e
fascicule (livraisons 31 à 40), dit au secrétaire de la rédaction : « Le
grand-maître du souverain directoire dogmatique de Charleston est actuellement
Albert-Georges Mackey. »
« _ Rédigez-nous vous-même la
note », fit le secrétaire. Et c’est alors que Bataille, sachant que M.
Rosen était reçu assez souvent à la rédaction de 1’Univers (on ne se
défiait pas de lui à cette époque), qu’il y donnait parfois des renseignements
maçonniques, eut l’idée de rédiger la note exactement comme M. Rosen l’aurait
rédigée lui-même. En d’autres termes, il écrivit : « Actuellement, le
grand-maître du souverain directoire dogmatique de Charleston est le F.˙.
Albert-Georges Mackey, précédemment vice-président du sérénissime grand collège
des maçons émérites », et il ajouta : « Auteur du Lexicon of
Freemasonry », attendu que M. Rosen, fournisseur de renseignements
maçonniques à 1’Univers, avait toujours qualifié Albert-Georges Mackey
d’auteur du Lexicon of Freemasonry, et que, pour le public du journal,
l’addition de ces cinq mots n’avait pour le moment aucune importance.
La personne visée par cette erreur intentionnelle
était M. Rosen. Ceci se passait le 11 mars, ainsi que M. Bois l’a rappelé
exactement, à plusieurs reprises.
M. Paul Rosen tomba en plein dans le panneau
qui lui avait été tendu. Lorsqu’il vit l’article et la petite note quelques
jours après, il oublia tout à fait qu’il avait dix-neuf fois mentionné
publiquement l’existence d’Albert-Georges Mackey; il se concerta avec M.
Georges Bois, croyant tous deux qu’ils allaient écraser le docteur Bataille, à
qui ils avaient voué une haine que tout le monde s’accorde à trouver
incompréhensible. Aussi, lorsqu’eut lieu la conférence du Salon
Bibliographique, M. Bois, qui n’avait rien dit encore et qui croyait faire
éclater une bombe foudroyante, s’écria : « Monsieur le docteur, voulez-vous me
permettre de vous apprendre que le F.˙. Mackey, dont vous faites le
successeur d’Albert Pike, est mort en 1881, soit dix ans avant Pike, et que le
successeur de Pike est le F.˙. Batchelor ? » Bataille haussa les
épaules, faisant observer qu’il était question du Palladisme, de la
haute-maçonnerie, de la direction suprême de tous les rites, et non du Rite
Ecossais, et que, par conséquent il ne s’occupait pas et n’avait pas à
s’occuper de Batchelor, non palladiste. M. Bois brandit le n° de 1’Univers
du 11 mars, en disant :
« Et votre note ? Elle contient
alors une erreur. »
« _ Parfaitement, répondit Bataille avec
son flegme habituel, imperturbable ; une erreur absolument intentionnelle,
monsieur, et, si vous ne comprenez pas ce que je vous dis là, lisez plus
attentivement le Diable au XIXe siècle. »
M. Bois n’a pas suivi ce conseil ; et c’est
pourquoi il s’est, à son tour, fourvoyé ; il a répété à satiété, que c’était
lui qui avait appris à Bataille, le soir de sa conférence, la mort du docteur
Gallatin Mackey, et que l’auteur du Diable, ennuyé de s’être ainsi
trompé, mais ne voulant pas reconnaître son erreur, avait dès lors imaginé un
second Mackey, le nommé Albert-Georges.
Et M. Bois a tant et si bien écrit ces
balourdises, qu’aujourd’hui il ne peut plus les retirer, et que, si
l’homme-plastron du Comité des Opposants de Londres vient à lire ce numéro de
la Revue Mensuelle, il sera bien étonné d’apprendre qu’il n’existe pas.
Comment qualifier à mon tour, la maladresse de M. Georges Bois, dans
cette question Pike-Mackey-Batchelor ? Il a voulu, lui aussi, créer un
quiproquo, parce que, marchant d’accord avec son ami Rosen, il tient à laisser
ignorer au public le Palladisme, la haute-maçonnerie.
Il prétend avoir appris à Bataille la mort de
Gallatin Mackey !... Pauvre garçon ! la rage l’aveugle-t-elle au
point de l’empêcher de savoir lire ?...
Qu’il se rappelle donc que la conférence du
Salon Bibliographique a eu lieu au mois de mai 1893, et qu’il ouvre le 4e
fascicule du Diable au XIXe siècle, mis en vente le 5 mars, et fini
d’imprimer le 28 février. Qu’il lise le chapitre intitulé Albert Pike et son
œuvre, lequel commence dans ce fascicule à la livraison 39.
Il y lira ces lignes :
« Cet important ouvrage (le Lexicon of
Freemasonry) a pour auteur, non pas l’ingénieur Albert-Georges Mackey, mais
son oncle le docteur Gallatin Mackey, que j’ai eu l’avantage de connaître
personnellement à Charleston, environ trois mois avant sa mort. »
(Page 311.)
« ... Albert Pike approuva ce plan, et
l’architecte dut s’y conformer après la mort du docteur Mackey ; car le
cher homme ne vit pas l’exécution du plan qu’il avait rêvé. » (Page 318.)
« ... Le jour où je vis Albert Pike pour la
première fois, c’était donc le 10 mars l881. J’étais allé faire d’abord la
connaissance du docteur Gallatin Mackey mon confrère en médecine, dont la
résidence était fixée à Charleston, tandis que le chef suprême habitait
Washington. » (Page 319.)
Les trois passages ci-dessus, je le répète,
font partie des livraisons qui ont été tirées à la fin du mois de février 1893.
A cette époque, précédant de plus de deux mois la conférence du Salon
Bibliographique, le docteur Bataille imprimait donc, dans sa publication, qu’il
avait fait la connaissance du docteur Gallatin Mackey, le 10 mars 1881, et il parlait
à deux reprises de sa mort, disant qu’elle avait eu lieu environ trois mois
après (le docteur Gallatin est décédé le 20 juin). Bataille n’a pas attendu non
plus la sortie ridicule de M. Bois pour parler de deux Mackey ; car il est on
ne peut plus explicite à ce sujet, page 311. Enfin, il est clair qu’avant
d’écrire la fameuse note reproduisant l’erreur de M. Rosen, le docteur Bataille
savait à merveille de qui était le Lexicon of Freemasonry ; cela est
l’évidence même. L’erreur était donc bien intentionnelle, c’est-à-dire cachait
un piège, et M. Bois a eu grandement tort de rire de cette explication,
puisqu’il est lui-même tombé dans le piège, entraîné par son ami Rosen.
M. Bois, ne pouvant plus répliquer en
présence de ce fait matériel, prendra sans doute la tangente, en disant que 1’Univers
a lieu de se plaindre du docteur Bataille. Ceci est affaire d’appréciation. Le
docteur entrait à peine en relations avec le secrétaire-rédacteur de ce
journal, et il ne lui était certes pas possible de dire :
« Vous recevez chez vous M. Rosen, vous
feriez bien d’être défiant. » Ce sont là des choses bien délicates à
exprimer, quand on n’a encore que des soupçons, quand on ne possède pas des
preuves certaines. Sachant par expérience qu’avec les maçons il faut ruser, Bataille
a risqué un coup assez malicieux, pour prendre son homme la main dans le sac ;
il a réussi, et maintenant qu’on commence, par suite de tout cela, à être
édifié sur le compte de M. Rosen, il est certain, - du moins il me le semble, -
que Bataille a rendu un vrai service à l’Univers.
Que M. Bois lise encore le 5e fascicule de la
publication du docteur, fascicule paru le 5 avril, c’est-à-dire cinq semaines
avant la conférence, et il y lira la date exacte de la mort de Gallatin Mackey,
page 322, et toute sa biographie, de la page 335 à la page 340. Bataille
connaissait si bien ce que M. Bois croyait lui apprendre, en mai, au salon
Bibliographique, qu’il donnait, page 340, le compte rendu des obsèques du
docteur Gallatin.
Quant à la triple succession d’Albert Pike,
qui a été si explicitement donnée par Rhemus dans la Croix de Reims, le
docteur Bataille l’avait clairement indiquée, sans entrer dans les détails,
page 395 de ce même 5e fascicule, du 5 avril, au second alinéa. Et si M.
Georges Bois a créé une confusion au sujet des trois parts de cette succession,
c’est qu’il l’a bien voulu.
Et maintenant, si ce n’est pas Albert-Georges
dit Mackey qui a été le successeur immédiat d’Albert Pike comme chef suprême de
la maçonnerie universelle, M. Georges Bois peut-il nous le nommer, ce
successeur ?
Pike est mort le 2 avril 1891 ; Adriano
Lemmi a été élu chef suprême le 20 septembre 1893. Ce n’est pas Batchelor qui,
dans cet intervalle, a dirigé la haute-maçonnerie, puisque le chef suprême doit
forcément appartenir au rite suprême, au rite qui est au-dessus de tous les
divers rites, au Palladisme, et que Batchelor n’était pas palladiste. Alors, si
ce n’est pas le Batchelor si cher à M. Bois, qui est-ce ?
M. Bois répondra qu’il n’y a pas de
Palladisme, pas de rite suprême, pas de directoire suprême, pas de souverain
pontife de la maçonnerie universelle. Cette audacieuse négation, on la sent
depuis longtemps sous les réticences de la Vérité.
Comme son ami Rosen, M. Bois se prévaut du Bulletin
officiel du Suprême Conseil de Charleston ; mais ce qu’il se garde
bien de dire, c’est que ce bulletin est exclusivement consacré aux affaires du
Rite Ecossais dans la région sud des Etats-Unis.
Cependant, le Bulletin Officiel du Suprême
Conseil de charleston laisse échapper parfois des aveux, des mots
révélateurs, pour qui sait lire.
Ainsi, le 6 mars 1888,
Adriano Lemmi, ayant rédigé une circulaire destinée aux chefs de la
franc-maçonnerie en Europe, la soumettait à l’approbation d’Albert Pike, et
l’accompagnait d’une formule extrêmement respectueuse, où on lisait :
« Vous qui gouvernez avec sagesse et
amour les centres suprêmes de la Confédération maçonnique universelle. »
(Lignes 5 et 6 de la page 439 de la IIe partie du VIIIe volume du Bulletin Officiel
du Suprême Conseil de charleston.)
Dans une autre adresse du même Lemmi à Albert
Pike, en date du 21 novembre 1888, on lit encore :
« Vous savez, Très Illustre Frère,
combien le Pape s’efforce partout de miner le progrès, aidé par ses Evêques,
qui, sous le manteau de la Religion,
organisent la rébellion et le parricide. Vous savez que, lorsque les Italiens
luttaient pour la liberté et l’unité de leur Patrie, le Pape, son poignard
planté dans le cœur de l’Italie, avait des gibets et des bagnes pour ces héros,
et que, maintenant que le Vatican conspire pour rendre la Patrie asservie et
divisée, il veut l’impunité pour ce crime et proteste contre l’Italie.
« Aidez-nous à lutter contre le Vatican, vous
dont l’autorité est suprême, et, sous votre initiative, toutes les loges
d’Europe et d’Amérique épouseront notre cause ». (Bulletin Officiel du
Suprême Conseil de Charleston, volume IX, pages 64 et 66.)
M. Paul Rosen osera-t-il dire que ces deux
citations ne sont pas exactes ? M. Bois, à son tour, les contestera-t-il ? »
Couverture du Bulletin
Officiel du Suprême Conseil de Charleston, d’août 1872.
Couverture du Bulletin
Officiel du Suprême Conseil de Charleston, de juin 1890.
Faisons une pause dans cet article de Léo Taxil,
et examinons si ces citations sont exactes ou pas.
Domenico Margiotta page 166 de son
livre : Souvenirs d’un trente-troisième. Adriano Lemmi chef suprême des
Francs-Maçons, parle de ces citations :
« La lettre qui suit et qu’il
(Adriano Lemmi) adressa au Souverain Pontife Luciférien, le 21 novembre 1888,
prouve bien ce que je viens de dire.
« Très illustre Frère, écrivait Lemmi à Albert Pike, vous savez
combien le pape s’efforce partout de miner le progrès, aidé par les évêques,
qui, sous le manteau de la religion, organisent la rébellion et le parricide.
Vous savez que, lorsque les
Italiens luttaient pour la liberté et pour l’unité de la Patrie, le Pape, son
poignard planté dans le cœur de l’Italie, avait des gibets et des bagnes pour
ces héros, et que, maintenant que le Vatican conspire pour rendre la Patrie
asservie et divisée, il veut l’impunité pour ce crime et proteste contre
l’Italie.
Aidez-nous à lutter contre
le Vatican, VOUS DONT L’AUTORITE EST SUPREME, et sous votre initiative, toutes
les Loges d’Europe et d’Amérique épouseront notre cause. »
Cet appel de Lemmi au chef
suprême universel de la secte fit grand plaisir à celui-ci, et dans sa joie il
reproduisit la lettre d’Adriano dans le Bulletin officiel du Suprême Conseil
de Charleston (volume IX, page 64). Dans sa hâte de faire l’insertion, le
vieux Pike oublia de supprimer certains mots de la lettre de Lemmi qui
trahissaient l’existence de la haute-maçonnerie supérieure à tous les rites et
ayant son siège central à Charleston, organisation que doivent ignorer tous les
maçons non initiés au Palladisme.
Une négligence du même genre
avait été commise, en 1888, par Albert Pike, dans des circonstances semblables
et également à propos d’une lettre du même Lemmi.
Lemmi, qui déteste la France
et qui ne s’en cache pas, avait envoyé, d’accord avec le Frère Crispi, une
circulaire datée du 6 mars 1888 et destinée à tous les chefs de Suprême
Conseils et Grands Orients (sauf au Grand Orient et au Suprême Conseil de
France, du moins j’aime à le croire). Cette circulaire était tout à fait
antifrançaise. Lemmi y faisait l’éloge de la Triple-Alliance et la déclarait
due à l’action secrète des diplomates que la Maçonnerie sait mettre en œuvre.
Mais il ajoutait qu’il faudrait commencer des efforts diplomatiques pour
obliger la France à désarmer. « Ce désarmement, disait-il, est nécessaire
pour la paix, comme la paix est nécessaire pour la justice, et la justice pour
le bonheur de l’humanité. » Dans l’exemplaire qu’il adressa à Albert Pike,
il ajouta quelques mots, car il ne pouvait pas traiter avec lui d’égal à
égal ; et ainsi, en lui parlant, lui Lemmi à Albert Pike, il lui disait
(je cite textuellement) : « Vous qui gouvernez avec sagesse et amour
les Centres Suprêmes de la Confédération maçonnique universelle. »
Pike, cette
fois encore, inséra la lettre de Lemmi, sans penser à supprimer le passage
dénonciateur de son pouvoir suprême. Aussi, tous les maçons imparfaits initiés,
c’est-à-dire les dupes que les chefs secrets mènent par le bout du nez sans
qu’ils s’en aperçoivent, peuvent, au cas où ils auraient encore des doutes
après mes révélations, voir cette lettre, comme l’autre citée ci-dessus, dans
l’organe officiel d’Albert Pike.
Celle relative au
désarmement à imposer à la France est tout au long dans le Bulletin officiel
du Suprême Conseil pour la Juridiction Sud des Etats-Unis, VIIe volume, IIe
partie, pages 439 et suivantes ; et la phrase que je viens d’indiquer
occupe les 5e et 6e lignes de la page 439. »
Nous, ATHIRSATA, pouvons confirmer ces citations. En effet, nous lisons dans l’Official bulletin of the Supreme council
of the 33d degree for the southern jurisdiction of the United States,
Volume 8 (1888), page 66:
« YOU ARE SO HIGH AUTHORITY that you will be able with ease to effect
this. In pursuance of your initiative, I am sure that in the lodges of
D’ailleurs Albert Pike lui
fait cette réponse pour corriger l’aveu de Lemmi :
« You are pleased to speak of the weight of authority which you
suppose me to possess with our Symbolic Lodges and Grand Lodges ; but in
this you fallen into error, not remembering that there are entire separation
and non-dependence, in this country, between our Supreme Councils and the
Symbolic Masonry. […]
But if I’had authority and could speak as one entitled to control
opinions and dictate actions, etc… »
Et dans le Volume 9, page
439, nous lisons ceci de Lemmi à l’attention de Pike :
« To you who rule with wisdom and love the supreme centres of the
universal Masonic Confederation. »
Reprenons la suite de
l’article de Taxil :
« Mais c’est perdre son
temps que discuter sur une telle question. La haute-maçonnerie, MM. Bois et
Rosen ne la voient pas, parce qu’ils ne veulent pas la voir.
On a vu plus haut que M. de Marolles, se
portant garant de M. Georges Bois, lui fait un titre de son ouvrage Franc-Maçonnerie
nouvelle du Grand-Orient de France, et M. de Marolles s’indigne de ce que
M. Bois - qui, depuis neuf mois, traite d’imposteur, et sans apporter 1’ombre
d’une preuve, le docteur Bataille - ait été appelé « auxiliaire du
Grand-Orient ».
Or, qu’est-ce qu’un auxiliaire ?
C’est celui qui aide, celui dont on tire un secours, celui qui vous rend
service.
La question est donc celle-ci : - M. Georges
Bois gêne-t-il ou aide-t-il le Grand-Orient de France ? Est-il pour cette
branche de la maçonnerie un adversaire redoutable, ou au contraire lui rend-il
service ?
Je soumettrai à l’examen du public un fait,
un seul, parce qu’il est brutal et facile à contrôler.
Si je dis : « M. Bois révèle uniquement
ce que la maçonnerie aujourd’hui ne cache plus », M. Bois me répondra : Je
divulgue tout ce qui est, et ce que je ne divulgue pas n’existe pas. »
Il s’agit, par conséquent, de le prendre en
flagrant délit d’extinction de lumière, si l’on peut s’exprimer ainsi ; il
s’agit de montrer M. Bois faisant de parti-pris l’obscurité sur un point bien
connu de lui, alors que le Saint-Siège dit : « Parlez, démasquez, »
et que le Grand-Orient dit : « Taisez-vous, cachez. »
Sur la question des noms des francs-maçons,
le Grand-Orient, comme toutes les autorités de la secte, a le commandement
formel de ne pas révéler aux profanes les noms des adeptes ; la société
doit rester secrète, non seulement quant à son but et à ses actes, mais encore quant
à ses membres. Individuellement, un franc-maçon peut se faire connaître comme
tel au public, c’est son affaire ; mais il lui est expressément défendu de
divulguer les noms de ses collègues sans leur consentement ; c’est un cas
d’expulsion. Les règlements l’interdisent ; nombreux sont les décrets du
Conseil de l’Ordre et les votes des Convents rappelant cette obligation de
mutisme absolu. Aussi, les journaux, destinés à être achetés par n’importe qui
et qui publient un bulletin maçonnique, sont-ils à ce sujet d’une réserve
extrême ; ce n’est pas dans leurs colonnes qu’on trouve à recueillir beaucoup
de noms de francs-maçons.
Par contre, le Saint-Siège prescrit
l’obligation générale de dévoiler les noms des francs-maçons et
particulièrement ceux des chefs, des coryphées, des militants. La bulle Apostolicae
Sedis prononce l’excommunication contre ceux qui négligent de dénoncer les
chefs occultes, les coryphées de la maçonnerie. Ainsi, au Grand-Orient de
France, les chefs sont les membres du grand collège des rites et ceux du
Conseil de l’Ordre, et l’on doit tenir comme certainement les plus militants
les délégués des Ateliers dont la réunion forme les Convents.
L’obligation (sous peine d’excommunication)
de dénoncer les chefs et les sectaires militants est générale ; elle
incombe à tous les fidèles soumis aux lois de l’Eglise. Chacun doit faire cette
dénonciation de la façon qui lui est possible : le prêtre à son évêque, le laïc
à un prêtre. « Arrachez à la franc-maçonnerie ses masques, » a dit Léon XIII.
Il ressort de là, - la dénonciation étant une obligation personnelle, - que le
publiciste catholique doit divulguer les noms des chefs et des sectaires
militants, chaque fois qu’il en a l’occasion. Il faut que l’ennemi de l’Eglise
soit connu des fidèles, afin que chacun puisse se garer de lui.
Même en France, où la franc-maçonnerie est
considérée comme société régulière par le pouvoir civil, l’obligation de
dénoncer les francs-maçons s’impose. La consultation bien connue du
Saint-Office, en réponse à une lettre de l’évêque de Bayonne, ne laisse prise à
aucun doute à cet égard :
« 1° La dénonciation est obligatoire,
non seulement dans le cas où les chefs ne seraient pas connus comme appartenant
aux sociétés condamnées, mais encore dans celui où, francs-maçons avérés, ils
ne seraient pas connus comme chefs des sectes ;
2° La dénonciation est obligatoire même dans
les pays où la franc-maçonnerie est tolérée par le pouvoir civil, où ses
membres sont assurés de l’impunité et où l’Eglise ne peut user de son pouvoir
de coercition. »
Voyons donc, à présent, ce livre que M. de
Marolles nous cite comme étant la preuve que M. Georges Bois, loin d’être, pour
le Grand-Orient, un auxiliaire, est, au contraire, son plus terrible gêneur.
Dans ce livre de M. Bois, sont insérés des
documents officiels de la secte, non pas des documents maçonniques manuscrits,
rigoureusement gardés aux archives de la rue Cadet, et au sujet desquels le
détracteur acharné du docteur Bataille pourrait contester ce que je vais dire,
mais bien des documents imprimés, qu’il est très difficile de se procurer, je
le reconnais, mais dont un exemplaire authentique pourrait être mis par moi
sous les yeux de M. Bois, s’il osait nier.
« Je n’ai pas cherché les documents dont j’ai
fait usage, écrit M. Bois dans sa préface. J’étais journaliste ; ils m’ont
été offerts. »
Notons cet aveu. On les a offerts à M. Bois,
parce que M. Bois est journaliste, et, par conséquent, pour qu’il en publiât ce
qu’il jugerait utile de publier. Dans son bulletin mensuel du 5 octobre
dernier, couverture de son 11e fascicule, Bataille a plaisanté M. Bois à ce
sujet (page 7), et M. Bois a feint de ne pas comprendre qu’on le raillait. Il
ne dit pas, dans son livre, qui lui a remis ces documents. « C’est, on le
devine sans peine, écrivait Bataille, un bon catholique comme lui, qui a eu la
patience de les recueillir un à un, par-ci par-là, à droite et à gauche, et qui
les lui a généreusement offerts (à lui Bois), pour qu’avec son merveilleux
talent il s’en serve dans l’intérêt de l’Eglise. »
Eh bien, cessons le badinage et parlons net.
La personne qui a remis à M. Georges Bois ces documents, c’est un 33e, et non
pas un 33e démissionnaire. Bien entendu, je ne blâme pas M. Bois d’être en
relations avec un 33e, ni même avec plusieurs chefs de la secte, si c’est lui
qui réussit à obtenir, par ce moyen, des armes pour combattre et démasquer la
franc-maçonnerie et les francs-maçons.
Comment s’est-il servi de ces
documents ? Est-ce en se conformant aux ordres du Saint Siège qui commande
aux fidèles, sous peine d’excommunication, de dévoiler les chefs et les
sectaires militants ? Toute la question est là.
Or, quelle que soit la surprise que je vais
causer au bon M. de Marolles, garant de M. Georges Bois, j’ai le regret de
constater que ce dernier, pour mieux enfreindre les ordres du Saint-Siège, a
carrément falsifié les documents qu’il a reproduits. Il n’a pas coupé les
passages où se trouvaient des noms de chefs ou de sectaires militants ; il
a remplacé ces noms par des qualifications qui font la nuit sur la personnalité
des francs-maçons dont il s’agit.
On sait que, dans la fédération du
Grand-Orient de France, les Convents annuels ont une importance de premier
ordre ; bien que les frères prenant part à ces assemblées suivent, sans le
savoir souvent, les inspirations des 33e du grand collège des rites établi au
sein de ce Grand-Orient, ils n’en sont pas moins des chefs, représentant avec
des pouvoirs spéciaux toutes les loges de l’obédience, dont ils sont les
mandataires, les délégués ; c’est dans ces convents que ces délégués
délibèrent chaque année sur les mesures à prendre pour miner la religion et la
détruire, si c’était possible. Aussi, est-il du plus haut intérêt, pour les
catholiques, de connaître les noms de ces délégués, qui sont tout autant
d’ennemis mortels de l’Eglise, qui comptent au nombre des sectaires les plus
militants, chefs et coryphées, selon l’expression de la bulle Apostolicae
Sedis. Pas un seul de ces délégués n’est Apprenti ni même Compagnon; il
faut être au moins Maître pour représenter une loge au Convent ; beaucoup
sont des Rose-Croix, des Kadosch, des 33es.
Voici quelques exemples des falsifications
commises par M. Georges Bois :
CONVENT DE 1889
M. Bois, dans son volume, consacre à ce
Convent les pages 166 à 177. Il est censé reproduire le procès-verbal officiel
des séances, procès-verbal qui est imprimé, je le répète, et qui figure dans le
Bulletin officiel du Grand-Orient de France.
Page 168, M. Bois imprime : « Le délégué de la loge de Tarbes
vient exposer le but dans lequel avait été déposé ce vœux, etc. »
L’imprimé officiel porte : « Le Fr.˙.
Fourcade vient exposer le but dans lequel, etc. »
Même page 168, M. Bois imprime : « Un
membre du Conseil de l’Ordre relit le vœu en question et fait observer,
etc. »
L’imprimé officiel porte « Le F.˙.
Francolin relit le vœu en question et fait observer, etc. »
Page 170, M. Bois : « Un frère
conseiller municipal de Paris, délégué de la loge Droit et Justice :
MM.˙. FF.˙., il y aurait peut-être autre chose à faire que de
renvoyer ce vœu, etc. »
L’imprimé officiel : « Le Fr.˙.
Pétrot, Orateur : MM.˙. FF.˙., il y aurait peut-être autre
chose à faire, etc. »
Page 171, M. Bois : « Le F.˙.
rapporteur : Le vœu 44 sur la protection des fonctionnaires
républicains a été déposé, la commission est favorable, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Conty, rapporteur : Le vœu 44 sur la protection des fonctionnaires
républicains, etc. »
Page 173, M. Bois: « Le Fr.˙.
président de la commission des requêtes : Vous avez pu trouver dans le
Bulletin l’indication d’une commission qui, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Francolin : Vous avez pu trouver dans le Bulletin l’indication
d’une commission qui, etc. »
Même page 173, M. Bois : « Le F.˙.
délégué de Constantinople : Je saisis cette occasion pour vous exposer
la situation, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Michalowski, de l’or.˙. de Constantinople : Je saisis cette
occasion pour vous exposer, etc. »
Et ainsi de suite, jusqu’à la page 177.
CONVENT DE 1890
Les pages consacrées par M. Bois à la
reproduction des documents de ce Convent vont de 197 à 242.
Page 199, M. Bois imprime : « Le
Fr.˙. rapporteur de la commission spéciale nommée par le Conseil de
l’Ordre présente le rapport de cette commission sur une proposition à soumettre
à l’assemblée, etc. »
L’imprimé officiel porte : « Le Fr.˙.
Boucheron, au nom de la commission spéciale nommée par le Conseil de
l’Ordre, présente le rapport, etc. »
Page 204, M. Bois : « Le Fr.˙.
Président : Je donne la parole au Fr.˙. que la commission des vœux
a chargé de rapporter les questions, etc. »
L’imprimé officiel : « Le
Fr.˙. Président Fernand Fauve : Je donne la parole au Fr.˙.
Bertrand, que la commission des vœux, etc. »
Même page 204, M. Bois : « Le Fr.˙.
Rapporteur : La R.˙. L.˙. la Triple Union et Amitié, de
l’or.˙. de Voiron (Isère), etc. »
L’imprimé officiel : « Le Fr.˙.
Bertrand : La R.˙. L.˙. la Triple Union et Amitié, etc. »
Même page 204, M. Bois : « Le délégué
de la loge de Voiron : MM.˙. FF.˙., je viens vous demander une
modification aux conclusions du Fr.˙. rapporteur, etc. »
L’imprimé officiel : « Le Fr.˙.
Dumas, de Voiron : MM.˙. FF.˙., je viens vous demander une
modification, etc. »
Page 206, M. Bois : « Le F.˙. Rapporteur : Comme il s’agit d’un projet
financier, etc. »
L’imprimé officiel : « Le Fr.˙.
Bertrand : Comme il s’agit d’un projet financier qui ressemble,
etc. »
Même page 206, M. Bois : « Le délégué de
Montluçon : J’ai eu la faveur d’être le vénérable de la loge de
Voiron, et c’est à ce titre que je viens prendre la parole, etc. »
L’imprimé officiel : « Le
Fr.˙. Devaluez : J’ai eu la faveur d’être le vénérable de la loge de
Voiron, etc. »
Page 207, M. Bois : « Les avis sont
partagés. Un frère veut que l’on encourage les Maçons de l’Isère. Un
autre, plus avisé, songe à ce que cette assistance peut coûter à la caisse,
etc. »
L’imprimé officiel donne, comme toujours, les
noms que M. Bois cache. « Un frère », c’est le F.˙. Jourdan.
« Un autre », c’est le F.˙. Doumer.
Pages 223-224, M. Bois : « Le délégué
de la loge Liberté de Conscience, de Paris, trouve que la Chambre manque de
vigueur anticléricale... Laissons-lui la parole : Nous sommes un
certain nombre de Maçons qui voudrions pousser à fond l’analyse de cette
question, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Fernand Maurice : Nous sommes un certain nombre de Maçons qui
voudrions, etc. »
Page 226, M. Bois : « Le F.˙. B.,
toujours actif et plein d’initiative, soumet le vœu suivant, etc. »
« Le F.˙. B. », c’est le F.˙.
Benoit-Lévy, ainsi que le porte l’imprimé officiel.
Et ainsi de suite, jusqu’à la page 242.
CONVENT DE 1891
Les pages consacrées par M. Bois à la
reproduction des documents de ce couvent vont de 254 à 311.
Au hasard, prenons encore le détracteur de
Bataille en flagrant délit de falsification.
Page 274, M. Bois imprime : « Le
délégué de Limoges : Vous venez d’entendre la lecture du compte rendu
des travaux du Conseil de l’Ordre, etc. »
L’imprimé officiel porte : « Le F.˙.
Dumas-Guilin : Vous venez d’entendre la lecture, etc. »
Page 275, M. Bois : « Le président du
Conseil de l’Ordre : Mon F.˙., nous avons été saisis de différentes
plaintes, et parmi elles la vôtre, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Thulié, président du Conseil de l’Ordre : Mon F.˙., nous avons été
saisis de différentes plaintes, etc. »
Page 277, M. Bois : « Le F.˙. M.,
délégué de la loge de Calais : On vient de vous parler de la manière dont
se comporte parfois le gouvernement, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Merchier, de Calais ; on vient de vous parler de la manière dont se
comporte, etc. »
Page 281, M. Bois : « Le délégué de
la loge de Bourg : Ce n’est pas le renvoi devant le Conseil de l’Ordre
qu’il faut voter aujourd’hui, etc. »
L’imprimé officiel : « Le F.˙.
Bourgueil : Ce n’est pas le renvoi devant le Conseil de l’Ordre, etc. »
Page 282, M. Bois : Un membre du Conseil
de l’Ordre rappelle la révocation de l’édit de Nantes. Nous négligerons ce
hors-d’œuvre. »
L’imprimé officiel donne, en entier, ce
discours très violent et en même temps très astucieux, avec le nom du frère qui
l’a prononcé, le F.˙. Poulle ; c’est un président de Chambre à
la Cour d’appel de Poitiers, ayant le 33e degré de l’initiation maçonnique.
Page 283, M. Bois : « Un autre membre du
Conseil veut qu’on exclue les candidats cléricaux (des fonctions publiques)
et qu’on refuse l’avancement aux cléricaux déjà en place, etc. »
L’imprimé officiel nomme ce forcené ;
c’est le F.˙. Albert Pétrot, alors Rose-Croix et conseiller
municipal de Paris. Voilà plusieurs fois que M. Bois cache son nom au public
catholique qu’il sollicite pour lecteur. Il est vrai que le F.˙. Pétrot
est un ami de MM. Paul Rosen et Georges Bois.
Page 284, M. Bois imprime : « Le
délégué de la loge Les Droits de l’Homme, de Paris, est partisan de
l’exclusion des cléricaux et de la destruction de l’enseignement congréganiste,
quelles qu’en soient les conséquences. »
C’est du F.˙. Edmond Lepelletier
qu’il s’agit, d’après l’imprimé officiel.
Page 285, M. Bois cache le nom du F.˙.
Laffont sous cette qualification : « le délégué de la Renaissance ».
Page 286, le F.˙. Fernand Faure
devient, sous la plume de M. Bois : « le délégué des Neuf Sœurs »
(nom d’une loge de Bordeaux).
Page 292, M. Bois dit simplement : « Un orateur
conjecture que, par la vertu du vœu Pochon, les mères de famille réactionnaires
et cléricales deviendront républicaines, parce que l’avenir de leurs enfants y
sera intéressé » ; cet orateur est le F.˙. Blatin, de
Clermont-Ferrand, est-il dit dans l’imprimé officiel.
Et ainsi de suite, jusqu’à la page 311.
Partout, c’est la même chose, tout le long du
volume. Chaque fois que M. Bois cite des documents (notamment encore de la page
427 à la page 489), il les falsifie ; car c’est une falsification que
supprimer un nom qui est imprimé sur le document même, pour le remplacer par
une appellation cachant la personnalité.
A son chapitre XIII, M. Bois donne l’état des
ateliers de la fédération du Grand-Orient de France en 1891 ; ces
renseignements sont empruntés à l’Annuaire du Grand-Orient. Cet
annuaire donne, non seulement les titres des ateliers, mais les noms et
adresses de tous les vénérables, très sages (présidents de chapitres) et grands
maîtres (présidents d’aréopages de Kadosch). M. Bois publie les titres
d’ateliers ; mais silence complet sur les individus, absence totale des
noms.
Tel est le fait brutal qu’il y avait
nécessité de faire connaître. Je mets M. Georges Bois au défi de nier. Il ne
fera croire à personne qu’on a fabriqué, exprès pour lui, un exemplaire du Bulletin
officiel du Grand-Orient de France et un exemplaire de l’Annuaire officiel,
avec suppression des noms.
Tous ces noms, il les a eus sous les
yeux ; et ce n’est pas par défaut de place qu’il les a supprimés, puisque
la qualification dont il se sert en remplacement du nom est toujours plus
longue que le nom.
Et, ce qui est un comble, M. Bois, dans la
conclusion de son livre, félicite (page 514) un journal catholique de province,
qui avait publié quelques noms de francs-maçons de son arrondissement. Ah!
Voilà la bonne guerre, s’écrie M. Georges Bois ; nous ne devons prêter
notre appui, surtout dans la vie politique et publique, à rien de ce qui est
franc-maçon. Voilà comment la lutte sera efficace, et pour cela il faut publier
les noms.
« Continuez le bon combat, dit-il au
journal catholique auquel il fait allusion. Publiez, si vous pouvez, la
liste entière de toute la loge, afin que nous sachions qui nous avons devant
nous. » (Textuel.)
Et c’est M. Georges Bois qui traite de «
fumisterie » l’ouvrage du docteur Bataille !
Et le bon M. de Marolles certifie que le livre
de M. Bois a porté un coup terrible au Grand-Orient de France !...
Ah ! Comme on a dû rire, à la rue Cadet, en lisant le certificat de M. de
Marolles !
Non, voyez-vous, ce 33e qui offre à M. Bois
des documents pour qu’il les publie, M. Bois qui les imprime en en retranchant
précisément ce qu’il reconnaît lui-même être le plus gênant pour la secte, en
supprimant ce que le Saint-Siège ordonne de dévoiler sous peine
d’excommunication, c’est-à-dire les noms, et là-dessus, M. de Marolles,
président du Comité anti-maçonnique, qui déclare que M. Bois est tout le
contraire d’un auxiliaire du Grand-Orient de France, non, voyez-vous, cela fait
rêver !
Encore je suis obligé de m’arrêter, car la
place me manque ; Bataille a étalé devant moi les innombrables lettres de
ses abonnés qui le supplient de laisser M. Bois brailler, sans lui répondre; et
je vous assure que la plume semble se galvaniser d’elle-même entre mes doigts.
M. Georges Bois veut-il autoriser les
personnes à qui il a écrit des lettres privées contre Bataille et contre
moi-même à m’en laisser reproduire seulement une ou deux, et à y
répondre ? Ou bien la Vérité veut-elle les publier et en prendre
toute la responsabilité ?
Alors, on pourra faire constater
authentiquement, officiellement, qui dit vrai et qui ment. Et je vous réponds
que, pour le coup, ce sera bien fini.
Léo Taxil. »
Une des manœuvres les plus perfides du
journal la Vérité, - qui, chaque fois que M. Bois y écrit, devrait
beaucoup plus logiquement s’appeler le Mensonge, - a été de répandre le
bruit que l’auteur du Diable au XIXe siècle s’intitulait faussement
« docteur » et n’était même pas médecin.
Dans des lettres particulières, adressées à diverses personnes,
l’auxiliaire du Grand-Orient de France a commencé par prétendre s’être
renseigné officiellement, en ce qui concerne le service de notre ami dans la
marine, et avoir appris ainsi que celui-ci avait tout au plus navigué quelques
mois aux Messageries Maritimes. Cette seule allégation donne la mesure de la
mauvaise foi de M. Bois : pour ne citer que le Japon, le docteur Bataille y a
été en station pendant près de deux ans, sous le pavillon des Messageries
Maritimes et comme docteur de bord.
Passant des mensonges multipliés en des
confidences épistolaires aux insinuations calomnieuses publiques, M. Georges
Bois a tenté de faire croire aux abonnés du journal où il écrit que notre ami
n’est nullement docteur en médecine. Pour arriver à faire pénétrer dans les
esprits cette impudente fausseté, il n’est sorte d’artifices auxquels M. Bois
n’ait eu recours. Tantôt, comme dans ses lettres particulières, il fait suivre
d’un injurieux point d’interrogation entre parenthèses le titre de docteur
(?) ; tantôt, il affecte, ostensiblement, de la façon la plus marquée,
de lui refuser ce titre qui est pourtant le sien et bien légitimement conquis
par examens, diplôme et long exercice d’une honorable profession ; tantôt
enfin, sachant parfaitement que le docteur a cessé d’exercer, si ce n’est
accidentellement et pour se rendre utile à quelques personnes en nombre
restreint qui veulent bien le consulter spécialement pour les maladies
nerveuses), M. Georges Bois déclare solennellement que le vrai nom de l’auteur
du Diable au XIXe siècle ne se trouve ni dans l’Annuaire Médicale
de Paris ni dans le Bottin, où il l’a, dit-il, vainement cherché
à la nomenclature des docteurs-médecins de la capitale.
Tous ces procédés sont bien misérables, et,
dans cet acharnement à calomnier, il est fort difficile de voir l’appréciation
d’un critique jugeant un livre ; jamais, dans les annales de la presse, un
critique littéraire, si hostile qu’il fût à un ouvrage, n’est descendu à de
semblables manœuvres.
Eh bien, pour qu’une démonstration éclatante
soit faite de la basse déloyauté de M. Georges Bois, les amis de M. le docteur
Bataille l’ont instamment prié de consentir à oublier qu’il est, comme médecin,
avant tout un homme d’études scientifiques, et de vouloir bien reprendre, au
moins pendant quelque temps, le public exercice de sa profession. Notre ami a
accepté.
C’est pourquoi, tous les lundis dans la
matinée, de 9 heures et demie à 11 heures et demie, M. le docteur Bataille
recevra, dans un cabinet (rue de l’Abbaye, 13), toute personne qui désirera le
consulter sur un cas de maladie ou pour avoir une prescription de régime à
suivre. M. le docteur Bataille donnera également des consultations par
correspondance, à titre exceptionnel, bien entendu, et pour une seule fois. Les
consultations seront signées de son titre de docteur et de son vrai nom.
Si M. Georges Bois a dit la vérité, l’auteur
du Diable au XIXe Siècle se sera donc mis dans le cas délictueux
d’exercice illégal de la médecine. Et, la jurisprudence nécessitant que le
délinquant ait réellement fait métier, c’est-à-dire se soit fait rémunérer de
son office de médecin et ne se soit pas borné à donner des conseils, notre ami,
afin de n’être pas accusé d’avoir usé d’un subterfuge de nature à laisser la
loi impuissante contre lui, fixe à ses consultations un prix modique, mais
suffisant pour ne pas lui permettre d’échapper aux effets d’une dénonciation.
En conséquence, le prix de la consultation,
soit dans le cabinet mis à la disposition du docteur Bataille chez ses
éditeurs, soit par correspondance, est fixé à « cinq francs ».
Maintenant, voilà M. Georges Bois et ses
garants de sincérité mis au pied du mur. Ils n’ont plus à se dérober, ni lui ni
ceux qui impriment ses mensonges et leur donnent de la publicité. Il leur est
facile de faire demander consultation à M. le docteur Bataille par cinq ou six
personnes, pour s’assurer que notre ami se soumet réellement à l’expérience qui
vient d’être indiquée ; et, pour la modique somme de 25 à 30 fr., ils
auront en main les titres nécessaires pour le faire punir avec toute la rigueur
des lois, s’il est un faux docteur.
Allons, Messieurs, vous n’avez pas le droit
de refuser cette expérience décisive. Vous avez calomnié un homme et fait ainsi
le jeu de ceux que loyalement il combat et démasque ; vous avez répandu
sur lui des insinuations perfides ; vous avez l’obligation de ne pas en
demeurer là, il vous faut à présent, aller jusqu’au bout.
Vous devez faire constater que notre ami
exerce la médecine et le dénoncer au procureur de la République. Le docteur
Bataille vous met tous les atouts en main, si M. Georges Bois a dit vrai.
Et si l’expérience se retourne contre M.
Bois, s’il est ainsi démontré que ce monsieur a menti, si c’est lui qui, de
cette façon, est pris en flagrant délit d’imposture, nous aimons à croire que
M. Auguste Roussel, que nous persistons à ne pas rendre solidaire de son
collaborateur, aura l’honnêteté de désavouer celui-ci, de reconnaître qu’il a
été trompé par lui, et de dégager, par une déclaration publique, sa
responsabilité dans cette série d’attaques qu’il a eu tort de laisser produire
dans ses colonnes. Son amitié pour M. Bois l’a rendu aveugle. Dans l’intérêt
même de son journal, nous croyons qu’il est temps, pour M. Roussel, d’ouvrir
les yeux.
Quant à nous, nous affirmons la réalité des nombreux
voyages de M. le docteur Bataille, l’authenticité de ses diplômes, son
honorabilité au-dessus de tout soupçon ; nous le savons sincère et le
déclarons tel. Et tous ceux qui écrivent dans cette revue se proclament ses
amis, l’estiment comme tous ceux qui le connaissent. Tous, nous nous déclarons
hautement solidaires de lui. »
Voici l’article publié par M. le chanoine
Mustel dans la Revue catholique de Coutances du 19 janvier 1894 pour la
défense de l’ouvrage du docteur Bataille :
« … Nous arrivons à M. George Bois.
Ancien rédacteur de l’Univers,
actuellement rédacteur de la Vérité, M. G. Bois est un écrivain
catholique. Il a fait un livre intéressant, que nous avons lu avec attention, sur
la Franc-Maçonnerie moderne, dont l’objet, restreint, mais plein d’actualité et
qui appelle l’attention spéciale des lecteurs français, est l’évolution récente
et la nouvelle constitution du Grand-Orient de France, depuis que, rejetant en
grande partie les anciennes épreuves, les symboles et les rites archaïques, il
est devenu à la fois une société de libre-pensée ou d’athéisme, et une
association politique et sociale dont les membres travaillent efficacement à
conquérir ou à garder le pouvoir et à mettre les catholiques hors la loi, en
attendant qu’ils puissent supprimer le catholicisme en France.
M. G. Bois continue dans la Vérité, à
faire campagne contre la Franc-Maçonnerie, sur le même terrain, c’est-à-dire en
signalant ses entreprises, ses résolutions et ses actes pour asservir,
dépouiller et finalement détruire, si elle le pouvait, l’Eglise catholique en
France.
Ses renseignements, très sûrs, sont aussi
très précieux, et, en les donnant, M. G. Bois rend aux catholiques un service
dont personne ne comprend et ne reconnaît mieux que nous la très grande
importance. Mais nous sommes de ceux qui croient ses renseignements
insuffisants. Il ne sait pas, ou du moins, il ne dit pas tout, et il ne fait
connaître de la secte que le côté le moins odieux, lequel, du reste, elle avoue
ou plutôt proclame elle-même, en s’en faisant un titre de gloire.
Pourquoi M. G. Bois a-t-il attaqué
violemment, depuis longtemps, - et nous pouvons dire un peu par tous les moyens
dont il disposait, - le docteur Bataille et ses révélations ? Nous n’en
trouvons aucune bonne raison, surtout après la lettre que nous avons reproduite
il y a quinze jours, et dans laquelle M. G. Bois affirme, comme nous,
l’existence « d’un monde spécial, voué au diabolisme. » Nous eussions
parfaitement compris qu’il mit en doute les révélations du Diable au XIXe
Siècle, qu’il signalât dans les faits, les récits ou les doctrines, ce qui
lui paraissait incroyable, invraisemblable, ou enfin contraire aux
enseignements de l’Eglise. La discussion était de droit, et personne, pas plus
l’auteur que ses amis, n’aurait pu légitimement s’en plaindre.
Mais l’attitude de M. G. Bois a été tout
autre ; et il nous permettra de la trouver à la fois maladroite et
inexplicable.
D’abord, quand il a commencé ses attaques, il
ne pouvait ignorer que bon nombre de catholiques sérieux et instruits, de
prêtres, de théologiens, de religieux de tous les ordres, et plusieurs évêques
des plus compétents en ces matières, admettaient les révélations de M. le
docteur Bataille. Sans rien enlever à la liberté de la controverse, ces
adhésions discrètes, mais connues, ne devaient-elles pas détourner un écrivain
catholique de donner à sa polémique un ton de persiflage injurieux. comme si
l’auteur qu’il attaquait eut été convaincu d’être un charlatan, un
« fumiste », et son œuvre, une continuation des aventures du baron de
Krack ? A traiter ainsi un homme qui s’affirme catholique, et contre
lequel on ne peut s’armer, pour le combattre, que d’impressions personnelles,
c’est le critique qui se fait tort et met les lecteurs en défiance.
M. G. Bois a commis d’autres impairs. Il se
défend énergiquement de toute connivence, de toute collaboration, de toute
relation avec M. Rosen, sauf les relations d’un amateur de livres avec un
libraire. Fort bien. Mais pourquoi faisait-il insérer, le 24 novembre et le 4
décembre, dans la Vérité, deux lettres très singulières de ce Monsieur,
qui lui apportait évidemment son concours et son témoignage ? Et pourquoi
faisait-il suivre la première de ces lettres de cette recommandation
flatteuse : « Ce témoignage est d’autant plus autorisé que M. Paul Rosen
est le premier qui ait fait connaître en Europe la Maçonnerie de Charleston et
Albert Pike, en deux ouvrages honorés l’un et l’autre d’un bref de Léon XIII »
- et, en note, au bas de la page, cette jolie réclame : « Satan et Cie
et L’Ennemie sociale (Bloud et Barral. éditeurs). L’Ennemie sociale,
en un simple in-12, de 800 pages, est le plus décisif recueil de documents sur
le rôle politique et social de la Maçonnerie. »
Ajoutons que, dans son ouvrage, M. G. Bois
cite à chaque page M. Paul Rosen. Eh ! bien, nous trouvons étonnant
qu’après avoir publiquement fait campagne ainsi, - nous maintenons le mot, -
avec cet auteur, recommandé ses livres, honorés d’un bref pontifical, M. G.
Bois se défende si fort de toute accointance avec l’auteur de Satan et Cie,
et nous adjure et nous impose comme un acte de justice, dans des lettres
pressantes, de le dégager complètement de toute compromission avec le même P.
Rosen. - que d’ailleurs il connaît très bien, - beaucoup mieux que nous.
M. G. Bois ayant accusé publiquement l’auteur
du Diable au XIXe siècle d’être un « fumiste », un simple
« romancier », en d’autres termes, un imposteur et un « faux
témoin », M. Bataille a répliqué que M. Bois est, lui, un agent du Grand-Orient
de France, et il a promis de le prouver. L’accusation est très grave, et nous
comprenons qu’elle ait profondément blessé celui qui en était l’objet. Celle
qu’il avait portée le premier, sans y être provoqué, contre l’auteur du Diable
au XIXe siècle, l’était-elle moins ? Nullement, à notre avis. Si
l’œuvre de ce dernier était une œuvre d’imposture, ce serait une œuvre infâme
et scélérate au plus haut degré. Donc, les deux accusations s’équilibrent.
Jusqu’à présent, ni l’une ni l’autre n’est
prouvée. M. G. Bois, qui manie la plume avec souplesse et dextérité, doit
s’avouer que les arguments qu’il a accumulés sont faibles et ne peuvent
convaincre aucun homme sérieux. Quant à son adversaire, il doit produire très
prochainement ses preuves, et nous verrons ce qu’elles valent.
Mais M. G. Bois a manqué de sang-froid
jusqu’à s’emballer et se compromettre On connaît la législation française, si
défectueuse, sur la diffamation. Dans aucun cas, aucune preuve n’est admise,
quand il s’agit de particuliers, même journalistes ou candidats à une fonction
élective quelconque. Celui qu’on accuse a donc toujours le moyen de faire
condamner son accusateur ; mais, en ce cas, il se condamne presque
toujours lui-même, puisque, loin de prouver son innocence, il étouffe et
supprime les débats. Aussi n’y a-t-il guère que les publicistes véreux a
recourir aux tribunaux quand ils sont incriminés. Le moyen de se défendre,
c’est de mettre en demeure son adversaire de prouver ce qu’il avance, soit devant
le public, soit devant un jury d’honneur. Mais, en ce cas, il ne faut point le
menacer d’un procès, sinon dans le cas où les preuves peuvent être admises. En
faisant entendre, le 23 novembre, qu’il « se réservait » sur la question de la
police correctionnelle, M. Bois prenait une posture d’intimidation que nous
trouvons fâcheuse pour lui.
A notre avis, M. G. Bois n’a pas été mieux
inspiré en publiant une lettre amicale de M. le vicomte de Marolles. Celui ci
déclare qu’il ne prend point parti entre M. Bataille et M. Bois, mais il
proteste contre l’accusation dont ce dernier est l’objet et que nous avons
indiquée. Or, M. Bois, écrivain catholique, qui, après avoir fait partie de la
rédaction de l’Univers, est actuellement l’un des principaux rédacteurs
de la Vérité, ami de MM. Roussel et Arthur Loth, qui jouissent de
l’estime universelle, devrait comprendre qu’aucun témoignage d’estime et de
confiance, quel qu’en soit l’auteur, ne peut lui être utile. Ou ses
collaborateurs le connaissent ; et, on ce cas, leur jugement suffit ;
ou il a pu les tromper, eux qui le voient tous les jours, avec lesquels il
vit ; - ce qui n’est pas inouï, témoin Nubius ; - et alors il n’est
personne qui n’ait pu se méprendre sur son compte.
D’autre part, il serait facile de relever bon
nombre de contradictions dans les articles de M. Bois. Pourquoi, par exemple,
après avoir écrit à maintes reprises que les révélations du docteur étaient
fausses, s’empare-t-il, le 29 novembre, d’une lettre dans laquelle M. Léo Taxil
reconnaît, - ce qui était su, dès le commencement, de tous ceux qui avaient
voulu prendre des informations, - qu’il donne son concours au docteur
pour : 1° guider les dessinateurs chargés de l’illustration ; 2°
contrôler le docteur Bataille sur les questions purement maçonniques, et en
tire-t-il cette conclusion, absolument contraire à toutes ses attaques
antérieures :
« Ce qui reste acquis, c’est que les
révélations du docteur Bataille, en ce qui se rapporte à la Maçonnerie pure,
ont la même valeur, la même autorité que celles de M. Léo Taxil, lesquelles
elles-mêmes, au-dessus du grade d’apprenti, ne sont plus un témoignage
personnel, mais de simples renseignements.
C’est tout ce que nous voulions dire, et nous
n’avons jamais soutenu autre chose. Et si M. Léo Taxil voulait ajouter que ces
renseignements ont été mis en œuvre avec un peu d’imagination et cette petite
pointe de couleur romanesque que le public aime toujours, nous n’aurions plus
rien à lui demander. Que n’a-t-il seulement commencé par nous écrire cela dès
le premier jour ? Il nous eût épargné et eût épargné à son ami beaucoup
d’entre qui eût pu servir à autre chose ! »
Qu’importe le contrôle de M. Taxil sur les
questions purement maçonniques, c’est-à-dire, évidemment, sur la terminologie,
les rituels, les grades, les rites de la Franc-Maçonnerie ordinaire, qui n’a
pas été l’objet des études ni des investigations du docteur Bataille ? La
question, pour celui-ci, est uniquement celle que M. Bois avait posée et à
laquelle il est revenu : Le docteur a-t-il vu et entendu ce qu’il raconte
comme témoin oculaire ? Les diversions à propos de M. Léo Taxil ou de tout
autre n’ont rien à voir ici. Il n’y a pas d’auteur qui ne réclame, pour se
faire éditer, quelque concours d’amis dans lesquels il a confiance, pour revoir
son œuvre, la critiquer, et, au besoin la modifier. Elle reste cependant bien
son œuvre personnelle, dont toute la responsabilité lui incombe.
Que signifient encore, à propos du Diable
au XIX siècle, les reproches faits à M. Taxil d’avoir publié un livre dans
lequel les mœurs modernes seraient trop crûment dévoilées ? Que le
reproche soit fondé ou non, en quoi atteint-il et un autre auteur et un auteur
ouvrage ?
Enfin, - car il faut finir, - M. G. Bois
abuse de la facilité que lui procure son rôle de rédacteur d’un journal
quotidien pour multiplier sans mesure et varier sans cesse et ses articles et
ses attaques contre un écrivain qui ne peut répondre qu’une fois par mois.
Si nous pouvions entrer dans le fond du
débat, nous ajouterions, preuves à l’appui, que ce n’est pas le docteur
Bataille, mais ses contradicteurs qui se sont trompés ou ont voulu tromper sur
Charleston, sur Albert-George Mackey, sur les Inspecteurs en mission
permanente, qu’ils confondent avec les Souverains Inspecteurs Généraux, 33e
degré de l’Ecossisme, sur Sophie Walder et son père, etc., etc.
Un dernier mot : le 5 janvier, en publiant
l’interrogatoire adressé à toutes les Loges de France des différents Rites, par
la Loge la Clémente Amitié, M. G. Bois reprochait au docteur Bataille de
ne pas donner des renseignements de ce genre, et le raillait, selon son
habitude, à propos de faits démoniaques qu’il raconte. Ici, nous ne comprenons
pas. La Franc-Maçonnerie est une sorte de religion retournée ; elle a ses
œuvres, qui sont des œuvres de destruction et de ruines ; il est bon
certainement de les dénoncer. Mais elle puise ses inspirations plus bas que les
abîmes les plus obscurs et les plus infects du cœur humain. C’est le Diable qui
la dirige et l’inspire. Mettre ce point en lumière, le faire toucher du doigt,
c’est, comme le disait M. le chanoine Ribet, porter à la secte un coup droit,
plus efficace contre elle que la révélation de ses desseins et de ses méfaits.
Pour juger une société, un corps moral, il
est bon de savoir ce qu’elle fait, puisqu’on connaît l’arbre à ses
fruits ; mais mieux vaut encore connaître l’esprit qui l’anime. Aussi
saint Paul ne cessait-il d’avertir les fidèles de son temps qu’ils avaient à
combattre, non seulement contre la chair et le sang, mais contre les esprits de
ténèbres, répandus dans l’air et acharnés à leur perte.
Que M. Bois s’attache à signaler les faits et
gestes du Grand-Orient, c’est fort bien. Mais celui qui montre l’action directe
de l’Enfer éclaire mieux encore la situation. Le blâmer, le ridiculiser, non plus
sous prétexte qu’il trompe, mais parce qu’il consacre ses efforts à cette
mission, c’est se rendre suspect.
L.-M. Mustel. »
Suite à cet article, on pouvait lire ceci
dans le numéro deux de la Revue mensuelle (février 1894) :
« A cet article, M. Georges Bois n’a
rien répondu. il n’avait, en effet, qu’à se taire.
Quant à l’article qui lui a été consacré dans
notre dernier numéro de la Revue Mensuelle, il rendait obligatoire une
disparition ou un aveu ; M. Bois était mis au pied du mur.
Sur la question Pike-Mackey-Batchelor, le
mensonge de M. Bois (prétendant avoir appris au docteur Bataille la mort de
Gallatin Mackey) était flagrant, tellement flagrant que notre maladroit
adversaire, qui avait pourtant tant crié depuis neuf mois à ce sujet, s’est
réfugié dans un mutisme absolu.
Sur la question des documents maçonniques
qu’il a publiés dans son livre, M. Georges Bois, obligé d’avouer les
innombrables falsifications que nous avons signalées, a plaidé fort piteusement
les circonstances atténuantes. Par exemple : dans le compte-rendu du
convent de 1880, il a supprimé le nom du F.˙. Fourcade et l’a remplacé par
une désignation cachant la personnalité, trompant donc le lecteur sciemment
lorsqu’il met sous ses yeux ce qu’il appelle lui-même un document ;
pourquoi cette falsification ?... Nous citons textuellement M. Bois :
« Qui est-ce qui connaît, en France, le
F.˙. Fourcade ? Il y a peut-être, en France, plusieurs centaines de
Fourcade, dont la plupart, peut-être aussi, sont étrangers à la
franc-maçonnerie ? Quand j’ai cité ce nom, qu’ai-je appris au
public ? Rien, et j’ai provoqué un déluge de réclamations.
Je laisse de côté ce nom inutile, et je le
remplace par la qualité officielle du personnage, sa qualité de délégué de la
loge de Tarbes, chargé d’apporter au convent un vœu relatif aux projets de la
maçonnerie sur Notre-Dame de Lourdes. Cette fois, la question s’éclaire, et le
lecteur saisit du premier coup d’œil la valeur de la citation. »
Est-ce assez lamentable, comme
explication ?
A qui M. Bois fera-t-il croire que, s’il
avait publié le document tel quel, - c’est-à-dire : 1° la liste des
délégués au Convent, portant les noms de chacun avec sa qualité officielle
(liste qu’il avait entre les mains et qui ne lui eût pas pris un grand nombre
de pages de son livre, quatre cents lignes environ), et 2° le procès-verbal de
séance avec le nom de chaque orateur, - il aurait provoqué les réclamations
d’un Fourcade quelconque ?
Les documents doivent être reproduits comme
ils sont, et l’on ne saurait invoquer aucune excuse quand on est pris en
flagrant délit de falsification, surtout lorsqu’on se dit catholique et qu’en
cachant les noms à l’aide d’une falsification de ce genre, on désobéit au
souverain chef des fidèles, alors aussi que, d’autre part le fait de cacher
les noms est ordonné par les chefs de la maçonnerie.
Quant à dire que le nom du F.˙. qui a
apporté au Convent les vœux de la loge de Tarbes contre Notre-Dame de Lourdes
n’a aucun intérêt à être connu des catholiques, il faut prendre les lecteurs
auxquels on s’adresse pour des imbéciles pour oser exprimer pareille chose...
Allons, tout cela est pitoyable au suprême degré.
M. Bois aurait dû, là-dessus, dans son
intérêt, garder le silence, comme il s’est tu sur la question Mackey et sur
l’histoire de ses correspondances particulières calomnieuses.
Il a voulu se donner l’air de ne pas avoir le
dernier mot et se dérober avec une pirouette. Il n’a pas compris que son rôle
est fini, que ses répliques ne sont plus que des grimaces macabres, qu’à tout
prendre il lui vaut mieux rester dans la coulisse. Pauvre garçon ! il n’a
même pas l’intelligence de la reconnaissance à notre égard ; car, enfin, il
sait bien que nous avons été pour lui beaucoup plus indulgents qu’il ne le
méritait. »
Un des passages du Diable au XIXe siècle
qui a eu le plus le don de provoquer les rires et les haussements d’épaule des
soi-disant catholiques (vrais sceptiques, au fond) a été celui où j’ai eu
l’occasion de dire quelques mots du démon Cerbère.
Je prie mes lecteurs de se reporter au
premier volume, livraison 98, page 782.
C’était l’entrée en matière du chapitre XXIV,
la Possession et les Démoniaques. J’exposais combien il est regrettable
que la croyance au surnaturel se perde ; je disais l’aveuglement de ces
pauvres fous qui se croient des esprits forts et qui n’aperçoivent pas le
diable opérant à côté d’eux. A ce propos, je citais deux lettres, prises parmi
les innombrables que je reçois, et dans lesquelles mes honorables
correspondants déploraient, eux aussi, la négligence de nombreux membres du
clergé à étudier la mystique.
La seconde de ces lettres, émanant d’un
vénérable prêtre, exorciste aguerri contre Satan et qui avait été témoin de
quantité de faits diaboliques, disait entre autres choses :
« Je lis votre récit avec d’autant plus
d’intérêt, que depuis sept ans je m’occupe spécialement des questions
diaboliques, ayant à soutenir et à exorciser plusieurs personnes possédées par
les démons.
On passe pour exalté quand on parle de ces
choses-là : mais peu de personnes, même parmi les prêtres, soupçonnent combien
l’action du démon est fréquente à notre époque et quelle large part ce monstre
prend aux affaires humaines.
Avec ce que j’ai vu, dans les cas que j’ai
rencontrés, et ce que la théologie nous enseigne, il est facile d’expliquer
tous ces phénomènes que vous rapportez, et pas un de ceux que j’ai lus
jusqu’ici ne m’a étonné...
Je serais heureux, me demandait mon
correspondant, si vous pouviez me dire si, dans votre enquête, vous n’avez pas
trouvé quelque part le démon Cerbère. Je tiens enfermé, dans le corps
d’une pauvre et sainte fille, un démon puissant qui me parait être celui-là. Si
c’est lui, vous n’avez certainement pas dû le rencontrer... »
Citant cette lettre, je l’interrompis en cet
endroit, pour montrer combien l’exemple était significatif. Ce pieux et savant
exorciste avait soupçonné Cerbère dans ce méchant diable qui refusait
obstinément de dire son nom.
La lettre dont il s’agit remontait déjà à
plusieurs mois. Dans le fascicule qui en donna des extraits (fascicule de
septembre 1893), je racontai une partie de ce qui était résulté de ma
correspondance avec le vénérable exorciste.
N’ayant, en effet, jamais rencontré Cerbère
au cours de mon enquête, mais sachant d’autre part à quoi m’en tenir sur son
compte, j’avais pu fournir quelques renseignements à mon correspondant et je
fis connaître ce point à mes lecteurs :
« Lors de mon second voyage à
Charleston, j’ai copié plusieurs des livres infernaux qui sont aux archives du
Suprême Directoire Dogmatique, parmi lesquels un curieux registre où figure
toute la hiérarchie diabolique, telle que Satan l’a fait connaître à son
vicaire (alors Albert Pike).
J’ai donc pu donner quelques indications
précieuses à l’éminent exorciste qui me faisait l’honneur de me consulter.
C’est ainsi que je lui fis savoir que Cerbère s’intitule « marquis de
l’enfer », qu’il est inscrit comme commandant à dix-neuf légions, soit à
128 654 diables subalternes, et qu’il apparaît d’ordinaire sous la forme d’un
chien, à une tête (et non à trois, comme on se l’imagine), ladite tête pourvue
d’une barbe humaine noire et coiffée d’un bonnet pointu. J’indiquai aussi, pour
le cas où le fait eût été ignoré de mon correspondant, qu’on pouvait surprendre
ce démon, en lui parlant d’une certaine Marie Martin avec qui il avait eu des
relations.
Mes renseignements ne furent pas
superflus ; car bientôt ce méchant et puissant démon se laissa surprendre
le secret de son identité : c’était bien Cerbère.
Depuis lors, Cerbère s’est enfui de la ville
où il avait établi sa résidence, dans le corps de la malheureuse possédée dont
il est ici question. »
Voilà ce qui a été imprimé dans le 10e
fascicule qui parut en septembre dernier.
Il n’y avait là rien de risible. Les vrais
catholiques, ceux qui ont gardé la foi et sous les yeux de qui tombèrent ces
lignes, comprirent qu’il s’agissait d’un cas de possession des plus graves,
mais que la discrétion m’empêchait d’entrer dans de plus amples détails.
Dans la feuille innommable où l’ami du
F.˙. Albert Pétrot s’est attaché à tenter, par les moyens les plus
déloyaux, de jeter le discrédit sur mes révélations, ce fascicule fut tout
particulièrement l’objet d’une moquerie à outrance. J’appelle ce journal «
innommable », parce que vraiment on ne peut pas le désigner sous le titre qu’il
a pris ; autant vaudrait appeler « lumière » les ténèbres et « vertu » le
vice, selon la langue à rebours en honneur chez les francs-maçons.
Donc, M. Georges Bois trouva extrêmement
plaisant cet incident diabolique que je venais de laisser entrevoir ; il
en fit des gorges chaudes. Il consacra deux colonnes à railler des miracles que
j’avais fidèlement rapportés de la vie de saint Dunstan, le grand apôtre de
l’Angleterre, à se moquer des catholiques qui n’ont pas son scepticisme de
joyeux boulevardier ; et M. Auguste Roussel fit à cette diatribe, digne de
la Lanterne et autres organes de l’irréligion gouailleuse, les honneurs
de la première page de son numéro du lundi 30 octobre. Ces plaisanteries de
cabaret s’étalèrent en premier article.
La conclusion de M. Georges Bois est
caractéristique. Je ne me doutais pas alors que j’aurais un jour à la
reproduire.
La voici (elle est devenue, comme on va voir,
de pleine actualité) :
« Terminons par une anecdote qui
déridera le lecteur… Un des correspondants du Diable au XIXe siècle
écrit au docteur Bataille pour lui demander ce qu’il pense du démon Cerbère. A
ce nom, le correspondant soupçonne un démon à tête de chien. Le docteur, lui,
pense aussitôt à son portier. Alors, il répond à son correspondant en le
félicitant avec onction. Ce n’est pas lui qui doute du surnaturel ! Puis,
il ajoute qu’en effet Cerbère est un vilain diable à figure de chien, et qu’il
se montre le plus communément avec un bonnet sur la tète et une barbe humaine.
Voilà le correspondant du docteur désormais
renseigné, et de main de maître, il peut en être sûr !
Signé : Georges Bois. »
Il n’est pas possible de travestir avec plus
de mauvaise foi ce que j’avais écrit ; tout lecteur peut se reporter à ma
livraison 98, pages 752 et 783. Il n’est pas possible non plus de tourner plus
en ridicule un vénérable prêtre, exorcisant une malheureuse possédée, avec
l’autorisation de son évêque et c’est un journal catholique qui se moque en ces
termes d’un pieux exorciste, combattant l’enfer avec tout son zèle de croyant éclairé !...
Quelle triste et honteuse pasquinade !…
Mais, vraiment aussi, il semble que la
Providence s’attache à susciter des événements qui chaque jour confirment la
véracité et la sincérité de mes divulgations. Certes, je n’en tire aucune
gloire, et je dis même que cela prouve que nous sommes bien infimes, bien
misérables, des vers de terre, et qu’entre les mains de la Divine Sagesse nous
sommes tous de très fragiles instruments.
Déjà, j’aurais pu répondre depuis longtemps
aux sottes railleries de M. Georges Bois à propos de Cerbère ; j’ai
dédaigné de les relever, et pourtant il m’eût été bien facile de le faire. Mais
le lecteur comprend à quelle discrétion je suis tenu, recevant les plus graves
confidences.
Cependant, je me trouve obligé aujourd’hui de
revenir sur le diable Cerbère, et je ne puis m’abstenir de signaler combien il
est merveilleux que ce soit précisément ce démon dont une nouvelle
manifestation vient de m’être communiquée.
D’abord, quelques mots sur le passé.
J’ai dit, dans ma livraison 98, que Cerbère,
après avoir été tenu longtemps enfermé dans le corps d’une sainte fille, s’en
était tout à coup échappé.
Je vais être plus précis.
Le souvenir de Marie Martin, sorcière
prédilectionnée de lui, qui fut pendue et étranglée en Picardie le 25 juillet
1580, est un souvenir particulièrement désagréable à Cerbère ; il lui
rappelle une défaite que lui infligea l’Eglise, et il entre en colère chaque
fois qu’on lui jette à la face ce nom. Il avait espéré faire beaucoup de mal
par cette mauvaise femme, et l’Eglise avait brusquement interrompu ses
prestiges.
La malheureuse possédée, - une religieuse, -
dont il fut question lors de mon fascicule de septembre, a été fort
heureusement délivrée. Cerbère se démasqua, quand l’exorciste, mon
correspondant, lui parla de Marie Martin.
Ainsi que je l’ai dit, il s’enfuit tout à
coup de la ville où il avait alors établi sa résidence. Mais voici bien autre
chose, dont je n’ai pas cru devoir parler à cette époque.
Un jour que je me trouvais chez un ami ecclésiastique, j’avais justement sur moi,
venant de la recevoir, la lettre dans laquelle le vénérable exorciste de L***
m’annonçait la disparition subite de Cerbère. Bien entendu, je n’avais parlé de
ce fait à personne. Mon ami désirait me présenter à un saint prêtre, qui, lui
aussi, exorcisait une pauvre possédée, celle-ci laïque. La présentation faite,
nous causâmes. La conversation vint sur la possession dont M. l’abbé X***
s’occupait, et il nous dit que, depuis la veille, un démon réellement terrible
s’était installé chez la victime, la martyrisant plus que tous les autres.
Néanmoins, il avait réussi à contraindre ce diable à se nommer; c’était
Cerbère.
Je n’avais pas à douter de la délivrance de
L***. Je sortis ma lettre et la montrai. Rien n’était plus frappant.
Or, Cerbère fut encore délogé, ainsi que ses
compagnons. La deuxième possédée dont je parle en ce moment a été complètement
et définitivement délivrée dans les derniers jours de juillet 1893.
Maintenant, je vais reproduire des extraits
d’une lettre qui m’est parvenue ces jours-ci arrivant de bien loin, et mes
lecteurs pourront constater que le démon Cerbère n’est pas resté longtemps sans
exercer sa rage de persécution.
Je ne publierai pas l’endroit où il manifeste
ses fureurs à cette heure, mon correspondant ne m’y ayant pas autorisé. Mais,
si M. Auguste Roussel, qui se laisse trop facilement influencer par son
collaborateur sceptique, a lui-même le moindre doute, je lui offre une
vérification qu’il ne peut refuser. Il n’a qu’à déléguer auprès de moi, un lundi,
un ecclésiastique de ses amis, à qui je dirai, sous le sceau du secret, les
noms des trois victimes de Cerbère et ceux de leurs exorcistes. Cet
ecclésiastique pourra se mettre en rapport avec ces derniers, et il constatera
ainsi que l’affreux et cruel démon dont il s’agit a passé de L*** à G*** et de
là à M***, cette ville-ci n’étant pas en Europe. M. Auguste Roussel apprendra
alors que rien n’est plus vrai que ce que je relate, et cela lui fera apprécier
la parfaite inconvenance de son collaborateur M. Georges Bois.
Voici donc la plus récente lettre que j’ai
reçue au sujet de Cerbère :
« M***, le 16 février 1894.
Monsieur le docteur,
Je ne commencerai pas par vous féliciter de
la courageuse campagne que vous avez entreprise ; car vous devez recevoir
chaque jour des éloges à ce sujet, et peut-être commencez-vous à en être
fatigué. Je vous dirai seulement que tous les jours, à la Sainte Messe, je prie
pour vous et que je fais prier quelques bonnes âmes, afin que le Bon Dieu vous
donne le courage et les forces de continuer votre œuvre d’homme de Foi et de
savant.
C’est de Cerbère que je désirerais vous
entretenir.
Il est bien entendu que ce qui me concerne
est strictement confidentiel, et que, si vous jugez à propos de faire usage de
ma lettre dans l’intérêts de vos lecteurs, vous le ferez de telle sorte qu’il
n’y ait aucune indiscrétion ; je désirerais même que l’on ne sache pas que
cette lettre vient de (nom de la contrée où réside mon honorable
correspondant).
Je dirige une personne d’une grande vertu,
que le démon obsède quelquefois d’une façon bien pénible.
Un soir, vers dix heures, - c’était vers le
commencement d’octobre ou la fin de septembre dernier, - un soir donc, me
trouvant dans la chambre immédiatement au-dessus de la sienne, j’entendis
aboyer un chien. Or, je ne possède pas de chien. La voix me semblait venir de
la chambre de ma pénitente. Etonné, je regardai au dehors, et la clarté de la
lune me permit de constater qu’il n’y avait pas de chien à proximité de la
maison. J’entendis aboyer une deuxième fois, et la voix me sembla encore mieux
venir de la chambre au-dessus.
Le lendemain, je demandai à ma pénitente ce
qui c’était passé la nuit dans sa chambre. Elle me dit qu’un gros chien se
jetait sur elle en aboyant (c’était la première fois que le démon lui
apparaissait sous cette forme). Une personne qui couchait dans la chambre
voisine n’avait rien entendu, bien que l’aboiement m’ait paru fort.
Quelques jours plus tard, je recevais votre
fascicule de septembre où il est question de Cerbère. Je demandais alors à ma
pénitente de me décrire le chien, - lequel, depuis ce jour, lui apparaît
quotidiennement et la suit presque nuit et jour, dans la maison, dans l’église,
dans sa cellule, la fatiguant de ses aboiements, l’empestant de son haleine, et
se lançant à tout instant sur elle ; mais il ne peut pas la mordre, il ne
peut que la frapper de sa queue. – Elle me décrivit le chien, avec une barbe
humaine et quelque chose de pointu sur la tête, comme une touffe de poils
raides formant une sorte de bonnet pointu.
Je lui conseillai de prononcer le nom de
Marie martin, quand elle le verrait. Chaque fois qu’elle prononçait ce nom, il
se retirait en grognant ou avec rage.
Je vous avouerai ici que je ne m’explique pas
très bien la rage de Cerbère en entendant le nom de Marie Martin, étant donné
ce que vous en dites dans le fascicule d’octobre (p.846). Peut-être ma
pénitente croyait-elle prononcer le nom de la Sainte Vierge et celui de saint
Martin. Quoiqu’il en soit, quand j’appris par votre publication ce qu’était
Marie Martin, j’ai défendu à ma pénitente de prononcer désormais son nom.
Quand je reçus le fascicule de novembre, je
la questionnai de nouveau au sujet du chien, qui continuai à lui apparaître.
Elle me dit que tantôt elle le voyait comme j’ai dit plus haut, sur ses quatre
pattes, qui ne sont pas cependant des pattes de chien, mais quelque chose de
fourchu ; tantôt debout, avec une sorte de manteau. Je lui montrai alors
la gravure représentant Cerbère (page 937), et elle le reconnut parfaitement,
sauf quelques légers détails de la forme du manteau et sauf la nature du bonnet
qui lui paraît plutôt formé par des poils raides et longs.
En outre, elle voit souvent avec lui un démon
ressemblant à Buer (page 905).
Comme elle voyait le démon près d’elle à ce
moment même, j’ordonnai à celui-ci, au nom de N.-S. Jésus-Christ, de dire à ma
pénitente quel était son nom et ce qu’il venait faire auprès d’elle. Il
répondit avec rage que son nom était Cerbère et qu’il était venu pour lui
enlever la confiance envers son directeur ; ce dont elle était, en effet,
souvent et violemment tentée.
Je n’ai pas poussé les interrogations plus
loin, ne jugeant pas à propos d’engager une conversation avec le démon ;
du reste, quelle foi ajouter à ses paroles ?…
Au moment où je vous écris, ce siège se
poursuit contre ma pénitente, et le démon en vient à la frapper la nuit avec
une chaise.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le
docteur, de communiquer ma lettre au vénérable prêtre dont il est question page
782. Il voudra peut-être bien entrer en relation avec moi ; car il pourra
être intéressant pour lui de connaître les faits et gestes de ce Cerbère qu’il
a courageusement combattu, et moi, de mon côté, je pourrai profiter de son
expérience et de ses conseils.
Veuillez agréer, monsieur le docteur,
l’assurance de ma grande sympathie et de ma coopération, quoique faible, par la
prière.
(Signature). »
J’ai mis mon honorable correspondant de M***
en rapport avec les éminents exorcistes de L*** et de G***, et je recommande
aux prières de mes abonnés la malheureuse nouvelle victime de Cerbère. Jusqu’à
présent, comme on vient de la voir, cette pauvre fille n’est encore
qu’obsédée ; que Dieu lui fasse la grâce d’échapper aux horreurs de la
possession !…
Cette manifestation actuelle d’un des plus
cruels démons qui soient au royaume de Satan et les circonstances dans
lesquelles elle se produit prouvent, jusqu’à l’évidence, que mon œuvre est bien
venue à son heure.
Il n’y a pas à en douter, nous sommes à une
époque où les innombrables crimes commis par les hommes contre Dieu ont valu à
notre monde impie un déchaînement presque général de l’enfer. Les sceptiques
s’endurcissent dans leur incrédulité. Dieu leur répond en permettant au diable
d’agir, tout en imposant des limites aux effets de sa rage. Dieu est encore
trop bon pour nous. Il nous châtie, mais en nous inondant de lumière. Ceux qui,
malgré toutes ces manifestations du surnaturel, persisteront à fermer les yeux,
auront bien voulu leur damnation éternelle. […]
M. Auguste Roussel n’a qu’à m’envoyer un
ecclésiastique en qui il ait pleine confiance, et, par l’intermédiaire de cet
ecclésiastique, je lui ferai constater les faits, c’est-à-dire les deux
possessions de Cerbère, aujourd’hui terminées, et l’obsession actuelle.
Dr Bataille.
S’il faut en croire le journal l’Eclair
(numéro portant la date du jeudi 18 mai 1893), il existerait à Paris une
certaine société de joyeux amis, intitulée les Bons Bougres, dont
feraient partie, entre autres membres, trois Vénérables du Grand Orient de
France, les FF.˙. Deschamps, conseiller municipal de Paris et président du
Conseil général de la Seine, Albert Pétrot, ex-conseiller municipal,
actuellement député, et Paul Vivien, candidat anticlérical aux dernières
élections dans le VIe arrondissement. S’il faut en croire encore l’Eclair,
M. Georges Bois (le journal en question l’appelle : « notre confrère ») ferait
également partie de cette société, non secrète évidemment, mais dont le titre a
un parfum de Père Duchêne, bien en harmonie avec le scepticisme décadent
de cette fin de siècle.
Ce numéro de l’Eclair, qui nous a été
envoyé par un de nos abonnés et qui date de dix mois déjà, n’a certainement pas
été composé tout exprès à notre intention. Du reste, nous n’attacherons pas à cette
particularité boulevardière et bien parisienne plus d’importance qu’elle n’en
mérite.
Ce qui est grave, ce n’est pas que M. Georges
Bois dîne en camarade avec des amis qui se trouvent être Vénérables du Grand
Orient de France ; nous aurions mauvaise grâce a lui reprocher ces
relations de table, puisqu’il nous est arrivé, à nous, rédacteurs de la Revue
Mensuelle, d’accepter à déjeuner avec des lucifériens, et nous l’avons dit
à nos lecteurs. Les FF.˙. Deschamps, Pétrot et Vivien ne sont pas
palladistes ; ils sont athées. D’autre part, il est juste de dire que les
relations que nous avons conservées ou acquises nous ont servi à combattre plus
efficacement que jamais la franc-maçonnerie, à faire connaître ses dessous
mystérieux, à recueillir des documents dont la divulgation n’est pas faite pour
être agréable aux chefs secrets de la secte.
Ce qui est grave c’est que - nous citerons un
seul exemple pour ne pas lasser la patience de nos lecteurs, - l’amitié de M.
Georges Bois pour M. Albert Pétrot lui ait fait cacher au public catholique
quel rôle personnel, haineusement anticlérical, son camarade a joué dans les
convents du Grand Orient de France (1889, 1899, 1891). Ce qui est grave, c’est
que M. Georges Bois ait poussé la condescendance la faiblesse, jusqu’à
falsifier dans ce but les documents maçonniques officiels qu’il a
publiés ; c’est qu’il ait, en cela, méprisé les injonctions formelles du
Saint-Siège, qui ordonne, sous peine d’excommunication, de dénoncer les
chefs et coryphées de la franc-maçonnerie, chaque fois qu’on est on mesure de
le faire. Cela, c’est très grave, et d’autant plus grave que M. Georges Bois
lui-même, dans le même livre où il cache les noms des francs-maçons du Grand
Orient de France qu’il ménage, déclare qu’un écrivain catholique ne doit pas
hésiter à publier les noms des francs-maçons « afin que les catholiques sachent
qui ils ont devant eux. »(Page 514).
A Paris, il suffit de prononcer le nom du
F.˙. Albert Pétrot, pour que l’on sache de qui l’on veut parler. Ce
sectaire, à la barbe rouge, à l’aspect vraiment diabolique, est bien connu par
la haine sauvage qui l’anime contre la religion ; et l’on nous apprendrait
demain qu’il est possédé par Belzébuth en personne, que nous n’en serions
nullement surpris.
Mais nos lecteurs des départements et de
l’étranger ignorent ce qu’est ce franc-maçon, dont M. Georges Bois, par amitié,
a caché le rôle au sein des convents de la rue Cadet.
Pour faire connaître cet homme, cet ennemi
acharné de l’Eglise, nous relèverons seulement quelques-uns de ses votes au
Conseil municipal de Paris ; nous les empruntons au bulletin officiel
de l’hôtel de ville :
1890. - Les membres de la minorité demandant
au Conseil d’accorder une subvention aux écoles libres, M. Pétrot répond
« qu’élu pour lutter contre toute ingérence religieuse et cléricale, il a
le devoir d’empêcher, par tous les moyens possibles, les écoles congréganistes
de vivre. »
24 octobre 1890. - M. Georges Berry,
conservateur, ayant soulevé une discussion sur la laïcisation des services de
l’Assistance publique, M. Pétrot répond en déposant (avec MM. Deschamps et
Vaillant) l’ordre du jour suivant :
« L’administration est invitée a créer de
nouvelles écoles d’infirmiers et d’infirmières laïques dans les hôpitaux de la
rive droite. »
Autre ordre du jour, déposé par M. Navarre et
contresigné par MM. Pétrot et Deschamps :
« M. le directeur de l’Assistance publique
est invité à faire diligence pour obtenir une prompte solution du conflit
soulevé par la laïcisation de l’Hôtel-Dieu et de l’hôpital Saint-Louis, et à
poursuivre la laïcisation de tous les services de son administration. »
11 décembre 1890. - Ordre du jour déposé par
M Albert Pétrot :
« Le Conseil invite l’administration à
prendre les mesures nécessaires pour le respect absolu de la liberté de conscience
(nous savons ce que cela veut dire), et à procéder, sans retard, à la
laïcisation de l’hospice de Berck (hospice municipal pour les enfants). –
Signé : Albert Pétrot, Deschamps, etc. »
Il y a dans le bulletin officiel, plus
de cent ordres du jour de ce genre que le F.˙. Pétrot a déposés et réussi
le plus souvent à faire adopter. La vue d’une cornette de sœur de charité
suffit à mettre le F.˙. Pétrot en fureur. Tels, les démons, lorsqu’on leur
montre l’image du Divin Crucifié.
Mais voici, pour terminer, une des
laïcisations qui ont le plus vivement indigné les catholiques parisiens, celle
de la maison de charité fondée par cette sainte femme qui est universellement
connue et bénie des pauvres sous le nom de Sœur Rosalie. A la demande du
F.˙. Pétrot et de ses amis, on expulsa les Filles de Saint-Vincent de Paul
de cette demeure, qui leur appartenait bien, certes. La minorité conservatrice
protesta contre cette expulsion, qui est le dernier mot de la rage sectaire.
Cette protestation fut accueillie, on va voir
comment, par les francs-maçons du Conseil municipal.
Lisons le bulletin officiel :
« 4 novembre 1891. - Délibération sur la laïcisation du
dispensaire connu sous le nom de Maison de la sœur Rosalie.
M. Deschamps : - « En laïcisant la
Maison de la sœur Rosalie, le directeur de l’Assistance publique a fait son
devoir, et nous, représentants du Ve et du VIe arrondissements, nous félicitons
la municipalité d’avoir pris cette initiative. Comme sanction à ce débat, je
dépose l’ordre du jour suivant :
Le Conseil, respectueux de la liberté de
conscience (!!!), invite l’administration à poursuivre l’œuvre de la
laïcisation des maisons de secours, et passe à l’ordre du jour. - Signé «
Deschamps, Albert Pétrot. »
Adopté par 43 voix contre 9. »
Nous croyons qu’il serait superflu d’ajouter
le moindre commentaire. Que M. Georges Bois rétablisse donc, dans son volume,
le nom de son ami Pétrot à tous les passages où il l’a retranché. Il en a le
devoir, s’il a à cœur de réparer sa faiblesse.
Notre gérant a reçu de
l’auxiliaire du Grand-Orient de France une lettre dont ce personnage demande
l’insertion. Par extraordinaire, le monsieur ne nous a pas envoyé sa prose par
huissier. Nous la publions ; mais nous comptions la faire suivre d’un
document que le rédacteur du Mensonge malgré tout l’aplomb dont il est
doué, ne pourra pas nier. Ce document, pour être compris, a besoin, d’autre
part, d’être mis en parallèle avec certaine pièce, également authentique,
émanant du Grand-Orient de France. Tout cela demande de la place et, pour ce
numéro-ci encore, la place nous fait défaut car la crise de la haute-maçonnerie
intéresse plus nos lecteurs que le cas particulier de M. Georges Bois et de son
compère Paul Rosen, et il importe peu que la lumière complète se fasse un peu
plus tôt ou un peu plus tard sur ces deux individus.
Voici donc la lettre de M.
Georges Bois ; nous ne la ferons suivre que de courtes réflexions.
« Paris, le 12 avril 1894.
Monsieur le gérant,
Dans votre numéro 3, daté de mars 1894, en un
article anonyme qui a pour titre Edifiantes amitiés, vous racontez,
d’après l’Eclair du 18 mai 1893, que j’ai pris part, à cette date, à un
déjeuner dit des Bons Bougres. A ce banquet assistaient des francs-maçons,
que j’aurais eu, à cause de cela, le tort de ménager dans la polémique.
Je vous déclare que je ne suis pas de la
société des Bons Bougres et que je n’ai pas déjeuné avec eux. L’Eclair
se trompe ou désigne un homonyme.
Par occasion, votre collaborateur met de nouveau sur le chevalet mon
malheureux volume : Maçonnerie Nouvelle du Grand Orient et me
reproche avec vigueur tout ce qui ne s’y trouve pas !
Comme si toute la maçonnerie devait tenir
dans un in-octavo de 500 pages !
Il n’y a pas de livre qui dise tout. Léo
Taxil et le docteur Bataille ne disent pas tout. Le P. Deschamps n’a pas tout
dit. On n’écrit pas pour tout dire, parce que ce n’est pas possible en une vie
d’homme. On écrit modestement pour dire ce qu’on a pu savoir de nouveau, si
cela en vaut la peine. Mon livre explique seulement deux choses annoncées par
son titre : les rituels nouveaux du Grand Orient et l’organisation
politique de la fédération. S’il s’y trouve davantage, c’est par accident et
par surcroît et pas du tout par la prétention de tout dire.
Quant au reproche de fuir la polémique et de
ménager les francs-maçons, permettez-moi de dire que c’est une véritable
plaisanterie. Les lecteurs de la Vérité savent à quoi s’en tenir, et
votre collaborateur anonyme, s’il veut s’édifier, n’a qu’à jeter un coup d’œil
sur la collection du journal.
Je me plais à compter sur votre courtoisie
encore plus que sur la loi pour l’insertion, dans votre prochain numéro, de la
présente et nécessaire rectification.
Et je vous prie, Monsieur, d’agréer mes
sentiments distingués.
Georges Bois. »
D’abord, il est nécessaire d’en finir avec
cette question d’anonymat que l’ami du F.˙. Pétrot soulève à tout bout de
champ. Les rédacteurs de la Revue mensuelle sont connus de M. Georges
Bois et se sont tous déclarés solidaires contre lui pour relever ses
inqualifiables attaques contre leur ami M. le Dr Bataille. Pour simplifier, je
prends personnellement la responsabilité de tous les articles où il a été ou
pourra être encore question du rédacteur du Mensonge.
Maintenant, je dis à M. Georges Bois que
c’est lui qui se moque du public. S’il n’était pas vraiment le commensal de son
ami le F.˙. Pétrot au dîner des Bons Bougres, et puisqu’il y a,
parait-il, un autre Georges Bois, le Georges Bois à qui nous avons à faire
aurait dû, à l’occasion de cette ripaille sur laquelle nous n’avions pas
d’ailleurs insisté, adresser à l’Eclair une lettre pour éviter la
confusion. Au surplus, M. Georges Bois a déclaré dans le journal de M. Auguste Roussel
qu’il préférerait être membre de la Société des Bons Bougres plutôt que
d’être mon collaborateur. C’est entendu, et je remercie M. Georges Bois pour
cette bonne parole.
Mais les phrases de la lettre de l’ami du
F.˙. Pétrot ne sont que des phrases ; il passe, comme toujours, à
côté de la question.
Et la question, la voici :
On ne reproche nullement à M. Georges Bois de
n’avoir pas tout dit dans son volume ; on lui reproche d’avoir falsifié
les documents qu’il a publiés, et d’avoir fait ces falsifications expressément
pour cacher les noms des francs-maçons que le public catholique a intérêt à
connaître en tant que sectaires militants, participants aux convents du
Grand-Orient de France.
Des falsifications aussi graves ne peuvent
être que l’œuvre d’un auxiliaire de la secte ; je l’ai dit, je le répète,
je le maintiens, et toutes les personnes de bon sens pensent comme moi.
S’il y a une diffamation à dire cela, M.
Georges Bois n’a qu’à m’assigner devant le tribunal correctionnel.
Au surplus, pour accentuer le défi que je
porte à M. Georges Bois de faire faire la lumière au grand jour d’un débat
public, j’ajoute ceci :
Vous, falsificateur de documents, vous avez
dit et écrit, de connivence avec votre compère Rosen, que j’avais fabriqué des
lettres de Mlle Sophie Walder pour tromper mon vénérable ami M. le chanoine
Mustel, vous m’avez accusé d’être un faussaire. Je vous réponds que, vous et
votre compère Rosen, vous êtes deux drôles, deux infâmes menteurs. Votre action
était d’autant plus lâche, que vous l’accomplissiez sous le couvert de
correspondances particulières, adressées à toutes les personnes auprès de qui
vous pensiez me nuire ; et vous étiez d’autant plus coupables, que l’un de
vous deux connaissait l’écriture de Sophia et la mienne et ne pouvait les
confondre ; mais vous propagiez la calomnie clandestinement, pensant
qu’elle ferait son chemin sans être découverte.
Est-ce là la conduite d’un bon
catholique ?
Aujourd’hui, votre compère Paul Rosen
continue, à votre instigation, la campagne de dénigrement que vous avez
inaugurée tous deux, en bons complices que vous êtes. Il nous accuse de
mensonges, nous rédacteurs de la Revue mensuelle, en prétendant que la
fille en question s’appelle Walcker et non Walder. C’est
possible ; mais il n’y a pas de mensonge à publier le nom que Sophia
porte. Consciencieusement, nous avons fait faire des recherches à l’état-civil
de Strasbourg, et sous le nom de Walder nous n’avons jusqu’à présent rien
trouvé ; ce qui intéresse le public catholique, c’est que nous démasquions
les agissements de cette infernale créature, quelle se nomme Walcker ou
Walder, peu importe et c’est ce que nous continuerons à faire, malgré vous,
monsieur Georges Bois, et malgré son ami Paul Rosen, votre ami !
Vous avez dit, tous les deux, que le Palladisme
n’existe pas comme rite suprême de la franc-maçonnerie, que c’est « une
simple société de fumistes faisant de la pornographie sous prétexte de
spiritisme », et qu’il n’y a pas de direction centrale de la
franc-maçonnerie. Vous, personnellement, vous avez passé sous silence tous les
faits se rattachant au Convent secret du 20 septembre dernier, même après leur
divulgation éclatante. Quand vous avez à parler de Lemmi, vous affectez de le
qualifier uniquement de « grand-maître de la maçonnerie italienne »,
et vous savez pourtant qu’il a dans la secte un grade bien plus élevé ;
mais l’ordre maçonnique est formel : « Nier toujours et quand même
l’existence d’une direction centrale, cacher toujours et quand même
l’organisation de la haute maçonnerie ».
Mettre la lumière sous le boisseau, est-ce là
le fait d’un catholique ou d’un auxiliaire de la secte ?
Enfin, vous avez dit et écrit qu’il était
faux que, dans les arrière-loges, on pratiquât les infamies du Pastos ;
qu’il y eût ces orgies sacrilèges que le docteur Bataille et moi-même avons
fait connaître ; vous nous avez traités d’imposteurs, pour arrêter l’effet
de ces révélations. Et aujourd’hui que le voile se déchire de toutes parts,
malgré vous, vous adoptez une autre tactique, et de la négation d’hier vous
passez aux exagérations, pour épouvanter les catholiques et, d’une autre
manière, les faire douter ; car leur dire cette fausseté qu’il y a vingt-deux
chapelles lucifériennes dans le seul quartier de Saint-Sulpice, c’est les
amener à ne plus croire a ce qui a été dit. Vingt-deux temples secrets de
Satan, comme statistique d’un seul des quatre-vingts quartiers de Paris !
Vous savez bien que cela n’est pas vrai. Il y a en tout à Paris cinq triangles,
dont le docteur Bataille a promis de donner les adresses (à la XIe partie de
son ouvrage), et il les donnera. Vous, nous vous mettons au défi d’indiquer les
adresses des vingt-deux chapelles lucifériennes dont vous parlez. Vous ne
relèverez pas ce défi ; car vous avez menti.
Quant aux obscénités de certaines arrière-loges
vous saviez parfaitement à quoi vous en tenir ; un de vos récents articles
le prouve. Vous n’ignoriez pas ces infamies, et vous avez écrit que c’était
tout autant d’inventions de ma part.
Il y a quelques jours à peine, vous imprimiez
encore que les accusations du docteur Bataille et les miennes contre la
franc-maçonnerie étaient du pur roman. Je dis, je répète, je maintiens que
tout, dans votre conduite, y compris la publication même de votre livre, est la
preuve, pour quiconque a étudié les dessous de la secte, que vous êtes un de
ses auxiliaires, en dépit de vos protestations.
Léo Taxil.
[…] Du jour où je me suis uni à mon cher camarade d’enfance, le docteur
Bataille, pour le seconder, avec quelques amis, dans sa campagne de
divulgations, les vieilles haines qui s’étaient endormies pendant un certain
temps, se sont tout à coup réveillées, plus vivaces que jamais. Quand nous
avons entrepris la création de notre service d’informations maçonniques qui est
si utile et qui nous a permis de découvrir tant de choses si jalousement tenues
secrètes, quand surtout j’ai eu pris, personnellement, la plus grande part à la
direction des enquêtes menées en Italie sur les complots contre la Papauté,
alors les haines sont devenues furieuses.
On ne me pardonne pas d’avoir contribué à
faire la lumière. Comment, lorsqu’on est sectaire, combattre un homme qui met
au jour des vérités, si ce n’est en le discréditant, en le représentant comme
un être vil et méprisable ? Telle est la tactique de la franc-maçonnerie.
Elle invente les imputations les plus infamantes, elle fait imprimer les plus
noires calomnies et, se tournant vers les catholiques, elle leur dit :
« Voilà l’homme qui prétend nous
démasquer ; pouvez-vous le croire ? Voilà l’homme qui combat pour
votre cause ; pouvez-vous l’accepter comme champion ? Non, certes,
cet homme est le pire des aventuriers, c’est un coquin, un fripon, un chevalier
d’industrie ; il est de ceux à qui les honnêtes gens, à quelque parti
qu’ils appartiennent, ne sauraient serrer la main. » En un mot, on ne recule
devant rien pour écraser le gêneur, pour l’assassiner moralement.
C’est ainsi que, tout récemment, des
francs-maçons canadiens, obéissant sans aucun doute, au chef suprême Lemmi, publiaient
sur mon compte, dans un de leurs journaux les plus répandus, des accusations ne
reposant sur rien, des inventions fabriquées de toutes pièces, je me hâte de le
dire, mais de nature à ébranler les catholiques de ce pays. Le coup a été fait
au Canada, parce que notre Revue Mensuelle a là-bas près de 2 000
abonnés, parce que la maçonnerie travaille en ce moment cette contrée de la
façon la plus active, et que les journaux catholiques, en nous reproduisant,
font pièce à la secte, victorieusement. Il fallait arrêter notre campagne
canadienne à n’importe quel prix.
C’est le journal la Patrie, de
Montréal, qui a été choisi pour mettre les nouvelles calomnies en circulation.
Le directeur propriétaire de cette feuille, le sieur Beaugrand est un
franc-maçon avéré ; le rédacteur principal, le sieur Louis Fréchette, a
eu, dans la Chaîne d’Union des articles très élogieux, dont l’auteur, le
faisant valoir comme étant un grand homme canadien, n’était autre que le
F.˙. Paul Bert.
Or, voici les principales allégations de la Patrie,
de Montréal, à mon sujet :
1° J’ai été condamné à deux ans de prison
pour escroquerie. - On néglige de dire par quel tribunal, ni à quelle époque.
2° A Macon, à une époque, qu’on ne précise pas, où je faisais des
conférences « pour ramasser l’argent des pauvres ouvriers sous toutes
sortes de prétextes », j’ai été arrêté, étant ivre, pour outrage public a la
pudeur ; ce qui m’a valu encore un mois de prison. - Tout ce qui est vrai
là-dedans, c’est que j’ai fait des conférences au temps de mon impiété. Mais
jamais, entendez-vous ? Pas une seule fois, je n’ai accepté un centime des
sociétés de libre-pensée qui prenaient l’initiative de ces conférences ;
j’ai toujours refusé jusqu’au remboursement de mes frais de voyage et d’hôtel ;
il m’est arrivé même, pour faire bénéficier d’autant la société populaire
organisatrice, de prendre à ma charge mes frais de voyage d’un second
conférencier qu’on avait prié de venir avec moi. Et, comme la propagande du mal
a toujours plus de succès que la propagande du bien (c’est un fait reconnu), il
s’ensuit que les conférences dont parle le journal franc-maçon furent toujours
des plus fructueuses pour le parti anti-clérical. J’ai si peu exploité la libre
pensée, que, pour citer une ville, Saint-Etienne, le produit de deux
conférences que j’y fis, servit à fonder une école laïque : ce que je me
reproche amèrement aujourd’hui. Quant à Macon, je n’y ai, de ma vie, jamais mis
les pieds. Toute cette histoire est aussi impudemment inventée que celle des
deux ans de prison pour escroquerie.
3° Il y a encore une autre condamnation qu’on
a imaginée ; on n’en précise pas la date, on ne nomme pas le tribunal qui
l’a prononcée, on ne dit pas en quoi elle a consisté comme peine.
Voici en quels termes cette infâme calomnie
est rédigée :
« Tout le monde sait en France qu’il
(Léo Taxil) a été non seulement condamné pour filouterie, mais qu’à la suite
d’une condamnation pour tenue illicite d’un cercle où l’on dévalisait les
joueurs naïfs, il se réfugia en Belgique. C’était à la fin du septennat du
maréchal Mac-Mahon, et plus tard, quand la prescription de sa condamnation par
défaut lui fut acquise et lui permit de rentrer dans son pays, il essaya de
jouer le rôle d’un proscrit politique. Des ouvriers le crurent sur
parole ; mais il fut démasqué par Lissagaray et chassé honteusement de la
Ligue socialiste de la libre-pensée de Versailles où il s’était fait admettre
et était devenu trésorier ! Jamais il ne rendit ses comptes ; la
société n’était pas autorisée et ne pouvait porter plainte contre lui. Il garda
l’argent péniblement mis de côté par les ouvriers pour acheter une bannière et
un drap mortuaire. »
Autant de mots, autant de mensonges.
Cette calomnie est échafaudée sur le fait
vrai de deux années d’exil que j’ai passées en Suisse, de mai 1876 à février
1878. Je m’étais expatrié à la suite de plusieurs condamnations, toutes pour
délits de presse, encourues à la fin du régime de l’état de siège, à Marseille,
ma ville natale et je bénéficiai de la première amnistie qui fut votée par la
Chambre et le Sénat, au mois de février 1878. Mais je n’ai jamais eu de
condamnation de droit commun, pas plus à cette époque-là qu’en aucun autre
temps.
Je n’ai jamais été gérant ni administrateur
d’un cercle quelconque. Si j’avais eu une condamnation du genre de celle qui
est alléguée par la Patrie, de Montréal, je n’aurai pu rentrer en France
qu’en mai 1881, les condamnations correctionnelles étant prescrites seulement
au bout de cinq ans. En outre, ces condamnations-là, bien que n’étant pas
subies par le fait d’un bannissement volontaire de cinq années, restent
inscrites au casier judiciaire et privent le condamné de ses droits politiques.
Or, en août 1881, j’étais candidat aux élections législatives dans
l’arrondissement de Narbonne, où j’obtins 2 270 voix, ainsi qu’en témoigne l’Officiel.
J’étais donc parfaitement éligible, et il est impossible de supposer une
seconde que la préfecture eût admis sans protestation la candidature d’un homme
frappé d’une condamnation infamante.
Tout cela est faux, archi-faux, inventé à
plaisir. J’ai pu être attaqué par Lissagaray, mais après ma conversion (1885)
et à propos de ma conversion. Je n’ai jamais fait partie d’une Ligue socialiste
ni de la libre-pensée de Versailles ; j’ai demeuré trois ans à Maisons-Laffitte,
qui fait partie du canton de Saint Germain-en-Laye, dans l’arrondissement de
Versailles, et qui est à demi-heure de Paris, mais c’est encore après ma
conversion (années 1886, 1887 et 1888). En fait de société de libre-pensée, je
n’ai jamais appartenu qu’à celle qui se nommait le Groupe Garibaldi (un
des groupes parisiens de la fédération dite Ligue Anti-Cléricale) ;
j’ignore s’il existe encore : mais jamais je n’en fus trésorier. Ce conte
bleu de bannière et de drap mortuaire, dont j’aurais gardé l’argent, est
d’autant plus absurde, que c’est au contraire moi qui ai fait cadeau de son
drapeau au Groupe Garibaldi.
Je demande pardon à nos lecteurs d’entrer dans ces détails ; ils
ne montreront que mieux le cynisme de ces misérables calomniateurs, qui ne
savent qu’inventer pour salir un adversaire.
Enfin la Patrie, de Montréal, a l’audace d’imprimer encore ces
lignes, en parlant de moi :
« C’est quand il s’est vu honni partout, impliqué dans une
nouvelle sale affaire, un chantage, qu’il s’est retourné du côté des
ultra-cléricaux. Hors de France, on ne connaît pas les infamies de cet homme,
et en Angleterre aussi bien qu’au Canada, nous rencontrons des imbéciles qui
pleurent de joie au nom de Léo Taxil, la brebis égarée revenue dans le bon
chemin, disent-ils, l’athée devenu un saint. »
Ces dernières lignes dévoilent bien le but poursuivi par les sectaires
: ce qu’ils veulent, c’est ôter tout crédit à notre campagne anti-maçonnique,
et ils espèrent y parvenir en me prenant pour bouc émissaire et en me traînant
dans la boue.
Nous avons imprimé in-extenso le
jugement, - authentique, celui-là, - par lequel leur chef Adriano Lemmi a été
condamné pour vol à un an et un jour de prison et cinq années de surveillance
de la haute police. On invente alors que j’ai, moi, à mon dossier, une
condamnation pour tenue illicite de tripot, ayant nécessité de ma part un
bannissement volontaire de cinq ans, une condamnation à un mois de prison pour
ivresse publique et outrage à la pudeur, et une condamnation à deux ans pour
escroquerie ; par conséquent, je suis le dernier des hommes. C’est la
riposte à nos coups contre la secte, rien n’est plus certain.
Eh bien, le voici, mon casier
judiciaire :
Bulletin n°2
Tribunal de première instance de Marseille
(on sait que le casier judiciaire de chaque français est tenu à jour au greffe
du tribunal de première instance d’où dépend la ville ou la commune natale. On
sait aussi que les condamnations politiques ne figurent pas au casier
judiciaire, lorsqu’elles ont été effacées par une amnistie.)
Casier judiciaire
Relevé des bulletins individuels de
condamnation alphabétiquement classés au Casier, concernant :
JOGAND, Marie-Joseph-Antoine-Gabriel,
Né à Marseille, le 21 mars 1854,
Fils de Charles-François-Marie Jogand
Et de Joséphine-Françoise-Antoinette Pagès,
Domicilié à Paris, rue d’Alésia, 137 ;
Profession : homme de lettres.
Date des condamnations……NEANT
Cours ou Tribunaux………...NEANT
Nature des crimes et délits….NEANT
Nature et durée des peines.…NEANT
Observations……………..…NEANT
Certifié conforme :
Marseille, le 5 mai 1894.
Le greffier du Tribunal :
(Signature illisible)
Vu au Parquet,
Pour le Procureur de la République :
(Signé) : GIRAUD
Timbre du Parquet
1fr.25.
Enregistré à Marseille, le cinq mai 1894,
folio 16, case 8.
Reçu vingt-cinq centimes, décime compris.
(Signature illisible)
Il est pénible, je vous l’assure, d’être
obligé d’en venir à la production publique d’un document de cette nature, et
d’ajouter que, en outre, n’importe qui peut vérifier que je jouis de tous mes
droits civiques, étant inscrit comme électeur à Paris, sur les listes
électorales du XIVe arrondissement.
Mais enfin, si j’en viens là, c’est qu’il est
nécessaire qu’aucun doute ne reste dans l’esprit de nos lecteurs. Diverses
correspondances nous ont appris que grand nombre de nos abonnés catholiques du
Canada ont été vivement émus, troublés même, par les abominables imputations du
journal du F.˙. Beaugrand.
J’ai été grandement coupable envers l’Eglise
pendant longtemps, et de ces fautes passées, j’ai été absous, il y a neuf ans,
par la miséricorde du Saint-Père. Mais il importe que les catholiques sachent
bien que, sous le rapport de la probité, personne n’a rien a me reprocher,
rien, absolument rien, et qu’ainsi les inventions de la secte et les
insinuations de ses auxiliaires sont infâmes au suprême degré.
Quand, le 5 avril 1888, Léon XIII me faisait
écrire par Mgr Nocella, secrétaire des brefs pontificaux : « La bonté
divine a voulu que, abandonnant le camp des ennemis de l’Eglise, vous
recouvriez votre dignité et votre liberté », le Souverain Pontife n’entendait
certainement pas dire que j’avais été auparavant un chevalier d’industrie. Il
ne m’eût pas, évidemment, honoré d’un bref apostolique, m’engageant « à
consacrer désormais, avec constance et dévouement, mes facultés, mes travaux et
mes forces à la défense et à l’honneur du Saint-Siège et de l’Eglise
catholique ». Léon XIII n’aurait pas dicté ces lignes :
« Le Très Saint Père vous décerne ses
encouragements, afin que vous répondiez avec ardeur à la grâce divine et que
vous en recueilliez les plus précieux fruits, afin que, demeurant un salutaire
exemple pour un grand nombre, vous assuriez à votre nom ma vraie gloire et à
vous-même le réel bonheur. »
A un fripon qui se convertit, l’Eglise
dit :
« Dieu vous pardonne, à raison de votre
repentir ; mais restituez ce que vous avez escroqué, et disparaissez dans
la retraite et l’oubli. » Elle ne lui dit
pas : « Consacrez-vous désormais à la défense et à l’honneur du
Saint-Siège et de l’Eglise catholique. »
En lisant ce qui précède, nos amis se
demanderont où je veux en venir, puisque le titre de cet article indique que
j’ai à m’occuper de M. Georges Bois.
Tout ce qui vient d’être dit avait sa raison
d’être ici. En effet, la tactique de la franc-maçonnerie est double. En même
temps qu’elle publie à l’étranger des infâmes calomnies, claires et nettes,
bien caractérisées, en France elle procède par insinuations ; et il est
facile de voir que tout cela se tient, que tout cela est le résultat du même
mot d’ordre.
M. Bois, lui, n’oserait pas imprimer des
allégations semblables à celles de la Patrie, de Montréal ; il ne
s’y risquerait pas. Les FF.˙. Beaugrand, Fréchette et Maurin ont eu
l’audace d’en venir à la calomnie la plus impudente, à raison des difficultés
qu’il y a pour moi à entamer une procédure contre eux, à l’étranger, si loin.
Lui, le Georges Bois, pour remplir sa
mission, il a recours à la correspondance particulière, s’il veut lancer une
imputation précise, et il se renferme dans les généralités quand il écrit pour
le public.
C’est ainsi qu’au courant de ses lettres à
diverses personnes il a eu le cynisme de prétendre que j’ai commis des faux,
tandis que, dans le journal où sont insérées ses élucubrations, il me
représente comme un être absolument méprisable, déshonoré. Je lui ai donné le
plus formel démenti en ce qui concerne ses accusations par lettres privées. Il
ne les regrette aucunement, il ne s’en excuse pas ; il n’y fait aucune
allusion dans sa réponse publique. Il affecte de prendre la chose avec une
sorte de gaieté mêlée de mépris. Mes démentis, il n’en a cure. « Voilà qui
est terrible, écrit-il ; mais nous aimons mieux cela que si Léo Taxil nous
offrait son estime. » Je l’ai mis au défi de me poursuivre, lorsque je
l’accuse d’être un auxiliaire du Grand-Orient de France. Il sait bien que, dans
ce cas, l’introduction d’une demande reconventionnelle démontrerait qu’il m’a
calomnié sur la question des prétendus faux et sur le reste ; il sait
qu’il en serait, par conséquent, pour sa honte. « Faire un procès à Léo
Taxil ? Répond-il. A quoi bon ? Le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Que m’importe de lui faire octroyer une condamnation de plus ! »
Notez que c’est Georges Bois qui nous a menacés d’une poursuite judiciaire, si
nous persistions à le déclarer auxiliaire du Grand-Orient de France.
Or ça, cela nous va tout aussi bien. Je ne
redoutais pas l’assignation de M. Georges Bois ; je la souhaitais de tout
mon cœur. On va comprendre pourquoi.
Je me serais défendu contre M. Bois, en
démontrant juridiquement l’odieux de son accusation de faux, au sujet des
lettres de Mlle Walder à M. l’abbé Mustel. La démonstration se faisait :
1° par un expert-juré en écritures ; 2° par un haut-maçon, qui n’a pas
encore à se faire connaître, mais qui, dans une circonstance aussi grave, n’eût
pas hésité à venir répondre, sous la foi du serment, aux questions que je lui
aurais fait poser par le tribunal.
M. Georges Bois peut feindre le rire
encore ; son rire est trop forcé pour tromper personne. Oui, un membre de
la haute-maçonnerie, un de ceux par qui nous avons eu des renseignements de la
plus haute importance, un ami personnel de miss Vaughan, actuellement membre
actif d’un Suprême Conseil (pas de celui de France), aurait édifié le tribunal
sur tout ce que Georges Bois nie. Ce n’est que partie remise, puisqu’il n’y
aura pas de débats judiciaires. Notre collaborateur[45]
- si l’on peut lui donner ce titre, - a des raisons très sérieuses pour ne pas
se retirer « publiquement » de la franc-maçonnerie avant quatre
mois ; mais il eût devancé cette époque, en cas de procès où son
témoignage eût été nécessaire.
Nous n’exhiberons donc pas les lettres de M.
Bois à une audience ; nous les publierons ici.
Que l’on ne vienne pas dire que je viole le
secret de la correspondance privée. Il ne s’agit aucunement de choses intimes,
touchant à l’honneur des familles. Le jeu de M. Bois a été celui-ci : il a
écrit diverses lettres, partout où il a pensé pouvoir nuire au docteur Bataille
et à ses amis ; il écrivait, disait-il, confidentiellement, mais en
donnant l’autorisation de communiquer la lettre à un tiers, dans le cas où l’on
croirait utile d’éclairer l’opinion personnelle d’un ami. Je le demande à tout
homme de bonne foi : est-il possible d’agir plus traîtreusement ? Et
ces lettres, M. Georges Bois les envoyait aux directeurs catholiques, qui
appuyaient la publication du docteur Bataille.
On dira ce qu’on voudra ; jamais
pareille choses ne s’est vue dans les annales de la presse. Il arrive à tout
journaliste de critiquer, d’attaquer même un ouvrage qui ne lui plaît
pas ; mais jamais, jamais on n’a vu un critique, eût-il porté les
appréciations les plus hostiles, entreprendre, après son article, contre
l’ouvrage déplaisant, une campagne de dénigrement, par voie de correspondance
privée, auprès de ses confrères à qui l’ouvrage avait plu. Non, jamais un
publiciste, ayant donné son avis public sur un livre, n’a eu recours au procédé
de M. Georges Bois. Il y a donc en Bois, cela crève les yeux, autre chose qu’un
critique.
A quelque parti qu’un homme appartienne, il
est jugé quand il agit de la sorte. Cette conduite ne peut s’expliquer que de
deux façons : ou c’est le fait de l’obéissance à une consigne, c’est
l’exécution d’un mot d’ordre ; ou bien c’est la manifestation d’une haine
personnelle, violente, intense, qui déborde, qui ne peut se contenir. En tous
cas, c’est tout ce qu’on peut imaginer de plus déloyal.
S’il y a haine de la part de M. Bois contre
le docteur Bataille, toutes ses attaques passionnées tombent d’elles-mêmes.
Mais si Bois a eu soin d’écrire qu’il n’avait absolument rien contre notre ami,
ni contre ses collaborateurs de la Revue Mensuelle ; ce n’est donc point dans un sentiment de
haine qu’il faut chercher la cause de cet incroyable acharnement.
Cette cause apparaît très nette en rapprochant
d’une « planche » du Grand Orient de France une des lettres
particulières de M. Georges Bois. L’analogie est frappante. Le Grand Orient
déclare que les révélations que j’ai faites sur la maçonnerie sont fausses, ne
reposent sur aucun fondement ; M. Georges Bois vient à la rescousse et dit
exactement les mêmes choses, mais il entre dans les détails et nie précisément
ce que la maçonnerie a donné ordre toujours de tenir le plus caché.
Voici d’abord le document du Grand Orient de
France ; cette planche a paru dans le Bulletin Officiel du rite
français, n° de décembre 1891, pages 797-798 ; nous la reproduisons
textuellement :
« O.˙. de Paris de Paris, le 8 janvier 1889 (E.˙.
V.˙.)
TT.˙. CC.˙. et Hon.˙. FF.˙.,
Par une planche du 30 août 1888 (E.˙.
V.˙.), le T.˙. C.˙. et Ill.˙. F.˙. Octavio Baéna 33e.˙.,
Chancelier de l’Ordre (il est le secrétaire grand chancelier du Suprême Conseil
néo-grenadin, Etat de Bolivar, en Colombie), nous a fait part de l’émotion
produite dans les régions soumises à votre pouvoir maç.˙. par la
publication à Barcelone d’un livre odieux de l’ex-F.˙. Léo Taxil, payé par
les éternels adversaires de la liberté humaine pour calomnier et déconsidérer
notre impérissable et frat.˙. Institution.
Il nous a demandé s’il existait à Paris une
réfutation imprimée du sbire littéraire que la grande famille maçonnique a
chassé de son sein, après avoir constaté son indignité.
Je suis chargé par le Conseil de l’Ordre,
TT.˙. CC.˙. FF.˙., de vous marquer l’extrême répugnance que les
Maçons français ont toujours éprouvée pour une réfutation de griefs qui ne
reposeraient sur aucun fondement. En répondant à un renégat, la
Franc-Maçonnerie lui aurait fait un honneur dont il n’était pas digne, et sur
lequel comptaient peut-être ceux qui avaient spéculé sur notre indignation. M.
Léo Taxil est aujourd’hui écrasé sous le commun mépris de ceux qui ont acheté
ses services et de ceux qu’il a inutilement tenté de desservir ; il n’est
pas même parvenu à se faire prendre au sérieux par le Grand Orient de France,
et le public profane, après s’être laissé séduire un moment par un appât de
malsaine curiosité, n’a pas tardé à juger à leur vraie valeur des attaques
faites contrairement aux règles de la conscience, de la délicatesse et de la
plus élémentaire pudeur.
Le milieu éclairé dans lequel nous vivons
nous a donc permis de ne pas compromettre la gloire de la Franc-Maçonnerie
française dans une contestation publique avec un adversaire jugé indigne, et de
répondre aux sectes qui ont acheté les renégats à vendre, par la seule attitude
qu’elles méritaient : par le mépris.
Si quelques esprits ont pu momentanément
hésiter dans les localités éloignées des centres intellectuels, leur hésitation
ne résistera pas longtemps aux lumières que leur apporte le zèle de nos FF.˙.,
et nous nous persuadons, l’expérience aidant, que l’utile réplique à faire aux
manœuvres et aux publications des cléricaux, c’est le recrutement par nos Loges
d’un grand nombre d’esprits amis de la liberté et de la justice, c’est la
création d’Ateliers nouveaux pouvant allumer parmi les hommes le flambeau des
vérités maçonniques fondées sur la liberté, l’égalité et la fraternité.
Il n’existe donc pas, à Paris de réfutation
imprimée des ouvrages de Léo Taxil, et, par suite, il ne nous est pas possible
de déférer au désir que vous exprimez d’en recevoir un exemplaire.
Veuillez agréer, TT.˙. CC.˙. et
Ill.˙. FF.˙., l’expression de nos sentiments dévoués et fraternels.
Par le Président du Conseil de l’Ordre,
Le vice-président : Fontainas,
33e.˙.
Le secrétaire :
G. Level, 33e.˙.
Le Conseil décide que cette communication
figurera au Bulletin, pour expliquer le silence du G.˙. O.˙.
de France en réponse aux attaques dont la Franc-Maçonnerie est l’objet. »
Pour juger ce que vaut le F.˙.
Fontainas, on me saura gré de reproduire les renseignements publiés sur son
compte par la Croix de Paris :
« Cet ennemi des congréganistes a un
singulier dossier, s’il est vrai qu’il n’y a pas deux Fontainas parmi les
francs-maçons belges.
Voici le passé du F.˙. Fontainas, maçon
belge :
Echevin à Bruxelles en 1874 (ou75), avec
droit d’inscription dans les écoles, il fut révoqué.
1° Pour avoir perdu une jeune fille mineure,
placée par lui à la tête d’une école communale. Ce scandale fut découvert quand
il fut devenu impossible de le cacher.
2° Il fut emprisonné pour avoir tué le frère
de la malheureuse fille, qui, désespéré et déshonoré, venait lui demander
réparation.
Après un certain temps de prison, il
s’installa pompeusement à Paris, avec l’ex-institutrice dont il a plusieurs
enfants, oubliant sa femme et ses trois enfants légitimes.
Mme Fontainas est morte de chagrin en
quelques jours.
Malgré toutes les déclamations du F.˙.
maçon, ses deux filles ont été élevées dans un couvent en Belgique, où elles
ont fait leur première communion.
Nous avons encore des détails sur les secours
donnés par des couvents à la famille du F.˙. Fontainas, maçon belge,
ennemi des congréganistes et conseil du gouvernement français. »
Fermons la parenthèse sur le F.˙.
Fontainas, signataire de la planche où mon indignité est proclamée. On a vu
plus haut à quelles infâmes calomnies les francs-maçons ont recours pour
atténuer la portée des révélations que j’ai faites, et que le docteur Bataille
et M. de la Rive[46]
sont venus confirmer et renforcer, en attendant que d’autres viennent
encore apporter leur témoignage à la vérité des faits par moi divulgués. Il est
facile de comprendre que, si les sectaires ne nous réfutent pas, c’est que cela
leur est impossible ; ils se donnent alors des airs méprisants.
Il faut constater que ce dédain affecté n’a
pas réussi à faire croire à la parfaite innocence de la franc-maçonnerie ;
car, un an et demi après la publication de la fameuse planche de mépris dans le
Bulletin Officiel du Grand Orient, on a eu recours à une nouvelle
tactique. Le docteur Bataille venait d’éclairer la situation de la façon la
plus lumineuse ; il était net, précis ; à côté des faits surnaturels
qu’il relatait en montrant l’œuvre de Satan dans la secte, il expliquait tout
le mécanisme de cette association ténébreuse internationale ; il venait
d’annoncer, admirablement renseigné, que la direction suprême de la
franc-maçonnerie allait être transportée en Italie, et il désignait
formellement l’Italie comme devant être, à bref délai, le théâtre de la grande
lutte contre l’Eglise.
Rappelez bien vos souvenirs, chers
lecteurs ; revoyez les fascicules du docteur (notamment le 5e
et 6e, parus en avril et en mai 1893). Il était évident, dès lors,
pour les Suprêmes Conseils et Grands Orients, que le docteur Bataille avait
conservé, dans l’intérêt de la cause chrétienne, des intelligences dans la
place, puisqu’il pouvait en quelque sorte annoncer à coup sûr ce qui allait
arriver.
Eh bien, c’est à ce moment-là même que M.
Georges Bois entre en scène, flanqué de son compère Paul Rosen, dont il essaie
à présent de se séparer, le trouvant devenu compromettant ; car il le sait
pris et bien pris. C’est alors que M. Bois commence sa campagne. Les
francs-maçons, eux, se taisent ; c’est le premier point de la consigne
(planche Fontainas). Le second point sera exécuté par M. Bois, qui, dans la
presse catholique, est parvenu à obtenir les fonctions de secrétaire de la Corporation
des publicistes chrétiens. C’est en usant de ce titre que, de son autorité
privée, M. Georges Bois, tout en fulminant dans la pseudo-Vérité contre
le docteur Bataille et ses amis, adressera aux journalistes adversaires de la
secte ces lettres particulières si perfides, dont le but indéniable est
d’arrêter le mouvement en faveur du révélateur redoutable, et, par conséquent,
dont l’effet matériel, indéniable aussi, est de servir, hypocritement, en
secret, la cause de la franc-maçonnerie.
La copie d’un certain nombre de ces lettres
nous a été envoyée. Des amis du docteur se sont trouvés être les tiers en faveur
de qui M. Bois autorisait la communication de ses factums prétendus
confidentiels. Des personnes indignées en présence d’aussi déloyales manœuvres,
sont devenues de nouveaux amis pour le docteur Bataille et ses collaborateurs
de la Revue Mensuelle. Bref, le misérable procédé de M. Bois s’est
retourné contre lui. Alors, - et c’est cela qui prouve bien qu’il avait
conscience de la déloyauté de sa conduite, - alors M. Georges Bois a fait, même
par huissier, défense aux destinataires de ses lettres de les publier ; il
a menacé un journal qui comprenait dans sa rédaction un de nos amis, sachant
que celui-ci avait reçu communication de plusieurs de ces fameuses lettres.
Trop tard, monsieur Bois ! Nous l’avions
déjà, votre correspondance perfide et calomnieuse, et nous la publions sans en
demander la permission aux destinataires, sans nous soucier de vos menaces. Et
ne venez pas dire que nous n’avons pas le droit de faire cela ; car nous
agissons ainsi pour faire apparaître au public les moyens de connaître votre
machiavélisme, en un mot, pour vous démasquer. Il serait vraiment trop commode
de calomnier les gens sous le sceau du secret, de multiplier des coups portés
dans l’ombre sous le couvert de correspondances confidentielles, et de venir
s’opposer ensuite à ce qu’une conduite aussi lâche et déloyale soit mise au
jour.
Vous avez envoyé de tous côtés des lettres
remplies de mensonges, monsieur Georges Bois ; pour votre honte, nous les
publions.
En voici, d’abord, une qui a été adressée au
rédacteur en chef d’un journal catholique de l’Est. Ce publiciste avait été
entrepris par M. Bois, qui était parvenu à lui rendre suspecte l’œuvre de
divulgation du docteur Bataille. Il est un de ceux auprès de qui M. Bois
m’accusa d’avoir commis des faux, et c’est précisément cette accusation
calomnieuse qui fut cause du revirement d’opinion du journaliste dont il s’agit
en notre faveur ; un hasard providentiel lui mit entre les mains une
preuve matérielle du contraire de ce que Bois avait allégué ; M. Bois était
allé trop loin. Ce n’est pas de ce publiciste que nous tenons la lettre qu’on
va lire ; M. Bois en ayant autorisé la communication à des tiers, il s’est
trouvé qu’un de mes amis en a eu connaissance et s’est empressé de m’en
transmettre la fidèle copie. Le destinataire, qui est un homme de conciliation,
qui est un de ceux qui regrettent cette polémique (dans laquelle nous n’avons
pas été les provocateurs, on le reconnaîtra), sera peut-être peiné de cette
publication ; mais c’est aussi un homme d’honneur, et il ne démentira pas
l’existence de cette lettre ; d’où il résulte que M. Bois ne pourra pas la
nier.
On avait mis en question la Loge-Mère le
Lotus, de Paris, qui est le triangle palladique d’où sont nés en France
tous les autres triangles existant à cette heure. C’est à ce propos que M.
Georges Bois écrivait, à la date du 12 septembre 1893, en ces termes :
« … Si Léo Taxil connaît une loge du nom
de Lotus, qu’il veuille bien dire où elle se trouve. Il doit le savoir,
s’il sait ce qui s’y passe. Ce qui est actuellement connu sous le nom de
« Lotus », c’est une revue, organe d’un groupe de personnes occupées
d’occultisme, de magie, de théosophie, de magnétisme, ou d’orientalisme hindou.
Ce n’est pas une société secrète. Ce sont les disciples de Papus, du sâr
Péladan, la suite de l’école autrefois fondée par le baron Du Potet. Tout cela
se trouve à la disposition du public.
Y a-t-il des lucifériens ? Le baron Du
Potet, qui a fait un livre déjà ancien, connu et très supérieur à celui du
docteur Bataille par les faits qu’il décrit et qui sont des faits contrôlés,
était, sans le dire, un luciférien ; ses disciples disent : un
magicien.
Il y a des gens adonnés aux pratiques
démoniaques. On dit couramment la messe noire, mais je ne connais pas
d’organisation ni de grades.
Je ne connais rien non plus qui permette de
croire aux fêtes folles que Léo Taxil a décrites sous couleur de divulguer les
secrets des loges de femmes dans la Maçonnerie. Récemment, le Bulletin du
Grand Orient annonçait le mariage du F.˙. Gouverneur, secrétaire du
Grand-Orient, avec la lowtonne Grimler, fille du concierge du Grand Orient.
D’ailleurs, les maçons ne se cachent nullement d’attirer les femmes à la
maçonnerie, et ne font pas même le silence sur les solennités où on les invite.
On trouve chez Teissier (rue Jean-Jacques Rousseau, 37), les ornements et
rubans de sœurs. J’ai vu moi-même défiler un enterrement civil, suivi de maçons
ornés de leurs cordons, et de dames parées d’attributs maçonniques.
Ce que les dames font dans la maçonnerie, je
n’y suis pas allé voir. Je suppose que les fêtes maçonniques où figurent les
dames sont aujourd’hui ce qu’elles étaient au beau temps des loges de femmes
sous l’Empire et la Restauration : des moyens de soustraire la femme à
l’action de l’Eglise. Léo Taxil, d’ailleurs, qui a été maçon peu de temps,
n’est jamais entré dans une loge de dames. Ce qu’il en rapporte ressemble trop
à ce qu’il rapporte en un livre obscène, qu’il a publié sous le titre de la Corruption
fin-de-siècle. Ses loges de femmes portent de gros numéros.
Or, si c’est vrai, je veux bien qu’on me le
dise, mais je ne veux pas me laisser raconter indéfiniment des histoires que
rien n’appuie ni ne contrôle, et qui offensent le sens commun autant que la
décence. »
Ici, je suis obligé d’interrompre la lettre
de M. Georges Bois et d’en sauter un passage. Il s’agit d’un fait que j’ai
relaté dans Y a-t-il des femmes dans la
franc-maçonnerie ?[47] ;
mais ce qui est imprimé dans un livre ne saurait être inséré dans un journal.
M. Bois s’inscrit en faux contre ma révélation d’une ignoble pratique, aggravée
par le plus infâme des sacrilèges. Et, défendant les maçons accusés de ce
forfait, M. Bois écrit : « Je me demande où est l’homme qui
consentirait à cela ! Cette action, si elle était vraie, ferait mourir de
honte ce frère maçon, avant de lui donner un plaisir ! »
M. Bois m’attribue ensuite la paternité du
récit fait par le docteur Bataille, qui a rapporté que les Chinois fanatiques,
lors des émeutes soulevées pour amener le massacre des missionnaires, poussent
l’ignominie jusqu’à uriner dans la bouche des martyrs mis à la torture. Or,
c’est bien M. le docteur Bataille qui a rapporté ce fait, et il possède, à
l’appui, un album imprimé en Chine, reproduisant, sous forme de gravures de
propagande anti-catholique, les peintures murales des temples de la
San-ho-hoeï. Voir les 4 spécimens publiés dans le Diable au XIXe Siècle,
premier volume, pages 260, 261, 268, 269. Ce ne sont pas des copies faites à la
main et dont l’authenticité pourrait être contestée ; c’est l’album imprimé
même que le docteur Bataille possède, chacun de ces abominables dessins étant
accompagné de la légende explicative, en chinois. Cet album, notre ami l’a
montré chez son éditeur qui a voulu le voir. Dire que ces horreurs sont des
inventions et qu’elles ont été imaginées par moi, est un mensonge impudent.
Mais c’est la fin de la lettre de M. Bois
qu’on ne saurait trop méditer, après avoir lu, d’autre part la planche
Fontainas ; le secrétaire de la Corporation des publicistes chrétiens
ne craint pas d’aller jusqu’à faire l’éloge des vertus privées de ces bons et
chers francs-maçons. Savourez cette défense de la secte contre les accusations
portées par Bataille, par moi, par tant d’autres ; admirez avec quel art,
avec quel raffinement d’hypocrisie elle est présentée, et dites ensuite si un
tel défenseur n’est pas pour les francs-maçons un précieux auxiliaire :
« Il faut laisser de côté ces exagérations, écrit M. Georges Bois.
La vérité est qu’il faut étudier la maçonnerie comme une branche de l’histoire
contemporaine, avec le même scrupule de l’exactitude, la même précision des
faits, des personnes et des dates, la même recherche des documents. Un seul
fait bien prouvé à plus d’autorité que la collection entière des livres de
Taxil et de Bataille.
Il en est de même de la façon de juger les
francs-maçons actuels. Le bon sens et l’expérience de la vie sont des guides
plus sûres que les feuilletons merveilleux. Il n’est pas difficile de connaître
les francs-maçons autour de nous : voyez comme ils vivent en public et
dans la famille, comment ils font leurs affaires, comment ils se conduisent,
s’ils sont bons maris et bons pères, s’ils méritent la considération publique,
s’il y a place dans la vie pour des relations mystérieuses avec une maçonnerie
des dames ?… Les scènes affreuses et romanesques ? ces choses ne
passent pas inaperçues dans la vie d’un maçon qu’on a pour voisin et qu’on
coudoie du matin au soir !… L’existence des francs-maçons hauts-gradés ou
bien des militants très en vue n’a rien non plus, en général, de secret. Ils ne
font pas un pas plus long que l’autre, sans que la presse en retentisse. Les
histoires de diable ne seraient pas longtemps des histoires inconnues.
A l’étranger, je ne connais que l’Espagne où
la maçonnerie des dames est officielle ; on dit que la reine en est
grande-maîtresse honoraire… Je n’en ai pas d’autres preuve. C’est aussi en
Espagne que les loges portent le nom de triangles. La maçonnerie espagnole
paraît en ce moment occupée surtout de politique. On dit qu’elle prépare la
République ?… »
Eh bien, je le demande à nos lecteurs
catholiques, sont-ils fixés sur le monsieur ? La manœuvre et son but
sont-ils assez évidents ?
Pour moi, qui, par mes relations, suis au
courant de bien des choses maçonniques ignorées du public, je ne puis pas
croire à des erreurs de la part de M. Bois. Cet homme sait exactement à quoi
s’en tenir, et il cherche à donner le change, à créer des quiproquos,
aujourd’hui que l’occultisme maçonnique luciférien est découvert.
Quiproquo, à propos de la Loge-Mère le
Lotus, dont le docteur Bataille a promis d’indiquer le local, nom de la rue
et numéro de la maison. S’il ne l’indique pas avant d’en être arrivé à la XIe
partie de son ouvrage, c’est qu’il a ses raisons pour cela ; et l’on
admettra bien, je suppose, qu’il n’a pas a en rendre compte à M. Bois, lequel
n’a en somme aucun mandat d’une autorité ecclésiastique quelconque pour
l’interroger.
Quiproquo voulu, à propos des disciples de
Papus, de Péladan et de Du Potet. Dès le début, le docteur Bataille a spécifié
qu’il n’y avait point lieu de confondre les satanistes non organisés,
manœuvrant en petits groupes épars, auxquels M. Bois fait allusion, et les
palladistes, qui sont les véritables lucifériens et qui sont parfaitement
organisés ; le convent du palais Borghèse (20 septembre 1893) en est
l’indestructible preuve.
Quiproquo voulu encore, à propos des
pseudo-sœurs, femmes ou parentes de maçons, et les vraies sœurs maçonnes,
celles dont nous nous occupons et qui, réalisant la formule de Weishaupt et d’Albert
Pike, servent à parfaire les frères trois-points dans l’art de vaincre leurs
passions.
Quant aux faits monstrueux de débauches
compliquées de sacrilèges, dans certaines arrière-loges, il n’est pas
nécessaire d’en avoir été le témoin pour en connaître l’existence. Un de ces
faits-là, et précisément un de la nature de celui que M. Georges Bois déclare
inventé par moi, peut être certifié par une personne dont le rédacteur en chef
du journal de M. Bois ne saurait mettre la parole en doute.
Nous l’avons toujours dit ici, malgré les
entraînements de la polémique, nous nous refusons à considérer M. Auguste
Roussel comme solidaire de la conduite de son collaborateur. M. Roussel,
aveuglé par son amitié pour M. Bois, peut me traiter aussi injustement qu’il lui
sera possible ; à lui, je ne riposterai jamais, et, s’il veut se rappeler un
incident de la guerre odieuse qui m’est faite par la maçonnerie (août 1888), il
comprendra pourquoi. M. Auguste Roussel se laisse égarer, au point de n’avoir
pas voulu prendre communication des preuves que le docteur Bataille s’est
offert à mettre sous ses yeux au sujet de la question Cerbère, niée par M.
Bois. Je fais à mon tour une autre proposition à M. Auguste Roussel, qui est un
homme d’honneur : contre sa parole d’honneur, à lui, de garder le secret
absolu sur les personnes en cause, je le mettrai en rapport avec quelqu’un qui
pourra lui attester que le fait dont il s’agit n’est nullement une invention de
ma part, mais est malheureusement trop vrai et n’est pas un fait isolé,
accidentel. Je vais plus loin : d’avance, je passe condamnation de mon
récit, si M. Roussel, quand je lui aurai nommé la personne qui pourra le
renseigner, déclare que l’affirmation de cette personne n’a pas de valeur à ses
yeux.
Mais, d’autre part, si cette enquête est
acceptée, je demande à M. Auguste Roussel quelle mesure il prendra à l’égard de
son collaborateur, lorsqu’il lui aura été prouvé que j’ai été l’écho de
l’exacte vérité. Couvrira-t-il plus longtemps M. Bois ?...
En passant, je dois relever la perfide
accusation d’obscénité portée par M. Bois contre mon livre La Corruption
fin-de-siècle. De ce que ce livre ne peut pas être mis entre toutes les
mains, - il en est de même de bien d’autres conçus dans le meilleur esprit, -
il ne s’ensuit pas que ce soit une œuvre d’immoralité.
Des écrivains catholiques, dont l’honnêteté
vaut bien celle de M. Georges Bois, certes, l’ont hautement approuvé ; des
ecclésiastiques l’ont recommandé ; des religieux l’ont publiquement déclaré
utile et honnête. Plus de cent comptes-rendus favorables en ont été donnés par
la presse conservatrice et catholique. Je n’en citerai qu’un, celui du Nouvelliste
de Bordeaux, d’abord parce qu’il est le plus court, ensuite parce que
l’opinion de ce journal ne saurait être récusée par la Vérité, notre
confrère girondin suivant la même ligne de conduite politique et religieuse que
la Vérité de M. Auguste Roussel.
« M. Léo Taxil vient d’écrire un nouvel
ouvrage des plus intéressants et des plus méritoires ; - ainsi s’exprimait
le Nouvelliste, lors de la première édition. - Son livre, La
Corruption fin-de-siècle, est le tableau écœurant, mais exact, des
turpitudes que tolèrent et que protègent trop souvent les pouvoirs publics. Ce
livre s’adresse aux personnes d’un âge mûr et ne saurait être mis entre les
mains des jeunes gens. Mais M. Léo Taxil a eu raison de l’écrire ; car il faut
à tout prix que l’opinion publique flétrisse les corrompus de cette
fin-de-siècle. »
Quand M. Georges Bois joue l’indignation à
propos de cet ouvrage, c’est tout uniment une variation de son rôle de
comédien. Là surtout, c’est un simple farceur.
Lorsque M. Bois nie le fonctionnement du
satanisme maçonnique, nie les loges féminines, prétend qu’il n’y a, excepté en
Espagne, aucune organisation d’ateliers androgynes, affirme qu’en France on se
borne à donner des cordons à des louvetonnes et à des femmes de maçons, et
célèbres les vertus des sectaires, en les peignant comme de braves gens, dont
on peut ne pas partager les idées, mais qui s’occupent uniquement de
politique ; lorsqu’il recourt en même temps à la calomnie, pour
discréditer les anti-maçons, c’est une autre affaire, et il faut avoir l’esprit
bien prévenu pour ne pas voir son jeu.
Et quel aplomb a cet homme d’oser écrire que
les triangles sont tout bonnement les loges (espagnoles) ordinaires !
Les triangles ? Les loges
lucifériennes ? Mais il en connaît l’existence depuis longtemps !…
Son rôle consiste à empêcher la lumière de se
produire. Sitôt que des révélations sont trop gênantes pour la secte, vite il
contrecarre leur auteur ; il s’efforce de le vilipender de toutes façons ;
il envoie des petits papiers partout afin de faire naître la défiance et
d’empêcher ainsi l’attaque de s’étendre. Il ne recule devant rien pour arriver
à ses fins. Puis, s’il n’atteint pas le résultat qu’il s’était proposé, il
change ses batteries. Voilà un événement inattendu, le schisme des hauts-maçons
américains, qui met en plein jour ce luciférianisme maçonnique organisé qu’il
niait ; voilà le sacrilège audacieux, le vol des hosties consacrées, à
Notre-Dame ; voilà le scandale causé par dom Sommorostro, l’archiprêtre de
Ségovie, que l’on découvre être Vénérable de loge depuis près de trente ans ;
voilà l’affaire Barbe Bilger ; voilà le tapage de l’insurrection de miss
Vaughan et de Paolo Figlia contre Lemmi ; voilà aussi le procès de Lucie
Claraz, la grande-maîtresse de Fribourg. Il n’y a plus possibilité de nier,
maintenant. Alors, M. Georges Bois exécute une pirouette ; et, lui qui nous
accusait d’exagérer, il imagine tout à coup que, dans le seul quartier
Saint-Sulpice, à Paris, il y a vingt-deux chapelles satanistes !…
Sont-ce des loges maçonniques
lucifériennes ? Oh que nenni ! Le Grand-Orient de France n’avoue pas
ces choses-là ; il n’y a pas de danger que M. Bois en parle jamais. Mais
on a droit de s’étonner que M. Georges Bois, qui demande l’adresse le la
Loge-Mère le Lotus, ne donne pas celles de ses vingt-deux chapelles
satanistes du quartier Saint-Sulpice. Soyez certains qu’il ne les donnera
pas ; il y a à cela une bonne raison, c’est qu’il a menti.
Il est dans la situation de l’espion
politique que le directeur de la sûreté générale a placé en observation dans un
club ; si l’indicateur policier s’aperçoit qu’il est suspecté, vite il
fait des motions ultra-révolutionnaires, espérant par là endormir les
soupçons ; les autres membres du club ne sont plus que de pâles
réactionnaires auprès de lui.
Avant peu, M. Georges Bois nous servira des
diableries bien autrement extraordinaires que les récits du docteur Bataille.
Mais, pour en revenir à ce que je disais,
savoir que M. Bois connaissait fort bien l’existence des loges lucifériennes,
il suffira de reproduire quelques lignes d’un récent article de M. Bois.
M. de la Rive venait de donner, dans son
volume La Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle[48],
de nombreux détails sur la loge de Fribourg La Régénérée, qui avait
comme annexe un temple à Satan, creusé dans le roc, à l’extrémité du jardin et
indépendamment du local de la loge ordinaire. M. Huysmans, dans une interview
publiée par le Matin, avait confirmé les dires de M. de la Rive.
L’affaire de la sœur Lucie Claraz venait devant les tribunaux. Or, M. Georges
Bois savait tout cela, et il n’avait rien dit.
Il n’était plus possible de garder le
silence. Le 30 avril dernier, enfin, la Vérité se décida à parler. Elle
reproduisit l’interview de M. Huysmans, où il est dit, après M. de la Rive,
très expressément, qu’il s’agit bien d’un atelier maçonnique, annexe d’une loge
ordinaire ; qu’on y poignardait des hosties consacrées ; que « le
costume de rigueur pour les Sœurs maçonnes était celui d’Eve avant le péché
» ; que ces filles étaient chargées de fournir les hosties et se les
procuraient par des communions sacrilèges ; qu’on chantait des psaumes et
des cantiques en l’honneur de Lucifer, etc. A son tour, la Vérité
déclarait « confirmer ce récit ». Un ami connaissait ce temple souterrain,
l’avait visité.
Citons quelques passages de l’article de M.
Georges Bois :
« Cette construction souterraine est
l’œuvre d’un avocat fribourgeois, qui dépensa une somme considérable à
reconstituer, selon le rite que de ténébreuses recherches lui avaient fait
connaître, une loge mixte de Sœurs et de frères diabolisant. C’est la seule
loge dont nous ayons entendu parler où les sœurs paraissent, en masse,
entièrement dévêtues. Par ce détail, elle semble se distinguer des rites
maçonniques jusqu’ici connus. »
Que dites-vous de cela ?... Il n’était
plus possible de nier, à raison du procès de la grande-maîtresse Lucie Claraz.
Donc, M. Georges Bois ne peut se soustraire à la nécessité de parler de la loge
fribourgeoise et de ses orgies lucifériennes ; mais comme il a soin de
déclarer qu’il n’y a pas d’autres loges où ces infamies soient mises en
pratique !… Est-ce un adversaire ou un défenseur de la maçonnerie qui a
écrit les deux phrases que j’ai reproduites en italiques ?
Et, pour atténuer plus sûrement l’effet de
ces constatation, écrasantes pour la secte, il imagine immédiatement un conte
bleu : cette loge, dit-il, pratiquait un rite en onze grades dit des Architectes
d’Afrique, elle était un dernier vestige d’un rite totalement oublié.
Menteur ! Ou a-t-il vu que, dans le rite
des Architectes d’Afrique, on communiait avec des hosties noires
consacrées à Lucifer ?… Et c’est pourtant là ce que M. de la Rive et M.
Huysmans ont raconté au sujet de la loge de Fribourg. Or, la communion avec des
hosties noires consacrées à Lucifer est la cérémonie caractéristique de la
messe dite « adonaïcide » des Odd-Fellows de la seconde classe, rite sataniste
imaginé par Moïse Holbrook, organisé par Longfellow, et pratiqué actuellement
dans tous les pays du globe.
Après cela, M. Bois donne la description du
temple souterrain, description qui confirme d’autant mieux celle faite par M.
de la Rive, qu’elle y ajoute quelques menus détails nouveaux.
M. Bois dit encore, après sa
description :
« Les frères et les sœurs en maçonnerie,
expropriés de cet asile où le mystère était remarquablement sûr, ne semblent
pas avoir cependant renoncé à leur culte diabolique. La Grande-Maîtresse de la Régénérée
que plusieurs personnes connaissent à Fribourg, n’a rien changé à ses allures.
On la voit presque journellement dans les églises, et, plus souvent
qu’ailleurs, à la collégiale de Saint-Nicolas, où elle fait des communions dont
le caractère sacrilège n’est pas douteux. »
C’est à cause de ces communions sacrilèges
qu’a eu lieu le procès ; un vénérable curé, voyant la grande-maîtresse
Lucie Claraz s’approcher de la sainte table, refusa formellement de lui donner
la divine Eucharistie.
Et le Georges Bois qui, le 30 avril 1894,
s’est vu contraint de constater publiquement l’existence d’une loge androgyne
luciférienne, où dans les assemblées les Sœurs étaient complètement dévêtues,
est le même Georges Bois qui, moins d’un an auparavant, alors qu’il croyait
réussir à étouffer les révélations du docteur Bataille, écrivait la lettre du
l2 septembre 1893, reproduite plus haut !...
Puis, est survenue l’affaire des loges parisiennes
insultant la mémoire de Jeanne d’Arc. Le tollé contre la maçonnerie a été
général. Le Matin, lui-même, qui n’est guère entaché de cléricalisme, a
dit à ce propos quelques dures vérités aux frères trois-points. Il terminait un
article en ces termes : « Les modernes Cauchons du Grand Orient perdraient
en France tout crédit, s’ils voulaient brûler une seconde fois l’héroïne
d’Orléans. »
Là-dessus, M. Georges Bois de faire chorus.
« Les modernes Cauchons du
Grand-Orient ! Écrit-il (mardi 22 mai), le mot est bien trouvé… Puissent
tous les gens de bon sens ouvrir les yeux et comprendre ce que sont
intellectuellement ET MORALEMENT ces mauvais lieux qu’on nomme des loges,
et que partout dans les villes moyennes de province on se montre du doigt en
passant ! »
Voilà, certes, des lignes auxquelles on ne
saurait trop applaudir, si elles étaient sincères. Mais voilà, ceux qui n’ont
lu que cet article de M. Bois, ceux qui ignorent ses manœuvres, ceux qui ne
sont pas au courant de ses contradictions, ceux qui n’ont pas sondé les dessous
de sa campagne de dénigrement systématique contre les anti-maçons les plus
détestés par la secte, ceux-là peuvent s’y laisser prendre. Pour nous, c’est
une nouvelle comédie.
L’homme qui est si complètement d’accord avec
le F.˙. Fontainas, l’homme qui est l’ami du F.˙. Pétrot, l’homme qui
a écrit la lettre du 12 septembre 1893, n’a pas le droit, ayant célébré les
vertus domestiques des frères trois-points, ayant nié impudemment les loges
androgynes et leurs honteux mystères, d’imprimer aujourd’hui que « les
loges sont des mauvais lieux. » Ou alors, pour pouvoir honorablement faire
cette volte-face, il aurait fallu que M. Georges Bois commençât par présenter
des excuses aux anti-maçons qu’il a calomniés. Au contraire, il a fait le rodomont ;
il l’a pris de haut, lui qui aurait dû se faire bien petit, lui qui s’était
empêtré d’un Paul Rosen, lui qui s’est porté le garant de Moïse Lid-Nazareth.
Maintenant, il est trop tard. Toutes les
variations que M. Bois pourra exécuter ne sauraient effacer les mots justes que
notre vénérable ami M. le chanoine Mustel lui a appliqués : « Aucun
témoignage d’estime et de confiance, quel qu’en soit l’auteur, ne peut lui être
utile. Ou ses collaborateurs le connaissent, et, en ce cas, leur jugement
suffit : ou il a pu les tromper, eux qui le voient tous les jours, avec
lesquels il vit ; - ce qui n’est pas inouï, témoin Nubius ; - et
alors il n’est personne qui n’ait pu se méprendre sur son compte. »
M. Bois aura beau faire, beau dire, beau
écrire ; il s’est rendu « suspect ».
Il me reste à reproduire encore d’autres
lettres de lui ; mais, comme celles-ci ont été rédigées en collaboration
avec M. Paul Rosen, je dois m’occuper à présent de ce dernier.
Nous n’avons pas la preuve de l’inscription
de M. Georges Bois sur un tableau d’atelier maçonnique ; mais nous avons
la preuve que M. Paul Rosen n’a jamais cessé d’appartenir à la
franc-maçonnerie, que Moïse Lid-Nazareth et lui ne font qu’un, qu’il connaît
personnellement et intimement Sophie Walder, dont il est à l’occasion le
compagnon de voyage, et qu’il est en correspondance maçonnique avec le
secrétaire même d’Adriano Lemmi, chef suprême de la secte. Or, quand il aura
été prouvé ensuite, et pour terminer, que M. Georges Bois n’ignorait rien de
tout cela, il me semble que le fait de s’être associé avec M. Rosen, d’avoir
coopéré à plusieurs de ses manœuvres et de s’être porté garant pour lui auprès
des catholiques, il me semble que ce fait, cette attitude, cette situation,
équivaudra, aux yeux de tout homme de bonne foi, à une inscription officielle.
M. de Marolles n’en demanderait pas tant pour
m’exécuter, moi.
Le religieux qui a fait découvrir
l’affiliation maçonnique de dom Sommorostro, est parti en campagne à raison de
certains soupçons ; son enquête a été appuyée, et l’on est arrivé à
connaître la triste vérité. Pourtant, dom Sommorostro n’avait pas contre lui
des falsifications de documents maçonniques, faites de façon à servir les
intérêts de la secte ; l’enquête a été néanmoins engagée, et finalement
l’archiprêtre de la cathédrale de Ségovie a été mis au pied du mur. Il a fini,
non sans peine, par avouer.
Après l’exécution de son ami Paul Rosen, M.
Georges Bois avouera-t-il ?
Léo Taxil.
Au cours de sa campagne contre le Diable
au XIXe siècle, l’ami de Pétrot, Rafichart et Moïse Lid-Nazareth n’est
vraiment pas heureux dans ses trouvailles.
Il avait prétendu d’abord que c’était lui qui
avait appris, le 5 mai 1893, au docteur Bataille, lors de sa conférence au
salon de la Société Bibliographique, que le docteur Gallatin Mackey était mort
le 20 juin 1881. On a répondu en lui mettant sous les yeux le 4e
fascicule du Diable au XIXe siècle, imprimé le 28 février 1893 et mis en
vente le 5 mars, où le docteur Bataille raconte que, le 10 mars 1881, il avait
fait la connaissance de son collègue Gallatin Mackey, ajoutant :
« C’était environ trois ans avant sa mort. » La prétention du sire
Georges Bois était tellement bête, que notre ami n’avait pas daigné lui
répondre ; aussi, pendant longtemps, le rédacteur du Mensonge
triompha-t-il bruyamment. Mais quand, lassé de ses pasquinades, nous lui mîmes
le nez dans ses sottises, quand nous démontrâmes[50]
que l’ami de Pétrot, Rafichart et Moïse Lid-Nazareth avait impudemment menti, le
bonhomme se tint coi sur ce sujet et se garda bien de faire la moindre allusion
à sa honteuse défaite. Pour tout esprit impartial, la polémique de cette
mauvaise tête de Bois était jugée.
Aussi, avions-nous négligé de répondre à une
autre de ses sottises : il avait contesté, - sans apporter, bien entendu,
aucune preuve contraire au récit du docteur Bataille, - les faits survenus à
propos du différend entre miss Vaughan et le fameux Bordone. Il niait les
faits, uniquement parce qu’ils lui paraissaient extraordinaires.
Or, miss Diana Vaughan est venue trois fois à
Paris, en août et décembre 1893, et dans la première quinzaine de mai 1894,
avant de retourner dans son pays. La tête de Bois avait là une excellente
occasion de se renseigner. L’ex-grande-maîtresse de New-York, rompant un peu
avec ses habitudes en ces circonstances, n’avait fait aucune difficulté pour
recevoir, en dehors de ses amis, plusieurs personnes appartenant au clergé et à
la presse catholique, et même des reporters de journaux d’informations. Au
besoin, si l’illustre Georges nous en avait témoigné le désir, nous nous
serions fait une joie de le présenter à miss Vaughan. Elle ne lui aurait sans
doute pas raconté tout au long les incidents étranges de son conflit avec
Bordone ; car elle n’aimait guère à causer de ces choses-là. Mais, en tous
cas, elle n’aurait pas démenti ce que le docteur Bataille a relaté. D’autre
part, l’illustre Georges aurait certainement appris, dans cette entrevue,
comment nous sommes parfaitement fixés sur le compte de son ami, le non moins
illustre Moïse Lid-Nazareth, et quelques renseignements à ce sujet lui auraient
sans doute fait le plus grand plaisir.
Trois fois, hélas ! La tête de Bois n’a
pas tenté la moindre démarche. Le bonhomme a, sans doute, le sentiment de sa
valeur morale, et il sait que miss Vaughan, très honnête malgré son erreur,
méprise souverainement les gens dépourvus de toute loyauté. Cependant, nous
pensons qu’elle aurait surmonté ses répugnances.
Enfin, passons, et laissons-là l’histoire
Bordone.
Depuis lors, la tête de Bois a trouvé du
nouveau, non plus à propos du Palladisme, mais à propos de la San-ho-hoeï.
D’abord, cette San-ho-hoeï existe-t-elle
vraiment ? N’est-ce point là une invention du docteur Bataille ?
S’est demandé la tête de Bois. – Vlan ! Voilà le Bulletin du Suprême
Conseil de France, qui publie une communication du F.˙. Raynaud,
d’après les travaux du F.˙. Léon de Rosny, confirmant les renseignements
donnés par le docteur Bataille sur l’organisation de la San-ho-hoeï (maçonnerie
chinoise). Pas de chance, la tête de Bois !
Mais l’illustre Georges est enragé et veut
mordre quand même ; effet des chaleurs qui commencent et du remplacement
de Lozé par Lépine, lequel, bon aux toutous, ne prescrit pas la muselière
obligatoire. Et alors le toutou Georges s’élance sur le docteur ;
attention, c’est cette fois-ci qu’il va le dévorer !…
Bois s’est procuré une photographie semblable
à celle que le F.˙. archiviste du temple maçonnique de Kou-Lan-Sou a
remise à Bataille, et que celui-ci a reproduite dans le Diable au X1Xe
siècle (Ier volume, page 289). Cette photographie ne représente pas
l’exécution d’un frère de la San-ho-hoeï, qui avait trahi le secret, ainsi que
l’archiviste de Kou-Lan-Sou l’avait affirmé au docteur, s’écrie l’illustre
Georges ; elle représente l’exécution d’un parricide. En Chine, le
criminel coupable de parricide subit l’ablation des bras, des jambes, du nez et
des oreilles, avant d’être décapité, déclare l’ami de Pétrot, qui tient ce
renseignement d’un correspondant.
Oui, mais voilà ! Sur la photographie en question, représentant un
cadavre coupé en morceaux, on voit la tête, détachée et gisant auprès du tronc
horriblement massacré, et cette tête a son nez et ses oreilles très visibles...
Alors, la photographie ne représente pas l’exécution d’un parricide ?
Que si ! Que si ! Clame l’illustre
Georges, qui n’est pas embarrassé pour si peu. Seulement, la tête qu’on voit là
n’est pas la tête du parricide exécuté ; c’est une tête de rechange, tout
simplement.
Une tête de rechange ?!?!?
Mais oui, une tête de rechange, et voici
comment les choses se sont passées. Suivez bien l’explication de notre
Bois ; c’est trop beau. Vous allez admirer comment l’illustre Georges est
devenu tout à coup heureux dans ses trouvailles.
On exécutait un parricide en Chine ; un
photographe amateur avait obtenu l’autorisation de photographier la scène du
supplice. Le bourreau fait son œuvre ; le photographe amateur dispose son
appareil ; mais, au moment décisif, on s’aperçoit que la tête du parricide
vient d’être emportée en vertu de la loi, cette tête doit être exposée à
l’endroit même où le crime a été commis. Le photographe amateur n’a plus devant
lui qu’un cadavre coupé en morceaux, mais sans tête. Que faire ? Car le
temps presse. Les autorités, qui avaient permis à l’amateur de photographier,
se consultent ; et vite, on va chercher la tête d’un autre criminel qui
venait d’être supplicié dans les environs. Voyez comme cela se trouve à
merveille, tout de même ! Par malheur, la nouvelle tête n’était pas une
tète de parricide ; elle avait son nez et ses oreilles intacts, celle-ci.
Baste ! C’est un détail de peu d’importance pour le photographe amateur.
On dépose la tête du criminel pas parricide à côté du tronc et des membres
coupés du cadavre parricide. Cette fois, ça y est ! « Ne bougeons
plus ! » et l’amateur photographe opère, avec la paisible conscience
du devoir accompli.
Et voilà comment il existe en Chine la
photographie d’une exécution de parricide, où le cadavre du décapité supplicié
est un cadavre parricide, sauf quant à la tête, tête de rechange, qui est une
tête non-parricide.
On voit que rien n’est plus simple, que rien
n’est moins compliqué.
Et ceci est l’exacte vérité ; l’illustre
Georges se porte garant de son correspondant, comme il s’était porté garant de
l’illustre Moïse Lid-Nazareth.
Par conséquent, la tête de Bois est à jamais
lavée de son mensonge relatif à la mort du docteur Gallatin Mackey ; quant
aux falsifications des documents du Grand Orient de France, falsifications
opérées par la tête de Bois dans sa reproduction, elles disparaissent comme les
ténèbres de la nuit à l’approche du soleil levant, elles s’évanouissent, et les
documents falsifiés doivent être tenus désormais pour parfaitement exacts.
La tête de Bois n’avait pas eu de chance,
lors de ses premières trouvailles ; mais le coup du cadavre parricide à tête
non-parricide change la face des choses. Hourrah pour la tête de Bois !
Quivis.
[Enfin, rappelons que le Dr Bataille a fait cette offre dans le Diable
au XIXe siècle, page 304 :
« Dira-t-on que le
dessin de cette scène affreuse est un dessin de fantaisie, un dessin fabriqué
par l’artiste chargé d’illustrer cet ouvrage ?…
J’ai prévu même cette
objection, et je vais donner aux incrédules le moyen très simple de vérifier. La
photographie originale, rapportée de moi de Kou-Lan-Sou, est entre les mains de
mes éditeurs, MM. Delhomme et Briguet, 13, rue de l’Abbaye, à Paris. Ils ne
s’en dessaisiront point, bien entendu ; mais quiconque a le moindre doute
n’a qu’à aller chez ces messieurs ou à y envoyer un ami, en compagnie d’un
homme du métier, d’un photographe. Tout photographe, qui examinera mon
document, déclarera que c’est bien là, non pas une reproduction photographique
d’un dessin fabriqué pour les besoins de la cause, mais bien une photographie
directe, absolument prise sur place, tirée d’après nature. »
ATHIRSATA.]
L’illustrissime Paul Rosen
vient de se livrer à une manœuvre, aussi ridicule que maladroite, dans l’espoir
d’empêcher la lumière de se faire sur son compte. Il a fait signifier par
huissier, le 5 juillet, à M. de la Rive et à ses éditeurs MM. Delhomme et
Briguet, sommation d’avoir à enlever du volume La Femme et l’Enfant dans la
Franc-Maçonnerie universelle le nom « Moïse Lid-Nazareth » partout
où il se trouve, ou, à défaut, d’avoir à « déclarer, par une note en bonne
place, que Moïse Lid-Nazareth n’est pas un pseudonyme pouvant atteindre le
requérant Paul Rosen ». Si l’on n’obéit pas à la sommation de
l’illustrissime, il menace d’intenter une action en dommages-intérêts.
Voyez-vous ça !
Notre homme, dans son papier timbré, dont M.
De la Rive m’a envoyé copie, se base, dit-il, sur ce que « le sieur Léo
Taxil, dans la Revue Mensuelle, numéro de mai 1894, paru le 15 juin,
page 140, 2e colonne, lignes 24-25-26, a déclaré que M. De la Rive,
dans son volume, aurait entendu viser le requérant Paul Rosen sous le nom de
Moïse Lid-Nazareth. »
Il suffit de se reporter au dit numéro de mai
pour voir que, dans le passage en question, je n’ai pas fait la moindre
allusion à M. de la Rive ni à son volume. Mon opinion même, concordant avec
celle de tout lecteur de l’ouvrage de notre ami, est qu’il est logiquement,
d’après ce qu’a écrit M. de la Rive, de pouvoir comprendre, bien mieux, de
soupçonner que Moïse Lid-Nazareth et Paul Rosen ne font qu’un. Tout homme de
bonne foi reconnaîtra que, dans le livre de notre ami, Moïse Lid-Nazareth et
Paul Rosen ont, bien au contraire, plutôt l’air d’être deux personnages
parfaitement distincts. Et c’est précisément parce que j’ai, moi, des preuves
formelles, absolues, - que M. Rosen lui-même ne pourra pas récuser, - que j’ai
tenu à ne pas laisser subsister la distinction d’individualités résultant de la
lecture du volume de M. de la Rive.
Je ne reproche pas à notre ami de ne pas
avoir éclairé la lanterne ; je constate que, dans la question Moïse
Lid-Nazareth, il n’a ni nommé ni désigné l’illustrissime Rosen. Pour dire
devant un tribunal que M. de la Rive a entendu parler de lui, il faudrait que
l’illustrissime plaidât que son voyage à Reims avec Sophie, à la recherche de
Barbe Bilger, était de notoriété publique. Ca, se serait amusant !
Le F.˙. Paul Rosen en sera donc pour ses
frais d’intimidation. MM. Delhomme et Briguet, aussi bien que M. de la Rive,
l’ont envoyé promener, et ils ont bien fait. C’est la Revue Mensuelle
qui aura l’honneur, par la plume de votre serviteur, heureux et jaloux de cette
responsabilité, de démontrer publiquement l’identité de héros maçonnique,
lemmiste et waldériste, existant entre le beau Rosen et le séduisant Moïse
Lid-Nazareth.
Pour attendre, nos lecteurs n’auront rien perdu ; je leur promets
un vrai régal. Et, puisque Paul-Moïse est d’humeur belliqueuse, il n’aura pas à
se gêner vis-à-vis de moi. Quand mes articles le concernant auront été publiés,
il pourra, si le cœur lui en dit, m’envoyer tous les huissiers de France et de
Navarre ; ils seront reçus avec joie, accueillis avec transport, embrassés
comme des frères que sœur Anne, du haut de sa tour, interrogeant l’horizon,
s’est longtemps lamentée de ne pas voir venir.
L. T.
Jules Doinel (1892-1902),
est archiviste, aux activités occultistes nombreuses et animateur d’une loge
spiritualiste qui prétendait conserver l’invocation au Grand Architecte de
l’Univers. Visité par l’esprit de Guilhabert de Castres, ancien évêque de
Montségur, il réveilla l’Eglise gnostique en 1888 mais rentra dans le giron
catholique en 1894, pour le quitter à nouveau, semble-t-il, et y revenir in
extremis.
De famille et d’éducation
catholiques, il rejoignit la franc-maçonnerie après avoir hésité entre les
ordres et les études. Cependant, bien que vénérable et membre d’un chapitre
Rose-Croix à Paris en 1893, il supporta mal la laïcisation de l’ordre. C’est à
l’automne 1888 qu’il avait réveillé l’Eglise gnostique à laquelle s’agrégèrent
bientôt Papus notamment. Le nouveau patriarche, sous le nom de Valentin II,
avait écrit, selon M.F. James, une lettre en latin au cardinal Rampolla
destinée à amorcer une réconciliation entre la gnose antique et le
catholicisme. Il se convertit au catholicisme en décembre 1894.
La qualité scientifique des
travaux de ce chartiste poursuivant sa carrière d’archiviste paraissait une
garantie ; sous le nom de Jean Kotska il publia Lucifer démasqué.[52]
Comme l’écrit Michel
Jarrige, « Doinel, franc-maçon du 18e degré (Rose-Croix), gnostique et
occultiste, n’a jamais appartenu au palladisme. Il n’avait donc pas à en parler
et, de fait, son livre n’y renferme aucune allusion. Ses récits et ses
confidences complètent, sans les infirmer en rien, « tout ce que nous
savons sur le palladisme ». La première partie de l’ouvrage se compose de
récits et de souvenirs. Dans la seconde partie, intitulée la Symbolique de Lucifer,
l’auteur développe à satiété le sens satanique des divers grades de la
franc-maçonnerie, depuis le simple apprenti jusqu’au 33e degré. »[53]
Selon Jean-Pierre Laurant dans son
livre : L’Esotérisme chrétien en France au XIXe siècle (Lausanne,
l’Age d’Homme, 1992), page 162, l’abjuration faite entre les mains de Mgr
Stanislas Touchet à Orléans n’était qu’une feinte, une manœuvre habile pour lui
permettre de faire des dupes dans le monde ecclésiastique. Déplacé à
Carcassonne où sa famille ne le suivit pas, il aurait été officier dans un
groupe de « la colombe du Paraclet » et mourut entre le catharisme et
l’Eglise catholique. Mais ce point est très controversé.
« […] Du reste, toute la presse
catholique, dans le monde entier, marchait à l’unisson contre la
franc-maçonnerie une fois de plus démasquée. La Vérité elle-même a suivi
le mouvement ; ce qui est un signe !!! Pour tout dire, il est bon de
savoir que M. Georges Bois est à la campagne, fort loin de Paris ; il n’a
donc pas pu se concerter avec son ami Rosen, pour venir tous deux affirmer à M.
Auguste Roussel que M. Margiotta n’existait pas plus que ses lettres de
démission, et que le mieux serait de faire un silence complet sur l’incident,
attendu qu’il fallait s’en rapporter aux déclarations du Grand Orient. En
effet, la Vérité ayant toujours soutenu, par les articles de M. Georges
Bois, que la haute-maçonnerie et son rite spécial, le Palladisme, étaient tout
autant d’inventions du docteur Bataille, il faut que la lumière se soit faite
enfin bien éclatante pour que le journal de M. Auguste Roussel ait, cette fois,
emboîté le pas derrière les autres organes de la presse catholique, qui eux,
n’ayant pas de Georges Bois dans leur rédaction, savent à quoi s’en tenir
depuis longtemps.
Quant au bon M. de Marolles, pour qui M. Bois
est le seul puits de science maçonnique, il est à présumer qu’il doit être
passablement ahuri, en présence de ces nouvelles révélations qui confirment
toutes celles du docteur Bataille. N’insistons pas ; la boussole Bois ne
marquant plus le nord, le cerveau de l’excellent homme doit être depuis
quelques jours dans un bien triste état.
C’est égal, la serte a reçu, dans le courant
de ce mois qui lui est si cher, une série de grêle qui a fort endommagé le toit
de son temple. Aussi, le 23, le Peuple Français insérait-il avec raison
ces lignes :
« On comprend maintenant le désarroi
dans lequel la conversion du commandeur Margiotta a jeté la secte ; les
hauts-maçons n’ignoraient pas qu’il était au courant de tous leurs tripotages,
crimes et turpitudes. Au Grand Orient de France, où il y a plus de F.˙.
gogos que de parfaits initiés, on ne pouvait prévoir un tel déluge d’aussi
formidables tuiles ; voilà pourquoi le Convent de la rue Cadet a cru se
tirer d’affaire en votant la proclamation que l’on sait, communiquée à la
presse profane. Mais, en Italie, où l’élément palladiste est beaucoup plus
nombreux au sein des Loges, on a été littéralement consterné, atterré ; de
là, l’attitude embarrassée des journaux lemmistes, la Tribuna, la Riforma,
qui ne savent que répondre au Nouveau Moniteur de Rome et a la presse
catholique de France, et qui se bornent à dire que M. Margiotta se venge
d’avoir été exclu du Parlement par la majorité crispinienne. Piteuse
réponse ! Car l’élection du commandeur Margiotta par la ville de Palmi
date de 1888.
La vérité est que M. Margiotta est demeuré
encore six ans dans l’aveuglement, après cet incident de sa vie politique, et
que, tout en restant honnête au sein de la Maçonnerie italienne qui compte tant
de fripons, il se considérait comme lié par le serment des Loges et des
Triangles ; il espérait que la minorité honnête, l’infime minorité de ses
amis antilemmistes, finirait par avoir le dessus dans la secte et la
purifierait en expulsant les pourris. Le triomphe de Lemmi lui a ouvert les
yeux, ainsi qu’il l’explique si bien dans sa touchante lettre à miss Diana
Vaughan. »
[…]
Témoignage du chanoine Mustel :
« Enfin le bon Dieu a eu pitié de cet
honnête homme, fourvoyé dans le camp de Satan, et il y à deux mois et demi ou
trois mois, M. le commandeur Margiotta abjurait, devant le Saint-Office, ses
erreurs, répudiait la Maçonnerie et recevait des cardinaux Rampolla et Parocchi
un accueil dont il ne parle pas sans émotion. Au moment où nous l’avons
rencontré à Paris, il venait de Grenoble, où Mgr Fava, qui a contribué à sa
conversion, l’avait reçu comme le Père de famille de l’Evangile reçoit l’Enfant
prodigue ; il avait fait, sous sa haute protection, et d’après ses
conseils, une retraite dans une maison religieuse, et il sortait tout
transfiguré de cet asile du recueillement, de la méditation et de la
prière. »
Domenico Margiotta
[…] A cet égard, M. Margiotta remplit courageusement
ses devoirs de converti et mérite des encouragements. Réconcilié avec l’Eglise,
il a été absous de son erreur passé ; mais les catholiques lui doivent
leurs prières, afin de lui obtenir de Dieu la grâce de la persévérance.
Quelques personnes nous ont écrit pour nous
demander si sa conversion était sincère. A cette question délicate sur M.
Margiotta, nous ne pouvons que répondre : « Ceci est un secret entre
sa conscience et Dieu ». Toutefois, il nous est permis de constater que
nous n’apercevons aucun avantage humain à la conduite présente de
l’ex-haut-maçon : sa rupture avec la secte lui vaut des haines, qui ne
désarmeront pas de sitôt à raison de l’omnipotence maçonnique en Italie, il a
été obligé de s’expatrier. Enfin, sa meilleure référence est celle de Mgr Fava,
le vaillant évêque de Grenoble, qui l’a dirigé pendant sa retraite, après sa
conversion, et qui ne lui aurait certainement pas écrit, pour la publier, la
belle lettre que nous avons reproduite, s’il n’avait pas été convaincu de son complet
retour au bien.
G. A. »
[Quand Domenico Margiotta
sort son livre : « Adriano Lemmi chef suprême des francs-maçons,
souvenir d’un trente-troisième, Lemmi dément tout ne bloc. Ce Margiotta, il
ne le connaît même pas ; existe-t-il seulement ?
Lemmi déclare solennellement
ne pas connaître Margiotta et atteste que celui-ci n’a jamais fait partie d’une
quelconque loge italienne. Or Domenico Margiotta existe bien et est bien
franc-maçon, comme l’atteste l’extrait de la revue officielle de Charleston.
Pourquoi ce mensonge de la part de Lemmi ? Poser la question…
Lemmi aurait pu nier le palladisme, sans pour
autant nier l’appartenance à la Franc-Maçonnerie de Margiotta. Mais non. Même
pas. Tout nier est sa tactique. Tant pis pour lui…
De même, voici comment
Massimo Introvigne nous présente Margiotta : « Dans l’ombre, en
effet, un Calabrais nommé Domenico Margiotta ourdissait ses
manœuvres. Peut-être avait-il été vraiment franc-maçon ; ce qui est
sûr, c’est qu’il allait plus tard s’inventer une série de fonctions
mirobolantes qu’en fait il n’avait jamais assumées. »
Pourquoi peut-être ? C’est sûr et
certain, comme le prouve l’extrait que nous reproduisons de l’Official
Bulletin. ATHIRSATA.]
Official bulletin of the Supreme council of the 33d degree for the
southern jurisdiction of the United States,
1886, page 762.
Enfin, voici la solution que
M. Margiotta vient de proposer à M. Goblet d’Alviella pour terminer leur débat
et faire la lumière :
« Londres, le 8 octobre
1894.
Monsieur le directeur du Patriote,
à Bruxelles.
M. Goblet d’Alviella s’étant
fait le champion de la haute-maçonnerie pour nier hardiment son existence
supérieure à tous les rites et son organisation internationale sous la
direction actuelle de M. Adriano Lemmi, il y a lieu, à mon avis, de le mettre
au pied du mur et de provoquer un débat public, avec une sanction sérieuse,
afin que tout le monde sache bien désormais qui dit la vérité et qui ment.
Puisque le Patriarche Emérite de la
haute-maçonnerie belge s’est avancé, maintenant il n’a plus le droit de
reculer.
Les dénégations de M. Goblet peuvent se résumer comme voici :
« D’abord, - je nie que la Maçonnerie belge
manque d’indépendance absolue ; je nie qu’elle ait, d’une façon
quelconque, à s’incliner devant une autorité maçonnique étrangère
quelconque ; je nie quelle soit dirigée ou influencée, directement ou
indirectement, par un pouvoir maçonnique extra-national, quel qu’il puisse
être.
Ensuite, - je nie cela, et il faut me croire,
parce que je déclare qu’il en est ainsi, et que M. Margiotta ne pourra pas
prouver le contraire. »
Les dénégations de M. Goblet étant ainsi
condensées, je me fais fort d’obliger M. Goblet à capituler et à reconnaître
publiquement qu’il a menti en niant.
Pour cela, je mets en avant trois
propositions, chacune bien distincte des deux autres, mais toutes trois liées
ensemble et ne pouvant être séparées.
Sur chaque proposition, j’offre un enjeu de
10 000 francs, et M. Goblet d’Alviella devra, en même temps que moi, consigner
pareille somme.
Un jury de trois membres sera constitué, ne
comptant dans son sein ni franc-maçon ni aucun de ces catholiques que la
franc-maçonnerie qualifie de cléricaux ; c’est-à-dire, il se composera de
personnes notoirement neutres et acceptées par les deux parties. Ainsi, je
déclare dès à présent accepter, dans ce comité d’arbitrage, un socialiste probe
et loyal, nullement suspect de cléricalisme, mais aussi nullement acquis à la
franc-maçonnerie. On pourra trouver facilement deux autres arbitres d’une indépendance
reconnue.
Première proposition :
Je dis et soutiens que M. Goblet d’Alviella
ne doit pas être cru, parce qu’il parle en franc-maçon et dans l’intérêt de la
maçonnerie.
Je prétends prouver que, lorsqu’un
franc-maçon parle comme un franc-maçon et en s’adressant au public profane, sa
parole n’est pas l’expression de la vérité.
Je ferai cette preuve en établissant cent
mensonges maçonniques publics sur des faits passés. C’est-à-dire : je
prendrai des déclarations publiques officielles de la franc-maçonnerie, tant de
Belgique que d’autres pays (le principe maçonnique étant le même partout, ainsi
que l’a dit M. Goblet dans son toast à la fête solsticiale de juin 1884), et,
par cents exemples différents, basés sur des faits faciles à constater par la
vérification des documents maçonniques que j’indiquerai et se trouvant entre
les mains mêmes de la partie adverse, je prouverai que les francs-maçons ayant
fait ces déclarations ont cent fois menti.
Si le jury déclare que ma preuve n’est pas
cent fois faite sur ce premier point, mes 10 000 francs appartiendront à M.
Goblet d’Alviella.
Si au contraire les arbitres se prononcent
pour moi, M. Goblet aura perdu ses 10 000 francs.
Deuxième Proposition :
Le Suprême Conseil de Belgique, dont M.
Goblet d’Alviella est le lieutenant grand commandeur, pratique le Rite Ecossais
Ancien Accepté.
Je dis et soutiens que la Maçonnerie belge,
en tant que maçonnerie pratiquant l’Ecossisme, a au-dessus d’elle un pouvoir
exécutif secret, aux décisions duquel elle est obligée de se soumettre.
Je dis et soutiens, contrairement à M. Goblet
d’Alviella, que ce pouvoir supérieur n’est pas belge, qu’il est
extra-national ; et j’indique quel il est et où il réside : c’est le
Suprême Conseil de Lausanne (Suisse).
Je dis et soutiens que, par exemple, en cas
de contestation quelconque touchant les questions d’ordre général du Rite
Ecossais, le Suprême Conseil de Belgique n’est pas libre de trancher la
question en litige, même si la Maçonnerie belge est personnellement en cause,
mais qu’il est contraint de la faire trancher par le Pouvoir Exécutif secret
siégeant à Lausanne ; j’ajoute que, lorsque le souverain commandeur
grand-maître de Lausanne, assisté de ses officiers du Suprême Conseil Suisse, a
prononcé dans l’espèce à lui soumise, le Suprême Conseil de Belgique est obligé
de s’incliner, d’obéir, quoiqu’il lui en puisse coûter, sous peine de voir tous
les Suprêmes Conseils du globe rompre avec lui et toutes les loges de rite
écossais se fermer devant les visiteurs membres de la Maçonnerie belge.
Si le jury déclare que j’ai fait la preuve de
cette subordination du Suprême Conseil de Belgique au Suprême Conseil Suisse et
de ce que celui-ci est vraiment le Pouvoir Exécutif secret commandant à toute
la Maçonnerie de rite écossais sur les questions d’ordre général, M. Goblet
aura perdu son second enjeu de 10 000 francs.
Si au contraire je succombe sur ce second
point, d’après la déclaration du jury, mes deuxièmes 10 000 francs
appartiendront à M. Goblet.
Troisième Proposition :
A M. Goblet d’Alviella, qui ose dire qu’il
ignore le Palladisme (dont il est grand-maître provincial pour la juridiction
du Lotus 55), je prouverai, devant les arbitres, combien son mensonge est
audacieux sur le troisième point.
Non seulement la Maçonnerie belge, à raison
de son écossisme, est la subordonnée du Suprême Conseil de Lausanne ; mais
encore, en dehors de la question spéciale de rite et comme n’importe quelle
maçonnerie, elle est, par le fait de l’organisation intérieure et supérieure des
Triangles, la vassale et la sujette du Suprême Directoire Dogmatique de la
franc-maçonnerie universelle, lequel était établi à Charleston jusqu’au 20
septembre 1893 et est établi à Rome (au palais Borghèse) depuis lors.
Ainsi, contrairement aux affirmations de M.
Goblet, la Maçonnerie belge est deux fois subordonnée, et de deux façons
différentes, à une maçonnerie étrangère.
Il est vrai que, sur ce troisième point, mon
contradicteur est fortifié par toutes les habiles mesures de précaution prises
pour pouvoir cacher l’existence du Rite Suprême, même à ceux des membres des
hauts-grades des rites officiels à qui la dernière initiation n’est pas donnée.
En effet, les créateurs du Rite Suprême, les FF.˙. Albert Pike et Giuseppe
Mazzini, hommes très experts en organisations secrètes, ont mis en œuvre leur
imagination féconde et leur intelligence machiavélique pour multiplier tous les
obstacles possibles de nature à entraver et dérouter les investigations. Aussi,
des documents purement palladiques ne paraîtraient rien prouver, parce que
c’est expressément voulu qu’ils ne ressemblent pas aux documents maçonniques,
qu’ils sont scellés de sceaux qui n’ont rien de particulièrement maçonnique,
qu’ils sont presque tous signés de nombres ou de pseudonymes conventionnels, cabalistiques
ou même extravagants, au lieu des noms véritables.
M. Goblet, devant les arbitres, aurait beau
jeu pour dire : « Tout cela, c’est une farce. »
Cependant, et malgré ces difficultés,
j’affirme que je le confondrai également sur le fait de la haute-maçonnerie
palladique ; et je prouverai ce que je soutiens, en m’appuyant même sur
certains documents émanant du Suprême Conseil de Belgique ou en sa possession.
Pour expliquer sommairement comment j’entends
faire ma preuve, voici seulement deux exemples :
1° Tandis que, dans la plupart des pays, les
FF.˙. jugés dignes de la parfaite initiation sont choisis seulement à
partir du grade de Kadosch (30e degré) parmi les membres des Aréopages, en
Belgique, où le Palladisme est depuis longtemps très développé, on les choisit
même à partir du grade de Rose-Croix (18e degré) parmi les membres des
Chapitres. C’est pour cela qu’on rencontre beaucoup de brefs (diplômes) de
Roses-Croix belges portant cette formule : A la gloire du Grand Architecte de
1’Univers, de l’orient de l’Univers, par les nombres 77 à nous seuls connus.
Eh bien, 77 est un des nombres palladiques et
je mets M. Goblet d’Alviella au défi de l’expliquer d’une manière uniquement
maçonnique, c’est-à-dire de donner une explication d’écossisme pur et simple.
L’explication vraie, la voici : - Le nombre
77 est nombre sacré, parce qu’il est le produit de la multiplication de 7,
nombre sacré, par 11, nombre sacré. Le nombre 7 est sacré, parce qu’il est le
total du nom ineffable du Grand Architecte de l’Univers, qui est en sept
lettres (Lucifer, nom révélé seulement dans les Triangles). Le nombre 11 est
également nombre sacré luciférien, parce que cabalistiquement il représente
l’En-Soph et les dix Séphiroth, dont les incarnations maçonniques sur terre
sont le Souverain Pontife de la franc-maçonnerie universelle et les dix
Patriarches composant le Sérénissime Grand Collège des Maçons Emérites (parmi
lesquels M. Goblet d’Alviella est le Malkhuth, depuis le 29 septembre
1893). Enfin, le nombre 77 est trois fois sacré, parce qu il est le nombre de
la Hiérarchie Céleste, selon le Livre apadno. C’est en l’honneur de ce
nombre que la juridiction suprême de la haute-maçonnerie est divisée en 77
Provinces Triangulaires.
M. Goblet d’Alviella aura à produire, devant
les arbitres, les diplômes imprimés que le Suprême Conseil de Belgique décerne
aux Roses-Croix belges. On constatera que ces documents portent la formule
ci-dessus, et nous verrons si M. Goblet d’Alviella pourra en donner une
explication autre que celle que je viens d’indiquer.
2° A chaque Suprême Conseil, il y a le Livre
d’Or double, où sont inscrits et matriculés tous les FF.˙. qui ont été
initiés à un grade supérieur à celui de Maître (3e degré). Un exemplaire du
Livre d’Or du Suprême Conseil est déposé entre les mains du souverain
commandeur grand-maître, et l’autre est confié au grand chancelier grand
secrétaire qui le tient à jour. Ce registre est en double, sous prétexte qu’il
faut parer à un accident possible de destruction, par incendie ou autrement. La
vérité, c’est que l’un des deux registres, qui paraît semblable à l’autre aux
yeux des imparfaits initiés, sert à marquer, parmi les membres des grades
supérieurs au Maître, ceux qui sont en outre palladistes.
En effet, il peut arriver qu’un commandeur grand-maître
de Suprême Conseil ne soit pas palladiste, et cela est arrivé. Le F.˙.
Batchelor, qui succéda à Albert Pike au Suprême Conseil de Charleston, n’était
pas palladiste, et d’autres FF.˙. du même Suprême Conseil l’étaient,
quoique moins importants en écossisme. En Belgique, par exemple, le F.˙.
De Mot n’est pas palladiste, et le F.˙. Goblet d’Alviella l’est. Mais,
d’autre part, toujours les palladistes qui sont au sein d’un Suprême Conseil
unissent leurs influences pour faire nommer grand secrétaire l’un d’eux ;
toujours, je le répète, le grand chancelier grand secrétaire d’un Suprême
Conseil reconnu par la Mère-Loge du Monde est un palladiste.
Et voici à quel signe un Inspecteur Général
du Palladium en mission permanente reconnaît sur le Livre d’Or n° 2 du Suprême
Conseil qu’il visite, les hauts gradés du rite qui appartiennent secrètement
aux Triangles : - Si le grand secrétaire qui inscrit les noms a une écriture penchée,
il marque les palladistes en faisant droite une des lettres d’un des
prénoms, une lettre quelconque au hasard, celle qui se prêtera le mieux à ne
pas faire remarquer cette légère différence, laquelle passera inaperçue pour
tout frère ignorant ce signe secret. Si le grand secrétaire a une écriture droite,
il fait une des lettres légèrement penchées. Comme on le voit, c’est
très simple, mais c’est fort caractéristique ; et maintenant, M. De Mot
pourra connaître quels sont ses collègues et ses subalternes qui ont reçu une
lumière plus complète que la sienne.
M. Goblet d’Alviella aura à produire devant
le jury le Livre d’Or n° 2 du Suprême Conseil de Belgique. Les arbitres, ainsi
prévenus, constateront qu’un certain nombre de noms sont inscrits de la façon
particulière que je viens d’indiquer ; et nous verrons si M. Goblet
d’Alviella pourra donner une autre explication, reconnue satisfaisante, de ce
genre d’inscriptions si légèrement dissemblables, mais non fortuitement.
Je me réserve de guider les arbitres, pour
leur faire faire d’autres constatations, toujours avec les documents mêmes du
Suprême Conseil de Belgique, afin qu’on ne puisse pas prétendre que j’apporte
aux débats des preuves fantaisistes.
Et si la conviction du jury est également
faite sur ce troisième point, comme sur les deux précédents, M. Goblet
d’Alviella aura perdu son troisième enjeu de 10 000 francs.
Si au contraire les arbitres déclarent ne pas
être convaincus, mes troisièmes 10 000 francs seront à M. Goblet d’Alviella.
Je m’en rapporte à vous, Monsieur le
directeur du Patriote, pour la désignation des trois jurés à choisir
parmi les personnes inaccessibles au soupçon de partialité. Sur le choix, il
vous sera aisé de vous entendre avec M. Goblet d’Alviella, s’il accepte mon
défi et consent à faire la triple expérience publique que je propose.
Une fois que vous serez d’accord tous deux et
que les arbitres auront été, de part et d’autre, reconnus comme observant une
neutralité absolue dans ce litige, je me rendrai à Bruxelles, et les séances du
jury pourront commencer aussitôt. J’ajoute que je serai accompagné et assisté d’une
personne, dont la présence ne pourra pas manquer de causer plus de surprise que
de plaisir à M. Goblet d’Alviella.
Pour la première proposition, il faudra
peut-être plus d’une séance, à moins que les arbitres se déclarent suffisamment
éclairés, avant que j’aie convaincu cent fois la franc-maçonnerie de mensonge
flagrant sur des faits passés. Pour chacune des deux autres propositions, une
seule séance suffira.
Il doit être bien entendu que rien ne sera
tenu caché de ce qui sera démontré au cours de ces séances ; quant à moi je ne
crains pas le grand jour, en tout ce que j’ai à dire et à prouver. Le triple
verdict devra être rendu publiquement et les journaux des divers partis
pourront avoir des représentants, afin de publier ce qu’ils jugeront utile en fait
de preuves pour ou contre apportées par M. Goblet d’Alviella et moi.
Certain de gagner hautement la partie sur les
trois points, j’abandonne d’avance à l’Assistance publique de Bruxelles les 30
000 fr. conquis à M. Goblet d’Alviella. Quant à lui, s’il se croit sûr de me
confondre, il ne doit pas hésiter à prendre le même engagement au sujet de mon
enjeu. De cette façon, la lumière sera faite, et, quel que soit le vaincu, les
pauvres auront le bénéfice du débat.
Veuillez agréer, Monsieur le directeur, l’expression
de mes sentiments dévoués et mes empressées salutations.
Domenico Margiotta.
P. S. - Je prie les journaux antimaçonniques
d’autres pays de vouloir bien reproduire ma lettre car ce qui est vrai pour la
Belgique est vrai partout. Les révélations, ainsi provoquées par l’impudent et
maladroit démenti de M. Goblet d’Alviella, s’appliqueront en tout à la
Maçonnerie des divers pays.
D. M. »
Depuis la publication du volume de M.
Margiotta, l’illustrissime Adriano Lemmi n’a fait parvenir aucune protestation
en France ; mais en Belgique, il n’en a pas été de même. Là, Goblet
d’Alviella ne se console pas de son échec auquel l’ex-franc-maçon converti a
fortement contribué ; le pauvre F.˙. Goblet, sénateur sortant, se contentait
de poser sa candidature à la Chambre des députés : on se rappelle la
polémique entre M. Margiotta et le Goblet belge, nous l’avons reproduite dans
notre dernier numéro ; le triple défi porté par notre nouveau compagnon
d’armes, n’ayant pas été relevé (et il ne le pouvait être), a été le coup de
massue administré à la candidature du comte d’Alviella. En outre, grand
mécontentement dans les loges belges, démissions de plus en plus nombreuses,
interpellations aux vénérables, demandes d’éclaircissements par tous les FF.˙.
gogos ; bref, bouleversement complet. Goblet d’Alviella a donc secoué la
torpeur d’Adriano ; il a fait le signe de détresse : « Niez donc tout
carrément, très illustre grand-maître Lemmi, ou sinon, le temple d’Hiram
s’écroule ! »
Et Lemmi a écrit au Patriote, de
Bruxelles, qui avait publié en plusieurs articles le premier chapitre de M.
Margiotta.
Nous trouvons cette lettre dans le Peuple
Français[57] ;
c’est M. Margiotta lui-même qui la reproduit du Patriote et qui
l’accompagne d’une réfutation de main de maître.
« Monsieur le Directeur
du Peuple Français,
Le journal le Patriote, de Bruxelles,
qui, aux dernières élections, a mené si vaillamment la campagne contre le
F.˙. Goblet d’Alviella et autres candidats francs-maçons belges, et qui a
tant contribué à leur complète défaite, vient de recevoir par ministère
d’huissier, une lettre, vraiment un peu trop tardive, du sire Adriano Lemmi.
Le grand chef maçon, dont le mot d’ordre
avait été « Silence partout », s’est rallié à l’avis du F.˙.
Goblet d’Alviella : « Nions carrément », et, en effet, comme on
va le voir, il nie tout, même le fait d’avoir renié le catholicisme pour
embrasser le judaïsme. Oui, c’est ainsi ; Lemmi, qui depuis tant d’années
souriait avec bonheur lorsqu’on lui rappelait son entrée dans la tribu
d’Israël, Lemmi n’est plus juif, n’a jamais été juif !
Permettez-moi de vous reproduire en entier
cette étonnante lettre. Elle me vise, et j’y répondrai sur les points
principaux ; je l’extrais du Patriote, numéro du 1er novembre, qui
vient de me parvenir, et à qui j’envoie également ma réponse.
« Rome, le 24 octobre 1894.
Monsieur le directeur,
Sous la signature Domenico Margiotta, vous
avez publié dans les numéros 265 à 272, du mois de septembre écoulé, du journal
que vous dirigez, plusieurs articles contre moi.
Tout ce qui, dans ces écrits, que je ne veux
pas qualifier ici, peut offenser ma réputation d’honnête homme est complètement
faux.
La nouvelle organisation maçonnique
internationale dont vous parlez, n’existe pas. Je n’ai jamais embrassé le judaïsme.
Je n’ai jamais été poursuivi devant aucun tribunal. Depuis le mois de février
1844, jusqu’à la fin de l’année 1845, j’ai résidé à Constantinople ou je
dirigeais l’office d’affaires maritimes établi à Galata par M. François
Salomon, de Malte, sujet britannique. Je m’y suis ensuite établi d’abord sous
mon nom personnel et peu de temps après sous la firme « Tito et Adriano
Lemmi ». En 1860, je suis rentré définitivement de Constantinople en
Italie.
Je n’ai jamais connu Domenico Margiotta, ni
aucun de ses amis ; - maintenant seulement je sais quel individu c’est. Je
suis entré en 1878 dans l’ordre maçonnique et je certifie que depuis cette date
cet homme n’en a jamais fait partie.
Je me réserve de poursuive en justice tous
ceux qui tentent de diffamer mon nom.
Eu attendant, je vous prie, Monsieur le
directeur, de publier la présente dans votre journal et je vous en remercie.
Signé : Adriano Lemmi,
Grand-maître de la Maçonnerie
italienne. »
Sur la question de l’organisation maçonnique
internationale, qui n’est pas nouvelle (quoique dise Lemmi), mais qui date de
1870, mon volume répond amplement. Sans doute, les chefs de la maçonnerie belge
voient les démissions se multiplier, et ils ont sollicité du grand chef le
démenti qui le rend tout à coup si modeste, histoire de rassurer les
Frères-gogos. Je n’insiste pas. Il suffit de voir la voûte de protestation des
hauts-maçons américains que j’ai publiée in extenso (page 320 à 351) et les
décrets du Suprême Conseil scissionniste de Palerme, reproduite en fac-similé
(pages 358 à 363). Ces documents écrasent le démenti d’Adriano Lemmi.
Pour nier sa condamnation, Lemmi, dit
aujourd’hui qu’il est venu à Constantinople en février 1844 ; que, de
cette époque-là à la fin de l’année 1845, il a dirigé dans cette ville un office
d’affaires maritimes pour le compte d’un anglais nommé François Salomon, de
Malte ; et qu’ensuite il s’est établi pour son compte personnel, toujours
à Constantinople, seul d’abord, et avec un autre Lemmi portant le prénom de
Tito, après. C’est seulement en 1860 qu’il a quitté Constantinople pour rentrer
en Italie. (Je prie le lecteur de bien noter ces dates).
Eh bien, Adriano Lemmi ment impudemment, et,
pour prouver son mensonge, je me contenterai, pour aujourd’hui, de reproduire ce
que le même Adriano Lemmi écrivait, le 23 avril 1890, au journal romain la Voce
della Verità.
A la suite du scandale pour l’affaire des
tabacs, où Lemmi fut accusé, à la tribune du Parlement italien, d’avoir
escroqué plusieurs millions, - ces débats parlementaires sont historiques et ne
peuvent être niés, - la Voce della Verità jeta à la face de cet homme la
fameuse condamnation infamante de Marseille. Lemmi, la niant toujours, paya
d’audace ; mais ce qu’il dit à cette époque ne concorde pas le moins du monde
avec ce qu’il dit aujourd’hui. Voyez plutôt :
« Pour éviter toute équivoque, écrivait
Lemmi au journal romain (lettre publiée dans le n° du 24 avril 1890), je vous
prie de vouloir bien accueillir et insérer la déclaration suivante :
Adriano Lemmi, de Florence, condamné à Marseille en 1844, n’a rien de commun
avec Adriano Lemmi de Livourne, lequel établi depuis 1843 à Constantinople,
était en 1844, directeur d’une maison de commerce en affaires maritimes dans
cette même ville, qu’il n’a quittée qu’en 1847 pour se rendre à Londres.
J’ai bien l’honneur, M. le directeur, de vous
saluer.
(Signé) Adriano Lemmi.
Grand-maître de la maçonnerie
italienne. »
Quand on dit la vérité, on ne se contente
contredit pas. Ici, la contradiction est flagrante.
En 1890, on ne reprochait à Lemmi, au sujet
de son passé, que la condamnation de Marseille, la Voce della Verità ignorait
le rôle que Mazzini lui a fait jouer, de 1851 à 1860 particulièrement ;
personne ne songea à lui en faire un grief. Aussi Lemmi ne cacha point qu’il
était parti de Constantinople bien avant 1860 et que Londres fut son but en
quittant la Turquie. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement sa condamnation de
1844 qui est en jeu ; c’est aussi sa complicité dans tous les crimes
mazziniens, dits politiques, accomplis à partir de 1852 (tentative d’assassinat
sur la personne du ministre toscan Baldasseroni) jusqu’aux massacres et aux
trahisons de 1860 dans les Deux-Siciles, sans parler ici des crimes
postérieurs. Alors Lemmi, oubliant sa lettre du 23 avril 1890, ou pensant que
le directeur du Patriote ne la connaîtra pas, se donne comme n’ayant
quitté la Turquie qu’en 1860 et biffe, d’un trait de plume menteur, cette
période de sa vie d’agent mazzinien.
Après cela, je pourrai m’abstenir de relever
le reste.
Cependant, je ne puis m’empêcher de faire
remarquer que Lemmi prend le public profane pour trop naïf, vraiment. Il menace
de poursuites judiciaires, aujourd’hui. Mes éditeurs et moi, nous les
attendons de pied ferme. Mais pourquoi n’a-t-il pas poursuivi le colonel
Bizzoni, le député Imbriani, qui, les premiers, ont fait connaître le jugement
de Marseille, en le lui appliquant ? Pourquoi n’a-t-il pas poursuivi en
Italie les innombrables journaux qui ont publié les lettres de miss Vaughan, où
son indignité était démasquée en termes très nets et avec des détails très
précis ? Si son casier judiciaire est pur en France, pourquoi choisit-il
la Belgique pour formuler des menaces, alors que c’est en France même que mon
volume a été publié ? Cette manœuvre ne trompera personne. Le F.˙.
Goblet d’Alviella n’a pas relevé mon triple défi ; de même, le F.˙.
Adriano Lemmi hurle et proteste, mais n’ira pas plus loin que les hurlements et
les protestations. Tout cela, c’est pour la galerie. Il sait trop bien que les
documents que j’ai publiés en photogravure sont authentiques, et que miss Diana
Vaughan, qui en possède les originaux, avec d’autres plus importants, les
produirait devant le tribunal, s’il osait faire appel à la justice.
Enfin, Lemmi prétend ne pas me connaître. Il
jongle avec les dates et dit que, lui, il est entré dans la Maçonnerie en 1878
(mensonge), et que c’est à cette époque que j’ai cessé, moi, d’en faire partie
(autre mensonge). Cette assertion ne serait pas pour me déplaire ; car, si
elle était exacte, il en résulterait qu’un honnête homme a quitté la secte au
moment où un individu disqualifié y entrait. Mais il faut maintenir ce qui est
la vérité : c’est-à-dire que Lemmi a plus de seize ans de maçonnerie, lui
qui fut le secrétaire de Kossuth et l’agent de Mazzini, et que, d’autre part,
c’est seulement le 6 septembre 1894 (présente année) que j’ai cessé
d’appartenir à la secte, par démission libre et volontaire.
Et, pour confondre le dernier mensonge de la
lettre de Lemmi, il me suffira de reproduire la lettre que j’ai reçue récemment
du Suprême Conseil de Palerme, par laquelle mes anciens amis du Rite Ecossais
Ancien Accepté me supplient de revenir sur ma détermination et de demeurer dans
la Maçonnerie :
« N° 44
A.˙. G.˙.
D.˙. A.˙. D.˙. U.˙.
Ordo ab Chao
Deus Meumque Jus
Suprême Conseil Général de
la Fédération Maçonnique Italienne du Rite Ecossais Ancien Accepté
Orient de Palerme, 12 sept.
1894 (E.˙. V.˙.)
Très Illustre et Puissant
Frère Domenico Margiotta, 33e, à l’Orient de Palmi.
Notre Grand-Maître a lu avec le plus grand
chagrin la détermination que vous venez de prendre de vous détacher de notre
famille. Il m’a aussitôt chargé de vous présenter ses plus instantes prières
pour que vous reveniez de suite sur une telle décision. Vous dont la valeur est
tant appréciée dans notre famille, vous ne devez pas, vous ne pouvez pas vous
en retirer. Vous avez fait serment de rester au milieu de nous et vous y
resterez, j’en suis certain. Vous avez combattu au premier rang parmi nous, et
maintenant que nous sommes au commencement de la fin, vous ne pouvez pas, non,
vous ne pouvez pas nous abandonner, au moment surtout qui approche, de
recueillir le fruit de votre constant travail.
Retirez, retirez cette démission, nous vous
en prions tous ; car tous nous sommes sur le point d’avoir satisfaction,
je vous l’assure.
Moi aussi, il y a quelque temps, j’avais
démissionné à raison d’inadmissibles innovations que l’on avait tenté
d’introduire chez nous ; mais ensuite, la majorité ayant reconnu qu’on
faisait fausse route, le très puissant grand-maître (Paolo Figlia) qui a
toujours marché avec moi en parfait accord, m’a convaincu de la nécessité de
reprendre le travail.
Je profite de l’occasion pour vous dire qu’en
juillet dernier, Diana Vaughan nous a fait parvenir différentes sommes pour
secourir les frères malheureux.
Agréez, très puissant frère, la triple
accolade fraternelle.
Le grand-lieutenant général,
Giuseppe Militello, 33e. »
Voilà un document qui prouve, je pense, que je
suis resté maçon après 1878. Ne croyez pas, pourtant, que j’en tire
orgueil ; mais je tiens uniquement à faire éclater la vérité, tout en
plaignant de tout mon cœur, pour leur erreur persistante, mes amis de Palerme,
honnêtes gens égarés dans la Maçonnerie.
Lemmi me décoche une flèche. Il sait, dit-il
maintenant, quel individu je suis. Je méprise cette insinuation, n’ayant
à me reprocher aucun acte d’improbité. Lui, Lemmi, il y a longtemps que le
monde entier connaît sinon tous ses méfaits, mais du moins sait quel individu
il est.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur,
l’assurance de mes sentiments respectueux et dévoués.
Prof. Domenico Margiotta. »
Bon nombre de journaux ont reproduit les
passages les plus saillants de cette lettre. L’Univers, notamment, dans
son numéro du 7 novembre, a publié un important article intitulé « Les
contradictions de M. Lemmi », dont la conclusion est :
« Il n’est si habile menteur qui ne se
coupe, et M. Lemmi nous apporte lui-même une preuve de ce vieil axiome qui se
retourne contre lui. »
La revue la Franc-maçonnerie Démasquée[58]
a reproduit, en fac-similé réduit par la photogravure, l’original même de la
lettre du grand lieutenant général du Suprême Conseil de Palerme, dont on vient
de lire la traduction.
Elle a donné encore deux lettres du F.˙.
Militello, communiquées par M. Margiotta.
Cette correspondance offre un grand intérêt.
Non seulement elle prouve que Lemmi ment avec audace, lorsqu’il dit que M.
Margiotta n’appartient plus à la franc maçonnerie depuis 1878 ; mais encore
elle établit combien la récente démission du converti est regrettée dans la
Fédération antilemmiste de Palerme et Naples.
D’abord, le F.˙. Militello revient à la
charge ; il ne connaît la démission que par la lettre adressée de
Bruxelles, le 6 septembre, à Paolo Figlia et à laquelle il a répondu
officiellement le 12. Mais voici que les journaux viennent d’annoncer qu’il y a
plus qu’une simple démission, qu’il y a une conversion quelconque. Le F.˙.
Militello lit cela dans les feuilles inféodées à la maçonnerie ; il se
refuse à le croire, il accuse Lemmi de répandre des faux bruits.
De là, cette lettre où Lemmi est fort
maltraité :
« Palerme, le 18 septembre 1894.
Très cher ami et frère,
Cette charogne de Lemmi, pour se venger de
tout ce que vous avez écrit et imprimé sur son sale compte, a fait publier dans
les journaux du parti des articles affirmant que vous avez quitté la
franc-maçonnerie pour entrer dans la catholicisme.
Persuadé qu’il s’agit là de faux bruits, je
vous prie de les démentir, si déjà vous ne l’avez fait, par ces journaux ;
et cela pour que le monde maçonnique sache que vous rejetez tout le contenu des
articles qui ont pour titre Conversion d’un franc-maçon.
Envoyez-moi au plus tôt quelque réponse.
Je suis, dans les mêmes sentiments d’estime,
Votre très affectionné.
G. Militello. »
Par là, on voit bien que, dans la maçonnerie,
M. Margiotta n’était pas le premier venu.
Le converti répond à son ex-frère que les
journaux ont dit la vérité, qu’il est vraiment revenu à la foi de son enfance,
et il lui envoie quelques numéros du Peuple Français.
Le F.˙. Militello en prend son parti, et
il écrit de nouveau à M. Margiotta :
« Palerme, le 16 octobre 1894.
Très cher ami et frère,
Malgré votre démission, je ne puis m’empêcher
de vous donner le doux nom de frère ; veuillez me le pardonner, c’est plus
fort que moi.
On dit vulgairement : « Rira bien
qui rira le dernier », et j’ai confiance que les derniers à rire seront
les irréguliers, les bâtards, comme Lemmi appelle les membres de la Fédération.
Et alors, lui, le Souverain Pontife
Lemmi ?...
J’ai lu les articles du Peuple Français
qui arrange si bien l’ami Lemmi.
En ce moment, les Romains sont en pleine
discorde et en pleine débandade aussi, le grand Lemmi vient-il de publier un
décret d’amnistie en faveur de tous les frères en sommeil, de tous les
irréguliers et même de ceux qui sont brûlés ; en payant, ils peuvent faire
retour à la bergerie du palais Borghèse.
Agréez une poignée de main de votre très
affectionné et véritable ami.
G. Militello. »
Au fond, ce F.˙. Militello ne doit pas
être un mauvais homme ; cela se sent. C’est un aveugle, un de ces égarés
pour qui il faut surtout prier.
Mais comme ce qu’il écrit confirme bien les
renseignements que nous avons déjà publiés ! Il est maintenant indéniable
que la débandade prend chaque jour de plus vastes proportions. On a vu plus
haut que la Lanterne (dont il faut toujours prendre les articles au
contre-pied, pour connaître la vérité) enrage littéralement, tandis qu’elle
jubilerait si les adhésions à la secte pleuvaient. Il faut même que les
démissions se multiplient terriblement, pour que Lemmi en soit arrivé, afin de
combler les vides, à proclamer l’amnistie pour les frères mis en sommeil (ceux
qui ont été rayés des listes à raison d’inactivité), pour ceux considérés comme
n’ayant pas fait régulariser leur situation, et jusque pour ceux qui ont été
exclus (brûlés).
D’autre part, il est bon de relater la
nouvelle attitude de la Vérité.
Le journal de M. Auguste Roussel avait fait d’abord
chorus avec toute la presse catholique, au moment de la démission de M.
Margiotta ; M. Georges Bois était alors à la campagne. Mais bientôt notre
homme a abandonné sa villégiature, est rentré à Paris et a entrepris, comme il
l’avait fait pour le docteur Bataille, une campagne de dénigrement contre le
nouveau compagnon d’armes qui nous est donné par une si heureuse et complète
conversion.
Les manœuvres employées ne doivent pas être
laissées dans l’ombre. Il est utile de faire constater, chaque fois que
l’occasion s’en présente, quel rôle plus que suspect est joué par M. Georges
Bois.
Cette fois, l’ami et digne camarade de Paul
Rosen n’a plus recours à l’injure brutale ; il ne traite pas M. Margiotta
d’imposteur, n’osant pas braver le sentiment général ; mais il procède avec
perfidie.
Sans qu’il soit nécessaire de suivre l’ordre
chronologique de ses articles, nous ferons remarquer d’abord que M. Bois a eu
soin de publier la lettre de dénégations de Lemmi, sans la faire suivre d’une
seule des victorieuses réfutations de M. Margiotta, sans même y faire la
moindre allusion.[59]
Et voici ce qui va bien établir, une fois de
plus, l’extraordinaire mauvaise foi de M. Georges Bois :
M. Bois reproduit la lettre de Lemmi au Patriote,
de Bruxelles, sous un titre en grosses lettres :
« Protestations d’Adriano Lemmi.
Par la lettre suivante, adressée au Patriote
de Bruxelles, M. Lemmi, banquier à Rome et grand-maître de la maçonnerie
italienne, proteste contre le récit de M. Margiotta, et menace de poursuivre
les journaux qui s’en feront l’écho. »
Puis, la lettre de Lemmi ; et, nous le
répétons, pas un mot pour dire que M. Margiotta a démontré le mensonge flagrant
de Lemmi dans ses dénégations ; rien, absolument rien.
On pourrait croire peut-être que M. Bois a
pris la lettre Lemmi dans le Patriote et qu’alors il a pu ignorer la
réponse de M. Margiotta, puisque le journal de Bruxelles a inséré la
protestation du grand-maître aussitôt reçue, sans attendre que son adversaire
puisse répliquer et le confondre.
Eh bien, non.
C’est dans la réponse même de M. Margiotta,
dans cette réponse écrasante publiée par le Peuple Français du 6
novembre, que M. Georges Bois a pris la lettre Lemmi ; ce n’est pas dans le Patriote.
La preuve, c’est que la Vérité, en
insérant la lettre Lemmi, a reproduit exactement les coquilles qui s’étaient
glissées dans le Peuple Français. Un exemple : Lemmi avait
écrit : « Maintenant seulement je sais quel individu c’est »
(sic dans le Patriote). M. Georges Bois a mis : « quel
individu il est » (sic dans le Peuple Français).
M. Bois a pris tout simplement ses ciseaux, et de la justification que
M. Margiotta publiait pour prouver que Lemmi était le menteur, il a extrait
uniquement l’accusation du chef-maçon que le converti avait avec loyauté
reproduite in-extenso.
Mais M. Bois ne s’est pas borné à faire, de
cette façon, la part belle au sire Lemmi. Dès le lundi 22 octobre, il avait,
dans la Vérité (quel titre pour un journal qui ne dit que des
mensonges !), accusé M. Margiotta d’avoir « des tendances aux amplifications
romanesques », et, disait-il, « nous n’en citerons qu’un
exemple ».
Ceux qui ont lu le volume de M. Margiotta,
ceux qui savent qu’il a publié - ce que personne n’avait fait avant lui - la
photographie même du jugement de Marseille d’après le dossier de Cavour,
ceux-là apprécieront toute la perfidie des lignes suivantes, signées de M. Bois
et où il se garde bien de dire qu’il s’agit d’un document photographié,
afin d’établir une confusion avec diverses publications antérieures du dit
jugement :
« L’auteur, écrit M. Georges Bois,
produit contre Lemmi un document excellent et authentique. Rien de mieux. Mais,
disposant de cette pièce utile, il ne se tient pas d’en vouloir faire sentir
encore davantage le prix, en racontant qu’elle provient d’une sœur maçonne,
grande maîtresse templière, qui se l’est procurée dans des circonstances
mystérieuses, et moyennant la somme de 30 000 francs. Quelle est cette
pièce ? C’est le jugement du tribunal correctionnel de Marseille qui a
condamné jadis le jeune Adriano Lemmi. Or, il y a longtemps que ce document
judiciaire est dans le domaine public de la presse. Il y était avant la date
que MM. Bataille et Margiotta donnent à leur histoire (20 septembre 1893). Nous
croyons bien nous souvenir de l’avoir lu jadis en belle première page de l’Observateur
Français. Il fit du bruit et plusieurs journaux en firent un sujet
d’actualité. Après cela, ce n’était plus la peine de donner 30 000 fr. ; ce
n’est plus vraisemblable. Alors, pourquoi cet enjolivement
inutile ? »
Le but de cet alinéa perfide se distingue
très bien pour peu qu’on y regarde de près. Il s’agit de glisser dans l’esprit
du lecteur catholique cette idée, que M. Margiotta a commis un mensonge
flagrant, qui est même maladroit. Le lecteur sera ainsi amené à révoquer en doute
les autres récits de l’auteur : pourquoi se fierait-on à lui, puisque,
ignorant (selon M. Bois) que des journaux avaient déjà publié le jugement, M.
Margiotta a inventé cette histoire d’une correspondance échangée entre le
chevalier Nigra et M. Thouvenel, en 1861, pour faire remettre au comte de
Cavour les dossiers judiciaires français de Lemmi et de Bordone ? M. Bois
a grand soin de cacher à ses lecteurs que M. Margiotta ne se donne nullement
comme apportant au public une nouvelle, qu’il cite même le journal italien la Voce
della Verità à qui Lemmi écrivit en 1890 pour protester contre
l’application qu’on lui faisait alors de ce jugement.
M. Georges Bois ne s’en est pas tenu là.
Il s’est rendu aux bureaux de l’Observateur
Français. Les rédacteurs, à ce moment-là, n’avaient pas encore eu entre les
mains le volume de M. Margiotta. M. Bois montra son article du 22 octobre, et,
toujours, eut bien soin de ne pas dire que le volume publiait une photogravure.
L’Observateur Français crut donc que M. Margiotta revendiquait l’honneur
d’avoir révélé au public l’existence et la teneur du jugeaient de 1841 ; il y
avait pour le journal une question d’amour-propre, qui se conçoit très
bien ; aussi, grâce à la confusion que M. Bois avait habilement établie l’Observateur
Français publia, dans son numéro du 29 octobre, le petit article
suivant :
« Un point d’histoire
A propos de la brochure (sic. Le terme seul
employé ici indique manifestement que le rédacteur de l’article ne connaissait
que par son titre l’ouvrage de M. Margiotta et s’en rapportait de bonne foi à
ce que M. Georges Bois venait de lui dire. En effet, le livre de notre ami est
un volume, et non une brochure. Jamais un in-octavo de 384 pages ne s’est
appelé brochure.) qui vient de paraître sous ce titre : Adriano Lemmi,
chef suprême des francs-maçons, par Domenico Margiotta, ex-33e, etc.,
la Vérité fait remarquer que cet ouvrage n’a guère d’autre valeur que
celle d’un dossier complet sur Lemmi. M. Margiotta a réuni un certain nombre de
documents qu’il présente comme inédits, mais auxquels on peut parfois contester
cette qualité.
L’exemple que cite la Vérité est
particulièrement exact. Il s’agit du fameux jugement prononcé contre Lemmi par
le tribunal de Marseille, le 22 mars 1844, et que M. Margiotta reproduit. Or,
ce document a été publié pour la première fois dans l’Observateur français
le 18 avril 1890, alors que M. Margiotta n’en date la divulgation qu’au 20
septembre 1893. M. Margiotta ajoute que ce document a été acheté 30 000 francs
par une grande maîtresse retirée, miss Vaughan. Cette histoire nous paraît
quelque peu romanesque en tout cas, le document acheté si cher a été en notre
possession, et miss Vaughan aurait pu se procurer, sinon le document lui-même,
du moins le texte intégral que nous avons publié et qu’elle aurait facilement
trouvé dans la collection de la France nouvelle et de l’Observateur.
Cette divulgation fit assez de bruit à
l’époque où elle fut faite pour qu’elle ne soit pas tout à fait oubliée.
En tous cas, on doit constater que cette
nouvelle, qui fit sensation, n’a jamais été l’objet de démentis sérieux ;
l’authenticité n’en a jamais été mise en doute ; elle ne pouvait pas,
d’ailleurs, l’être, étant donnée la source d’où elle provenait.
R. D. »
Enchanté d’être parvenu ainsi à faire jeter
le discrédit sur l’ouvrage de M. Margiotta, M. Bois reproduisait dans la Vérité,
le 7 novembre, l’article ci-dessus, en le faisant précéder de ces lignes :
« Sous ce titre, - « un point
d’histoire », - l’Observateur Français CONFIRME par la note
suivante une information que nous avons donnée récemment. »
Pour déjouer cette manœuvre, un rédacteur de
la Revue Mensuelle pria une personne qui est en correspondance avec miss
Vaughan, de faire parvenir à l’ex-grande-maîtresse de New-York les numéros de
la Vérité et de l’Observateur Français. En somme, c’était
miss Vaughan qui avait communiqué le document à M. Margiotta, et, puisqu’on la
mettait en cause, il était utile qu’elle s’expliquât.
La réponse ne se fit point trop attendre.
Miss Vaughan envoya une déclaration complète, en manifestant sa préférence pour
l’insertion dans une feuille incolore. Elle craignait, disait-elle dans sa
lettre qui accompagnait sa déclaration, qu’un journal catholique supprimât
certains passages où elle a cru devoir blâmer la conversion de M. Margiotta ;
cette préoccupation prouve que l’ex-grande-maîtresse américaine est toujours
dans l’erreur, malheureusement. Le Peuple Français, à qui fut portée
cette déclaration avec la lettre d’envoi, ne fit aucune difficulté pour insérer
tout ce que miss Vaughan désirait.
L’article parut dans le Peuple Français,
numéro du 11 novembre. Le voici :
« Le dossier Lemmi
Une contestation s’est élevée, il y a
quelques jours, au sujet d’un des documents publiés par M. Margiotta dans son
volume Adriano Lemmi. Un de nos confrères a revendiqué l’honneur d’avoir
été le premier à mettre au jour, en 1890[60],
le texte du jugement, à jamais fameux, qui a condamné Lemmi comme voleur. En
effet, notre confrère en avait eu connaissance à cette époque, et il a eu le
mérite d’en faire la publication d’après une copie authentique, mais sans faire
connaître sa source d’information ; en cela, il a été le premier, du moins
en France.
Toutefois, dans le débat qui
a été soulevé, on a semblé perdre de vue que M. Margiotta n’a nullement
prétendu apprendre au public une condamnation jusque-là ignorée, puisque son
livre cite le journal italien, le seul à sa connaissance qui reproduisit ce
texte célèbre, à la même époque, et qu’il insère, pour les combattre, les premières
dénégations du grand-maître condamné.
L’initiative prise par M.
Margiotta a consisté dans la reproduction, EN FAC-SIMILE par la photogravure,
du jugement en question, tel qu’il a été délivré par le greffe de Marseille, à
la requête du parquet, sous l’Empire ; en outre, M. Margiotta a expliqué
dans quel intérêt diplomatique ce document avait été exceptionnellement
transmis au gouvernement italien par la chancellerie française ; enfin, il
a raconté comment il avait été mis en mesure de faire cette reproduction fac-simile.
Or, au dire de M. Margiotta, ce serait
l’ex-grande-maîtresse américaine Diana Vaughan qui posséderait aujourd’hui le
document original. Des amis de cette personne lui ont fait parvenir les
journaux qui mettaient le fait en doute. Comme il fallait s’y attendre, miss
Vaughan, ne voulant pas laisser croire qu’elle a .pu être jouée par quelque
Norton italien, s’est décidée à rompre le silence dans lequel elle s’est
renfermée depuis sa démission, et elle a jugé utile de raconter toute l’histoire
du dossier Lemmi.
Nous avons la bonne fortune
de pouvoir publier la déclaration de l’ex-grande-maîtresse de New-York,
quoiqu’elle ait manifesté sa préférence pour une publication « dans une feuille
incolore » ; mais nous donnerons cette déclaration sans en rien
retrancher, selon le désir exprimé par miss Diana Vaughan.
Déclaration de miss
Vaughan :
« J’ai reçu la Vérité
du 22 octobre et l’Observateur français du 29. De ces journaux,
j’ai lu les articles dans lesquels, à propos du livre de M. Margiotta, deux
messieurs contestent que je sois en possession du texte officiel du jugement de
Marseille condamnant, en 1844, Adriano Lemmi à un an et un jour de prison pour
vol. Ces messieurs disent que ce jugement a déjà été publié en 1890 ; sur
ce point, tout le monde est d’accord. Mais ils ajoutent que, ce texte
judiciaire étant dans le domaine public de la presse, il n’est pas croyable que
j’aie tenu à l’acquérir au prix d’une forte somme.
Ces messieurs me permettront
d’intervenir, puisque je suis mise en cause, et de dire, à mon tour, qu’ils ne
paraissent pas avoir compris mon acte.
Bien certainement, il
faudrait que j’eusse perdu la raison pour payer seulement vingt francs une
copie typographique se trouvant dans un journal à dix ou quinze centimes ;
mais ce n’est point là ce que j’ai acheté. J’ai acquis le document lui-même,
avec les pièces diplomatiques l’accompagnant, c’est-à-dire tout le dossier.
C’est cela que je possède, les originaux authentiques, et nullement des copies
quelconques.
Dans les premiers jours de
1861, le chevalier Nigra, qui était à Naples en qualité de secrétaire d’Etat
attaché à la lieutenance-générale du royaume, redoutait l’agitation
mazzinienne ; en particulier Lemmi et Bordone, alors révolutionnaires,
venus dans les Deux-Siciles à la suite de Garibaldi, créaient des embarras au
gouvernement de Victor-Emmanuel. Pour les tenir en bride, Nigra ne trouva rien
de mieux que d’obtenir de Napoléon III, qui n’avait rien à lui refuser, les
dossiers français, très édifiants, de ces deux adversaires, pour les mettre
aux mains du comte de Cavour. Lemmi avait à son passif la condamnation pour vol
en question, et Bordone avait deux condamnations pour escroquerie (tribunal de
Paris, deux mois de prison, et tribunal de Cherbourg, trois ans). Ces documents
furent versés aux archives secrètes du ministère italien, et ils produisirent
leur effet sur les deux intéressés, à qui on les montra.
Le dossier Lemmi fut oublié
pendant vingt années. La première copie qui en a été prise aux archives
ministérielles, date de mars 1881, alors que Crispi et Nicotera attaquaient
vivement le cabinet Cairoli, où Depretis avait l’intérieur. Crispi n’était pas
encore rallié à la monarchie. C’est M. Breganze, chef du cabinet de Depretis,
qui se fit prêter le dossier par le préfet Bolis, directeur de la police
politique et administrative, et il prit une copie du jugement ; cette
copie circula dès lors entre quelques mains. Crispi, chef de l’opposition au
Parlement, était et n’a jamais cessé d’être l’ami intime de Lemmi, à ce
moment-là organisateur du mouvement irrédentiste contre lequel Depretis
sévissait, par crainte de complications avec l’Autriche. Les pièces originales,
reçues en 1861 par Cavour, furent mises sous les yeux de Cairoli et de
Depretis, et ils s’en servirent à leur tour pour calmer une seconde fois les
ardeurs de Lemmi.
On sait qu’après les
attaques des partisans de Crispi, Benedetto Cairoli, lassé d’entendre ses
anciens amis l’accuser sans cesse de trahison envers la démocratie, se retira
le 14 mai (1881), quoique ayant obtenu de nombreux votes de confiance. Mais,
quelques jours avant sa démission, il fit photographier, pour sa satisfaction
personnelle, le document principal du dossier Lemmi, c’est-à-dire l’extrait
officiel donnant copie du jugement en six pages, délivré par le procureur
impérial de Marseille, M. Mourier, à la requête du garde des sceaux français,
M. Delangle.
C’est cette photographie,
dont d’autres épreuves furent ensuite tirées par des amis de Cairoli, qui a été
possédée par le colonel Achille Bizzoni, et c’est le colonel Bizzoni, et non l’Observateur
français, qui a relevé le premier la condamnation infamante de Lemmi.
C’est sur la vu de cette photographie que le député Imbriani en parla à la tribune
de Montecitorio, en 1890, lors du débat sur les scandaleux tripotages de la
régie des tabacs, et encore en ceci le député Imbriani devança l’Observateur
français.
Toutefois, à ce moment
plusieurs reproductions furent faites, soit d’après la copie de M. Breganze,
soit d’après la photographie prise par Cairoli en quittant le ministère.
Mais, dans la discussion
qu’on soulève aujourd’hui à propos du livre de M. Margiotta, il y a autre chose
que la question de la primeur donnée en 1890 en Italie par la Voce della
Verità, ou en France par l’Observateur français, ou en Belgique par
le Courrier de Bruxelles. Aucun de ces trois journaux ne possédait, n’a pu
posséder le document lui-même. Il importe de ne pas jouer sur les mots. On n’a
pu avoir qu’une copie faite sur celle de M. Breganze ou une épreuve
photographique tirée sur celle de Cairoli, par la bonne raison que le document
original était demeuré aux archives ministérielles et qu’il tire sa principale
valeur des pièces diplomatiques l’accompagnant et constituant le dossier.
Or, en 1893, au moment de la
crise gouvernementale qui suivit la chute du cabinet Giolitti, le dossier Lemmi
existait encore à la division politique et administrative du ministère de
l’intérieur, à Rome, et il était très complet. Alors, des frères italiens
indépendants m’assurèrent que Crispi avait promis à Lemmi de détruire le
dossier, s’il rentrait au pouvoir avec l’appui de tous leurs amis
communs ; il y avait un marché entre eux. Acheter un tel dossier, formé en
des circonstances si exceptionnelles qu’elles ne se retrouveront plus, c’était
le sauver de la destruction ; car nul n’ignore que personne, sauf le
procureur général, ne peut faire relever au greffe le jugement criminel ou
correctionnel du condamné qui a subi sa peine ; ce qui est le cas de
Lemmi.
On avait quelqu’un au
ministère de l’intérieur qui pouvait remettre ces papiers précieux ; mais
il était juste de lui assurer une compensation pécuniaire, en prévision de la
perte de sa place, par suite de soupçons contre lui, une fois la disparition du
dossier constatée.
Parmi les pièces jointes au
jugement, une lettre de M. Thouvenel, ministre des affaires étrangères de
Napoléon III, m’apprit que le dossier Lemmi n’était pas le seul formé en 1861.
En effet, cette lettre datée du 2 mars 1861, avait été adressée à M. le baron
Charles de Talleyrand-Périgord, ministre plénipotentiaire de France à Turin. M.
Thouvenel y prie le représentant du gouvernement français « de remettre,
en mains propres, à M. le comte de Cavour les jugements Lemmi et Bordone ;
car S. M. l’Empereur s’est fait personnellement un plaisir d’accorder
satisfaction à la demande de M. le chevalier Constantin Nigra. »
Mes amis italiens ne se
préoccupaient que du dossier Lemmi ; mais ce qui a trait à Bordone ne
saurait m’être indifférent. Je fis d’une pierre deux coups, et j’eus les deux
dossiers ensemble pour 40 000 francs, que je ne regrette pas. Ces papiers, tout
à fait au complet, sont aujourd’hui en lieu sûr.
J’ai aussi une des
photographies provenant de Cairoli ; mais elles sont défectueuses. Si le
rédacteur de l’Observateur français en possède une, - ce qui est possible, -
qu’il veuille bien l’examiner : des mots entiers ne sont pas en copie
typographique, mais par la photographie même du document ; il fallait
aussi dire quand et comment le dossier avait été formé : c’est ce que j’ai
mis M. Margiotta en mesure de faire. Je dois ajouter que, lorsque M. Margiotta
m’a fait part de son projet de livre, il ne m’a nullement déclaré quelles en
seraient les tendances. En lui communiquant ce qu’il m’a demandé pour combattre
Lemmi, j’étais loin de m’attendre à lui voir traiter la question au point de
vue catholique. J’estime même que son livre aurait eu plus de portée, s’il
était demeuré en communauté d’esprit avec nos amis de Naples et de
Palerme : son changement d’opinion religieuse ne peut que diminuer la
valeur de son écrit contre un homme que les honnêtes gens de tous les partis et
de toutes les croyances doivent mépriser. M. Margiotta a commis là une faute
grave, et ce ne sont pas les fleurs trop abondantes dont il me couvre qui
m’empêcheront de la lui reprocher. Je n’ai pas caché mon sentiment là-dessus à
l’un de ses nouveaux amis, qui, lui, a le droit de perdre son temps en
cherchant à m’attirer à Canossa.
Avec cette réserve, il est
de toute justice que j’explique publiquement les faits relatifs aux documents
Lemmi, quel que soit l’usage que M. Margiotta en ait fait. La vérité est la
vérité ; je ne devais pas laisser un quiproquo subsister.
Il y a, en effet, une
différence capitale entre la publication du jugement de Marseille telle qu’elle
a été faite en 1890 et la publication faite aujourd’hui par procédé
photographique. Par exemple, si Lemmi met à exécution sa menace de poursuivre
M. Margiotta et ses éditeurs, je ne les laisserai pas dans l’embarras, malgré
que le livre ait été écrit dans un sens tout contraire à celui que je
supposais, lorsque l’auteur me soumit son projet ; je montrerai ainsi
qu’on peut à la fois être anticatholique convaincu et vouloir le triomphe de la
vérité. Si M. Lemmi a l’audace d’intenter une action judiciaire à ces
messieurs, j’en prends l’engagement, le dossier complet qui a été réuni, grâce
au chevalier Nigra, par le comte de Cavour, sera remis au tribunal français dès
la première audience. »
A la suite de cette importante déclaration,
le Peuple français disait :
Nous laisserons de côté les
reproches que l’ex-grande maîtresse adresse à M. Margiotta. On sait qu’elle a
reçu, dès sa plus tendre enfance, une éducation anti-catholique ; si miss
Vaughan se convertit à son tour, quelque jour, ce sera un vrai miracle de la
grâce et on le devra surtout aux prières des âmes pieuses qui s’intéressent à
son salut, en dépit de ses serments de fidélité à son prétendu Grand
Architecte. Nous ne croyons pas que M. Margiotta ait voulut tromper son amie,
nous n’avons pas à le défendre contre ses suppositions ; la conversion de
M. Margiotta a eu lieu lorsqu’il avait déjà réuni les matériaux de son
volume ; voilà ce que les amis de celui-ci nous prient de répondre à miss
Vaughan.
Dans la déclaration qu’on
vient de lire, l’intéressant est l’histoire même du dossier Lemmi, et
l’important est l’engagement relatif à la production des pièces originales, en
cas de procès. Puisque M. Lemmi a fait des menaces, il ne doit pas s’en tenir
là ; un procès, à grandes portes ouvertes, est indispensable ; du côté des
catholiques, il est ardemment désiré. Nos francs-maçons disent à tout propos
qu’ils veulent inonder le monde sous les flots de la lumière ; que leurs
journaux s’unissent donc aux nôtres pour réclamer, à propos de Lemmi, un débat
judiciaire, public, dans lequel on ne refuserait l’examen d’aucun document, un
débat complet et où tout se passerait an grand jour !
Nous rappellerons aussi
qu’on peut déjà savoir quelque chose, sans attendre que miss Diana Vaughan
remette à des magistrats les documents diplomatiques auxquels elle fait
allusion, et notamment la lettre Thouvenel du 2 mars 1861.
Un témoin vivant et habitant
Paris, un homme connu, a été cité par M. Margiotta comme connaissant la
correspondance Nigra-Thouvenel-Cavour à l’occasion des renseignements
judiciaires sur certains révolutionnaires italiens ; précisément, il
s’agit ici de Bordone dont le dossier accompagna celui de Lemmi. M Margiotta
est très net dans son volume (pages 285-286). Il nomme ce témoin : c’est
M. le général Cluseret, actuellement député du Var, et que l’on dit fort
indépendant, bien qu’il ne soit pas de nos amis. Son témoignage ne saurait donc
être taxé de suspect.
Oui ou non, M. Cluseret, à
l’époque où il était ministre de la Commune, a-t-il eu entre les mains une
partie des notes, celles restées en France, concernant les moyens de calmer
l’agitation de Bordone et tutti quanti ? La déclaration de miss
Vaughan est très complète sur Lemmi, mais très incomplète sur Bordone.
Nous avons posé la question,
il y a quelque temps. M. Cluseret, qui était en vacances, n’a sans doute pas lu
le Peuple Français. Nous lui envoyons ce numéro, avec l’espoir qu’il
apportera à cette enquête son témoignage d’adversaire loyal et d’homme
indépendant.
J. M. »
Ainsi la manœuvre de M.
Georges Bois a eu pour résultat de faire s’engager un débat des plus intéressants.
Nous allons voir comment il
s’est terminé.
D’abord, l’Observateur
français :
Miss Vaughan, dit ce journal
(reproduit textuellement par la France Nouvelle), soutient que le
dossier Lemmi avait été remis en mars 1861 entre les mains de Cavour, par ordre
de Napoléon III, et que ce n’est qu’en mai 1881 que Benedetto Cairoli, avant
de donner sa démission, fit photographier, pour sa satisfaction personnelle,
le document principal du dossier Lemmi, « c’est-à-dire l’extrait officiel,
donnant copie du jugement en six pages, délivré par le procureur impérial de
Marseille, M. Mourier, à la requête du garde des sceaux français, M.
Delangle. »
De là, miss Vaughan conclut
que c’est sur une de ces photographies, d’ailleurs très imparfaite, que nous
avons établi nos assertions.
Il n’en est rien. Nous
possédions une copie textuelle du jugement, portant le timbre du
tribunal de première instance de Marseille.
Et nous étions si sûrs de
l’authenticité d’un pareil acte, que nous accusions formellement Lemmi, et
que nous le défions de nous attaquer en diffamation.
La pièce que nous avions
entre les mains était, en effet, tout aussi officielle que celle achetée à si
grands frais par miss Vaughan.
Lemmi nia, comme il fallait
s’y attendre, l’authenticité du document publié ; mais il se garda bien
de nous attaquer, et personne ne se méprit à ses indignations, puisqu’il avait
un moyen des plus faciles de faire la lumière en nous poursuivant devant la
justice.
Nous devons, cependant,
reconnaître que M. Margiotta a fait suivre la publication de son document,
d’autres pièces qui établissent qu’il ne peut y avoir aucun doute sur le Lemmi incriminé.
C’est bien le grand-maître de la maçonnerie qui, en 1844, fut condamné pour
vol. Et nous devons féliciter M. Margiotta d’avoir encore insisté sur ce point,
avec un luxe de preuves qui ne laissent plus place au moindre doute.
En passant, faisons remarquer
que M. Georges Bois, en reproduisant cet article dans la Vérité, a eu
grand soin de ne pas mettre le dernier alinéa (en italiques ci-dessus). Cette
fois, les rédacteurs de l’Observateur Français et de la France
Nouvelle, - les deux journaux ont, à peu près, la même rédaction et se
servent, en grande partie, de la même composition, - avaient eu le volume de M.
Margiotta entre les mains ; aussi en parlaient-ils sur un tout autre ton
et concluaient-ils tout différemment. Mais ce dernier alinéa ne faisait pas
l’affaire de M. Bois, et il le supprima tout net.
Maintenant, nous dirons que
nous sommes loin de partager l’optimisme de l’Observateur, au sujet de
l’issue qu’aurait eue un procès, si Lemmi le lui avait intenté.
Nous avons feuilleté la collection du journal, année
1890, à la Bibliothèque Nationale, et nous ne voyons nullement qu’on ait prouvé
alors, ce qui s’appelle PROUVE, que c’était bien de notre Adriano Lemmi, chef
haut-maçon, qu’il s’agissait.
Voici d’abord ce que l’Observateur
Français publiait dans son numéro du 18 avril 1890 (nous n’en
retranchons pas une virgule) :
« Nous recevons d’une
personne haut-placée communication du document qui suit. Adrien Lemmi, dont il
est question dans ce document, est aujourd’hui grand-maître des loges italiennes ;
il a attiré l’attention sur lui dans la fameuse affaire des tabacs, qui lui a
valu des bénéfices aussi considérables que peu honnêtes. Le moment est venu de
faire connaître ce personnage équivoque, qui va, dit-on, exercer une influence
nouvelle sur les destinées de l’Italie, par la politique radicale et
anti-pontificale qu’il impose au gouvernement italien.
Extrait des registres du
greffe du Tribunal de première instance, séant à Marseille...
(Suit la teneur du jugement,
en texte typographique, et nullement en reproduction fac-simile par
photogravure.)
… Enregistré à Marseille le 11 avril 1844,
folio 75, case 5.
Signé Tourtier. »
Et c’est tout.
Que prouve cette
publication, telle qu’elle a été faite par l’Observateur ? Qu’un nommé
Adriano Lemmi, se disant né à Florence, et venu de Livourne à Marseille en
1844, alors âgé de 22 ans, a été, le 22 mars de cette année, condamné par le
tribunal correctionnel de cette ville, pour vol, à un an et un jour de prison
et cinq ans de surveillance de la haute police. Mais elle ne prouve rien de
plus.
Où peut-on voir là-dedans la
preuve que ce Lemmi est réellement le même que celui de l’affaire des tabacs et
de la franc-maçonnerie ?
Certes, personne ne songe,
parmi nous, à contester que l’Observateur ait possédé en 1890 une copie
authentique du jugement du 22 mars 1844. Ses rédacteurs affirment aujourd’hui
que cette copie portait le timbre du tribunal de Marseille, exactement comme
celle qui fait partie du dossier acheté par miss Vaughan. Il est regrettable
qu’ils se soient dessaisis d’une pièce de cette importance ; mais leur affirmation
nous suffit.
Néanmoins, de ce que les
deux copies authentiques (celle que l’Observateur a possédée, et celle
que miss Vaughan possède) sont également officielles, il ne s’ensuit aucunement
qu’elles aient la même valeur au point de vue de l’identité du condamné. De
tous les articles de l’Observateur, il ressort qu’il n’avait entre les
mains en 1890 rien autre que le texte du jugement lui-même.
Miss Vaughan, dont la pensée
se porte tout entière sur le dossier Nigra-Thouvenel-Cavour, a pu croire que
notre confrère avait eu une des photographies prises par Cairoli. Il est exact,
comme elle le dit, que « personne, sauf le procureur général, ne peut
faire relever au greffe le jugement criminel ou correctionnel du condamné qui
a subi sa peine » ; mais un procureur général, soit en 1890, soit
antérieurement sans remonter jusqu’à l’Empire, peut avoir fait faire une copie
authentique qui, de main en main ou même directement, a pu venir à la personne
qui l’a communiquée à l’Observateur, et, quoi qu’il en soit, on
comprend que notre confrère n’a pas à nommer cette personne.
Mais, encore une fois, cette
copie-là, malgré son authenticité, laisse la question d’identité du condamné
entièrement discutable.
D’autre part, après son
article du 18 avril 1890, l’Observateur Français a encore publié
ces lignes, dix jours plus tard :
L’acte de condamnation de M.
A. Lemmi, publié pour la première fois par l’Observateur Français
a fait sensation. Un journal de Turin somme le Grand Orient de s’expliquer ;
mais la presse libérale, presque toute maçonnique, garde un silence
embarrassé. La Voce della Verità a publié le document sans commentaire.
Le Moniteur de Rome et l’Osservatore Romano attendent une
explication, pour dire leur avis (n° du 28 avril 1890).
C’est là tout ce que nous
avons trouvé dans la collection de l’Observateur Français.
Sans avoir, en termes précis, mis Lemmi au
défi de le poursuivre en diffamation, notre confrère s’exposa, il est vrai, à
un procès. Lemmi ne le fit pas. Il se borna à écrire, le 21 avril 1890, à la Voce
della Verità la lettre que M. Margiotta a reproduite dans son volume[61]
et qu’il remet encore sous les veux du public dans sa réponse aux nouvelles dénégations
du personnage, lettre où le grand-maître italien, s’abritant sous la fausse
déclaration de lieu de naissance qu’il avait faite au tribunal de Marseille,
déclarait effrontément que l’Adriano Lemmi, de Florence, condamné en 1844,
n’avait rien de commun avec lui, l’Adriano Lemmi, de Livourne.
Bien entendu, notre homme
n’alla pas plus loin. Un procès eût été imprudent de sa part ; car il lui
eût fallu établir son fameux alibi de Constantinople, sur lequel, depuis lors,
il s’est tant contredit. Mais nous rappelons ici purement et simplement ce qui
s’est passé en 1890. Or, la vérité est qu’à cette époque l’Observateur Français,
tout en étant intimement convaincu que le jugement de 1844 s’appliquait bien au
grand-maître, n’avait pas en mains de quoi le confondre, de quoi établir le
mensonge de ses dénégations audacieuses.
Et la preuve, c’est que l’Observateur,
- qui, le 28 avril, faisait savoir à ses lecteurs que la Voce della
Verità avait, elle aussi, publié le jugement, - garde le silence le plus
complet sur la lettre de dénégation de Lemmi, qui est cependant du 23 avril.
Nous ne l’avons trouvée, ni dans ce numéro de l’Observateur (28 avril)
ni dans les suivants. Evidemment, notre confrère a préféré s’en tenir là, la
position qu’il avait prise lui paraissant bonne, et aimant mieux attendre un
procès que publier une lettre qui ne lui avait pas été personnellement
adressée.
Mais aussi, quelle
différence entre la publication que M. Margiotta a pu faire, grâce à miss
Vaughan, et celle qui a été faite par notre confrère de l’Observateur !…
Franchement, nous ne comprenons pas qu’on ait pu mettre une seconde ces deux
publications en parallèle.
Supposons que Lemmi, poussant l’audace
jusqu’au bout, vous eût intenté un procès à la suite de votre article du 18 avril
1890 ; supposons qu’armé de son acte de naissance et n’entrant dans aucune
autre explication, comme c’était son droit strict d’après la loi française, il
vous eût mis au défi de prouver au tribunal que le Lemmi de Florence et le
Lemmi de Livourne étaient le même Lemmi. Nous ne voyons pas trop comment vous
vous en seriez tiré, cher confrère. Et nous ne voyons guère, non plus, comment
M. Margiotta, s’il était aujourd’hui poursuivi, pourrait éviter une
condamnation en diffamation, s’il n’avait, pour se défendre, qu’à se
retrancher derrière l’Observateur, s’il ne pouvait apporter au tribunal
que le numéro du 18 avril 1890 donnant le jugement de 1844 en texte
typographique et ne fournissant aucune pleuve de l’identité du condamné.
M. Margiotta, lui, ne peut
pas succomber, parce que ce qui serait mis à sa disposition, ce n’est pas
seulement une copie officielle du jugement, mais bien tout le dossier
Nigra-Thouvenel-Cavour ; parce que, à la suite du jugement de 1844, il a
pu publier, toujours en photogravure, la constatation notariée de Me Carlo
Querci, du 5 janvier 1891, établissant, sans démenti possible, que, dans le
courant des années 1820, 1821, 1822, 1823 et 1824, il n’est né à Florence aucun
Lemmi ayant reçu le prénom d’Adriano ; et enfin parce que, étant donné d’autre
part l’acte de naissance du grand-maître italien, il a prouvé, lui Margiotta,
qu’en 1844 il n’y avait qu’un seul Adriano Lemmi toscan, âgé alors de 22 ans,
selon les termes du jugement, et que ce seul Adriano Lemmi est celui né le 30
avril 1822, à Livourne, fils de Fortunato Lemmi et de Teresa Lemmi.
Nous croyons avoir
suffisamment démontré que la différence de valeur existant entre la pièce
unique que l’Observateur Français a possédée en 1890 et le
dossier complet que miss Diana Vaughan possède actuellement est tout à
l’avantage du dossier.
Il reste, il est vrai, à
tenir compte des doutes que M. Georges Bois a perfidement essayé de semer sur
l’existence de ce dossier. Dans son article du 22 octobre, il a traité tout
cela de pur roman. Pour avoir un écho il a exploité le sentiment d’amour-propre,
bien légitime et naturel, chez les rédacteurs de l’Observateur Français
qui, tout au moins en France, avaient été les premiers à faire connaître la
teneur du jugement de 1844. M. Bois, agissant par surprise, - puisqu’à l’Observateur
on n’avait pas lu le volume de M. Margiotta, - a provoqué ainsi l’article :
« Un point d’histoire », dont il s’est un peu trop pressé de
triompher (Depuis lors, la rédaction de l’Observateur Français
ayant pu prendre connaissance du volume de M. Margiotta, un des plus distingués
rédacteurs de ce journal, M. Raymond Deslandes, en a fait un compte-rendu
complet dans les termes les plus élogieux et les plus encourageants pour
l’auteur).
Les éclaircissements, rendus nécessaires, ont fait
connaître qu’il y avait eu copie officielle du célèbre jugement en deux
documents également authentiques, extraits des registres du greffe de Marseille
à deux époques différentes.
Du reste, si l’on pouvait
confronter ces deux copies officielles, on y relèverait certainement quelques
différences, en commençant par l’écriture des deux employés du greffe, puisque
la première copie a été en faite en 1861 pour M. le procureur impérial Mourier,
tandis que la seconde (dont l’Observateur ne nous donne pas la date) est
évidemment postérieure à la chute de l’Empire. Nous ne chercherons pas à
arracher le secret de la communication faite à l’Observateur, nous
respectons la réserve qu’il a cru devoir garder ; mais nous ferons
remarquer que cette réserve même indique que la date à laquelle a été faite
cette seconde copie est relativement récente. Au surplus, notre confrère, qui a
publié sa copie in-extenso en donnant même à la fin le folio et la case
d’enregistrement, s’est arrêté là, et sa reproduction ne porte pas (comme dans
la pièce photographiée du volume de M. Margiotta) : « Expédition conforme
délivrée à Monsieur le Procureur impérial par nous greffier ».
Cette mention ne se trouvait donc pas sur ladite seconde copie ; c’est
plus que probable, car pourquoi l’Observateur l’aurait-il
supprimée ?...
Mais, si l’existence de la
copie officielle possédée en 1890 par notre confrère ne saurait être contestée,
pourquoi l’existence du dossier Nigra-Thouvenel-Cavour, contenant entre autres
pièces une copie semblable, sinon identique, du même jugement, serait-elle mise
en doute ? De quel droit M. Georges Bois tente-t-il de jeter la suspicion
sur un homme que le Saint-Office vient de déclarer réconcilié avec l’Eglise,
qui, à l’heure où la rage de la secte maçonnique éclate partout plus haineuse
que jamais, rompt courageusement en visière à son chef et le démasque, qui,
poursuivi dès lors par les rancunes implacables des Lemmi, Crispi et autres
chefs sectaires tout-puissants en Italie, est obligé de s’expatrier, de quitter
son foyer et sa famille, et qui fait vaillamment son devoir en confessant à
haute voix ses erreurs passées, en concourant avec un zèle des plus louables à
la défense de la religion et de ses ministres, et cela, disons le mot, en
exposant sa vie ?
Car, si contre le haut-maçon
converti et absous M. Bois ne procède pas par l’injure brutale, s’il enveloppe
ses insinuations perfides d’une couche de raillerie sceptique, le but
poursuivi, le but qu’il a cherché à atteindre, tant par les efforts directs de
la Vérité que par des manœuvres pleines d’astuce exécutées dans les
bureaux d’autres rédactions, le but n’en est pas moins celui-ci : faire
passer M. Margiotta pour un imposteur.
De quel droit, en effet,
venir dire, sans aucun examen, et chercher à faire croire que l’histoire du
dossier Nigra-Thouvenel-Cavour est un pur roman ? oui, de quel
droit ?
Miss Vaughan, dans sa
déclaration, cite le député Imbriani comme ayant dénoncé à la tribune du parlement
italien, en 1890, la condamnation de Lemmi par le tribunal de Marseille. M.
Margiotta a été encore plus précis dans son livre ; il cite un article de
journal publié par le même député Imbriani à cette époque.
On nous permettra de faire
encore cette citation du volume de M. Margiotta (page 192) :
« Dans un lointain,
lointain horizon, écrivit Imbriani, il y a un arrêt concernant un signor
Adriano Lemmi ; un arrêt étranger, pour vol d’or étranger, accompagné (le
vol, non l’or) d’autres imputations qui n’ont rien à faire avec le
patriotisme. Cet arrêt, attaqué comme apocryphe, NOUS L’AVONS VU. C’est un
morceau de papier un peu déchiré, muni du sceau du tribunal correctionnel de
Marseille.
C’est toute une histoire,
longue à raconter, que l’aventure dans laquelle ce papier est venu en
Italie ; peut-être un jour nous en ferons un sujet de récit à la
Balzac ; excepté le talent de l’immortel écrivain français, excepté la
forme brillante du narrateur des exploits du forçat Vautrin, il y aura là tout
l’intérêt que Balzac sait inspirer.
Pour le moment, il me suffit
de faire savoir que le fameux et nullement apocryphe arrêt a été délivré en
copie authentique PAR LA CHANCELLERIE DE FRANCE AU COMTE DE CAVOUR, et que sur
le personnage à qui s’applique vraiment ce document authentique, personne dans
le gouvernement n’a soulevé aucun doute, tant il est vrai que le comte de
Cavour s’en est servi avec succès dans le but qu’il visait. Du reste, les
habitants de Marseille de cette époque ne sont pas tous morts. »
M. Georges Bois, qui a lu et
épluché le livre de M. Margiotta, ne peut pas ne pas avoir remarqué cette
citation.
M. le député Imbriani n’y
donne pas l’histoire du dossier, il est vrai ; mais il en constate l’existence.
Il parle, en termes formels, de l’envoi du document principal, adressé par la
chancellerie de France au compte de Cavour ; cette copie authentique du
jugement de 1844, il l’a vue. Si exceptionnelle que soit l’histoire de ce
dossier, elle n’est donc pas un roman.
Néanmoins, puisque nous nous
sommes promis de tout dire, signalons une objection qui a été faite, non par la
voie de la presse, mais en conversation dans un bureau de rédaction catholique,
où les insinuations de M. Georges Bois avaient été bien accueillies.
On a dit : « M.
Margiotta n’indique pas le journal dans lequel le député Imbriani aurait publié
cet article », et l’on en a conclu que, dès lors, M. Margiotta pouvait
bien avoir fabriqué cette citation. C’est aller un peu vite, ce nous semble,
pour accuser quelqu’un d’un faux.
Nous pourrions nommer le
journal dont quelques rédacteurs ont si hâtivement suspecté, pour un simple
oubli, notre nouveau compagnon d’armes. Ces sévères mais injustes confrères
sont aux nombre des adversaires du docteur Bataille, ils ont fait campagne
avec M. Bois contre lui. Or, M. Margiotta les gêne, puisqu’il apporte la
confirmation de plusieurs des faits révélés par le docteur; et voilà pourquoi
M. Margiotta est vu par eux de mauvais oeil.
Toutefois, cette objection
encore ne tient pas debout, et, pour l’avoir faite, ne serait-ce qu’incidemment
et en simples propos, il faut en vérité vouloir de parti-pris fermer les yeux à
la lumière.
M. Margiotta nous pardonnera
d’entrer dans l’examen d’une hypothèse aussi injurieuse pour lui ; les
accusations qui se colportent sous le manteau sont les plus dangereuses ;
il importe donc de les détruire, afin de les empêcher de faire leur chemin dans
l’ombre.
Eh bien, dirons-nous à ces
confrères injustes, comment avec-vous pu supposer un seul instant qu’une telle
citation ait été inventée, fabriquée ? Voici un livre qui ne pouvait
manquer d’être répandu en Italie, - et, de fait, il s’y vend par centaines
d’exemption, - et qui, forcément, doit un jour ou l’autre tomber sous les yeux
du député Imbriani, personnage connu, orateur indépendant, dont la loyauté est
légendaire. Mais à quoi donc M. Margiotta se serait-il exposé, s’il avait
attribué à M. Imbriani un article que celui-ci n’eût jamais écrit ?
Croyez-vous que le député Imbriani laisserait passer un pareil faux, sans
protester sitôt qu’il en aurait connaissance ? Par une telle imposture, si
facile à démontrer, M. Margiotta se serait suicidé moralement ; un démenti
du député Imbriani serait l’écrasement immédiat et absolu de M. Margiotta et
de son livre.
Au surplus, nous pouvons
satisfaire la curiosité de ces confrères trop portés à la défiance et trop
enclins à écouter M. Georges Bois. Nous avons fait demander à M. Margiotta dans
quel journal parut en 1890 l’article d’Imbriani. C’est dans la Capitale
de Rome ; cette feuille, qui, du temps où le F.˙. Dobelli en était
directeur, recevait les inspirations de Lemmi, a changé, depuis lors, de
propriétaire et de programme ; la Capitale s’est rendue
indépendante de la haute-maçonnerie lemmiste.
M. Margiotta n’a pas marqué,
dans ses notes, le numéro exact qui a publié l’article en question ; mais
il serait facile à retrouver, par les confrères à qui nous faisons allusion,
s’ils persévéraient dans leurs doutes, malgré même l’absence de démenti
d’Imbriani. L’article est de l’époque où se produisit le débat parlementaire
sur les scandaleux tripotages de la régie des tabacs. Nos confrères ont un
correspondant à Rome ; ils n’ont qu’à l’inviter à feuilleter la collection
du second trimestre 1890 de la Capitale, et ils seront bientôt édifiés.
Il y a encore une preuve de
ce que l’existence du dossier Nigra-Thouvenel-Cavour n’est pas une haute
fantaisie romanesque, quoiqu’en ait dit et écrit M. Georges Bois. Car, nous
l’avons vu, ce n’est pas uniquement contre Lemmi que le chevalier Nigra demanda
au gouvernement de Napoléon III des armes secrètes, à mettre aux mains du comte
de Cavour.
Nigra avait à Naples, en
1861, non seulement Lemmi, mais plusieurs autres révolutionnaires créant des
embarras au gouvernement de Victor-Emmanuel. Il réclama à l’empereur, en
s’autorisant de la grande amitié que celui-ci avait pour lui, les dossiers
judiciaires de tous ceux de ces agitateurs qui étaient nés en France ou y
avaient séjourné.
Or, il est vraiment
providentiel que l’un de ces envois de la chancellerie française ait apporté à
Cavour les dossiers de Lemmi et de Bordone simultanément. Ainsi qu’on
peut le lire dans le volume de M. Margiotta (page 285), ces deux dossiers
firent le voyage ensemble. D’autre part, dans sa déclaration miss Vaughan cite
un extrait de la lettre du 2 mars 1861 de M. Thouvenel, ministre des affaires
étrangères de Napoléon III, à M. le baron Charles de Talleyrand-Périgord,
ministre plénipotentiaire de France à Turin ; le représentant du
gouvernement français est prié « de remettre, en mains propres, à M.
le comte de Cavour les jugements Lemmi et Bordone ».
D’une part, on a le
témoignage d’Imbriani, qui a vu le jugement Lemmi aux archives du gouvernement
italien et qui constate que le document a bien été envoyé par la chancellerie
de France au comte de Cavour. Et, d’autre part, on a un témoin français, encore
vivant, qui a vu, dans les archives du gouvernement français, les notes
demeurées en France, établissant les négociations entre le chevalier Nigra et
M. Thouvenel pour l’obtention du dossier Bordone. Tout concorde donc d’une
façon parfaite.
Ce témoin est M. le général
Cluseret, ancien ministre de la Commune, aujourd’hui député du Var. Au sujet de
cette correspondance Nigra-Thouvenel-Cavour, M. Imbriani ne s’occupe que de
Lemmi, dont il est personnellement l’adversaire, et M. Cluseret, ne s’occupe
que de Bordone, dont les allures à l’état-major de Garibaldi lui avaient
toujours paru suspectes : mais, comme les négociations du chevalier Nigra
ont eu pour objet l’obtention de plusieurs dossiers, et non d’un seul, il s’en suit
que l’existence de cette correspondance diplomatique est doublement attestée,
en dehors même de miss Vaughan, et que, tout cela se tenant ensemble, les
témoignages du député italien et du député français se fortifient l’un par
l’autre, d’autant plus solidement qu’il serait impossible de formuler
l’hypothèse d’une entente entre eux.
Comme on va le voir, en
1871, au moment où M. Cluseret a fait ses recherches à la préfecture de police,
il ne s’est nullement préoccupé de Lemmi, que sans doute il ne connaissait même
pas de nom (le général Cluseret n’est pas franc-maçon) ; il n’a eu en vue
que Bordone ; dans le dossier de Bordone à la préfecture de police, il a
trouvé les traces des négociations diplomatiques du chevalier Nigra, en 1861,
avec le gouvernement français. Rien n’est plus clair, il ne saurait y avoir
aucune erreur.
Nous savons que Lemmi calma
son ardeur révolutionnaire, quand le comte de Cavour lui fit montrer le
jugement de 1844, envoyé par M. Thouvenel. « Bordone, nous dit M.
Margiotta (pages 285-286), quand le gouvernement de Victor-Emmanuel lui montra
les documents qui le concernait, en prit son parti et savez-vous ce qu’il fit
pour ne pas les voir exhibés ? Il se fit l’espion de Garibaldi au profit
des gouvernements italiens et français. »
Cette accusation est fort
grave ; voyons donc le témoignage de M. le général Cluseret.
Nous avons lu l’appel fait à
ses souvenirs, par le Peuple Français, à la suite de la déclaration de
miss Diana Vaughan (n° du 11 novembre 1894). Le surlendemain, le
journal de M. l’abbé Garnier publiait l’article suivant (n° du 13
novembre) :
« Une lettre de M.
Cluseret.
Notre directeur a reçu du
général Cluseret la lettre que l’on va lire.
Elle est relative aux
condamnations encourues par Bordone et aux négociations diplomatiques qu’elles
provoquèrent en 1861 entre les gouvernements français et italien. Les
renseignements du député du Var sont en parfaite concordance avec ce qu’a conté
d’une part M. Margiotta, dans son dernier volume, et ce que rapporte miss Diana
Vaughan, dans sa déclaration :
« CHAMBRE DES DEPUTES
Paris,
le 11 novembre.
Monsieur l’abbé,
Vous avez raison de dire que
je ne suis pas clérical ; il s’en faut de tout, ne croyant pas, mais je
suis avant tout un indépendant, un homme qui veut la liberté pour tous, pour
ses adversaires surtout.
Effectivement, je ne lis pas
le Peuple Français. Si je l’avais reçu plus tôt, je vous aurais répondu
plus tôt.
En somme, vous me
demandez :
1° Si les condamnations
encourues par Bordone sont vraies ?
Rien que de plus facile que
de s’en assurer au greffe. (Ici M. Cluseret fait erreur : le greffe ne
communique jamais à des tiers des renseignements quelconques relatifs à des
condamnations criminelles ou correctionnelles ; le casier judiciaire n’est
délivré exclusivement qu’au titulaire lui-même.)
2° Si la correspondance
Nigra est authentique ?
A cela, je ne peux répondre
que ce que j’ai publié en 1871 et ce que vous pourriez consulter tant dans la
presse de l’époque que dans mes mémoires… si j’ai bonne mémoire.
En somme, voici les
faits :
Avant de participer à la
commune, j’habitais, par économie, tantôt à l’Hôtel-de-Ville, tantôt à la
Préfecture de police. Et n’ayant rien à faire, j’avais obtenu de Raoul Rigault
qu’il me laissât consulter les archives.
C’est là que je trouvai le
dossier Bordone avec les condamnations que vous signalez et les notes à la
marge émanant des gouvernements italien et français. Il en résultait clairement
que tous deux étaient tombés d’accord pour ordonner de cesser les poursuites
simultanément. Concluez.
Je fis trois copies du
dossier.
J’en envoyai une à
Garibaldi. Elle lui fut remise par Menotti. Je crois même pouvoir affirmer sans
me tromper que Canzio accompagnait Menotti et que tous deux mirent le marché à
la main à Garibaldi : ou Bordone ou nous.
Garibaldi répondit :
Bordone.
Il faudrait, pour mieux
préciser, que je recherchasse dans ma correspondance de l’époque. Je n’en ai
pas le temps, mais je ne crois pas me tromper.
Une copie fut envoyée au Rappel
ou au Réveil, qui refusa d’insérer ; la troisième fut envoyée à un
journal de Lyon qui inséra. Ça a été reproduit maintes fois.
A partir de ce moment,
Garibaldi, avec lequel j’étais dans les termes les plus amicaux, ainsi qu’en
fait foi sa correspondance, me battit froid.
Il était littéralement
hypnotisé par Bordone, et à l’état-major de Garibaldi, où j’étais le seul
Français, tout le monde était indigné de l’influence, que rien ne justifiait,
prise par Bordone.
Recevez, monsieur l’abbé,
l’assurance de ma parfaite considération.
G. Cluseret. »
La cause est donc entendue.
Bordone et Lemmi se valent ; tous deux condamnés pour vol, tous deux chefs
francs-maçons, tous deux par leur passé, aux ordres du gouvernement usurpateur
et anticatholique qui les tenait en laisse.
J. M. »
Quant à nous, dès la
publication de la lettre ci-dessus, nous avons procédé aux recherches qu’indiquait
M. Cluseret. Elles ont été infructueuses, en ce qui concerne les journaux parus
à Paris et à Lyon, à l’époque de la Commune ; à la Bibliothèque Nationale,
nous n’en avons trouvé aucun qui ait inséré la communication démasquant
Bordone ; il est vrai qu’à cette époque troublée, les dépôts de journaux
ont pu être faits irrégulièrement.
Par contre, la Bibliothèque
Nationale possède les Mémoires du général Cluseret, et nous en avons
recopié le passage concernant Bordone.
L’ouvrage est en deux volumes, édités en 1887, par
Jules Lévy, 2, rue Antoine Dubois, à Paris.
En tête du premier volume,
on lit :
« Ce qui suit a été
écrit en 1871-72, à Genève, alors que mes souvenirs étaient vivaces. Je n’y
veux rien changer. »
Parlant de ses recherches
dans les archives de la préfecture de police, M. Cluseret écrit :
« Le classement est un
chef-d’œuvre de simplicité et de clarté. Aucune perte de temps à chercher un
dossier, et le nombre en est immense...
En fouillant ces archives du
crime, on est frappé de stupeur… mais on s’explique parfaitement et le mépris
que l’empereur professait pour l’humanité et l’autorité dont il jouissait. Il
pouvait, à son gré, faire passer des plus hautes positions au bagne quiconque
lui eût fait de l’opposition, spécialement Jules Favre, le chef de
l’opposition, vingt-et-une fois faussaire. Avec de semblables pièces, M. Piétri
était inamovible et maître de chacun…
Garibaldi a pour chef
d’état-major, Bordone, condamné en 18... (juillet) à trois mois de prison pour
escroquerie, par le tribunal de la Seine ; six semaines après, à trois ans
de la même peine, pour le même délit, par le tribunal de Cherbourg. Il y a une
troisième condamnation encourue à Chartres, mais seulement mentionnée au
dossier judiciaire.
Quand Bordone partit pour
l’Italie, soi-disant pour aller combattre en faveur de l’indépendance
italienne, il fuyait, en réalité, la justice française.
Bordone se rendit vite
indispensable à Garibaldi. Il était lieutenant-colonel du génie, lorsque je le
rencontrai à Naples. Les Français, que ses allures avaient intrigués, me
chargèrent de faire prendre des informations à Paris. De son côté,
Victor-Emmanuel en faisait prendre par son ambassadeur Nigra et se faisait
envoyer un double du dossier complet. Je pris moi-même copie de ces pièces à la
préfecture de police, ainsi que de la correspondance diplomatique, et j’ai
transmis un sommaire des pièces, avec les numéros d’ordre, à M. Meurice,
directeur du Rappel, alors que j’étais prisonnier à l’Hôtel-de-Ville. Je
ne sais ce que M. Meurice fit de ces pièces ; mais il ne les a pas
publiées, conformément à mon désir.
Victor-Emmanuel, maître de
ce dossier et, par suite maître de Bordone, le laissa auprès de Garibaldi, sur
lequel il acquit bientôt une influence que nul autre ne put balancer ; car
ses fils lui ayant mis le marché à la main : « ou Bordone »
« ou nous », Garibaldi répondit : « Bordone ». Je
tiens le fait de Pantaleone, à qui j’avais envoyé une copie du dossier.
Les poursuites du parquet
furent suspendues, et M. Bordone, général de Gambetta et de Garibaldi, a pu
ainsi commander en France.
On comprend qu’il ne pouvait
y avoir place pour moi à l’armée de Garibaldi, pas plus que pour Bordone là où
j’étais.
Bref, aujourd’hui Garibaldi
est dans les mains d’un agent de Victor-Emmanuel et du gouvernement français,
agent qu’ils peuvent d’un mot envoyer en maison centrale. »
Quelques petites erreurs se
sont glissées sous la plume de M. Cluseret ; elles sont de peu
d’importance. Même, dans le cas, où quelque Bois viendrait dire encore que M.
Cluseret fait du roman et n’a jamais vu le dossier Bordone à la préfecture de
police, ces erreurs, qui portent sur de légères confusions imputables au seul
manque de précision du souvenir en des points de détail, prouvent la sincérité
parfaite du témoignage.
Nous sommes en mesure de
rectifier ces erreurs de détails.
Ainsi, en dehors des
condamnations pour escroquerie, le dossier de Bordone porte, non pas une condamnation,
mais deux, de moindre gravité, et simplement mentionnées ; ce sont des
condamnations à l’amende, seize francs et cinquante francs, l’une pour voies de
fait, l’autre pour avoir disposé indûment de plusieurs objets compris dans une
saisie dont le prévenu, poursuivi par un créancier, avait été constitué
gardien. Ceci se passait à l’époque où Bordone habitait, non pas Chartres,
mais La Châtre, dans l’Indre (1857-1858). La première condamnation pour
escroquerie, prononcée par le tribunal de Paris et confirmée par la Cour
d’appel, est de deux mois de prison, et non trois mois, M. Cluseret ne s’est
souvenu que du mois où la sentence est devenue définitive ; il a oublié
l’année ; l’arrêt est du 24 juillet 1860. Quant à la condamnation de
Cherbourg, il est difficile de dire jusqu’à quel point il y a lieu de la faire
peser sur le triste nom de Bordone ; c’était une condamnation par défaut,
encourue au moment où, fuyant les effets de la précédente, notre homme se
réfugiait à Naples. Le jugement a donc été conservé aux archives de la
préfecture de police, d’une part, et envoyé en copie authentique au comte de
Cavour, d’autre part ; mais il ne parait pas avoir été maintenu. A ce
propos, si M. Cluseret veut bien rassembler mieux ses souvenirs, il se
rappellera que, dans le dossier de la préfecture de police, dossier divisé en
deux parties, il y a, ou, tout au moins, il y avait en 1871, à la deuxième
partie, un accusé de réception du gouvernement italien, et sur cette lettre,
en travers de la marge, cette annotation : « Par ordre supérieur, suspendre
les poursuites ».
Au surplus, la question
Bordone étant suffisamment élucidée par le récent débat, nous n’y reviendrons
plus, - et cela pour une raison que tout le monde comprendra : c’est qu’il
existe une famille que la prolongation d’une telle discussion affligerait par
trop ; le fils de Bordone est, nous a-t-on assuré, un parfait honnête
homme.
D’ailleurs, notre principal
objectif, en tout ceci, a été d’établir l’existence de la correspondance Nigra-Thouvenel-Cavour.
Par les témoignages émanés de deux parts différentes et sans aucune entente
soupçonnable, ceux de MM. Imbriani et Cluseret, il n’y a plus de doute possible.
Ce qui est acquis, c’est que la lumière s’est faite, pour quiconque a des yeux
et ne s’obstine pas à les fermer. La nouvelle tentative de M. Georges Bois a
complètement échoué. Malgré ses insinuations perfides, il est patent,
indiscutable que M. Margiotta a dit la vérité, pour l’histoire des fameux
dossiers, comme pour le reste.
Goblet d’Alviella avait nié
avec aplomb ; mais, mis au pied du mur par le triple défi de M. Margiotta,
il a été obligé de battre en retraite honteusement. Georges Bois, d’une autre
manière, avait essayé de faire prendre le haut-maçon converti pour un imposteur;
l’espoir qu’il avait que la réalité des négociations Nigra-Thouvenel-Cavour ne
pourrait être prouvée, à cause de leur caractère de politique secrète, a été
déçu, et l’œuvre de M. Margiotta est maintenant plus hautement appréciée qu’aux
premiers jours de la publication.
Quant à Lemmi, il rage, il
écume et ne sait plus à quel diable se vouer ; ses menaces font
rire ; c’est à qui le défiera de les mettre à exécution. Il lui faut
avaler jusqu’à la lie le calice de sa honte, et il l’avalera.
Au moment de mettre sous
presse, nous apprenons que la démarche qui a provoqué l’article « Un point
d’histoire » de l’Observateur Français, et dont il est question
incidemment dans l’article inséré plus haut sous le titre « Lemmi et
Margiotta », n’a pas été faite par M. Georges Bois personnellement, mais
par son alter ego M. Paul Rosen. Nous rectifions ce point de détail, afin de
rester dans la vérité ; mais, bien entendu, cette substitution d’un
compère à l’autre ne change rien au fait ni à ce qui a été dit. Contre M.
Margiotta, ainsi que contre le docteur Bataille, comme, du reste, contre
quiconque démasque spécialement la haute-maçonnerie, MM. Georges Bois et Paul
Rosen marchent la main dans la main ; articles, lettres, démarches, tout
l’a prouvé et continue à le prouver jusqu’à la dernière évidence.
J.-B. Vernay.
Le Peuple Français
publie, dans son numéro du 30 avril 1895, le petit article que voici :
« Notre ami, M. Margiotta, l’auteur antimaçonnique bien connu,
nous apprend une nouvelle qui nous remplit de joie.
Le souverain pontife de
Satan, le voleur enjuivé Adriano Lemmi, vient de recevoir par ministère
d’huissier, l’intimation d’avoir à déguerpir du palais Borghèse, dans le plus
court délai, avec sa cour infernale.
Aussi Lemmi est dans une
rage furieuse, lui qui croyait que le palais de Paul V resterait éternellement
le siège de sa papauté maçonnico-luciférienne. »
Voici le commentaire de la Revue
mensuelle de février 1895 :
« Cette nouvelle a fait aussitôt le tour de la presse catholique.
On dit que ce sont des membres de la famille Borghèse qui se sont réunis pour
payer et faire lever le séquestre, et qui, désintéressant ainsi
l’administrateur du séquestre, poursuivraient la résiliation du bail accordé à
Lemmi ; comme premier acte de cette procédure, sommation aurait été faite
à Lemmi de déguerpir. Nous aurions aimé avoir des renseignements plus précis.
Quoiqu’il en soit, le fait
de la sommation d’avoir à vider les lieux, par ministère d’huissier, à la
requête de la famille Borghèse, est exact.
Cet incident, comme nous
venons de le dire, a été immédiatement porté à la connaissance du public par
nos confrères de la presse catholique, qui se sont empressés, l’Univers
le premier, de reproduire l’article du Peuple Français.
Quant à la Vérité,
elle a donné la nouvelle, mais en ayant soin de dénaturer la rédaction de M.
Margiotta.
Ceci n’a l’air de rien, au
premier abord ; cependant, l’interprétation de la Vérité mérite
qu’on s’y arrête. Nous y trouverons encore une preuve de l’astuce de M. Georges
Bois, travaillant secrètement et plus que jamais à détruire l’effet des
révélations du docteur Bataille et de ses amis.
Voici comment la Vérité
fait part de l’incident à ses lecteurs :
« Le Peuple Français annonce que Lemmi, GRAND-MAITRE DU
GRAND ORIENT D’ITALIE, vient de recevoir, par acte d’huissier, sommation de
déguerpir du palais Borghèse.
On sait que le Grand Orient
d’Italie avait pris en location le premier étage du palais et que cette
installation avait été l’occasion d’une fête, dont nous avons parlé en son
temps, où les maçons italiens célébraient par avance, selon la coutume,
le triomphe qu’ils ont l’espoir de remporter un jour sur l’Eglise. »
Il est bien évident que,
lorsque Lemmi a signé la location, il l’a fait au nom du Grand Orient d’Italie,
qui est un pouvoir maçonnique avoué, et non au nom du Souverain Directoire
Exécutif (dont il était alors le président) ; car cette deuxième fonction
se rapporte à la haute-maçonnerie, qui est une organisation supérieure secrète
au sujet de laquelle le mot d’ordre est le silence absolu.
De même, le 20 septembre
1893, il y a eu, le soir, au palais Borghèse, le punch d’inauguration officielle
par Lemmi et ses acolytes ; mais il y a eu aussi, dans l’après-midi,
au même palais Borghèse, la tenue du Convent Souverain, qu’il n’est plus permis
d’ignorer, le secret ayant transpiré avec éclat, lors de la prestation des
délégués américains, Convent qui a eu une importance exceptionnelle, puisque
c’est à sa faveur et en trichant sans vergogne que Lemmi est parvenu à se faire
élire deuxième successeur d’Albert Pike comme chef suprême de la
franc-maçonnerie universelle.
Or, mettez en regard l’article
du Peuple Français et celui de la Vérité. L’intention, dans
laquelle le texte de M. Margiotta est dénaturé par M. Bois, crève les yeux.
Il faut, pour les lecteurs
de la Vérité, que Lemmi soit uniquement le grand-maître du Grand Orient
d’Italie. On n’a pas oublié la fameuse lettre du F.˙. Goblet d’Alviella,
disant : « Il est urgent de s’entendre partout pour nier
carrément ». En effet, il devenait fort désagréable aux maçons belges,
comme aux maçons français, que le public profane et la masse des frères gogos
sussent que le grand chef général de tous les rites, que le deuxième successeur
d’Albert Pike est le voleur Lemmi. Que les maçons italiens, - du moins la
grande majorité, - passent l’éponge sur le casier judiciaire de Lemmi, c’est
leur affaire. Mais, pour rien au monde, ne laissons connaître que, nous maçons
belges et nous maçons français, nous avons un tel chef ! Tel a été le mot
d’ordre. Lemmi, fort ennuyé de tout le tapage fait autour de son nom, a du se
résigner, en décembre 1894, quinze mois après son élection frauduleuse comme
chef suprême, à faire paraître dans sa revue officielle du Grand Orient
d’Italie (destinée aux maçons gogos), que ce qui avait été dit au sujet de la
tenue d’un Convent secret au palais Borghèse dans l’après-midi du 20 septembre
1893 n’était que faux-bruits, inventions des cléricaux (miss Vaughan
cléricale !!!), et qu’il était purement et simplement grand-maître du
Grand Orient d’Italie et rien de plus.
Sans parler des premières
divulgations du Rosier de Marie et de la Revue Mensuelle, nous
avons deux témoignages attestant la tenue du fameux Convent secret : ce
sont les témoignages de M. Margiotta et de miss Vaughan.
En opposition à ces
témoignages absolument désintéressés, nous avons les démentis intéressés de
Goblet d’Alviella et d’Adriano Lemmi, ce dernier s’étant même beaucoup fait
tirer l’oreille pour publier sa déclaration dont le mensonge est flagrant.
Entre ces deux versions
contradictoires, quelle est celle que M. Georges Bois s’attache, en toutes
circonstances, à faire pénétrer dans l’esprit de ses lecteurs ?
C’est celle de Goblet
d’Alviella et de Lemmi. Or, M. Margiotta a confondu publiquement les deux
compères, chefs hauts-maçons. Il a offert de démontrer devant un jury d’honneur
que Goblet d’Alviella, personnellement, mentait ; il lui a porté un triple
défi que la presse catholique de tous les pays a publié, et Goblet d’Alviella a
reculé. Bien entendu, M. Georges Bois s’est abstenu de reproduire dans la Vérité
ce triple défi qui faisait la lumière la plus complète ; il n’a pas dit un
mot de cet incident, et aujourd’hui nous le voyons, ayant à parler de la
sommation reçue par Lemmi, avoir soin de suivre le mot d’ordre de la
haute-maçonnerie.
Or, puisque M. Georges Bois
tient à ce que le Convent secret du 20 septembre 1893 passe pour ne pas avoir
eu lieu, il doit faire savoir où se trouvaient, ce jour là, l’après-midi,
les chefs du Grand Orient d’Italie. Un de ses amis est le correspondant du
secrétaire de Lemmi. Que la Vérité parle clairement, et que M. Georges Bois
dise qui est actuellement le chef suprême de la Maçonnerie universelle, puisque
selon lui ce n’est pas le voleur Lemmi. »
Dans les premiers jours de
juin 1895 Diana Vaughan se retire dans un couvent « pour faire le point ».
Pierret, son éditeur, est chargé de transmettre à La Croix une somme de
300 francs destinée à l’envoi à Lourdes de pèlerins pauvres auxquels la jeune
femme demande de prier pour elle. Et, chose à peine croyable, une malade
atteint de tuberculose pulmonaire, qui s’était rendue dans la cité mariale
grâce à la générosité de Diana, est ressortie en pleine forme de la piscine
sacrée. Et cela le jour-même où sa bienfaitrice signait du fond de son couvent
sa déclaration de conversion. La Franc-Maçonnerie démasquée a publié
l’article du Pèlerin qui relate le « miracle de Lourdes ». De
plus, la revue reproduit le certificat médical délivré par un célèbre praticien
de Paris à qui l’on a demandé de constater la guérison.
Puis Diana Vaughan commence
à écrire ses : Mémoires d’une ex-palladiste. (De juillet 1895 à
avril 1897).
Nous avons reçu la lettre
suivante :
« Paris,
le 14 mai 1895.
Monsieur le Directeur de la Revue
Mensuelle,
83, rue de Rennes, Paris.
Par la lecture de votre
numéro 16, j’apprends que j’ai été interviewé par l’un de vos collaborateurs.
Si votre envoyé m’avait prévenu que notre conversation était destinée à la
publicité, je lui aurais fait une déclaration qui lui eût évité de poser des
points d’interrogation à mon sujet.
Je ne suis pas palladiste,
et je vous prie de la faire savoir, puisque votre article laisse le doute. Je
ne connais miss Diana Vaughan que depuis trois mois environ ; mon
imprimerie existait alors. Miss Vaughan me fut présentée par deux personnes,
dont l’une est depuis longtemps de mes amis. Elle cherchait un imprimeur
indépendant ; on m’avait désigné à elle comme tel. Je suis, en effet,
absolument neutre, et je ne refuse aucun travail, pourvu que les impressions
qu’on m’apporte à faire ne contiennent rien de subversif à l’égard des bonnes
mœurs. C’est vous dire que j’imprimerais l’Univers aussi bien que le Palladium
Régénéré et Libre.
Miss Diana Vaughan est, pour
moi, une cliente qui m’a ouvert un crédit chez son banquier et dont j’exécute
les ordres d’impression ; rien de plus, rien de moins. Ses amis m’ont
assuré qu’elle court des dangers de la part d’ennemis acharnés : de là
vient ma discrétion, que votre collaborateur a eu soin de constater. Je l’en
remercie ; car, sans me préoccuper de rechercher de quoi il s’agit, je me
considère simplement comme lié par le secret professionnel. Il n’y a pas
d’autre mystère de ma part.
Veuillez insérer, je vous
prie, Monsieur le Directeur, cette courte réponse, et agréez l’expression de
mes sentiments parfaits.
A. Pierret, éditeur,
37, rue Etienne
Marcel. »
Nous avons des renseignements plus précis sur ce qui motive l’expulsion
de Lemmi du palais Borghèse. Deux mariages très riches viennent de relever
cette famille, qui avait été si durement éprouvée et dont un grand nombre de
biens avaient été vendus : on sait que le palais Borghèse, qui est dans
une situation toute particulière, ne put être mis en vente ; mais les créanciers
du prince Paul Borghèse, chef de la famille, obtinrent la mise sous séquestre
de ce palais, et les administrateurs du séquestre louèrent le premier étage à
Lemmi pour en faire le siège de la maçonnerie. L’un des deux mariages auxquels
nous venons de faire allusion, est celui du prince Scipion Borghèse, jeune
homme de vingt-quatre ans, fils aîné du prince Paul Borghèse, qui épouse la
duchesse de Ferrari. La nouvelle princesse a tenu à honneur d’habiter le palais
de cette illustre famille dans laquelle elle entre, et, désintéressant les
créanciers de son beau-père, elle exige l’expulsion de Lemmi, sauf à payer
l’indemnité qui sera fixée par les tribunaux, à raison de la résiliation du
bail octroyé par les administrateurs du séquestre. Lemmi est donc bel et bien
forcé de déguerpir.
C’est pourquoi les
locataires francs-maçons n’ont pu se soustraire à l’obligation de laisser les
fondés de pouvoir de la famille Borghèse visiter leurs locaux, ceux-ci étant en
droit, d’après le cahier des charges, de constater l’état des lieux, en vue de
la remise à neuf.
Or, cette visite officielle
a amené la constatation de l’existence du Temple palladique que Lemmi
niait si bien et faisait nier par ses agents.
Mais reproduisons un des
journaux italiens qui viennent de donner cette importante nouvelle.
L’Unione, de Bologne,
dans son numéro du 15 mai, a publié, sous le titre : « La
Franc-Maçonnerie chassée du Palais Borghèse, le Temple de Lucifer »,
l’article suivant :
« Le Corriere
Nazionale, de Turin, possède à Rome un correspondant accrédité ; ce
correspondant raconte que, grâce à une clause insérée dans le contrat de loyer
passé entre les administrateurs du Palais Borghèse et la franc-maçonnerie, il a
pu être intimé à celle-ci d’avoir à déguerpir du premier étage du susdit
palais, les appartements devant être remis à neuf pour recevoir les époux
prince Scipion Borghèse et duchesse de Ferrari.
Par conséquent, ces jours
derniers, les fondés de pouvoirs de la famille Borghèse se présentèrent, selon
leur droit, pour visiter les appartements ; ils furent admis, d’abord,
sans difficulté. Cependant, une des salles restait fermée, et les francs-maçons
se refusaient à l’ouvrir. Mais comme les fondés de pouvoir insistèrent jusqu’à
menacer d’avoir recours à la force publique et de faire enfoncer la porte, les
francs-maçons durent céder et ils cédèrent.
Dans cette salle, il y avait
le temple ainsi nommé : Temple Palladique. En voici la
description :
Les murs, ornés de damas en
soie noire et rouge, laissaient apercevoir au fond une grande tapisserie, sur
laquelle se détachait, en formes colossales, l’effigie de Lucifer ;
là, tout auprès, il y avait une sorte d’autel, comme un bûcher ;
éparpillés çà et là, on remarquait encore des triangles, des équerres et autres
symboles de la secte satanique, ainsi que des livres et des rituels ; tout
autour étaient rangés de magnifiques fauteuils dorés, ayant chacun au haut du
dossier une espèce de grand œil transparent, éclairé à la lumière électrique.
Enfin, au milieu de ce temple infâme, il y avait quelque chose de ressemblant à
un trône.
Les visiteurs, épouvantés,
se gardèrent bien, vu l’état d’esprit où ce spectacle inattendu venait de les
plonger, de s’arrêter plus longuement dans un lieu où, de toute évidence, un culte
abominable est rendu au démon, et par conséquent d’examiner en détail tout
l’aménagement ; ils en sortirent plus qu’à la hâte. »
Ainsi, il n’y a plus moyen
de nier maintenant ; Lemmi a été pris sur le fait. La salle dite Temple
Palladique existe, sans contestation possible, au siège du Grand
Orient d’Italie. Aucun franc-maçon ne saurait avoir l’audace de soutenir qu’il
s’agit de la salle des séances du Suprême Conseil.
En effet, parmi les grades
pratiqués au palais Borghèse, - nous parlons de ceux qui sont officiellement
avoués (car les grades palladiques sont niés, pour ne pas effrayer les
maçons-gogos et les profanes), - le plus haut est le 33e degré du
Rite Ecossais.
Or, voici quelle est la
décoration de la salle servant de réunion aux initiés pourvus de ce plus haut
grade avoué. Nous donnons la description textuellement d’après un manuel
officiel, le Manuel général de Maçonnerie, du F.˙. Teissier, 33e,
imprimé à Paris en 1883 ; le Rite Ecossais, dont Lemmi est le grand maître
en Italie, est le même dans tous les pays ; la description d’une salle de
Suprême Conseil est exactement la même pour Rome, comme pour Paris, Londres,
pour Lausanne, pour Bruxelles, pour Madrid, etc. Lisez, et vous verrez qu’il
est impossible de confondre une salle de Suprême Conseil avec cette salle que
viennent de visiter les fondés de pouvoirs de la famille Borghèse.
Nous citons le Manuel
Teissier, pages 239-240 :
« Rite Ecossais Ancien
et Accepté. – trente-troisième degré. La loge se nomme Suprême Conseil.
Décoration de la Loge :
- La loge est tendue en pourpre, avec des squelettes, têtes et os de mort
peints dessus. A l’orient (c’est-à-dire au fond de la salle), est un dais sous
lequel est un transparent avec le nom du Grand Architecte en lettres hébraïques
(c’est là que trône le grand-maître). Dans le centre de la salle est un
piédestal quadrangulaire couvert en cramoisi, sur lequel est une Bible ouverte
et une épée mise en travers ; au nord du piédestal est un squelette tenant
un poignard dans la main droite et dans la gauche le drapeau de l’Ordre. A
l’occident est un second trône élevé de trois marches, avec un autel
triangulaire couvert de cramoisi. Au-dessus de la porte d’entrée est écrite la
devise de l’Ordre en lettres d’or : Deus meumque jus. La salle est
éclairé par onze lumières : cinq à l’orient, deux au midi, trois au
couchant, et une au nord. »
La salle visitée par les
fondés de pouvoirs de la famille Borghèse n’était donc pas celle du Suprême
Conseil ; d’ailleurs, le temple des réunions du 33e degré du
Rite Ecossais n’avait rien qui pût créer, de la part des francs-maçons
gardiens, ces difficultés, les seules qu’ont rencontrées les visiteurs ;
on le leur eût montré, sans doute, s’ils ne s’étaient pas retirés en toute
hâte, attendu que le Rite Ecossais est avoué par Lemmi, nous le répétons.
D’autre part, comme nos
lecteurs le comprendront sans peine, cette découverte n’a pas fait l’affaire de
M. Georges Bois, qui, d’accord avec son ami Paul Rosen, a toujours nié, avec
une obstination incompréhensible, la pratique du Palladisme. Pour lui, le
Palladisme n’existe pas ; c’est une invention du docteur Bataille et de
ses amis. Lemmi, à l’en croire, est tout simplement un grand-maître italien, au
même titre et au même degré que le F.˙. Louis Proal, grand-maître du Rite
Ecossais en France, ou que le F.˙. Emile De Mot, grand-maître du Rite
Ecossais en Belgique.
Le récit du correspondant
romain du Corriere Nazionale a donc été pour M. Georges Bois une
véritable tuile, autant que pour le F.˙. Adriano Lemmi. La nouvelle, à
peine publiée en Italie, a été reproduite en France par la presse catholique.
Le 17 mai, le Peuple Français la donnait dans un article intitulé :
« Le Temple de Satan chez Lemmi ». Impossible à M. Georges Bois de
passer sous silence une telle découverte. Pour s’en tirer tant bien que mal,
l’ami de M. Paul Rosen a donc publié dans la Vérité (numéro du 18 mai)
l’article que voici reproduit en entier :
« Un autel satanique à
Rome
Nous avons expliqué comment
le Grand Orient d’Italie, qui avait pris en location le premier étage du palais
Borghèse, en était expulsé par le prince Borghèse qui, depuis son mariage,
avait résolu de reprendre sa résidence familiale.
Le Corriere Nazionale
annonce que les agents du prince, occupés à préparer le palais, auraient
découvert, dans une salle qu’ils durent se faire ouvrir de force, un autel
maçonnique encore pourvu de ses ornements et attributs.
Le Corriere Nazionale
décrit ainsi la salle :
« Les murs étaient
tendus de damas rouge et noir ; sur le fond, il y avait une grande
tapisserie sur laquelle se détachait la figure de Lucifer ; tout près
était une espèce d’autel ou de bûcher ; çà et là, des triangles et autres
insignes de la secte satanique. Tout autour étaient rangés de magnifiques
sièges dorés, ayant chacun au-dessus du dossier une espèce d’œil transparent et
éclairé à la lumière électrique. Au milieu de ce temple infâme il y avait
quelque chose ressemblant à un trône. »
En attendant que le fait
soit confirmé, on peut tout au moins le tenir pour un fait vraisemblable. Il
s’accorde, comme on sait, avec nos propres informations sur le culte noir en
France, et les frères italiens n’ont jamais passé pour être sous ce rapport en
arrière des frères français.
Mgr de Ségur avait, naguère,
déjà révélé les pratiques du culte satanique dans les loges mazziniennes. Et
depuis il n’a jamais cessé. »
On aura remarqué le soin avec lequel M. Georges Bois
s’est abstenu de dire qu’il s’agit d’un temple palladique, et comment, tout en daignant reconnaître que le fait
peut être tenu pour vraisemblable (il n’a pas osé donner un démenti net au
correspondant du Corriere Nazionale, reproduisant le récit qui lui a été
fait par des témoins oculaires, très dignes de foi), il s’empresse de glisser
qu’il est bon d’attendre que le fait soit confirmé ; ce qui est une
fumisterie. En effet, il est facile de comprendre que la visite des fondés de
pouvoirs de la famille Borghèse s’est produite à l’improviste, dans la journée,
c’est-à-dire au moment où il n’y avait, au local maçonnique, que les frères
servants ou gardiens. Il est également certain que Lemmi, fort ennuyé de cet
incident, a dû donner immédiatement des ordres pour faire disparaître tout ce
qui constitue le temple palladique, et qu’on n’en trouvera plus rien désormais,
à une nouvelle visite, si l’on en refait une avant la réinstallation du prince
Scipion Borghèse et de son épouse.
Quelques mots d’explication ne seront pas inutiles au
sujet de ce que M. Georges Bois appelle ses informations sur le culte noir en
France.
M. Georges Bois, on s’en
souvient, avait commencé par nier carrément tout ce que révélait le docteur
Bataille ; à la grande joie des Goblet d’Alviella et autres chefs
palladistes, il imprima, en toutes lettres, que les récits du docteur n’étaient
qu’une audacieuse imposture ; la Vérité publia triomphalement les
dénégations de Cadorna, en se gardant bien de dire à ses lecteurs ce qu’étaient
ce Cadorna. Quand, quelques jours après l’insertion du démenti intéressé de
Cadorna, le même Cadorna envoya au maire de Rome le fameux télégramme par
lequel il rappelait, avec un orgueil satanique, que c’était lui qui avait violé
la Ville-Sainte, que c’était lui l’auteur de la brèche sacrilège de la
Porte-Pia, que c’était à lui, massacreur des zouaves pontificaux blessés, que l’Italie
officielle et maçonnique devait la suppression du pouvoir temporel de la
Papauté, alors la Vérité, gênée par cette impudente autoglorification de
l’homme dont elle avait présenté la parole comme celle d’un bon catholique et
d’un loyal soldat, alors la Vérité eut soin de retrancher le fameux
télégramme et tout ce qui avait rapport à Cadorna du compte-rendu des fêtes
italiennes pour l’anniversaire du 20 septembre.
Puis les témoignages
arrivèrent, se multipliant tous les jours et confirmant les révélations du
docteur Bataille. Evêques, missionnaires, religieux éminents, chacun venait
dire : « Oui, cela est vrai ; oui, nous savons telle chose qui
concorde d’une manière frappante avec tel fait révélé par le docteur ;
oui, nous avons eu tels aveux de maçons lucifériens convertis, de sœurs
maçonnes ayant réussi à s’arracher au joug infâme ; oui (ceci a été écrit
par un évêque au Comité anti-maçonnique de Paris), nous connaissons depuis
sept ans l’existence et le fonctionnement des triangles et du
Palladisme. » Tous ces témoignages gênaient considérablement M. Georges
Bois, qui s’était avancé beaucoup trop loin dans la voie de la négation, qui
avait combattu l’œuvre du docteur Bataille non seulement par des articles
passionnés, se succédant sans trêve ni répit les uns aux autres avec un
acharnement aussi inouï que scandaleux, mais même, - ce qui ne s’est jamais vu
dans la presse, - par des lettres privées, diffamatoires, calomnieuses au plus
haut degré, accusant les amis du docteur des plus indignes supercheries, et ces
lettres étaient adressées aux journalistes catholiques de province, pour les
dissuader de donner leur appui à la plus courageuse œuvre de divulgation qui
ait été faite en ce siècle, pour les inciter à la méfiance, en un mot, pour
faire avorter cette campagne qui a touché la haute-maçonnerie à son point le
plus sensible : le luciférianisme dont elle s’inspire, dont elle s’est
fait une religion secrète et qu’elle rêve d’imposer au monde.
S’étant enferré, M. Georges
Bois se trouva en fort vilaine posture, lorsqu’aux témoignages des personnages
les plus vénérables du catholicisme vinrent s’ajouter les faits brutaux,
éclatant tout à coup par l’évidente volonté de la Providence. Ce fut la révolte
des délégués américains contre Lemmi, l’insurrection locale de Paolo Figlia,
Aristide Battaglia, Militello et autres maçons italiens secouant le joug du
souverain pontife luciférien élu par la fraude. Puis, à Paris même, le vol si
hardi, si cynique, en plein jour, d’un ciboire d’hosties à Notre-Dame, vint
prouver à ceux qui doutaient encore, que les profanations sacrilèges,
accomplies presque quotidiennement au sein des triangles, n’étaient
malheureusement que trop vraies.
Si M. Georges Bois avait été
de bonne foi, il avait là une occasion exceptionnelle de reconnaître ses torts.
Il n’avait qu’à dire : « J’ai été trompé par mon informateur
maçonnique ; que voulez-vous ? Celui-ci m’a toujours affirmé qu’il
n’existait ni triangles ni palladisme et que la maçonnerie s’occupait
exclusivement de politique ; j’ai eu la naïveté de la croire sur parole.
Faisons la paix ; je retire mes accusations d’imposture, et je me rends à
l’évidence. »
Seulement, voilà ! M.
Georges Bois n’était pas et n’est pas un naïf. Tout ce qu’il avait écrit,
publiquement ou en correspondances particulières, avait été méthodiquement
combiné et calculé. Il s’est donc demandé comment il pourrait bien présenter
les faits inattendus qui se produisaient, sans avoir à avouer l’existence du
Palladisme.
Au sujet de la révolte des délégués
hauts-maçons américains, il a modelé son attitude sur celle de Lemmi. Au palais
Borghèse, on était profondément ennuyé du tintamarre causé par la démission de
miss Vaughan ; Lemmi a pensé qu’il valait mieux laisser passer la
bourrasque et ne rien dire. De son côté, M. Georges Bois a fait l’ignorant de
ces évènements. Lemmi, se décidant un jour à parler de l’insurrection
maçonnique locale des Paolo Figlia et Cie, a traité de quantité négligeable les
Suprêmes Conseils de Palerme, Naples, etc., insurgés. M. Georges Bois s’est
empressé de lui faire écho, en s’efforçant d’établir qu’en Italie, en dehors du
Grand Orient d’Italie, Suprême Conseil de Rome (Lemmi, grand-maître), il n’y
avait pas de maçonnerie sérieuse.
Restait le fait du vol
sacrilège de Notre-Dame. A ce sujet, M. Georges Bois a opéré une très habile
diversion. Les voleurs ne pouvaient être des palladistes, puisque selon lui le
Palladisme n’existe pas ; aussi l’obstiné négateur s’est-il promptement
rabattu sur les groupes satanistes épars, dont parle le docteur Bataille dans
la IXe partie de son ouvrage : La Goétie ou Magie noire. Notez bien
que les uns et les autres, satanistes et lucifériens, palladistes et goètes,
existent et fonctionnent parfaitement, et c’est ce que le docteur a expliqué avec
une précision des plus remarquables. Mais, pour M. Georges Bois, il fallait
quand même que le Palladisme n’existât pas. Pourquoi ? Oh ! C’est
bien simple : parce que les satanistes sont des groupes épars, sans
cohésion, dépourvus d’une organisation internationale, tandis que les
lucifériens palladistes constituent la haute-maçonnerie. Et c’est à cela que M.
Bois vise toujours ; lisez avec attention tous ses articles ; même
dans ceux où un événement l’oblige à reconnaître l’existence d’un culte secret
rendu à Satan, vous trouverez toujours cette préoccupation dominante :
dégagez la franc-maçonnerie d’un luciférianisme organisé, fonctionnant avec
ensemble dans le monde entier.
Il y a donc « un culte
noir » en France ; impossible de dire le contraire, puisque de temps
en temps on apprend des vols d’hosties consacrées, vols qui ne sont pas le fait
de malfaiteurs vulgaires. Mais ce culte noir, où le pratique-t-on, selon M.
Georges Bois ? Est-ce dans les arrière-loges du Grand Orient de
France ? Non. Est-ce chez les hauts-maçons de l’Ecossisme ? Non plus.
Est-ce chez les misraïmites ? Pas davantage. Partout où vous voudrez, mais
pas dans la franc-maçonnerie. Qui sont donc ces frères satanistes ? Qui
vous voudrez, mais pas des francs-maçons.
Dire qu’il y a des francs-maçons
qui rendent un culte à Satan, qui évoquent les démons, qui leur réservent un
trône pour la présidence de leurs réunions occultes, cela, c’est de
l’exagération, de l’imposture, du pur roman.
« Il faut laisser de
côté ces exagérations, écrit M. Georges Bois
(lettre à un journaliste catholique de province). La vérité est qu’il
faut étudier la maçonnerie comme une branche de l’histoire contemporaine, avec
le même scrupule de l’exactitude, la même précision des faits, des personnes et
des dates, la même recherche des documents. Un seul fait bien prouvé a plus
d’autorité que la collection entière des livres de Taxil et de Bataille.
Il en est de même de la
façon de juger les francs-maçons actuels. Le bon sens et l’expérience de la vie
sont des guides plus sûrs que les feuilletons merveilleux. Il n’est pas
difficile de connaître les francs-maçons autour de vous : voyez comment
ils vivent en public et dans la famille, comment ils font leurs affaires,
comment ils se conduisent, s’ils sont bons maris et bons pères, s’ils méritent
la considération publique, s’il y a place dans leur vie pour des relations
mystérieuses avec une maçonnerie de dames ?…
Les scènes affreuses et
romanesques ? Ces choses ne passent pas inaperçues dans la vie d’un maçon
qu’on a pour voisin et qu’on coudoie du matin au soir !…
L’existence des
francs-maçons hauts-gradés ou bien des militants très bien en vue n’a rien non
plus, en général, de secret. Ils ne font pas un pas plus long que l’autre, sans
que la presse en retentisse. Les histoires de diables ne seraient pas longtemps
des histoires inconnues. »
Quand un homme a écrit une
telle lettre, il est jugé. Mais, quand après avoir écrit cette lettre il se
trouve en présence d’une découverte comme celle signalée par le correspondant
romain du Corriere Nazionale, on conçoit aisément qu’il ne sache plus
comment se retourner.
Le passé judiciaire de
Lemmi, il ne pouvait faire autrement que de le reconnaître. Encore, lorsque M.
Margiotta publia en fac-similé obtenu par la photographie le document même du
greffe de Marseille, donnant le texte officiel de la condamnation, M. Georges
Bois, on s’en souvient, s’efforça de créer une confusion pour diminuer la
valeur de ce document authentique. Un gêneur aussi, ce Margiotta ! Il
venait attester que le voleur Lemmi était non seulement le chef de la
maçonnerie italienne, mais aussi (et c’est là l’important) le chef suprême des
francs-maçons du monde entier, depuis le 20 septembre 1893. Il fallait donc, à
tout prix, discréditer M. Margiotta… Enfin, M. Georges Bois daigna proclamer
que Lemmi était un simple filou, mais à la condition expresse qu’il fût bien
entendu qu’il était uniquement et exclusivement grand-maître des maçons
italiens.
Quant à être un pratiquant
du satanisme, un adorateur de Lucifer, lui, Lemmi ? Allons donc, de la
farce, cela ! Encore une invention du Diable au XIXe siècle !…
Lemmi palladiste ? Quelle plaisanterie ! Il n’y a pas de palladisme,
il n’y a pas de triangles, il n’y a pas de temples palladiques ? Non,
n’est-ce pas ? Donc, il n’en existe nulle part, encore moins au palais
Borghèse qu’ailleurs.
Ah ! Mais… voici les
fondés de pouvoirs de la famille Borghèse, qui se présentent tout à coup au
palais dont le premier étage est occupé par Lemmi et sa maçonnerie ; voici
que les frères servants, qui n’étaient pas prévenus, sont obligés, ces fondés
de pouvoirs exhibant leur mandat légal, de montrer les appartements dont le
grand-maître est locataire… Tiens ! Qu’est-ce que cette salle, qui est
fermée ? Nous voulons la visiter, nous en avons le droit. – Nous ne
pouvons pas l’ouvrir, répondent les frères servants effarés ; nous ne
pouvons pas, c’est le temple palladique. – Si vous n’ouvrez pas, nous allons
requérir la force armée, nous ferons enfoncer la porte. – Les frères servants
n’osent plus résister, ils donnent les clefs ; les fondés de pouvoirs de
la famille Borghèse pénètrent dans ce temple palladique (ainsi nommé,
dit le correspondant romain du journal catholique turinois). O
stupéfaction ! Cette salle est bien le sanctuaire de Lucifer ;
l’image même de Satan est là, au fond du temple, effigie en formes colossales…
C’est donc vrai ? Le grand Orient d’Italie, le Suprême Conseil de Rome,
tout cela n’est qu’un paravent ? C’est donc vrai que le palais Borghèse
était devenu le siège central du Palladisme ?…
Attendez, M. Georges Bois va
nous arranger tout cela. D’abord, pour le moment, le fait n’est pas encore
confirmé ; il faudrait sans doute que Lemmi fit une déclaration solennelle
en tête de sa Rivista de la Massoneria italiana, hein ?… Cependant,
- concession qui a dû coûter gros à ce pauvre M. Bois, - le fait peut être tenu
pour vraisemblable. Mais cela ne prouve pas encore le Palladisme (gardons nous
bien de dire que « temple palladique » est le nom même de la
salle !) ; cette salle, eh bien, c’est une loge mazzinienne, une de
ces loges mazziniennes dont a parlé Mgr de Ségur. Et puis, vous vous rappelez
ce que j’ai dit du culte noir en France, ce satanisme qui n’est aucunement
maçonnique ? Or ça, il y a des satanistes italiens, comme il y a des
satanistes français, voilà tout. Les satanistes français ne sont pas des
francs-maçons ; car si nos francs-maçons s’occupaient de diablerie, il y a
longtemps qu’on le saurait !… Mais les satanistes italiens sont, en effet,
des francs-maçons ; il n’y a pas moyen de dire autrement, puisque c’est au
palais Borghèse même que leur autel luciférien a été découvert…
Appelons ça une loge
mazzinienne ; de cette façon, nous restreignons à l’Italie ce satanisme
qu’il n’est plus possible de nier : mais au diable ces fondés de pouvoirs
qui sont venus mettre leur nez dans ce sanctuaire !…
Pour un homme ennuyé, M.
Georges Bois est un homme ennuyé ; il n’a vraiment pas de chance. Et le
malheureux, lorsqu’il reçoit sur la tête une tuile comme celle du Corriere
Nazionale, s’imagine qu’il va s’en tirer avec une pirouette.
Le voilà, nous citant Mgr de
Ségur. En effet, Mgr de Ségur, à la suite du R. P. Bresciani, a parlé des loges
mazziniennes, où l’on rendait un culte secret au démon ; et Mgr de Ségur
était dans le vrai. Mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit aujourd’hui.
Il y a quelque chose que M. Georges Bois fait semblant d’ignorer : c’est
qu’à la suite de la prise de Rome par Cadorna, ce certain Mazzini, inventeur
des loges mazziniennes, célèbres par leur satanisme, imagina, d’accord avec un
certain Albert Pike, autre grand chef maçon et occultiste, une haute maçonnerie
universelle et luciférienne, qui s’appelle le Palladisme, quoiqu’en dise M.
Georges Bois ; il y a que ce n’est pas accidentellement que le palais Borghèse
contient un temple palladique, depuis que Lemmi s’y est installé ; il y a
que ce Palladisme n’est pas restreint à l’Italie et que les groupes satanistes
italiens ne forment pas des groupes épars, comme les satanistes français du
culte noir auquel M. Bois se raccroche, quand il ne peut plus nier le
satanisme ; il y a que tout cela est parfaitement organisé, que cela
fonctionne dans le monde entier, sous forme d’arrière-loges appelées triangles,
et que les deux centres principaux sont Rome et Charleston.
M. Georges Bois peut donc
patauger, tant qu’il lui plaira. Il ne fera pas oublier qu’il a traité de
menteurs tous ceux qui ont révélé l’existence d’un satanisme organisé en
haute-maçonnerie ; il ne fera pas oublier qu’il a nié que Lemmi soit,
depuis le 20 septembre 1893, le chef suprême de cette haute-maçonnerie
luciférienne ; il ne fera pas oublier qu’il a soutenu mordicus, envers et
contre tous les témoignages les plus désintéressés dans le débat (Margiotta,
Paolo Figlia, miss Vaughan), que Lemmi n’est rien autre qu’un grand-maître
italien et qu’il n’y a, au premier étage du palais Borghèse, rien autre que le
Grand Orient d’Italie et que le Suprême Conseil romain du Rite Ecossais.
Aujourd’hui, - n’en déplaise
à M. Georges Bois attendant une confirmation, - il est bel et bien constaté que
Lemmi avait installé au palais Borghèse un temple palladique, ainsi
nommé, et que ce temple n’est ni le local du Grand Orient gouvernant les loges
symboliques, ni le local du Suprême Conseil gouvernant les chapitres et aréopages
écossais, mais bien le sanctuaire luciférien par excellence, avec image
colossale de Lucifer, autel-bûcher pour les sacrifices rituels à Lucifer, et
trône pour le vicaire de Lucifer, si ce n’est pour Lucifer lui-même, quand il
apparaît aux parfaits initiés du Palladium.
Un vaillant parmi les
vaillants, et en même temps un des plus érudits auteurs anti-maçonniques, Mgr
Meurin, archevêque-évêque de Port-Louis, vient de mourir dans son
diocèse ; le télégraphe a apporté à Paris cette triste nouvelle le samedi
1er juin, veille de Pentecôte.
Mgr Meurin, à qui les
catholiques doivent ce magnifique ouvrage qui est intitulé La
Franc-Maçonnerie synagogue de Satan[64],
était un des prélats qui ont le mieux étudié l’infernale secte. Port-Louis
étant le siège du Sous-Directoire Central de la Haute-Maçonnerie pour
l’Afrique, le courageux et intelligent évêque avait pénétré, l’un des premiers,
le secret de la puissante organisation occulte qui, sous le nom de Palladisme,
dirige la franc-maçonnerie du monde entier. Dans son beau livre, il se prononce
très catégoriquement à ce sujet.
Il n’y a pas longtemps, Mgr
Meurin fit un mandement contre les lucifériens palladistes. La réponse de la
secte fut prompte : neuf églises du diocèse de Port-Louis furent pillées
dans la même nuit, en plusieurs points différents et avec accompagnements de
profanations exécrables, partout les mêmes. L’indignation fut grande à
l’Ile-Maurice et dans toute la catholicité.
Nos lecteurs connaissent tous, au moins pour en avoir entendu parler d’une manière générale, le fait du R. P. Jandel, supérieur général des dominicains, qui mit en fuite le diable présidant une assemblée de francs-maçons.
En ces derniers temps, ce fait avait été l’objet de quelques contestations. Dans une des premières livraisons de son ouvrage, le Docteur Bataille y a fait allusion en une ou deux lignes, une simple mention, sans prendre parti pour ou contre ; mais des journaux et des revues catholiques s’en sont occupé en suivant de près les diverses argumentations.
De tout ce qui se disait de part et d’autre, rien ne nous paraissait définitivement convaincant. Telle a été la raison du silence de la Revue Mensuelle. Nous attendions la lumière, qui ne pouvait manquer de se faire un jour ou l’autre ; et aujourd’hui nous la croyons faite.
A M. le docteur Imbert-Gourbeyre revient l’honneur d’avoir provoqué les éclaircissements les plus décisifs.
Nous reproduisons donc les pièces de ce dernier débat. Sous ce titre : « Le père Jandel a-t-il réellement chassé le diable d’une loge maçonnique ? » l’Univers a publié, dans ses numéros du 24 et 29 juillet 1895, les deux articles qu’on va lire.
I.
« Notre siècle qui nie le diable est peut-être celui où il a été vu le plus souvent. Ne sait-on pas, d’après les nombreuses révélations sur la franc-maçonnerie, que non seulement il inspire la secte, mais qu’il préside en personne des convents ! Le fait suivant, extrait de la vie du R. P. Jandel, vient à l’appui : le voici dans toute sa teneur, tel qu’il se lit dans la première et seconde édition de la vie du Rme maître général des dominicains par le P. Cormier.
« Le P. Jandel, prêchant à Lyon (en 1846), fut un jour pressé, par un mouvement intérieur, d’enseigner aux fidèles la vertu du signe de la croix ; il ne résista point à cette inspiration et prêcha.
Au sortir de la cathédrale, il fut rejoint par un homme qui lui dit : - Monsieur, croyez-vous à ce que vous venez d’enseignez ? – Si je n’y croyais pas, je ne l’enseignerais pas, répondit-il ; la vertu du signe de croix est reconnue par l’Eglise, je la tiens pour certaine. – Vraiment, reprend l’interlocuteur étonné, vous croyez ? Eh bien ! Moi, franc-maçon, je ne crois pas ; mais, profondément surpris de ce que vous nous avez enseigné, je viens vous proposer de mettre à l’épreuve le signe de croix. Tous les soirs, nous nous réunissons dans telle rue, à tel numéro. Le démon vient lui-même présider la séance. Venez ce soir avec moi, nous nous tiendrons à la porte de la salle ; vous ferez le signe de croix sur l’assemblée, et je verrai si ce que vous avez dit est vrai. – J’ai foi à la vertu du signe de la croix ; ajoute le P. Jandel, mais je ne puis, sans y avoir mûrement pensé, accepter votre proposition. Donnez-moi trois jours pour réfléchir. – Quand vous voudrez éprouver votre foi, je suis à vos ordres, reprend encore le franc-maçon, et il donne son adresse.
Le P. Jandel se rendit aussitôt auprès de Mgr de Bonald, et lui demanda s’il devait accepter le défi. L’archevêque réunit quelques théologiens et discuta longtemps avec eux le pour et le contre de cette démarche. Enfin, tous finirent par être d’avis que le P. Jandel devait accepter : - Allez, mon fils, lui dit alors Mgr de Bonald, en le bénissant, et que Dieu soit avec vous !
Quarante-huit heures restaient au P. Jandel : il les passa à prier, à se mortifier, à se recommander aux prières de ses amis ; et vers le soir du jour désigné, il alla frapper à la porte du franc-maçon. Celui-ci l’attendait. Rien ne pouvait révéler le religieux ; il était vêtu d’un habit laïque, seulement il avait caché sous cet habit une grande croix. Ils partent, arrivent bientôt dans une vaste salle meublée avec beaucoup de luxe et s’arrêtent à la porte. Peu à peu la salle se remplit, tous les sièges allaient être occupés, lorsque le démon apparaît sous la forme humaine. Aussitôt, tirant de sa poitrine le crucifix qu’il y tenait caché, le P. Jandel l’élève à deux mains, en formant sur l’assistance le signe de la croix.
Un coup de foudre n’aurait pas eu un résultat plus inattendu, plus subit, plus éclatant !… Les bougies s’éteignent, les sièges se renversent les uns sur les autres, tous les assistants s’enfuient. Le franc-maçon entraîne le P. Jandel, et quand ils se trouvent loin, sans pouvoir se rendre compte de la manière dont ils ont échappé aux ténèbres et à la confusion, l’adepte de Satan se précipite aux genoux du prêtre : Je croix, lui dit-il, je crois ! Priez pour moi !… Convertissez-moi !… Entendez-moi !…
Tel est le fait raconté dans le monde entier par les organes de la presse religieuse. Tout ce que l’on sait en outre, c’est que, vers la même époque, il arriva dans la famille du P. Jandel une lettre mystérieuse écrite par lui. M. Mathieu, l’intime de la maison, qui devait peu après épouser Mlle Jandel, et à qui l’on faisait part de toutes les nouvelles reçues du dominicain, fut cette fois tenu à l’écart ; pendant ce temps, le père et la mère se communiquaient le contenu de la lettre dans un lieu retiré et la détruisaient aussitôt. Avait-elle trait à l’histoire en question ? On peut le présumer, sans toutefois rien garantir, si ce n’est que le fait est très digne de la vertu du signe rédempteur, très digne aussi de la vertu du religieux choisi par Dieu comme instrument pour confondre Satan, convertir un sectaire et enseigner à tous les ressources infinies de sa miséricorde. »
J’ai mentionné ce fait dans mon ouvrage récent sur La Stigmatisation. A peine avait-il paru que je recevais la lettre suivante du R. P. Lescœur :
« Cher docteur, j’ai toujours regardé comme très suspecte l’histoire de la mise en fuite du démon par le P. Jandel, et j’avais vu avec peine que vous la reproduisiez de confiance dans votre second volume. J’ai voulu en avoir le cœur net. J’ai donc écrit au P. Monsabré et je vous envoie sa réponse (17 juillet 1894) :
« J’ai lu comme vous, disait l’éminent dominicain, dans plusieurs journaux et semaines religieuses, le récit de l’apparition du diable mis à la porte d’une loge maçonnique par le P. Jandel. On n’y croit pas chez nous. Ne doutez plus, mais tenez pour certain qu’il ne faut faire aucun cas de cette fable. (16 juillet 1894). »
J’avais publié le fait Jandel sur la foi de son historien, le P. Cormier, pensant qu’il n’avait pas produit un fait aussi grave à la légère. Comme il m’était contesté, je me mis en enquête. J’interrogeai d’abord les RR. PP. Jésuites de la résidence de Clermont. L’un deux me dit qu’il connaissait depuis longtemps le fait, qu’il le tenait pour certain, il ajoutait qu’en juin 1877, se trouvant à Lyon dans la maison des Anglais du Sacré-Cœur, il en avait causé avec Mgr de Serres, vicaire général et neveu du cardinal de Bonald, lequel le lui avait pleinement certifié. Un autre Père me raconta tenir le fait de la bouche même du R. P. Gautrelet. Ce dernier était alors supérieur de la maison de Lyon ; appelé au conseil de l’archevêché, lors du défi maçonnique, il avait été d’avis qu’on devait l’accepter, mais qu’au préalable, le P. Jandel devait prier, faire prier et s’imposer de rudes pénitences. Mon interlocuteur que le fait ne faisait pas de doute à Lyon, qu’il avait été contesté il y a dix ou douze ans dans un journal de la ville, mais qu’on y avait répondu dans la presse. Il sera facile de le vérifier.
Dans le courant du mois d’août, le R. P. Sandreau, prieur du couvent de Saint-Dominique de Bordeaux, m’envoyait la note suivante :
« Soyez rassuré quant au fait du T. R. P. Jandel que vous avez cité dans votre ouvrage. J’ai vu hier à Auch le T. R. P. Cormier, il m’a dit qu’il avait recueilli de nouveaux témoignages, les amis du T. R. P. Jandel à Rome lui ont tous certifié le fait en question. Le R. P. Talongo, jésuite qui est en ce moment à Monaco, lui a certifié tenir ce fait de la bouche même du P. Jandel. Donc, quoi qu’en disent quelques Pères du Nord, croyez bien que ce miracle est certain. »
Quelques mois plus tard, le journal la Vérité, rendant compte de mon ouvrage, s’exprimait ainsi :
« Le docteur eût pu avec avantage retrancher divers détails, tel que celui qui est relatif au P. Jandel et à une scène miraculeuse et tragique, à la suite de laquelle un franc-maçon convaincu de la puissance du signe de la croix, aurait « mené jusqu’à la fin de sa vie la conduite la plus chrétienne et la plus édifiante. » L’enquête publiée sur ce point d’histoire contemporaine par La Franc-Maçonnerie Démasquée, a prouvé avec évidence que le fait était apocryphe et avait été accueilli avec une légèreté trop habituelle à la presse contemporaine, tant par l’Univers du 30 août 1880 que par l’historien du P. Jandel qui, dans la circonstance, a manqué de tout esprit critique. Le docteur Imbert fera sagement de rayer cette page de son livre. » (12 novembre 1894).
Quelques jours après, je recevais du Rme P. Bruno, procureur général des Capucins, une lettre datée de Rome, où il me disait incidemment :
« J’ai lu l’article de la Vérité. Je ne puis admettre son démenti sur le fait du P. Jandel. Je me suis proposé de voir le P. Ligier, lequel, me paraît-il, le tenait de la bouche même du P. Jandel. »
Le plus simple était d’interroger directement le P. Cormier, aujourd’hui assistant général de l’ordre. Je me disposais à le faire, lorsque j’appris qu’il existait une seconde édition de la Vie du P. Jandel à la date de 1891, chez Poussielgue frères : je la fis venir immédiatement et j’y trouvai la note suivante, page 138 :
« Parmi les témoins qui
ont été invoqués (à propos de ce fait extraordinaire), on a cité M. Sauvé,
propriétaire et longtemps directeur de l’Hôtel de la Minerve, à Rome ; le
P. Lécuyer, vicaire général du tiers-Ordre enseignant ; le P. Eymard,
fondateur des Pères du Saint-Sacrement ; le frère Floride, procureur
général des Frères des écoles chrétiennes, à Rome, que l’on dit avoir entendu
le fait de la bouche même du P. Jandel ; enfin, le P. Talongo, jésuite. Il
y a deux ans, nous écrit d’Alger un collègue de ce dernier, le P. Boursat, je
ne sais plus à quelle occasion, ce fait tomba chez nous dans la conversation.
Comme quelques-uns émettaient un certain doute, un des Pères présents, le P.
Talongo, nous dit : Mais j’en suis sûr ; je le tiens de la bouche
même du T. R. P. Jandel, à Rome ; un jour je suis allé exprès l’interroger
sur ce fait qui faisait tant de bruit, et le Révérend Père m’a affirmé que le
fait était vrai. »
En somme, la Vérité a
accusé à tort le P. Cormier de manquer de critique : je n’ai pas non plus
à rayer le fait Jandel de mon ouvrage. Oui, le célèbre dominicain a réellement
chassé le diable de la loge maçonnique lyonnaise.
Dr Imbert-Gourbeyre. »
II.
« Saint-Dié, le 25 juillet 1895.
A Monsieur le Rédacteur en
chef de l’Univers,
Je viens de lire avec
beaucoup d’intérêt, dans l’Univers du 24 juillet, l’article publié par
le Dr Imbert-Gourbeyre sur la question : le P. Jandel a-t-il chassé le
diable d’une loge maçonnique par un signe de croix, ou ce récit est-il apocryphe ?…
Je tiens à vous apporter en
cette occasion mon témoignage personnel.
Etant vicaire à Plombières,
de 1864 à 1868, j’ai connu beaucoup le pieux P. Jandel, si humble, si
vénérable, si vénéré de tous, et qui était notre commensal. A cette époque, les
journaux firent grand bruit du fait dont il est question. Naturellement, mon
vénérable curé, M. Balland, de si sainte mémoire, lui en parla et le supplia de
nous faire le récit de cette aventure.
Le bon père Jandel, après
beaucoup d’hésitations inspirées par l’humilité, nous raconta ce qui
suit : Invité par un de ses amis de Lyon à assister à un important convent
de francs-maçons, il accepte, prend des habits laïques, et, conduit par cet
ami, entre dans la salle de réunion. Les francs-maçons arrivent et se rangent à
leurs places ; on attend l’entrée du président au milieu d’un silence
absolu et terrifiant. Tout à coup la porte s’ouvre, le Grand Maître fait son
apparition et s’avance vers son siège. En le voyant, le P. Jandel est glacé
d’épouvante tant cet être lui paraît inconcevable et effrayant ; il fait
un grand signe de croix et tout à coup on eût dit que tout s’effondrait ;
l’horrible personnage s’évanouit, les lumières s’éteignent, et tous les maçons,
pleins de terreur, se précipitent dans un affreux délire hors du temple.
Oui, le R. P. Jandel nous a
raconté cette scène, j’étais là, j’ai entendu son récit, et j’affirme avec la
plus entière certitude ce que j’avance, et je ne permets à personne de
contester mon affirmation. Alors il faudrait mettre en doute la véracité du P.
Jandel et le traiter de menteur ! Or, je ne le crois pas permis à qui que
ce soit.
Que les détails donnés par
le R. P. Cormier sur la mise en scène – le franc-maçon qui veut éprouver la
vertu du signe de la croix, la consultation de l’archevêque de Lyon, la grande
croix cachée sous l’habit laïque du P. Jandel, la conversion du maçon, etc., -
soient vrais, cela se peut, mais je n’en réponds pas. Ce que je certifie de la
manière la plus absolue, c’est le fait brut tel que je viens de le raconter, et
tel qu’il nous a été raconté brièvement par le R. P. Jandel. Et je conclu avec
le Dr Imbert : « Oui, le célèbre Dominicain a réellement chassé le
diable de la loge maçonnique de Lyon par un signe de croix.
M. de Bazelaire,
Secrétaire général de
l’évêché. »
Après tout ce qui précède,
il nous paraît difficile de contester désormais l’authenticité du fait. Voilà
plusieurs personnages respectables dont la parole fait foi et qui attestent que
le R. P. Jandel leur a fait ce récit très grave.
Laissons les Lanterne
et autres feuilles de même acabit débiter leurs moqueries ineptes. Un des
sous-ordres du F.˙. Eugène Mayer, appartenant comme son patron à la
branche athée de la secte, opposait récemment à M. le chanoine de Bazelaire un
argument, assaisonné de lazzis de carrefour et qu’il proclamait
triomphant : la loge parisienne, qui a le F.˙. Bourceret pour
vénérable et à laquelle ce rédacteur appartient, n’a jamais eu, dans aucune de
ses tenues, une apparition diabolique (Lanterne du 4 août).
Je crois bien ! Cette
loge n’est composée que de FF.˙. du Rite Français, matérialistes à tous
crins, ne croyant ni en Dieu ni en diable. Satan est bien trop rusé pour venir
se produire tout à coup visiblement dans un pareil milieu ; son apparition
risquerait de convertir quelques-uns de ces mécréants qui sont à lui comme
athées.
Mais les loges et les
chapitres dont l’élément est spirite, mais les arrière-loges, mais les
triangles, c’est une autre affaire. Là on croit à Lucifer à tel ou tel point de
vue, et on lui rend hommage ; aussi, messire Satanas et ses compagnons de
révolte daignent-ils honorer parfois ces ateliers de leur présence.
La loge où le R. P. Jandel a
pu pénétrer était certainement un de ces ateliers-là.
Un
de nos collaborateurs, ayant appris qu’un religieux, qui ne nous permet pas de
le nommer, avait été longtemps missionnaire aux Etats-Unis, lui écrivit, il y a
deux mois, pour lui demander s’il n’avait pas entendu parler de miss Diana Vaughan pendant son séjour dans le
Nouveau Monde. Il vient de recevoir la lettre suivante, que nous nous
empressons de publier, en y joignant la petite notice qu’elle contenait et qui
donnera à nos nouveaux abonnés un abrégé assez exact de la vie de la célèbre
convertie.
Voici
cette lettre :
« 6
février 1896.
Monsieur,
J’ai
bien tardé à répondre à la lettre que vous me fîtes l’honneur de m’écrire, en
décembre dernier, pour me demander des renseignements sur miss D. Vaughan dont
j’avais entendu parler pendant mon séjour au territoire indien de 1882 à 1891.
Au
reçu de votre lettre, j’ai écrit immédiatement à l’un de nos Pères
missionnaires que je sais en rapport avec un de nos meilleurs publicistes
américains. Il m’en a obtenu les documents que je vous envoie ci-joints et que
je me suis empressé de traduire pour vous les expédier. La plupart des
renseignements qu’il donne vous sont, comme à nous, déjà connus. Néanmoins,
j’ai trouvé si exact ce « sketch » de la vie de miss Vaughan, que je préfère
vous le transmettre tel qu’il m’a été envoyé.
Pour
moi, je me souviens avoir lu pendant mon séjour là-bas quelques articles de
journaux américains sur la Franc-Maçonnerie, en particulier sur les
« Odd-Fellows » très connus et très répandus dans les Etats de
l’Union et jusque dans notre territoire indien. J’ai connu particulièrement le
ministre méthodiste, secrétaire de la Loge d’Atoka et de toutes les Loges
indiennes. Dans ces journaux, on parlait de miss D. Vaughan et surtout de
Philéas Walder et d’Albert Pike. C’est tout ce que mes souvenirs me rappellent.
Vous
ferez de ces pages l’usage que vous voudrez…
Daignez
agréer, etc.
DOCUMENTS
REÇUS DES ETATS-UNIS SUR MISS VAUGHAN
Le
nom de miss Diana Vaughan est un nom bien connu aux Etats-Unis. Elle est née,
le 29 février 1864, dans le Kentucky, aux environs de Louisville.
Son
père, mort il y a quelques années, était un des hauts dignitaires du Palladium
Luciférien. Il mit tout son soin à élever sa fille dans le culte fanatique de
Lucifer, auteur de tout bien, et dans la haine d’Adonaï, le Dieu des chrétiens,
l’auteur de tout mal (selon sa théorie). Miss Vaughan fut pénétrée de cette
doctrine dès ses premières années. Jeune fille, elle était douée d’une beauté
remarquable et d’une intelligence supérieure. Elle fut introduite par son père
dans le Palladisme, le 18 octobre 1884.
Le
Palladisme a sa Bible propre (Apadno) révélée par Satan, sa Messe propre, sept
sacrements, ses prières et ses cérémonies, son Souverain Pontife depuis 1870,
son Collège, de Cardinaux (Collège Sérénissime des Maçons Émérites), ses
Evêques (Mages Elus), son Clergé (Frères Kadochs Palladiens), enfin ses
sanctuaires (Triangles).
Les
riches dons naturels de miss D. Vaughan et son grand zèle pour le
Luciférianisme la rendirent très populaire et la firent grandement estimer de
tous les membres du Palladisme, de sorte qu’ils ne tardèrent pas à lui conférer
les deux plus hauts degrés de l’Ordre, car ils savaient aussi qu’elle avait
reçu de Lucifer des faveurs extraordinaires.
En
recevant le 1er degré, elle refusa de subir la honteuse épreuve de la
« communion » (fornication), disant qu’elle voulait se conserver
pure pour l’un des plus grands Esprits du feu, Asmodée, qui lui avait promis
dans une réunion de Loge d’être son protecteur spécial. - Elle montra la même
fermeté de caractère en recevant le 2e degré, celui de Maîtresse Templière. Le
Rituel exige que le Candidat perce d’un coup de poignard une Hostie consacrée
par un prêtre catholique. Tout refus est puni de mort. Cependant, comme le
Pontife Albert Pike aimait beaucoup miss Vaughan, il lui fit conférer le
second degré, malgré ce refus. Cette réception eut lieu le 15 septembre 1889.
Depuis ce moment, la jeune «Maîtresse » en fut comblée d’honneurs et très
estimée de tous les membres du Palladisme. Le vieux Pike lui donna toute sa
confiance, et la chargea des missions les plus secrètes et les plus délicates.
Son nom était connu de tous dans la haute Maçonnerie.
A
cette époque, le 2 avril 1892, Albert Pike mourut à Charlestown, il eut pour
successeur, comme Souverain Pontife, Albert-George Mackey. Celui-ci, se sentant
incapable, résigna ses fonctions deux ans après. Alors eut lieu une nouvelle
élection ; etc… »
En 1896, A. de la Rive,
éperdu de joie, apprend à ses lecteurs la conversion de son « ami »
Solutore Zola, « fondateur » de la franc-maçonnerie égyptienne (Le
Rite de Memphis connut une grande extension en Egypte pendant la seconde moitié
du XIXe siècle, après sa création en 1863-1864 sous le titre distinctif de Grand
Orient d’Egypte. Solutore Zola fut élu grand maître de Memphis pour
l’Egypte en 1873, et en 1874, il se fit nommer grand hiérophante, c’est-à-dire
chef mondial du Rite. En 1883, Zola démissionna de toutes ses fonctions
maçonniques officielles. D’origine piémontaise et apparenté à Emile Zola, il
prit part aux campagnes de Garibaldi. Il s’installa en Egypte vers 1862-1864.
De retour en Italie, Solutore Zola se convertit en 1896, après la guérison de
son pied malade). Durant son séjour à Rome, l’étincelant conférencier n’avait
pas de plus fervent admirateur que Zola avec qui il avait fini par lier langue.
La Franc-Maçonnerie démasquée a reproduit la traduction de la
déclaration remise à l’autorité ecclésiastique par l’ex-grand hiérophante
d’Egypte le 18 avril 1896. Le texte commence par ces mots : « Moi,
soussigné, jadis Grand-Maître du siège, et aussi ancien Grand-Prêtre
(Hiérophante) et Souverain Suprême ainsi que « Super-Comthur »
(détenteur d’un ordre de classe supérieur, ou Commandeur), fondateur de l’ordre
maçonnique en Egypte et de ses loges, je déclare par la présente que j’ai été
pendant 30 ans membre de la secte des francs-maçons, pendant 12 ans Souverain
Suprême de l’Ordre et avoir pendant tout ce temps la possibilité de connaître
minutieusement et à fond et d’apprendre l’objet et les visées que l’Ordre
poursuit ».
Ce document est également
diffusé par la presse catholique avec un ensemble parfait. Les francs-maçons,
fous de rage, réagirent vigoureusement et nièrent jusqu’à l’existence du
transfuge[67].
Toujours la même tactique de la négation totale de la part de la
Franc-Maçonnerie.
Voici ce qu’écrivit Diana
Vaughan dans ses Mémoires, page 447 : « Un bon religieux
de Rome écrivait ces jours-ci à un de ses amis, qui m’a communiqué sa
lettre : « Quinze jours après la conversion de M. Solutore Zola, les
maçons d’Allemagne ont inventé que ce prétendu Zola n’existait pas, et ils le
répètent aujourd’hui plus fort que jamais. Or, tous les membres du Conseil
directif général de l’Union antimaçonnique de Rome, un grand nombre de Prélats,
de Cardinaux, notamment les Cardinaux Parocchi et Macchi, ont vu et reçu M.
Zola. Sa Sainteté elle-même lui a accordé une audience de plus d’une heure,
dont tous les journaux catholiques ont parlé, et à cette audience assistait Mgr
Gennari, assistant du Saint-Office, qui avait amené M. Zola dans une des
voitures du Vatican. Quand la secte donne le mot d’ordre de nier l’existence
d’un converti, aucun témoignage n’arrête ses négations intéressées. En même
temps qu’elle faisait nier l’existence de M. Zola, la Maçonnerie lui envoyait
son billet de condamnation à mort, à la date du 7 mai dernier. Ce billet, nous
l’avons vu de nos propres yeux, avec son enveloppe symbolique, et nous en
conservons le fac-similé. »
Parmi les communications qui
nous sont adressées au sujet de l’ouvrage du Dr Bataille : Le Diable au
XIXe siècle, les unes, et c’est le plus grand nombre, nous apportent des
faits et des observations qui ne font que corroborer ses assertions et ses
récits. D’autres, en fort petit nombre, expriment quelques doutes à l’endroit
de certains faits, dont l’auteur a été témoin oculaire, et dont l’étrangeté
semble friser l’invraisemblance.
Pour ceux qui ont lu
attentivement le livre du Dr Bataille, animés des mêmes sentiments chrétiens
qui l’ont dicté, l’autorité du docteur en ces matières est d’un si grand poids,
qu’ils ne voudraient pas qu’on pût sérieusement le prendre sur le moindre point
en défaut de véracité ou de bonne foi : et en cela, ils ont parfaitement raison ;
car, si l’on pouvait soupçonner ou convaincre de mensonge le moindre fait des
faits qu’il atteste avoir vus de ses propres yeux, c’en serait fait de la
confiance qu’on pourrait lui accorder sur tout le reste. Aussi avons-nous à
cœur de dissiper, autant qu’il est en nous, ces doutes inspirés non par un
esprit d’incrédulité religieuse, mais par le désir très légitime de dégager de
tout ombre de soupçon une œuvre reconnue comme venant providentiellement à son
temps pour ruiner les nouveaux efforts de Satan contre le Christ et son Eglise.
Nous ne nous arrêterons pas
à la question du plus ou moins d’invraisemblance dont certains de ces faits
peuvent être taxés : s’il est certain que « le vrai peut quelquefois
n’être pas vraisemblable », cet axiome doit s’appliquer surtout à tout ce
qui touche au merveilleux surnaturel, divin ou diabolique ; et l’on serait
mal venu à nier, par exemple, la réalité des faits miraculeux que racontent les
Saintes Ecritures, sous prétexte qu’ils sont invraisemblables, c’est-à-dire
dépassant les faibles lumières de notre pauvre raison humaine.
Mais venons aux faits. Parmi
les épisodes racontés par le Dr Bataille à titre de témoin oculaire, un de ceux
qui semblent le plus intriguer le lecteur est celui qui remplit une partie du
Chapitre XVII de son ouvrage, sous ce titre : « Les ateliers et le
laboratoire secret de Gibraltar. »
Ces ateliers existent-ils,
tels que le docteur les a décrits dans le chapitre susdit ? Quelques
personnes, prétend-on, bien renseignées, protestent contre ce fait, assurant
qu’à leur connaissance, il n’existe et ne peut exister à
Gibraltar rien de semblable.
Il nous suffirait, pour
répondre à cette objection, de récuser en bloc un témoignage qui ne s’appuie
que sur une connaissance imparfaite du théâtre où se passent les faits
racontés par le docteur. A ces personnes qui se prétendent bien renseignées
nous pourrions dire : avant d’opposer à ses assertions votre ignorance des
faits, avez-vous pris les moyens qu’il vous indique dans ce même chapitre, de
vous assurer de sa réalité ? Avez-vous suivi l’itinéraire si détaillé et
circonstancié qu’il y trace de manière à guider infailliblement quiconque
voudrait après lui tenter l’aventure ? Si vous ne l’avez pas fait, votre
témoignage se réduit à dire que vous ne connaissez du rocher de Gibraltar que
ce qu’en connaissent les touristes ordinaires, que ce qu’on en connaissait
généralement, avant qu’armé de moyens exceptionnels, il ait osé pénétrer dans
cette succursale de l’enfer et traduire à la lumière du jour les mystères sataniques
qui jusqu’alors avaient pu s’y dérober à tous les yeux.
Relisons ensemble, s’il vous
plait, le chapitre du Dr Bataille.
Après avoir décrit les
matériaux qui entrent dans la fabrication des principaux objets consacrés au
culte luciférien, l’auteur nous conduit et nous introduit avec lui dans les
grands ateliers souterrains où s’opère cette fabrication secrète. Mais, avant
de l’y suivre, le lecteur n’a pu parcourir, sans se sentir frappé de hautes et
émouvantes pensées, les pages grandioses où il évoque, en face du Gibraltar
d’aujourd’hui, le monde à jamais disparu dont le rocher actuel n’est plus que
le témoin muet laissé là par la Providence pour dire aux hommes :
inclinez-vous devant les impénétrables desseins de ce Dieu dont un souffle a
suffi à pulvériser un grand continent, pour n’en plus laisser debout sur les
bords de l’abîme que ce gigantesque rocher destiné à perpétuer le souvenir de
la terrible leçon donnée à l’humanité par ce grand cataclysme. Puis vient en
raccourci, brossé de main de maître, le tableau de l’histoire terrible dont ce
rocher a été le théâtre, une légende de batailles et de sang écrite sur chacune
de ses anfractuosités ; et dans l’intérieur de ses cavernes, tous le culte
de Baal-Zéboub, de Bélial et de Moloch, depuis le culte rendu par les
Phéniciens et les Carthaginois au feu éternel, jusqu’aux rites infâmes des
sociétés secrètes musulmanes et aux rites plus diaboliques encore des triangles
lucifériens.
Ajoutons à ce tableau un
détail frappant. En face de ce rocher, devenu forteresse anglaise après avoir
servi pendant des siècles de repaire aux Musulmans, véritable Babel de races et
de langues, dont les indigènes s’appellent les scorpions du roc (Rock
scorpions) ; en face de ce promontoire que le docteur appelle si bien le
phare, le belvédère et l’observatoire du diable, s’élève sur la côte d’Afrique,
au dessus de Ceuta, l’ancienne Abyla, la Montagne de Dieu, comme pour
nous offrir l’image de la guerre incessante déclarée à Dieu par les puissances
infernales.
Quand on a lu les pages que
nous venons d’analyser, il ne saurait venir à la pensée de personne que celui
qui les a écrites est un vulgaire romancier qui va nous transporter dans des
régions fantastiques de son invention, peuplées de prodiges mystificateurs.
Avant de l’en soupçonner, il faudrait avoir, comme lui, étudié le terrain pied
à pied, et scruté dans ses plus secrètes profondeurs, « cette gigantesque
éponge de pierres, ruche d’abeilles humaines, percée de part en part, de haut
en bas, de tous côtés, de trous, de cavités, de grottes, et tout cela
communiquant par un lacis échevelé d’inextricables corridors. »
Mais venons aux faits
objectés. Comment, dit-on, les ateliers infernaux, tels que nous les dépeint le
docteur, pourraient-ils trouver place dans un rocher qui n’a que deux milles de
largeur ? – Précisons encore davantage ; oui, le rocher de Gibraltar
n’a que 1 245 mètres de largeur ; mais on oublie qu’il a quatre kilomètres
et demi de longueur et 489 mètres de hauteur. On oublie surtout que d’après le
récit du docteur, les grottes qui servent d’ateliers diaboliques s’ouvrent à la
base même de la montagne et s’enfoncent à une grande profondeur dans le sol,
bien au dessus des deux étages supérieurs qui constituent : les casemates
du fort, hérissées de batteries, et au-dessous ce qu’on appelle les Galeries
du Rocher (Rock Galleries), taillées de main d’homme, commencées il y a
plus d’un siècle pendant le Grand Siège, galeries superposées les unes aux
autres et aboutissant après deux milles de trajet, en grande partie souterrain,
à un large espace appelé la Salle de Saint Georges. Il ne faut pas confondre,
comme on le fait volontiers, ces galeries, qui n’occupent que le côté nord du
roc et qui sont accessibles dans tout leur parcours, avec les grottes
véritablement souterraines qui s’ouvrent à la base de la muraille
méditerranéenne, et conduisant à la grande grotte San Miguel, vestibule des
ateliers, où s’arrêtent et pour des causes nettement indiquées par le docteur,
la curiosité des touristes ordinaires et l’obséquiosité des guides.
Rien de plus nettement tracé
que la ligne de l’extrême limite que peuvent atteindre les simples curieux.
Peut-être ceux à qui nous répondons sont-ils allés jusque-là ? Mais
ont-ils franchi cette limite ? Se sont-ils seulement doutés qu’on pouvait
aller plus loin ? Et dès lors comment peuvent-ils affirmer qu’il n’y a
rien au-delà, et que le flanc de la montagne ne peut receler les ateliers dont
parle le Dr Bataille ? S’ils n’ont pas franchi cette limite leur
témoignage est nul et non avenu.
Du reste, nous avons à leur
opposer un fait récent bien décisif et qui jette une vive lumière sur le récit
du Dr Bataille.
M. de la Rive, dans une
conférence faite à Paris, le 6 mai, salle de la Société de Géographie, sous les
auspices de la Ligue du Labarum, ayant parlé du récent voyage d’un de ses amis,
à Gibraltar, dans l’intention de contrôler sur les lieux les assertions du
Docteur, nous lui demandâmes de mettre par écrit les détails de cette
excursion : il a bien voulu le faire dans l’article que l’on va lire.
Nous avons écrit aussi à
Miss Vaughan, pour la prier de nous dire ce qu’elle savait de Gibraltar, et de
nous donner, si elle l’a, la situation maçonnique de cette localité. Nous
n’avons pas encore reçu sa réponse.
Léo Taxil.
Les temples lucifériens de
Charleston et Rome. – Fonctionnement de la Franc-Maçonnerie Universelle. – Les
ateliers de Gibraltar.[69]
Les chapitres XV
(« Albert Pike et son œuvre ») et XVII (« Les ateliers et le
laboratoire de Gibraltar ») du Diable au XIXe siècle sont
certainement ceux qui ont rencontré le plus d’incrédulité parmi les lecteurs de
l’œuvre vaillante et si méritante du Docteur Bataille et ceux qui sont encore
les plus discutés à l’heure présente. Nous sommes heureux d’être à même
d’apporter de nouvelles pierres à l’édifice de consolidation de l’œuvre de
notre ami commun.
Pendant notre séjour récent
à Rome, nous avons dirigé l’une de nos enquêtes sur l’existence, au palais
Borghèse, depuis le Souverain Pontificat de l’injuste et escroc Lemmi d’un
temple satanique, assez semblable à celui de Lucifer à Charleston. Nous sommes
aujourd’hui fondé à déclarer que les agents du prince Borghèse ont bien
pénétré, malgré les FF.˙., dans un antre de ce genre, lorsqu’ils ont été
chargés de visiter inopinément toutes les salles du palais, louées à la
Franc-Maçonnerie Universelle. Et les pièces que nous possédons sont telles que
nous mettons toute la Haute Secte au défi de nous apporter une dénégation quelconque.
Le Dr Bataille a été l’un
des premiers à révéler le fonctionnement secret de la Franc-Maçonnerie
Universelle. Ouvrons la Renaissance Symbolique, Revue Mensuelle de la
Franc-Maçonnerie philosophique, initiation, gnose, kabbale, sciences occultes,
première année, numéros 7 et 8, 25 juillet 1892, pages 12-14, et nous lisons[70] :
« La Franc-Maçonnerie
Universelle
Il est un fonctionnement que beaucoup de Francs-Maçons ne connaissent
pas ; c’est pourtant ce fonctionnement qui assure la pérennité de notre institution.
L’Ordre Franc-Maçonnique
savamment combiné, possède une organisation supérieure dont les degrés
garantissent son existence, son activité ; ces degrés ordinaux lui
permettent l’établissement de relations extérieures et internationales, afin
d’obtenir l’unité d’action sans laquelle ses efforts s’exerceraient en pure
perte.
Suit la nomenclature des Conseils ou Grands-Orients confédérés.
A - Le Suprême Conseil de
Charleston, premier Suprême Conseil du Globe, créé le 1er mai 1804
sur le 33e degré de latitude nord [Etc…] »
Voici maintenant trois
exemples, rappelant que Charleston est la « Mother-Council of the
world ». Et comme toute bonne mère, elle veille sur ses petits…
ATHIRSATA.
Reprenons la suite de
l’article : « Ainsi, le Suprême Conseil de Charleston a engendré par
les Suprêmes Conseils, ses fils ou petits-fils, 26 Suprêmes Conseils dont 3 ne
sont pas rattachés à lui ; l’union des 23 autres Suprêmes Conseils
constitue sur le Globe la Confédération souveraine de la Franc-Maçonnerie du
Rite Ecossais ancien et accepté, pratiqué et répandu dans la majeure partie des
territoires et nations des deux mondes. – Ces 23 Suprêmes Conseils reçoivent la
même direction en vue de l’entente commune du mouvement franc-maçonnique afin
d’arriver à l’anéantissement de l’Ennemi (c’est-à-dire du catholicisme).
En outre de ces Suprêmes
Conseils, des grands Orients et des Grandes Loges Symboliques sont répartis sur
tous les points du globe, et ces divers groupements de tous rites entretiennent
d’étroites relations d’amitié fraternelle avec la confédération des Suprêmes
Conseils.
Ce sont pour l’Europe :
1° Le Grand-Orient de France
(c’est-à-dire son Grand Collège des rites du 33e degré) à Paris (16,
rue Cadet), 328 Loges, 37 chapitres et conseils.
2° La Grande Loge Symbolique
de Paris (5, rue Payenne).
3° Le souverain conseil
Général du Rite de Misraïm à Paris (42, rue Rochechouart).
Le Suprême Conseil du 33e
degré du rite Ecossais Ancien et Accepté pour la France et ses dépendances
figure ailleurs parmi les Sup.˙. Conseils de cette Obédience et comme fils
du Sup.˙. Conseil de Charleston.
Ainsi se trouve formée la
grande Confédération de la Franc-Maçonnerie universelle : 26 Suprêmes
Conseils et 100 Grands Orients, ou grandes Loges Symboliques de divers rites
rayonnant sur tous les points du globe, répandant chaque jour la Vraie
Lumière sur l’Europe, l’Amérique, l’Afrique, l’Océanie et indirectement en
Asie, par les ateliers francs-maçonniques détachés dans leurs colonies, par les
puissances maçonniques nationales.
La Franc-Maçonnerie
Universelle a complété son organisation internationale par un Directoire
Suprême, dont les membres au nombre de sept sont pris à tour de rôle dans les
Suprêmes Conseils, Grands Orients et grandes Loges des divers pays. Le
fonctionnement a lieu par un roulement particulièrement réglementé.
Quatre chefs des grands
Centres directoriaux sont installés en permanence et ad vitam ; ils
relèvent du directoire Suprême, et centralisent, pour les lui transmettre,
toutes les communications importantes.
Les quatre grands Centres Directeurs sont : à Naples pour
l’Europe ; à Calcutta pour l’Asie et l’Afrique ; à Washington pour
l’Amérique du Nord ; à Montevideo pour l’Amérique du sud.
En dehors de ces quatre
grands Centres Directeurs, il existe deux organisations d’un ordre spécial. L’une
de ces organisations réside à Charleston sous la direction d’un Grand Maître,
dépositaire des Rites et de la Doctrine secrète. Souverain P.˙. (Pontife)
du R.˙. S.˙. (Rite Suprême), chargé de gouverner avec sagesse les
Suprêmes Conseils de la confédération franc-maçonnique universelle.
La seconde organisation est
chargée de l’action politique. Le siège de cette organisation est à Rome sous
la direction du F.˙. Adriano Lemmi, Très Puissant Souverain Commandeur
Grand Maître du Suprême Conseil d’Italie. »
L’année suivante, par son élection frauduleuse du 20 septembre,
l’enjuivé et escroc Adriano Lemmi devenait Grand Maître dépositaire des Rites
et de la doctrine Luciférienne, Souverain Pontife du Rite Suprême et, en
conséquence de cette élection, le Directoire Dogmatique était transféré de
Charleston à Rome, au palais Borghèse, en face du Vatican !!!
A la page 346, tome 1er,
du Diable au XIXe siècle, le Dr Bataille, après avoir décrit les grottes
San Miguel, à Gibraltar, mentionnées sur la plupart des guides de poche vendus
aux touristes, et après avoir raconté comment il y pénétra et les visita,
ajoutait :
« Si cette excursion
tente quelqu’un de nos lecteurs, il lui sera facile de le faire. Je recommande
avant tout la prudence : ne pas flâner en ville, ne pas s’y faire
remarquer ; se mettre immédiatement en rapport avec un guide et demander à
visiter les grottes San-Miguel que tous connaissent : une fois dans les
grottes, bien se conformer à mon itinéraire, qui est d’une exactitude
absolue ; se munir d’une canne à rallonge, pourvue d’un crochet, pour
faire l’échelle de corde qui est au bord de la niche, entrée du couloir secret ;
éteindre sa torche, quand on sera à la porte de fer, et ne pas la rallumer,
bien entendu, une fois la porte refermée ; se glisser lentement et à plat
ventre dans le couloir, dès que l’on apercevra le feu des forges ; on
pourra arriver ainsi jusqu’à la plate-forme, et de là on distinguera très bien
les premiers ateliers et leurs ouvriers au travail ; mais il ne faudra pas
songer à aller plus loin, même en étant armé de plusieurs revolvers
chargés. »
Depuis les révélations du Dr
Bataille l’accès des grottes (mentionnées aussi à la page 728, tome Ier, de la Nouvelle
Géographie Universelle d’Elisée Reclus, Hachette, Paris, 1875) San-Miguel
est formellement interdit. Il est défendu du côté de la Tour du Diable et du
côté de la maison du Gouverneur de Gibraltar par de fortes palissades au pied
desquelles des factionnaires anglais montent jour et nuit la garde, sous
prétexte que ces cavités font partie maintenant du terrain militaire !!!
La Reine Victoria a un ambassadeur francophone à Paris, lord Dufferin, nous le
mettons dans l’impossibilité de nous démentir et nous déclarons que cette
partie de la presqu’île ne peut plus être visitée par les… touristes.
A peine avions-nous achevé
la série de conférences anti-maçonniques dont nous avons eu l’honneur d’être
chargé en Italie, que notre compagnon de route, Président de l’une des Sections
de province de l’Union anti-maçonnique de France, nous quittait brusquement à
Rome, sous prétexte de se rendre en Algérie, via Marseille. Ce cher ami
nourrissait en son cœur un projet qu’il voulait exécuter en dépit de tous les
obstacles ; il tenait à passer de la côte africaine à la péninsule
hispanique et à gagner Gibraltar. C’est ce qu’il fit.
Dès son arrivée sur cette
portion du territoire britannique, il accomplit les formalités auxquelles sont
soumis tous les étrangers et sollicita de l’autorité militaire l’autorisation
nécessaire pour avoir la liberté relative de ses mouvements. Il se
présenta donc, en compagnie d’un jeune anglais de Manchester, G. S. Lancashire,
à l’officier chargé de la délivrance du permis de circulation. Sir Lancashire
traduisit, du français en anglais et réciproquement, les demandes et réponses
échangées.
L’officier s’empressa de
déférer au désir formulé par les deux visiteurs et apposa sa griffe sur une autorisation
générale. Le dialogue suivant s’établit alors :
_ Nous pouvons, avec cette
pièce, visiter les galeries ?
_ Parfaitement.
_ Et les grottes ?
_ Les grottes !!!
_ Oui ! Les grottes
San-Miguel !!
_ Grottes
San-Miguel !!! Connais pas ! (I do not know.)
_ Il y a quatre ans que
monsieur (notre ami, qui plaidait le faux pour savoir le vrai) a pu les
parcourir!
_ Ah !… (Après un
instant de réflexion) je suis ici depuis trois ans seulement et n’ai jamais eu
de permission à octroyer à leur sujet.
Sir Lancashire, qui
feuilletait son vade-mecum, montra à son interlocuteur que les grottes
San-Miguel figurent bien au nombre des curiosités indiquées dans l’ouvrage. Pas
de réponse.
Pour en finir, l’officier
remet la permission signée précédemment, en accompagnant ce mouvement d’un
geste indiquant qu’il fallait prendre congé.
A peine sorti du bureau,
notre ami interroge le vieux guide en chair et en os, qu’il avait choisi pour
l’accompagner, et lui dit :
_ Vous devez connaître les
grottes de San-Miguel ?
_ Oui ! Oui ! J’y
ai conduit autrefois des touristes comme vous. Aujourd’hui, c’est défendu !…
Elles ne referment, du reste, rien de bien curieux…
Ce guide aurait-il eu un mot d’ordre ? Ou a-t-il cru prudent de se
taire comme ceux de ses semblables dont parle le Dr Bataille à la page 522,
tome Ier.
En désespoir de cause, notre
ami, avec son compagnon et le guide, entra sur le terrain militaire après avoir
été soumis au corps de garde à quelques formalités. Selon la consigne, on leur
donna un artilleur pour les accompagner, les surveiller pendant la visite du
rocher, leur interdire certains passages, toujours sous prétexte de
fortification, leur défendre de photographier, dessiner, faire le moindre
croquis. Jumelles, appareils d’optique, etc., sont consignés au corps de garde.
(Ainsi, l’on consigne même les lunettes d’approche ! Elles ne peuvent,
pourtant, pas servir à prendre des photographies.)
On grimpa par des chemins
creux taillés dans le roc, conduisant à la première galerie, garnie de pièces
d’artillerie. Avant d’arriver au bout de ce couloir, on aperçoit, à droite, un
boyau montant, c’est celui qui mène à la deuxième galerie, que l’artilleur
montra aux touristes lorsqu’ils furent parvenus à l’embrasure du dernier canon
du premier étage.
En revenant sur ces pas, et
pendant que sir Lancashire et le guide causaient avec l’artilleur, notre ami
feignit de se tromper, tourna à gauche et s’engagea dans le boyau qui eût dû
lui donner accès à la deuxième galerie et aussi au plateau. A cinquante mètres
de l’entrée, il aperçut, en effet, le jour ; mais il vint se heurter conte
une solide palissade, construite par le génie et faite de solides madras
goudronnés. Pas de porte !! Et cependant, depuis Gibraltar, on aperçoit,
sur le plateau, masqué maintenant en partie à l’aide de travaux de maçonnerie,
des factionnaires anglais montant la garde avec des fusils !!
Peut-être pourrait-on
essayer de pénétrer encore les grottes San-Miguel par le bord de la mer. Il
faudrait contourner le rocher à pic ou les barrières à l’aide d’embarcation
louée aux pêcheurs qui demeurent vers la plage Garrabo ; mais une
expédition de ce genre nécessiterait la présence de plusieurs personnes bien
déterminées.
Donc, des changements
notables et significatifs ont eu lieu à Gibraltar depuis l’apparition du Diable
au XIXe siècle, et l’Angleterre cache avec un soin encore plus jaloux et
minutieux que jamais, aux regards des profanes, ces antres maudits où a été
fabriquée, par exemple, la célèbre flèche de fer qui sert de plume au triangle
de Malte.
A. de la Rive.
Nos lecteurs ont certainement remarqué que, depuis assez longtemps,
nous avons fait le silence sur M. Margiotta ; notre abstention a pu
paraître surprenante à quelques-uns, mais aujourd’hui chacun comprendra combien
nous avons eu raison d’adopter cette ligne de conduite. Nous savions, en effet,
quelle singulière attitude M. Margiotta avait prise depuis la conversion de
Miss Diana Vaughan ; nous savions à quels honteux dénigrements il se
livrait à l’égard de celle qu’il avait portée aux nues auparavant. C’est
pourquoi, la prudence nous ordonnait de rester dans l’expectative.
Ce qui vient d’arriver était
fatal : après avoir patienté pendant toute une année, la vaillante
convertie a jugé que son honneur lui commandait de mettre un terme à ces
misérables calomnies, colportées sous le manteau et qui visaient son œuvre
anti-maçonnique au travers de sa personnalité.
Sous le titre :
« La grande manœuvre », Miss Diana Vaughan a donc publié, dans le
fascicule n° 10 de ses Mémoires, paru en juin, un article devenu
nécessaire ; nous nous faisons un devoir de le reproduire in-extenso.
« Dans l’annexe du 4e
fascicule des Mémoires, j’ai cité cinq manœuvres contre la manifestation
de la vérité. Trois d’entre elles me visaient directement. Les deux premières,
d’origine différente, tendaient à me faire passer pour folle ou hallucinée tout
au moins : j’excuse M. Le Chartier, catholique qui ne me connaît point et
me combattait par un faux raisonnement que j’ai réfuté ; je n’ai pas à
excusé le F.˙. Eugène Mayer, qui savait à quoi s’en tenir sur l’entière
mauvaise foi du rédacteur dont il publiait l’article injurieux, au moment même
de ma conversion. Quant à la farce de Moïse Lid-Nazareth, elle ne prêtait qu’au
rire.
Une des deux autres
manœuvres a été criminelle : elle a coûté la vie au comte Luigi
Ferrari ; elle prouve quel sort m’est réservé, si je me laissais découvrir
par les limiers de la secte.
Le crime de Bimini a été
ordonné par le palais Borghèse ; cela ne fait pour moi aucun doute, et
l’assassin, instrument peut-être inconscient, a servi la vengeance maçonnique.
Je l’établirai dans mon volume sur Crispi ; les lecteurs, j’en suis sûre,
partageront ma conviction.
Faut-il voir au palais
Borghèse, aussi, l’inspiration de l’abominable trame qui m’a été récemment
dénoncée, et qui est, certainement, la plus odieuse manœuvre directe contre
moi ? Je ne le crois point, quoique d’autres l’aient pensé. Je ne manque
pas d’expérience ; j’ai été en mesure d’étudier les caractères ;
chrétienne, je veux être indulgente à qui m’afflige. Non, la manœuvre que je
démasquerai n’a pas Lemmi pour inspirateur. C’est le démon du dépit qui l’a
suggérée au malheureux homme qui s’en est rendu coupable.
Il s’agit d’une accusation
épouvantable ; la gravité du cas est extrême. C’est avec un indicible
serrement de cœur que je me suis décidée à parler, attaquée, par une sourde
calomnie, chuchotée des uns aux autres, dans ce que j’ai de plus cher au monde,
après ma foi.
Poignante fut ma douleur,
quand me parvint le premier écho du racontar indigne. Ce n’était pas le lâche
on-dit, toujours insaisissable, parce que vague et anonyme ; ce n’était
plus l’insolente goujaterie du Fréchette, de Montréal, à qui j’ai dédaigné de
répondre : c’était l’affirmation nette d’un fait précis, hardiment émise
par un homme connu.
On n’imprimait pas la chose,
certes. Ces choses-là se colportent, s’écrivent dans des lettres plus ou moins
confidentielles : les fanfarons qui inventent de telles accusations ne
leur donnent pas le jour de la publicité ; il leur faut la pénombre d’une
mise en circulation suffisamment discrète et indiscrète tout à la fois.
L’homme qui répand autour de
lui cette bave venimeuse ? Le chevalier qui essaie de salir une
femme ? Oh ! Je ne crains pas de le nommer, parce que sa délirante
vantardise est injustifiable et ne repose sur rien, absolument rien ;
parce que je défie quiconque, même dans le camp de Lucifer, d’apporter contre
moi le témoignage de la moindre incorrection, du plus léger laisser-aller
prêtant à l’équivoque.
Ce chevalier de l’outrage à
l’honneur féminin, c’est un ex-haut-maçon, c’est M. Domenico Margiotta.
Quand j’ai su quelle honte
m’était attribuée, je n’ai point senti la colère m’envahir ; c’était trop
même pour une immédiate révolte. Mais mon cœur a eu un déchirement
atroce ; j’ai été consternée, anéantie, et j’ai pleuré… Oh ! Mon
Dieu, la voilà donc, cette cruelle épreuve, mille fois méritée par ma folle
haine d’autrefois ! Que votre sainte volonté soit faite ; car mes
blasphèmes de palladiste firent couler les larmes de vos virginales
créatures ; il est terrible, le châtiment ; mais, ô mon Dieu, que
votre nom soit béni !…
Puis, le coup reçu, il m’a
semblé que mon devoir était de panser la blessure… Et encore : était-ce
bien possible qu’une telle calomnie eût osé se produire ?… Oh ! Que
d’hésitations avant de demander à des amis confirmations du navrant écho !
Quelle difficulté morale pour la demande ! Vingt fois, j’ai laissé la
plume… Mais ne pas être fixée d’une façon certaine, c’était prolonger et
augmenter ma torture. On ne raisonne plus, quand un doute de cette espèce vous
tenaille ; on perd la tête. J’écrivis, suppliante, réclamant la vérité,
toute la vérité… Les propos me déshonorant se tenaient, se répétaient, et
l’auteur de l’affreuse calomnie se pavanait dans l’impunité, multipliant les
anecdotes où, Juvénal vengeur, il me faisait jouer le rôle d’une ménade ;
et comment ne pas croire, puisqu’il affirmait avec audace « savoir par
lui-même, et mieux que personne, à quoi s’en tenir !… »
Et les témoins auriculaires
de tels propos étaient personnages dont la parole fait autorité : un des
plus estimés représentants de la vieille noblesse de France, et le révérend
supérieur d’une maison d’un des plus importants ordres religieux, sans compter
d’autres, très honorables aussi, mais qui avaient eu le racontar de seconde
main.
Alors, je perdis
complètement la tête. Un moment, j’envisageai la situation, à la mode
américaine : les preuves de la calomnie étant entre mes mains, j’allais
intenter une action judiciaire pour obtenir réparation ; mes amis me
retinrent, en m’assurant qu’en France ces choses-là sont traitées à la légère,
et que le succès d’un procès semblable n’effacerait pas les doutes injurieux.
Je n’avais plus qu’à dévorer
l’outrage dans le silence.
La chrétienne reprit le
dessus. Ah ! Que j’ai souffert !…
Mais voici que la calomnie,
continuant son chemin dans l’ombre, a pris une nouvelle forme ; et, cette
fois, mieux informée encore qu’au début de cette douloureuse enquête, je sais
que le mensonge est présenté avec une perfidie telle que, sauf un petit nombre
d’amis, ceux qui reçoivent la confidence en sont tout déconcertés.
La manœuvre n’atteint pas
seulement mon honneur de femme ; c’est mon œuvre de réparation elle-même
qu’elle tend à détruire, ce sont mes révélations mêmes qu’elle veut ruiner de
fond en comble. La question change donc d’aspect. Je ne puis tolérer
cela ; et quoiqu’il m’en coûte, me taire plus longtemps serait manquer à
tous mes devoirs.
Je vais droit à l’abominable
accusation. Voici la thèse imaginée par M. Domenico Margiotta :
« La Diana Vaughan que
j’ai connue en 1889, à Naples, et pour laquelle il n’y eut jamais aucune
exception à la règle du Pastos, est toujours chez les palladistes ;
l’histoire de sa conversion n’est qu’une mystification pour leurrer les
catholiques. La Diana Vaughan qui écrit les Mémoires d’une ex-palladiste,
la Neuvaine Eucharistique, etc., et qui annonce le 33e
Crispi, est une fausse Diana Vaughan. Je la mets au défi de se
montrer ; car ceux qui se servent du nom de la grande maîtresse de
New-York ne pourraient exhiber qu’une aventurière, et immédiatement je la
convaincrais d’imposture. Quant à la vraie Diana Vaughan, il lui est
indifférent que cette comédie se joue ; elle est la première à en rire.
Elle diabolise plus que jamais dans les Triangles. Elle a fait sa paix avec
Lemmi. »
J’avoue que je ne me serais
jamais attendue à une manœuvre aussi machiavélique. L’homme qui a imaginé cette
machine de guerre, pour empêcher mes révélations de porter, n’est pas le
premier venu. Il est certain que l’assertion est tellement audacieuse, que ceux
devant qui elle est émise ne savent plus que penser.
Pourquoi donc M. Margiotta
a-t-il recours contre moi à des procédés indignes d’un galant homme ?
Pourquoi me scinde-t-il en deux personnes, l’une qu’il couvre de boue, l’autre
qu’il transforme en mystificatrice ! Pourquoi cette campagne à coups de
calomnies souterraines, qui a tout le caractère d’une haine personnelle, ayant
brusquement éclaté ?…
Me garde-t-il rancune des
lignes que je lui ai consacrées dans le Palladium, alors que, plongée
encore dans l’erreur, je lui montrai quelque dureté de langage ? Les
ecclésiastiques, qui possèdent les numéros du Palladium, reconnaîtront
que je ne blâmai pas le converti, mais le manque de franchise dont il usa à mon
égard au moment de sa conversion. Mon blâme était celui d’une ancienne amie,
sévère peut-être, mais toujours courtoise, répugnant à la constatation d’un
acte de duplicité.
Non, ce n’est point de mon
article que M. Margiotta m’en a voulu. Il y a autre chose.
D’abord, la vérité sur mes
relations avec M. Margiotta. Il m’est pénible d’être obligée de descendre à de
telles explications ; mais une calomnie, de la nature de celle que ce
malheureux égaré ose répandre, a besoin d’être broyée sous le talon. Se dérober
en présence d’une vipère peut convenir aux trembleurs ; ce n’est pas mon
fait : la vipère continuerait à me poursuivre ; j’aime mieux lui
faire face et lui écraser la tête.
Mes relations avec M.
Margiotta, je ne les nie point. On va voir à quoi elles se réduisent. Une
entrevue d’une heure et demie, tout au plus ; je ne dis pas un tête à
tête. Une correspondance, assez longtemps échangée ; oh ! bien
simple, et sans la moindre pensée répréhensible. Entre l’entrevue et la
correspondance, plus de quatre ans écoulés.
L’entrevue date de 1889,
lors de la mission qu’Albert Pike me confia en Europe. Après Paris et la France,
je passai en Italie ; je poussai jusqu’à Naples, pour me rendre ensuite à
Malte ; ce voyage est déjà bien connu. Or, à Naples, je ne visitais aucun
triangle ; je voulais demeurer touriste. Bovio et Cosma Panunzi tinrent
absolument à me présenter plusieurs Frères, qui, ayant appris mon passage,
désiraient à toute force me voir. Je me plaignais un peu de ce que le secret de
mon incognito n’avait pas été mieux gardé ; enfin, j’accédai à ce désir
qui m’honorait. Les Frères étant nombreux, j’accordai deux réceptions, à
l’hôtel ; un thé et une assez longue causerie, chaque fois ; bonjour,
bonsoir, échange de politesses. M. Margiotta me rappela plus tard qu’il était
un des Frères italiens qui m’avaient été présentés par Bovio et Panunzi ;
peut-être lui ai-je donné une poignée de main. Il a mieux eu mon souvenir que
moi le sien ; car, lorsque je vis sa photographie dans les Ricordi di
un Trentatrè (1895), elle ne me donna pas l’impression d’une physionomie
connue. C’est dire si la connaissance avait été faite de façon vague, six ans
auparavant ! Donc, le F.˙. Domenico Margiotta n’a jamais assisté à
une tenue triangulaire ou se trouvait la S.˙. Diana Vaughan ; à
l’hôtel, le premier soir ou le second, M. Margiotta m’a fait, avec d’autres
personnes, le plaisir d’accepter une tasse de thé. C’est tout.
Après l’élection frauduleuse
de Lemmi, M. Margiotta m’a écrit à Londres, et ailleurs aussi, si j’ai bonne
mémoire. Il a été un de mes correspondants, pendant la rébellion contre les
scrutins du palais Borghèse. Il appartenait à la Fédération des Suprêmes
Conseils écossais dissidents. Tout notre échange de lettres n’a trait qu’à la
lutte contre Lemmi, il m’a transmis la délibération du Suprême Conseil de
Palerme, qui me nommait grande-maîtresse d’honneur de la Fédération dissidente.
Je crois qu’il est un de ceux (lui ou Paolo Figlia) à qui j’envoyais alors, de
Florence, l’avis de ma démission, à la suite de l’acceptation du compromis
Findel. Voilà nos premières correspondances.
Quand il prépara son volume Adriano
Lemmi, un de nos amis communs, que je connaissais plus particulièrement, me
sollicita pour lui obtenir la communication de quelques documents ; cet
ami en avait déjà recueilli plusieurs, et non les moins importants. C’est en
parcourant les épreuves, qu’on me fit tenir, que j’appris la conversion de M.
Margiotta. Le manuscrit des passages me concernant me fut soumis, toujours par
intermédiaires ; car déjà une grande prudence était de première nécessité.
Je fis des observations sur l’exagération de certains éloges qui me déplaisaient ;
je raturai et annotai en divers endroits le manuscrit de M. Margiotta :
mais alors il était pris d’un bel enthousiasme non seulement pour mon
caractère, mais aussi pour ma personne ; des passages, que je biffai,
étaient de véritables déclarations. Une vieille dame, protestante, de mes
amies, en lisant cette prose enflammée, me dit : « Petite, il
souhaite ta conversion, afin de te demander en mariage. » Tout ceci me fit
assez rire.
Le volume parut. Goblet
d’Alviella partit en guerre contre M. Margiotta et nia, avec un aplomb superbe,
le Palladisme, dont il est grand-maître provincial et l’un des membres
Sérénissime Grand Collège. C’est alors que M. Margiotta lui porta, à mon
instigation, le fameux triple défi, sanctionné par l’offre d’un dépôt de 30 000
francs. Un jury d’honneur devait examiner les preuves pour ou contre à produire
de part et d’autre. Je fis savoir à M. Margiotta que les 30 00 francs
représentant son enjeu seraient immédiatement à sa disposition, si Goblet
d’Alviella acceptait l’épreuve, et je lui promis d’être avec lui à Bruxelles
pour confondre l’audacieux négateur. Goblet, me sentant derrière M. Margiotta,
recula.
A l’époque des tremblements
de terre de Calabre, je vins en Italie. Tout en agissant prudemment, je fis mon
devoir, selon la latitude de mes ressources. J’étais à Naples, lorsque je reçus
une lettre de M. Margiotta ; il me racontait, entre autres choses, qu’un
palais qu’il possédait à Palmi, le palais de ses ancêtres, s’était écroulé, et
il me priait de lui en payer la reconstruction, ou, tout au moins, de lui
servir la bagatelle d’une centaine de mille francs. Le palais, informations
prises, était une maisonnette quelconque, avec un pharmacien pour seul
locataire, et la maison n’était pas endommagée outre mesure. Je trouvai la
demande… indiscrète, et je le fis comprendre. Nos relations en restèrent là.
J’ai dit la vérité, dans
toute sa simplicité. Je crois que la grande manœuvre, imaginée par le démon du
dépit, avortera ainsi. Maintenant, si quelques-uns préfèrent croire M.
Margiotta, ma foi n’en sera pas troublée, mon zèle de néophyte n’en sera pas
ralenti, ma prudence n’en sera pas diminuée ; au contraire !
« Aime Dieu, et va ton
chemin », selon la devise de mes vaillants amis, les catholiques du
Canada.
Diana Vaughan (4 juin
1896). »
[…]
Notre avis est que M.
Margiotta aurait agi en reconnaissant ses torts, qui sont incontestables, et en
demandant humblement pardon à celle qu’il a calomniée de la façon la plus
odieuse et la plus indigne.
Ce n’est pas d’aujourd’hui,
à notre connaissance, qu’il s’est vanté d’avoir eu des relations autres que
celles d’une simple soirée passée en compagnie de plusieurs personnes et d’une
correspondance de pure politique maçonnique. Quand il vint à Paris, l’an
dernier, vers l’époque du grand pèlerinage national à Lourdes, nous lui
répétâmes les propos qui lui étaient prêtés et dont nous avions eu nous-mêmes
l’écho, à la rédaction de la Revue Mensuelle. M. Margiotta se montra
alors violemment courroucé contre ceux qui, disait-il, mettaient dans sa bouche
des propos qu’il n’avait jamais tenus ; il nous déclara que ces
accusations, visant l’honneur d’une personne pour laquelle il avait le plus
grand respect, étaient un artifice abominable pour lui nuire, à lui, en même
temps qu’à elle ; il nous réitéra l’affirmation qu’à Naples, lorsqu’il
connut Miss Vaughan, tous les hauts-maçons italiens et lui-même la savaient
dans des conditions exceptionnelles et gardaient vis-à-vis d’elle la réserve
toute naturelle qui d’ailleurs s’imposait à eux. Enfin, pour mieux nous
convaincre, et alors que nous lui demandions rien autre que sa parole d’honnête
homme, M. Margiotta nous jura, « par tout ce qu’il avait de plus
sacré », etc., etc., que jamais il n’avait dit ce qu’on nous avait répété.
A quelque temps de là, nous
apprenions que M. Margiotta continuait de plus belle, aussi souvent qu’il en
avait l’occasion, à essayer de salir la réputation de Miss Diana Vaughan. Un de
nos amis, ecclésiastique du diocèse de Paris, nous mit sous les yeux une lettre
qu’il avait reçue d’un ecclésiastique du diocèse de Grenoble ; ce
vénérable prêtre faisait part d’une conversation qu’il avait eue avec M.
Margiotta au sujet de Miss Vaughan et témoignait sa profonde surprise en ayant
entendu celui-ci affirmer, comme un homme sachant à quoi s’en tenir par
lui-même, que la célèbre convertie était loin d’être pure, comme on le croyait.
Un autre de nos amis, témoin auriculaire direct, nous rapporta un propos de la
dernière grossièreté et constituant le plus violent outrage qui pût être fait à
une femme, même de mœurs légères. Un troisième nous rapporta la conversation
suivante : M. Margiotta, mis en demeure d’expliquer pourquoi ses dires
étaient en contradiction avec ses écrits, avait répondu : « Que voulez-vous ?
C’est la mode d’en faire une vertu ! J’ai célébré, comme tout les autres,
sa pureté ; ça fait plaisir aux catholiques ! Mais tous les
hauts-maçons de Naples, moi compris, nous savons qu’elle est une hystérique
insatiable. »
Bien que ces outrages ne
puissent atteindre Miss Vaughan, nous la prions néanmoins de nous excuser si
nous en donnons un aperçu. Dans un de ses derniers volumes, M. Margiotta a osé
prendre à partie la Revue Mensuelle, en l’accusant de ne plus annoncer
ses nouveaux ouvrages, par intérêt de boutique[72] ;
il était indispensable que nous fassions connaître à nos lecteurs la raison de
notre silence, et ceci fera comprendre à tous combien cette raison était
majeure. Au surplus, une lettre que M. Margiotta a eu l’audace de nous
adresser, que nous nous sommes fait un devoir de communiquer à la vaillante
convertie et dont on va lire quelques extraits, prouvera qu’il était nécessaire
d’en venir à des explications publiques, et d’en finir en une seule et bonne
fois. Miss Vaughan, méprisant absolument ces injures, nous a fait savoir que
son avis était aussi qu’il importait d’aller jusqu’au bout, et que, quant à
elle, ne revenant pas sur ce qu’elle a écrit au sujet de cette question
pénible, elle répondrait dans nos colonnes, à la lettre dont il s’agit, mais principalement
sur le fait de savoir s’il n’y a qu’une Diana Vaughan ou s’il y en a deux,
ainsi que M. Margiotta le soutient.
Tout d’abord, nous
reproduisons une circulaire que M. Margiotta a envoyé à un grand nombre de
journaux et dont nous avons reçu un exemplaire. C’est la réponse publique de
l’ex-haut-maçon italien à l’article de Miss Vaughan et à celui de la Vera
Roma ; cela est intitulé « A propos d’une polémique ».
Voici intégralement cette
réponse :
« Les insinuations
malveillantes de la Vera Roma et des Mémoires ne réussiront pas à
me faire sortir du calme, ni de la ligne de conduite que m’a dicté Sa Grandeur
Mgr l’Evêque de Grenoble, avec cette sagesse qui est la caractéristique de ses
conseils. Je relève uniquement de ma conscience et ne dois compte de mes actes
ou de mes aspirations qu’à Dieu qui me voit et me juge.
C’est pourquoi je ne prête
qu’une médiocre attention aux phrases que la Vera Roma me dédie, dans le
goût de celle-ci : « En attendant, mettons-nous en garde. » La
signification de ces quelques mots est assez peu voilée pour trahir de prime
abord à quel parti pris contre moi leur auteur a obéi en les écrivant et de
combien de mauvaise foi il a dû s’inspirer pour essayer de faire naître à mon
encontre le doute dans les esprits de ses lecteurs.
Je les retourne, ces
insinuations, pour ce qu’elles valent, à ceux qui en ont eu la paternité. Qu’il
leur suffise de savoir, en deux mots, que je ne suis pas homme à double face,
que revenu à dieu je reste à Dieu et que, au lendemain des combats que j’ai
livrés à la secte diabolique des Francs-Maçons, combats que je soutiendrai
encore sans trêve ni merci, comme sans peur et sans reproche, je ne me sens,
grâce au ciel, pas la moindre affection à subir les influences des Nathan, des
Bovio, des Lemmi, des Crispi, et d’autres gens ejusdem farinæ que je
déteste cordialement, non point en tant qu’hommes, mais parce qu’ils sont les
ennemis du bien, du beau et de la vérité dont le Vatican est le véritable
foyer. Que la Vera Roma calme ses craintes et descende donc de
faction : Je ne capitulerai jamais devant les apôtres du
Luciférianisme !
Du reste, à la suite de ces
petites taquineries qui trouveraient mieux leur place ailleurs que dans les
estimables feuilles que j’ai citées, j’ai par une lettre recommandée ouvert mon
cœur à l’Eminentissime Cardinal Parocchi, Vicaire Général de Sa Sainteté :
que la Vera Roma se le dise !
Qu’on veuille bien remarquer
que je parle ici sans amertume et que je veux pas même (ce serait pourtant –
humainement – mon droit) faire au journal de Rome non plus qu’aux Mémoires
un grief des soupçons qu’ils ont osé formuler contre la sincérité de l’auteur
d’Adriano Lemmi, du Palladisme, du Culte de la Nature
et de l’Armée de Satan. La pusillanimité n’a rien à voir dans mon
extrême réserve d’aujourd’hui : je n’obéis qu’au louable désir de ne pas
faire le jeu de la Franc-Maçonnerie, qui ne demanderait pas mieux que de voir
les anti-maçons s’entre-dévorer.
Quant à l’honorable auteur
des Mémoires, qu’il soit assez aimable pour se rappeler qu’en pays
civilisés un homme ne rompt pas des lances avec une femme et que, si ma
religion pouvait me permettre quelque mépris à l’égard d’autrui, je le
réserverais tout entier pour les braves qui se tiennent prudemment cachés
derrière elle.
J’ai dit et brise ma plume
pour ne répondre désormais que par un silence dédaigneux aux insinuations de la
malveillance ou de la jalousie.
Grenoble, le 5 juillet 1896.
Le Chevalier Domenico
Margiotta. »
Il va s’en dire que nous
sommes au nombre des « braves » dont il est question dans
l’avant-dernier alinéa qu’on vient de lire.
Miss Vaughan pourrait,
cependant, attester que ce n’est pas par nous, le premier, qu’elle a appris les
outrageants propos tenus par M. Margiotta contre son honneur ; mais
lorsqu’elle nous a interrogé sur ce que nous savions, nous n’avons pas cru
devoir lui cacher la triste vérité. On verra tout à l’heure si ce qui arrive
aujourd’hui fait « le jeu de la Franc-Maçonnerie ».
Jusqu’au moment où nous
n’avons plus eu aucun doute sur l’odieuse campagne de dénigrement entreprise
contre une femme, respectée par tous, même au temps de son erreur, nous avons
vu en M. Margiotta un ami, et nous l’avons traité en ami. Il écrit qu’il
gardera désormais le silence, dans ce qu’il appelle une polémique ; ce
silence sera sage. En effet, il lui serait impossible d’établir que nous ne
sommes pas comporté vis-à-vis de lui comme le meilleur des confrères, de toutes
les façons, à tous les points de vue. Nous avons été bien récompensé !
Avant les insultes d’aujourd’hui, nous avons eu le dénigrement, nous
aussi ; M. Margiotta (tout finit par se savoir) n’a rien négligé pour nous
nuire auprès des personnes mêmes à qui nous l’avions recommandé.
Toutefois, nous ne voulons
pas nous mettre en cause dans cette grave affaire, si ce n’est pour prendre la
responsabilité de tout ce qui s’imprime dans ce numéro à ce sujet. Mais que M.
Margiotta se tienne bien ceci pour dit, et qu’il comprenne que nous pesons tous
nos mots et qu’aujourd’hui nous savons tout, absolument tout ce qu’il a
entrepris dans l’ombre contre nous-même. Nous lui disons donc :
« Puisqu’après l’article de Miss Diana Vaughan, vous n’avez pas senti que
vous ne deviez vous en prendre qu’à vous-même de ce qui vous arrivait,
puisqu’après cet article si modéré et si digne, eu égard à vos inqualifiables
outrages, vous n’avez pas eu le sentiment de la situation que vos abominables
calomnies vous ont créée, situation qui vous commandait d’implorer votre pardon
en toute humilité et de vous faire oublier pendant quelque temps, aujourd’hui
il est trop tard. Votre insolente lettre du 15 juin, que vous avez eu soin de
distribuer en plusieurs copies, sera votre condamnation. Vous nous avez mis
dans la nécessité de la communiquer à notre respectable amie. Il en résultera,
non une joie pour la Franc-Maçonnerie, mais un nouveau service que Miss Diana
Vaughan va rendre à l’Eglise ; car, pour la guerre à la secte, il ne faut
pas des gens à double face, et maintenant vous n’avez plus qu’à disparaître
dans une Trappe et y faire pénitence, selon le conseil charitable que vous
donne celle que vous avez traînée dans la boue.
Léo Taxil.
Nous passons la plume à
notre éminente collaboratrice, et, loin de nous abriter derrière elle, nous
déclarons la couvrir de notre entière responsabilité, pour le cas où M.
Margiotta prétendrait que ce qui va être révélé est du domaine de la vie
privée.
Nous soutenons qu’il s’agit
d’une question d’intérêt public ; que tout ce qui suit a trait à la
position publique prise par M. Margiotta. Néanmoins, nous acceptons toutes les
responsabilités, nous le répétons.
L. T.
« Monsieur le directeur
de la Revue Mensuelle,
M. Margiotta dit dans sa lettre du 15 juin à M. Léo Taxil :
« Je ne reviens pas de
mon étonnement en lisant l’article superlativement stupide, méchant, hypocrite
et plein de faussetés que votre amie Diana Vaughan vient de me consacrer dans
le n° 10 de ses Mémoires. J’aurais voulu mettre tout de suite le feu aux
poudres ; mais le plus saint, le plus savant, le plus vénérable des
ecclésiastiques que je connais, a bien voulu aussi que j’adresse, à celle qui
m’a attaqué d’une manière si canaille, une lettre aimable. Pour ne pas faire de
la peine à ce saint homme que je vénère, j’ai obéi. Mais que la Diana Vaughan
et tous ceux qui la poussent contre moi, dans des buts intéressés et par
jalousie, sachent que je sui prêt à tout ! »
Voici la lettre aimable,
renié par son auteur, cinq jours après l’avoir écrite :
« Grenoble, le 10 juin 1896.
Mademoiselle Diana Vaughan,
Tout le monde sait que Dieu
vous a arrachée à Satan et envoyée sur la terre de France, pour servir la cause
de l’Eglise catholique.
Dans sa bonté, le Seigneur
en a agi de même envers moi. Il m’a fait voir l’erreur où j’étais, m’a ramené à
son service ; et je combats en France pour le Christ et son Eglise.
Croyez-moi, Miss :
faisons l’œuvre qui nous est confiée, et n’écoutons pas ceux qui divisent, en
cherchant leurs propres intérêts.
Si Dieu vous a fait la grâce
de conserver un trésor que la plupart de vos compagnes ont perdu, gardez-le humblement, ce
trésor, et abritez-le dans un cloître.
Réparons le passé par un
travail d’apôtre : prenons garde aux embûches du démon, et méfions-nous de
tous ceux qui sèment la discorde par ses inspirations perfides.
Je vous salue in Christo.
Domenico Margiotta. »
J’ai souligné une phrase de
dix-neuf mots. Elle n’était pas soulignée dans la lettre aimable. La
lettre aimable n’aurait pas, sans doute, été écrite avec cette tournure
de phrase, si M. Margiotta ne s’était pas trouvé lié par d’antérieurs
confidences calomnieuses, vis-à-vis du saint ecclésiastique devant qui il
écrivait. Mais passons.
Je reviens à la lettre du 15
juin, celle où M. Margiotta écrit sans contrainte, celle qui est sa vraie
lettre.
M. Margiotta écrit là :
« Provoqué lâchement
par la presse, je suis en état de légitime défense ; et je me défendrai
par la presse, non en nigaud, mais en produisant des documents authentiques.
Tant-pis si toute la baraque s’écroulera ! Tant-pis si tout le travail de
plusieurs années sera réduit en poussière ! Tant-pis s’il arrivera des
scandales épouvantables, qui mettront en émoi toutes les classes de la
société ! Ce ne sera pas ma faute ! Ce n’est pas moi qui les
aurai provoqué par la presse. »
Brrrou ! Voilà qui
donne frisson…
Remettons-nous un peu,
cependant, et disons que : 1° j’ai gardé le silence, tant que mon honneur
de femme a été l’objet des outrages de M. Margiotta ; 2° la principale
cause déterminante de mon article a été un doute public, émis sur mon identité
par un journal catholique de Grenoble ; je n’ai pu qu’y voir un
écho des bruits semés par M. Margiotta sur l’existence de deux Diana Vaughan,
la Diana convertie étant la fausse.
Notons que M. Margiotta se
dit provoqué !…
Suivent : de longues et
diffuses attaques contre un écrivain catholique, très hautement estimé et à bon
droit. C’est M. de la Rive. Il a les injures de M. Margiotta ; toutes mes
félicitations.
« Mais revenons à Diana
Vaughan, écrit le futur démolisseur de barques. Dans l’article que votre amie
Diana a fait contre moi, elle s’est trahie. Il suffit de le lire, pour avoir la
conviction que votre Diana Vaughan n’a pas l’esprit de Dieu avec elle :
dans chaque ligne, dans chaque mot, c’est l’esprit de l’orgueil, l’esprit de
mensonge, l’esprit de vanité qui domine ; ce ne sont pas des vertu
chrétiennes. Elle et son éditeur sont furieux contre moi, parce que je les ai
devancés dans la publication de mon Francesco Crispi ; elle veut
faire de la réclame à son Le 33e Crispi en traînant dans la
boue publiquement l’auteur de Francesco Crispi et son œuvre néfaste. »
Bien terre-à-terre ceci. M.
Margiotta sait, pourtant, que je n’ai jamais recueilli un centime d’un seul de
mes écrits, et que je n’ai jamais fait argent d’un document quelconque. Au
surplus, tous mes éditeurs, y compris les éditeurs amis de M. Margiotta,
peuvent le certifier : mes droits d’auteur sont entièrement, intégralement
abandonnés aux bonnes œuvres auxquelles je m’intéresse.
Laissons. Voici qui est
plein de promesses :
« Oh ! Elle se
trompe, la pauvre fille ! La boue n’arrive pas jusqu’à moi. Si j’ouvrais
la bouche, si je publiais les petits papiers qui sont dans mon tiroir, on
verrait bien quelles personnes seraient vouées au mépris public. »
Je n’ai point gardé copie de
toutes mes lettres à M. Margiotta ; mais il peut publier mes petits
papiers. Qu’il ne se gêne pas, si le cœur lui en dit. Qu’un seul mot incorrect
écrit par moi, soit reproduit ; j’en défie quiconque.
Ensuite, M. Margiotta
déclare impossible la production d’une preuve authentique de ses odieux propos
contre mon honneur.
Si le saint et vénérable
ecclésiastique, devant qui M. Margiotta a écrit sa lettre aimable du 10 juin,
en manifeste le désir, je lui enverrai les preuves les plus authentiques que
ces abominables propos ont été tenus ; ces preuves émanent des hommes les
plus respectables, et ces témoins sont connus tout particulièrement du
vénérable à qui M. Margiotta en a imposé par trop longtemps sur la
recommandation d’un de mes bons amis, trompé lui-même.
Je passe un alinéa qu’il est
inutile de reproduire ici. Il s’agit d’un manuscrit de M. Margiotta qu’un de
mes amis lui a rendu et sur lequel se trouvent certaines phrases grotesques,
que j’ai biffées. M. Margiotta nie. La chose a peu d’importance. Toutefois, il
est bon que M. Margiotta sache que j’ai entre les mains une attestation de
propos identiques à ces phrases. En outre, je lui rappelle que, si la
composition du feu grégeois est perdue, il n’en est pas de même de l’art de la
photographie.
Ne voulant pas abuser de
l’hospitalité de la Revue Mensuelle, je suis obligée de laisser bon
nombre de perles, qui mériteraient d’être enchâssées d’un joyeux commentaire.
M. Margiotta va jusqu’à me menacer de la cour d’assises !…
Il y a de tout, dans cette
lettre du 15 juin. Mais il faut me borner.
Citons, cependant, ceci :
« Elle dit qu’elle
écrase la tête du reptile, en parlant de moi ! Belles paroles d’une
convertie au catholicisme romain, adressées à celui qui a ceint son front d’une
auréole d’idéalisme !… Mais ce n’est pas ma tête qu’écrasera la bonne
Diana : elle sait bien que je ne suis pas un homme à avoir peur ni de ses
bravades, ni d’aucuns de ses inspirateurs qui se cachent lâchement derrière son
dos. Je ne crains que Dieu, qui lit dans les profondeurs de mon âme ; quant
aux hommes, ça ne me fait pas peur !… »
Et ceci encore :
« Nous tous, tant que
nous sommes, nous pouvons faire gober aux badauds certaines choses ; mais
pas entre nous, qui savons au juste où la vérité finit et où la mystification
commence. »
Tout commentaire
affaiblirait la reproduction de cette phrase. Et c’est signé, cela ! C’est
signé Domenico Margiotta.
Patience ! Nous allons
montrer dans quel genre de mystification excelle l’aimable Commandeur.
Nous voici au gros morceau,
l’histoire des deux Diana Vaughan ; notre homme y tient. A toute force, il
veut me couper en deux. Cette insistance tourne au comique :
« Oui, monsieur Taxil,
je soutiens que votre amie Diana Vaughan, dont on a publié les portraits, ne
ressemble aucunement à la Diana Vaughan que j’ai connue à Naples. C’est vous,
et quelque autre personne de Paris, qui avez vu à l’hôtel Mirabeau une femme
qui se faisait appeler Diana Vaughan et qui vous a reçu princièrement, et que
sais-je ? Moi, je ne l’ai pas vue depuis des années ! Mais la
première femme venue peut se présenter sous un nom d’emprunt ; c’est la
mode des horizontales de haute marque ; les Luciennes et les Yvonnes
foisonnent dans la capitale. Et que la Diana Vaughan que j’ai connue à Naples
sache que je ne suis pas du tout flatté d’avoir été son ami ! »
J’avoue que, depuis 1889, je
puis avoir un peu changé, et que, dans la soirée napolitaine où M. Margiotta
prit part à mon thé d’amis, le costume de voyage peut avoir laissé je ne sais
quelle impression dans l’esprit de ce malheureux homme. Mais baser une négation
aussi audacieuse sur une plus ou moins sincère absence de souvenir, en une
question de physionomie, c’est aller un peu loin !… J’ajouterai :
pour quiconque pèsera les nombreuses contradictions de cette lettre, il sera évident
que M. Margiotta s’est empêtré dans sa sotte histoire des deux miss Diana
Vaughan, et qu’il ne sait plus comment s’en tirer[73].
Tout ceci est maladroit. Par
contre, ce qui peut paraître une habileté : M. Margiotta demande à voir un
acte légal. Pour lui citer le plus récent, il y a celui que mon mandataire à
Paris a fait enregistré le 11 juillet courant direction centrale de
l’enregistrement et du timbre, bureau des actes synallagmatiques (folio 64, n°
574). Est-il possible de supposer, après cela, qu’il y a une autre Diana
Vaughan que moi ?
Mais j’ai honte de
m’abaisser à discuter ces choses. M. Margiotta est tout à fait sans gêne en
matière de propriété littéraire ; il l’a prouvé par ses derniers ouvrages.
Eh bien, qu’il essaie donc à mon encontre : je réponds que ce ne sera pas
mon éditeur qui poursuivra pour son compte, mais mon mandataire qui en mon nom
et pour moi, en personne. M. Margiotta verra alors s’il existe deux Diana
Vaughan ou une seule. Allons, qu’il tente l’expérience ; il n’y a pas à se
gêner vis-à-vis d’un mythe. Et qu’il ne repousse pas ce défi, en prétendant que
c’est, de ma part, affaire de gros sous. L’indemnité de la contrefaçon sera
versée par moi, comme tous mes droits d’auteur, à une œuvre catholique.
Reprenons les citations de cette
interminable lettre. Celles-ci seront les dernières.
Suite des
contradictions : la Diana Vaughan, la fausse, qui reçoit ses amis
catholiques à l’hôtel Mirabeau, est tout de même une invisible.
« Oui, la conversion de
votre invisible Diana Vaughan laisse tout le monde perplexe ; car ce n’est
pas elle qui a quitté la Franc-Maçonnerie par dégoût, mais c’est la secte qui
l’a flanquée à la porte, et elle, pour bien pouvoir se venger, s’est jetée dans
les rangs des catholiques. »
Il faudrait s’entendre. Si la
femme qui écrit ces lignes est une aventurière quelconque, une mystificatrice,
une fausse Diana Vaughan, pourquoi venir dire que la vraie a été
« flanquée à la porte des Triangles. »
Bon Dieu ! quel
bafouillage !…
« Pour le moment, j’ai
dit. Je n’ai qu’à ajouter une chose : je ne m’occupe pas des faux
anti-maçons de Paris ; qu’on me laisse la paix ; qu’on désorganise
les lâches complots qui ne me font pas peur, et que chacun travaille à sa
manière pour le bien.
Que la vraie ou la fausse
Diana Vaughan publie la lettre que je lui ai adressée, d’ordre supérieur, et
qu’elle profite de cette occasion pour m’adresser des excuses
honorables. »
Délicieux ! c’est moi
qui dois des excuses à M. Margiotta.
Que je sois la vraie ou la
fausse Diana Vaughan, j’ai le devoir de lui présenter mes humbles regrets
d’avoir eu, après une année tout entière d’endurance silencieuse, une révolte
contre ses basses calomnies, visant mon œuvre de réparation.
Et là-dessus, Polichinelle
renforce la voix et joue au Croquemitaine. Trente lignes de nouvelles menaces
aux rédacteurs de la Revue Mensuelle et à leurs amis. « J’irai
jusqu’au bout, s’écrie-t-il, je le jure sur la Très-Sainte Hostie et sur la
Très-Sainte Vierge ! »
Attends encore un peu,
lecteur catholique, tu vas être bientôt fixé sur la valeur de ces serments.
La fin de la lettre, vaut à
elle seule, un long poème.
« Recevez, Monsieur,
mes civilités empressées. Sans réponse !
Je vous annonce, Monsieur,
que copie de cette lettre a été adressée à d’autres personnes, afin qu’on ne puisse
pas dire que Margiotta est devenu un lapin devant les attaques vaughaniennes.
J’en ai fait sept copies.
Domenico Margiotta. »
A présent, résumons le
débat.
M. Margiotta, - qui n’est
pas un lapin, - a imaginé une thèse assez bizarre, mais bien faite pour jeter
le doute dans les esprits. Je dis que l’unique but de cette manœuvre est de
nuire à mon œuvre de réparation, en la discréditant.
Selon M. Margiotta, il y
a : 1° une vraie Diana Vaughan, « dont il n’est pas du tout flatté
d’avoir été son ami », qui est celle qu’il a connue en 1889 à Naples, avec
laquelle il a correspondu alors qu’ils combattaient ensemble Lemmi, elle, en
s’appuyant sur les Palladistes américains indépendants et quelques hauts-maçons
indépendants d’Europe, lui, en faisant cause commune avec la Fédération
indépendante des Suprêmes Conseils écossais de Naples et de Palerme ;
cette Diana Vaughan est celle « dont il a ceint le front d’une auréole
d’idéalisme », tout en la méprisant quelque peu dans son for intérieur ;
mais, s’il l’a ainsi auréolé, quoique pas flatté de l’avoir connue, c’est à
titre d’ancienne camarade de lutte contre le fripon du palais Borghèse. Et 2°
il y a une fausse Diana Vaughan, une aventurière quelconque, qui s’est fait
passer pour la vraie, sans avoir même aucune ressemblance avec elle, qui a
tout-à-coup publié Le Palladium Régénéré et Libre (mars-avril-mai 1895),
afin de jouer bientôt la comédie d’une conversion et de mystifier ainsi les
catholiques. Pour obtenir quel résultat, cette mystification ? M.
Margiotta n’en a cure ; il lui suffit de répandre ce bruit, d’une
mystification par une fausse Diana Vaughan. Je dis que M. Margiotta est de
mauvaise foi ; cet homme, qui se coupe à tout instant dans sa lettre, sait
bien qu’il n’existe pas deux Diana Vaughan, mais une seule, qui est vraiment
celle qu’il a pris en haine, dont la conversion sincère est venue brusquement
gêner les plans de sa conversion simulée, et qu’il lui faut, par conséquent,
réduire au silence, s’il le peut, par n’importe quels moyens.
Comment donc confondre M.
Margiotta ? Comment prouver irréfutablement que la Vaughan convertie en
1895 est bien la Vaughan qu’il a connue à Naples en 1889 et avec laquelle il a
fait campagne en 1894 contre Lemmi ?
Par production de
photographies ? J’y avais pensé, d’abord. Pour la ressemblance, les
dessins sont en général assez vagues ; même, les procédés actuels de
photogravure ne donnent pas toujours la ressemblance parfaite. On pourrait donc
soumettre à quelques-unes des personnes que j’ai reçues, alors qu’il n’y avait
pas encore de danger absolu pour moi, non pas une reproduction, mais quelques
photographies, parmi les meilleures ; faire attester que le portrait est
bien le mien ; puis obliger M. Margiotta à se prononcer. Mais ceci ne se
pourrait que s’il était de bonne foi. Or, à quoi bon tenter cette
expérience ? Me reconnaîtrait-il parfaitement, M. Margiotta dirait pour
les photographies les meilleures ce qu’il a écrit pour les dessins : qu’il
ne me reconnaît pas, qu’on lui présente les portraits de toute autre personne
que son ancienne camarade de lutte contre Lemmi.
Eh bien, il y a mieux à
faire, et plus simple.
Si je suis une fausse Diana
Vaughan, certainement je ne suis pas en possession des papiers de la vrai Diana
Vaughan. Si la Diana Vaughan du Palladium de 1895, la Vaughan convertie,
n’est pas le même que la Diana Vaughan de 1889 et de 1894, n’est pas celle que
M. Margiotta connaît et avec qui il a combattu Lemmi, il est de matérielle
impossibilité qu’elle ait entre les mains la correspondance de M. Margiotta
avec la vraie Diana Vaughan.
Dans sa lettre du 15 juin,
M. Margiotta ne s’oppose pas à ce qu’on reproduise des lettres de lui,
antérieures à l’époque de ma conversion ; il semble même porter un défi à
ce sujet. Pas de lettres falsifiées, ou gare à la cour d’assises !…
La voilà donc, la preuve
irréfutable. Les lettres ; ce qui est écrit par M. Margiotta ; ce que
M. Margiotta a signé.
Lorsque je mis M. Margiotta
en mesure de publier le premier le jugement de condamnation de Lemmi,
c’est-à-dire le fac-similé de la copie authentique délivrée par le greffe
correctionnel de Marseille pour le dossier que le chevalier Constantin Nigra
avait demandé à Napoléon III, la reproduction photogravée de ce document a fait
disparaître tout doute, a ruiné les négations de Lemmi, et chacun s’est
écrié : Oui, ce jugement est vrai ! Oui, Lemmi a été réellement
condamné pour vol ! Quelle énorme responsabilité auraient encourue les
éditeurs Delhomme et Briguet et l’auteur Margiotta, si un tel document avait été
un faux !…
Procédons de même, et
mettons sous les yeux du public quelques-unes des lettres de M. Margiotta à la
vraie Diana Vaughan, puisqu’il faut en venir là pour confondre son audace.
Je négligerai les petites
questions personnelles, le terre-à-terre, ce qui est d’ordre essentiellement
privé. Je me bornerai à extraire de cette correspondance ce qui est relatif à
la situation publique prise par M. Margiotta. En prouvant ainsi, qu’il n’y a
pas deux Diana Vaughan, mais une seule, je montrerai en même temps le Margiotta
vrai, le Margiotta-Janus. Tant-pis pour lui !
De cette correspondance il
ressortira, sans contestation possible :
1° Que, pendant une longue
période de temps, postérieure à son abjuration, M. Domenico Margiotta a
continué à pratiquer le luciférianisme et à faire partie du Suprême Conseil de
Palerme ;
2° Que, même après la
publication de son volume Adriano Lemmi, il trompait les catholiques et
donnait des gages au Suprême Conseil de Palerme, se faisant reconnaître par les
membres de ce Suprême Conseil comme n’ayant jamais cessé d’être bon haut-maçon,
c’est-à-dire luciférien, de cœur et d’âme.
3° Que, s’il a été
finalement radié de la Maçonnerie italienne indépendante, en janvier 1895,
c’est parce que, écœurée d’une telle duplicité, j’ai fait enfin comprendre au
Suprême Conseil de Palerme qu’il n’était pas digne, d’une Maçonnerie se disant
loyale, de conserver des relations avec un homme, s’affirmant à elle excellent
luciférien et se couvrant, devant le public, d’un masque de zélé catholicisme.
De façon incidente, je dois
dire d’abord que les catholiques ont manqué de perspicacité. M. Margiotta, qui
m’accuse d’orgueil, se pare du titre de Chevalier et même de celui de
Commandeur. Dans son volume Le Culte de la Nature, à la première page
s’étale une magnifique gravure hors texte, donnant son portrait, avec cette
légende : « Le Commandeur D. Margiotta de Palmi, en tenue de
Chevalier de l’Ordre pontifical du Saint-Sépulcre de Jérusalem. »
J’ignore de quel ordre M.
Margiotta est commandeur ; il néglige de l’indiquer. Si ce titre est
d’origine maçonnique, le porter aujourd’hui publiquement serait par trop
violent, de la part d’un converti. Au cas où Lemmi viendrait à se convertir, -
tout est possible, avec la grâce de Dieu, - il me semble que dès lors il ne se
ferait plus appeler le Commandeur Lemmi. Pour éviter tout quiproquo, M.
Margiotta sera donc mieux avisé de mettre, à sa prochaine édition, son titre au
complet. Laissons.
Le plus étrange, c’est le
titre de Chevalier du Saint-Sépulcre, et c’est précisément celui qui lui a été
conféré. Or, j’ai lu, il y a quelque temps, que M. Margiotta fut créé Chevalier
du Saint-Sépulcre fort auparavant sa conversion, à l’époque même où il était
franc-maçon, mais où les catholiques l’ignoraient. Il est donc d’absolue
certitude que M. Margiotta trompa une première fois les catholiques, lorsque,
se cachant d’être franc-maçon, dissimulant ses hauts grades dans la secte, il
se fit conférer un ordre pontifical. Impossible de le nier : voilà une
décoration catholique obtenue par fraude, par inqualifiable fraude !
Admettons un instant la
conversion sincère : M. Margiotta n’aurait-il pas honte d’avoir trompé à
ce point le vénéré Patriarche de Jérusalem et les chrétiens confiants qui lui
servirent de parrains pour le faire agréer dans l’ordre pontifical ?
Est-ce que son repentir et son humilité ne lui commanderaient pas de taire ce
titre décroché dans la honte d’une hypocrisie vraiment extraordinaire ?
Je ne vois pas d’autre mot
pour souligner tout cela… Fi ! Que cela est honteux !
Quant à moi,
j’ignorais ; j’ai ignoré jusqu’au jour où tombèrent sous mes yeux les
lignes du journal catholique relatant le fait, sans y insister, sans s’en
indigner ; à peine un léger regret, marqué à demi-mot.
Et des catholiques prêtent
l’oreille aux propos de M. Margiotta, leur racontant cette sotte histoire de
deux Diana Vaughan, une vraie et une fausse ! Et des catholiques savaient
que cet homme, étant franc-maçon, s’était joué du vénéré Patriarche de
Jérusalem, et ils ne se sont pas défiés !… Je comprends qu’un chrétien
pardonne, qu’il pardonne tout ; mais il me semble que la défiance s’impose
d’elle-même vis-à-vis de quelqu’un qu’on sait être à deux faces ;
l’hypocrisie est dans le caractère. Pour ma part, c’est lorsque j’ai été certaine
que M. Margiotta jouait double jeu, que j’ai cessé toutes relations avec
lui ; ce fut au même moment où il me racontait l’écroulement de ses
immeubles (hôtel et villa). J’ai eu la charité de ne parler que de cela dans le
fascicule n° 10 de mes Mémoires ; mais, puisque mon calomniateur
s’obstine dans sa calomnie, il m’oblige à dire quel autre sentiment fut plus
fort encore pour me faire rompre : le dégoût de sa duplicité, l’aspect de
ses deux visages, l’un catholique, l’autre luciférien.
Non, les Janus ne furent jamais
mes amis.
Or, M. Margiotta n’a jamais
cessé d’avoir deux faces.
Le 7 mars 1894, M. Domenico
Margiotta abjurait, à Rome, devant le Saint-Office, la franc-maçonnerie et le
luciférianisme. Le 11 avril 1894, plus d’un mois après, le même homme, demeuré
en réalité le F.˙. Domenico Margiotta, appartenant encore au Suprême
Conseil de Palerme, négociait le rattachement direct de ce Suprême Conseil au
Sanctum Regnum de Charleston, pour le faire reconnaître comme Grand Orient de
Sicile, indépendant du Grand Orient d’Italie de Lemmi. Je dis bien : le 11
avril. En effet, le calendrier maçonnique part de mars, et avril est donc le
IIe mois.
Voici la lettre que M.
Margiotta écrivait le 11 avril 1894 à la vraie Diana Vaughan. Je la reproduis,
d’autre part, en fac-similé photogravé, afin de réprimer d’avance toute
négation :
« A la gloire du Grand
Architecte de l’Univers
Liberté, Egalité
(uguaglianza), Fraternité
Orient
de Palmi (Italie Calabres)
Le
XIe jour du IIe mois
An
de la Vraie Lumière 000894
Très chère Sœur Diana
Vaughan,
Maîtresse Templière
Souveraine, grande maîtresse du Parfait Triangle Phébé-la-Rose, déléguée
provinciale de New-York et Brooklyn, Membre d’Honneur Protecteur du Suprême
Conseil Grand Orient de Sicile, à l’orient de Londres.
J’ai la faveur de Vous
envoyez, Très Chère Sœur, par ordre supérieur, le Décret qui Vous nomme Membre
d’Honneur Protecteur du Suprême Conseil Grand Orient de Sicile, ainsi que la
balustre d’accompagnement ci-jointe.
Daignez m’en accuser
réception, afin que je puisse annoncer au Suprême Conseil Général que
l’agréable mission, qu’il m’a confiée, a été accomplie.
Veuillez bien, Très Chère
Sœur, prendre en considération l’ardent désir du Grand Orient de Sicile, lequel
espère en Votre Grand Cœur de Parfaite Initiée.
Je suis très heureux, Très
vaillante Sœur Diana, d’avoir été choisi par le Suprême Conseil Général de
Palerme, de faire les démarches auprès de Vous et du légitime Successeur de
notre regretté Frère le Puissant Général Albert Pike, résidant au Sanctum Regnum
de Charleston, afin que la Fédération Maçonnique Italienne soit reconnue comme
Puissance Maçonnique régulière pour la juridiction d’Italie et de ses Colonies.
Cet acte rendrait furieux
l’intrus du Palais Borghèse, l’usurpateur du Souverain Pontificat de la
Franc-Maçonnerie Universelle que nous tous travaillons pour démolir ; car
il ne mérite pas d’occuper le Saint-Siège de notre Dieu de Lumière.
Je suis en train de faire un
volume contre Simon, contre l’indigne qui a divinisé le vol, en imposant aux grands-triangles
le nom d’un voleur : Barabas ; et je prie chaleureusement,
Très chère Sœur, votre bon cœur de vouloir bien m’envoyez quelques
renseignements afin que mon volume soit bien documenté.
Dans l’attente d’un mot de
Vous, très Chère et Gracieuse Sœur, je suis, par les serments qui nous
unissent, Très Chère Sœur Diana,
Votre affectionné Frère,
D. Margiotta.[74] »
Voilà du très clair ;
voilà du parfait style luciférien. L’homme qui écrivait cette lettre, avait
abjuré plus d’un mois auparavant. Il ne signait pas en simple maçon, par les
trois points formant triangle à pointe en haut ; il signait en haut-maçon
palladiste, en Hiérarque, 2e degré, par les trois points formant
triangle à pointe en bas.
Il trompait les catholiques,
puisqu’il demeurait dans la secte, même après son abjuration. Et il me
trompait, puisque, me sachant dans l’erreur luciférienne, il me cachait son
acte accompli à Rome et me témoignait des sentiments de palladiste orthodoxe.
Dans quel camp était-il, en
réalité ? Le lecteur sera juge.
Pourquoi me tromper ?
M’étais-je jamais montrée hostile à la personne d’un catholique ? Mais, en
1893, pour ne pas remonter plus haut et ne parler que de vivants, j’ai reçu des
catholiques, sans en faire mystère ; j’ai correspondu avec des
prêtres ; conversations et correspondances roulèrent sur Lemmi et son
indignité. M. Margiotta ne l’ignorait pas, puisque c’est cela même que les
partisans de Lemmi me reprochaient avec colère, au sein de la Maçonnerie.
On comprendrait M. Margiotta
venant à moi en parfaite loyauté et m’écrivant : « Vos idées sur la
divinité ne sont plus les miennes ; j’ai retrouvé la foi de mon
enfance ; voici un mois que je ne suis plus maçon luciférien, ni même un
maçon d’une façon quelconque ; je suis redevenu catholique romain. Voulez-vous,
néanmoins, me documenter sur l’indignité de Lemmi ? Puisque vous avez le
dossier obtenu par Nigra, voulez-vous me donner une photographie des documents
authentiques ? Je les reproduirais en fac-similé dans un volume que je
prépare, et j’établirais ainsi publiquement que l’intrus du palais Borghèse est
un fripon. »
J’aurais agi vis-à-vis de M.
Margiotta, redevenu catholique, exactement comme j’ai agi à l’égard des
catholiques avec qui j’étais en relations ; tout au plus lui aurais-je
écrit que je regrettais que la Maçonnerie indépendante eût perdu en lui un de
ses membres actifs. M. Margiotta n’aurait pas été le premier maçon converti
avec qui j’ai eu bonnes relations d’amitié, même au temps de mon erreur.
Converti, je ne l’aurais pas
documenté sur les secrets du Sanctum Regnum, cela est certain ; mais non
converti, pas davantage. M. Margiotta sait qu’en maçonnerie tout membre d’un
degré quelconque se tait, là-dessus, devant un Frère d’un degré inférieur au
sien. D’ailleurs, sa demande d’informations, de renseignements pour un ouvrage
destiné à la publicité, ne pouvait être considéré que s’appliquant aux faits
d’indignité de Lemmi ; et je ne pris pas sa demande autrement.
En vain, M. Margiotta
soutiendrait-il qu’il agissait vis-à-vis de moi avec une ruse, excusable, trop
zélé peut-être, et voulant rendre un service aux catholiques en me trompant à
leur profit. Non, non ; car alors, pourquoi se serait-il entremis, au nom
du Suprême Conseil de Palerme, comme son négociateur pour le rattachement direct
à Charleston ? Voilà ce qui condamne M. Margiotta. En réalité, il était
demeuré membre du Suprême Conseil de Palerme, et c’est le Saint-Office qu’il
avait trompé. A moins de dire : il trompait tout le monde ; ce qui
est encore possible.
Le livre de M. Margiotta se
fit en juillet et août. L’éditeur exigea que le manuscrit, défectueux, fût revu
par un rédacteur de la Revue Mensuelle ; cela se trouvait à
merveille ; dans la rédaction de la Revue Mensuelle, je n’ai
toujours eu que des bons amis. On me communiqua, aux derniers jours de
composition, des épreuves et le manuscrit du dernier chapitre. Alors je vis que
M. Margiotta s’était converti. Je crus à la conversion toute récente ; on
ne jugea pas utile de m’en dire la date, on me laissa dans mon erreur. Je ne
blâme pas ; on ne me mentit point, on s’abstint de me renseigner sur la
date réelle de l’abjuration.
Cette erreur m’empêcha de
mésestimer M. Margiotta à ce moment-là. Jamais je n’aurais pu soupçonner une
duplicité telle que celle du 11 avril !… Je me bornai à montrer un peu de
mauvaise humeur : il me semblait que M. Margiotta aurait bien pu, ne
fût-ce que par convenance, me faire tenir un mot, m’informant de son changement
de front. J’avais annoncé, à tous mes amis du Palladisme indépendant, un volume
contre Lemmi, dans un sens ; tout à coup, je recevais les épreuves d’un
volume catholique. Que l’on veuille bien faire la part de l’état d’âme dans
lequel je me trouvais : je fus froissée. Je m’en plaignis, et sans doute,
afin de ne pas m’irriter davantage, on se garda bien de m’apprendre que M.
Margiotta m’avait trompée dès le début.
Cependant, quelques
réfractaires à la domination de Lemmi commençaient à se grouper ; on
m’adjurait de revenir sur ma détermination de rester luciférienne isolée. La
Fédération des Triangles du Palladium Régénéré et Libre se préparait, se
constituait peu à peu.
En ce temps-là, M. Margiotta
me fit passer quelques lettres, par l’intermédiaire que je lui avais désigné.
Puisqu’il était catholique, il ne pouvait se plaindre d’être en relation avec
moi par un ami commun, catholique ; on comprendra, d’autre part, que je ne
pouvais, jouant alors gros jeu contre Lemmi, multiplier mes intermédiaires,
donner mon adresse à l’un et à l’autre, surtout à M. Margiotta qui n’avait pas
été franc avec moi.
Cette obligation de
correspondre, en remettant sa lettre à un autre qui me l’expédiait fidèlement,
l’irritait fort. L’intermédiaire remettait les lettres chez une dame de mes
amies, habitant Paris. C’était l’adresse où se centralisait toute ma correspondance ;
mais je ne demeurais point là. Or, M. Margiotta, tout en me faisant l’éloge de
l’ami commun catholique, voulait absolument avoir l’autre adresse. En premier
lieu, je ne vis dans son insistance que le désir de gagner du temps dans la transmission
des lettres. Oh ! Comme je me trompais !…
Au fond, M. Margiotta ne
s’offensait pas de ce qu’une ou plusieurs personnes fussent interposées entre
lui et moi ; mais il tenait, à tout prix, à ce qu’il n’y eût pas
d’intermédiaire catholique.
Son obstination s’était
accrue, avec une certaine acuité de mécontentement, au moment où j’entrepris
mon voyage en Italie, venant de Vienne, dont j’ai parlé dans mon article sur
Luigi Ferrari.
Je me refusai à lui donner
l’adresse de la personne chez qui se centralisait ma correspondance, cela va
s’en dire ; et je tranchai la difficulté en l’autorisant à m’écrire
directement, sans aucun intermédiaire. Pour cela, je lui fis connaître le nom
de la Sœur écossaise qui m’avait prêté ses papiers, nom sous lequel je voyageais.
C’était peut-être
imprudent ; mais je brûlais les étapes, et puis, M. Margiotta m’obsédait,
en me répétant sur tous les tons qu’il avait besoin de m’écrire sans que ses
lettres passassent par les mains de l’ami commun catholique.
Ayant presque toujours un copie-lettres
de voyage, je puis publier, ici, quelques échantillons de notre correspondance.
Le 10 novembre 1894, entre
autres, M. Margiotta m’avait écrit : « Vous êtes injuste d’être
fâchée contre moi, ma chère amie. Lorsque j’aurai l’honneur de vous revoir ou
de vous écrire directement, avec ordre d’éviter les intermédiaires, vous me
remercierez de vous avoir mise au courant de la question, et vous serez
contente de comprendre tout ».
J’étais à mille lieues de me
douter de ce que M. Margiotta avait à m’apprendre. Il s’était expliqué avec ses
amis du Suprême Conseil de Palerme, au sujet de la note catholique donnée à son
volume contre Lemmi. Selon lui, c’était le réviseur de son manuscrit qui,
abusant de cette sorte de collaboration demandée par les éditeurs, l’avait fait
parler contre sa pensée intime. Il aurait voulu publier un ouvrage sans couleur
religieuse, uniquement consacré à dévoiler l’indignité personnelle de
Lemmi ; mais on l’avait poussé, et, finalement, il n’avait pu résister à
cette pression.
M. Margiotta ne me raconta
pas tout ; car j’eus un haut le cœur, dès sa seconde lettre directe, et je
brisais là.
A Palerme, on avait eu la
naïveté de la croire, ou, peut-être, avait-il donné des gages. Le F.˙.
Militello, secrétaire général du Grand Orient de Sicile, avait consenti à se
porter son garant et l’avait fait réintégrer membre du Suprême Conseil. La
thèse de M. Margiotta avait été celle-ci : voyant l’impuissance des maçons
italiens indépendants de Palerme et de Naples, il avait fait acte d’habileté,
dans l’intérêt de leur cause, en simulant une conversion au catholicisme ;
cette pseudo-conversion avait permis que son volume contre Lemmi aurait un
retentissement considérable et mit les pièces sous les yeux de tout le public,
et par conséquent sous les yeux des maçons italiens qui doutaient encore. Sans
doute, il aurait préféré publier un volume incolore au point de vue
religieux ; mais dès l’instant que, par ruse de guerre, il était entré
dans le camp des catholiques, ses éditeurs et le réviseur de manuscrit qui lui
fut adjoint lui avait forcé la main. Il s’en était donc excusé ; il avait
juré, - la lettre est au Suprême Conseil de Palerme, - qu’il n’avait jamais
varié dans ses sentiments de haut-maçon adorateur du vrai Dieu de Lumière, et
il certifiait qu’en ayant l’air d’être catholique, il rendrait de bien plus
grands services à la Maçonnerie indépendante, que s’il était demeuré dans une
fédération ayant peur de Lemmi et frappée d’une impuissance notoire. Le
F.˙. Militello, lié par une vieille amitié avec M. Margiotta, avait plaidé
sa cause auprès de ses collègues du Suprême Conseil. Quelques-uns s’imaginèrent
qu’en effet il leur était bon d’avoir un des leurs dans le camp du catholicisme
romain. D’autres trouvaient insuffisant le gage de simples explications. Il fut
réinscrit néanmoins ; mais on avait décidé d’attendre mieux.
Les choses en étaient là,
lorsque, sur le point de partir de Venise et devant traverser le nord de
l’Italie et m’embarquer à Gênes pour l’Espagne, j’écrivis à M. Margiotta. J’étais
dans la complète ignorance des pourparlers de réintégration entre Militello et
lui. J’avais eu seulement connaissance de la première impression produite à
Naples et à Palerme par la nouvelle de sa conversion ; ne correspondant
pas personnellement avec ces petits Suprêmes Conseils, d’importance discutée
et, somme toute, fort anémiques, je croyais que Paolo Figlia, Militello et
autres étaient demeurés fâchés contre M. Margiotta, converti.
Le 2 décembre, je fus
obligée de renoncer à me rendre à Madrid, et j’allais à Ancône, puis à Rome et
à Naples. Le F.˙. qui devait m’accompagner en Espagne, s’y dirigea seul.
Mais, dans ma lettre écrite avant le changement d’itinéraire, je disais à M.
Margiotta :
« Venise, 1er décembre
1894
… Vous vous plaignez, mon
cher ami, d’avoir à m’écrire par intermédiaires. La mesure est générale, et je
l’ai prise avec de bonnes raisons. Je ne veux pas avoir, par pays, plus d’un
correspondant catholique ; en outre, le correspondant catholique, que j’ai
choisi en France ou dans tout autre pays, doit remettre sa lettre à telle
personne que je lui désigne et dont je suis sûre. J’ai des motifs graves pour
que ma nouvelle résidence et mes déplacements demeurent inconnus.
Par exception cependant, mais
pour une seule fois, je vous autorise à m’écrire directement dans huit
jours après aujourd’hui, si vous avez quelque chose de vraiment important à me
faire savoir. »
Je devais, en effet, dans le
projet primitif, être à Madrid les 9 et 10 décembre. Dans ma lettre, je mis une
enveloppe, où j’avais écrit le nom sous lequel je voyageais et l’adresse de
l’hôtel où je comptais descendre, à mon arrivée dans la capitale de l’Espagne.
Je frémis aujourd’hui, en
songeant à l’imprudence que je commis là. N’est-ce point la Providence qui me
contraignit à changer de route ?
J’avais ajouté dans ma
lettre de Venise :
« … Votre lettre me
parviendra très exactement ; je vous en accuserai réception, mais non
point pour entretenir correspondance.
Nous en resterons là,
nullement par défiance personnelle à votre égard ; je vous le maintiens,
la mesure est générale et ma décision bien arrêtée. »
Je demande pardon pour la
reproduction des lignes qui suivent. Alors, j’étais dans l’erreur, et je ne
saurais trop me reprocher d’avoir écrit ce qu’on va lire. Si confuse que j’en
sois, je dois, néanmoins, pour la pleine clarté de cette correspondance,
reproduire encore ce dernier alinéa de ma lettre à M. Margiotta :
« Vous avez eu grand
tort de passer dans le camp catholique ; car vous aviez de bons amis à
Naples et à Palerme. Ils regrettent vivement votre défection. Cette conversion
n’était pas nécessaire pour écraser Lemmi ; au contraire ! Les
catholiques se serviront de vous et ensuite vous rejetteront ; c’est le
parti de l’égoïsme et de l’ingratitude. Enfin, c’est votre affaire ; mais
tant-pis pour vous !
Votre amie très refroidie.
D. Vaughan. »
M. Margiotta me répondit de
Paris, le 4 décembre, une longue lettre dont j’extrairai seulement les passages
relatifs à ce que je veux prouver :
« … Je vous parle en
ami très affectionné et très dévoué, et je vous ouvre mon cœur comme à une sœur
et à une amie sincère, pour laquelle j’ai toujours eu la plus haute estime
et une vive admiration. »
Voilà ce que M. Margiotta
écrivait à la vraie Diana Vaughan, dont aujourd’hui « il n’est pas
flatté du tout d’avoir été l’ami ». Laissons.
« … Je vous remercie
bien sincèrement de m’avoir écrit. Le dernier alinéa de votre aimable lettre me
fait de la peine : vous n’avez pas saisi ma pensée. Mais pour cela
je vous écrirai longuement, aussitôt que mon esprit sera un peu calme. Je dois
vous dire des choses très intéressantes, mêmes graves ; mais vous ne devez
pas me forcer à passer par l’intermédiaire de Monsieur J. Je veux bien passer
par l’intermédiaire de votre amie L., mais d’elle seulement. Je vous supplie
donc de m’accorder comme grâce spéciale de me donner l’adresse de Mademoiselle
L. et de l’autoriser à recevoir directement mes lettres à vous destinées. J’ai
des motifs très sérieux pour ne pas vouloir d’autre intermédiaire entre moi et
vous. Et quand vous aurez tout appris, vous me donnerez raison, et vous ne me
ferez plus de reproches à moi, reproches qui ne sont pas mérités.
Aussi je vous enverrai toute
ma correspondance avec une personne, et vous verrez alors à qui vos reproches
doivent s’adresser. Je vous expliquerai tout et vous jugerez.
Je dois vous dire encore que
c’est un peu vous la cause de ce qui vient de se passer. A qui m’avez-vous
adressé ? C’est justement lui qui a arrangé le tout à sa façon.
En attendant, je vous serre
bien affectueusement la main, et vous prie de me considérer toujours pour votre
meilleur ami.
D. Margiotta. »
Cette lettre me parvint à
Naples, réexpédiée de Madrid ; c’était la première, reçue directement,
sans aucun de ces intermédiaires qui agaçaient si fort M. Margiotta.
A Naples, siège du Grand
Directoire Central pour l’Europe, présidé par Bovio, qui est entièrement dévoué
à Lemmi, rien ne pouvait être exagération dans mes mesures de prudence. Je ne
vis personne autre que deux Frères du Triangle Santa-Rosalba, qui est
souché sur les Loges Anglia et I Figli di Garibaldi, où se
trouvaient alors des éléments bons à recruter pour le Palladisme Indépendant.
Je ne parlai de M. Margiotta ni à l’un ni à l’autre.
Ma mission remplie, je
n’avais plus rien à faire en Italie, et il m’était nécessaire de me rendre
assez promptement à Berlin ; toutefois, je me proposai deux ou trois
courts arrêts, dont l’un à Milan, pour me rendre compte des résultats des
négociations entamées par le F.˙. dont je m’étais séparée à Venise.
Une surprise m’attendait à
Milan : c’est là que j’eus un écho de la récente réintégration de M.
Margiotta au Suprême Conseil de Palerme.
L’ignorant encore à Naples,
mais voulant en finir une bonne fois avec toute cette prétendue nécessité de me
confier de graves secrets, je lui avais donné de nouveau le moyen de
correspondre par exception sans intermédiaire ; je lui avais écrit cette
lettre, qui fut la dernière, en quittant la cité du Vésuve :
« Naples,
16 décembre 94.
Mon cher ami,
Vote lettre m’est transmise
à Naples, où je suis venue d’abord… Maintenant, je suis obligée de renoncer à
me rendre en Espagne ; je retourne à ma résidence. Vous pouvez m’envoyez à
l’adresse ci-jointe votre lettre d’explications ; mais finissons-en, car vous
ne pourrez plus m’en adresser d’autres. Après le 25, j’aurai quitté Berlin sans
donner à personne aucun nouveau nom ni aucune adresse pour faire suivre.
Je ne comprends pas votre
insistance à vouloir que je vous mette en rapports avec L.-B. C’est déjà trop
peut-être que L.-B. ait eu à se faire connaître d’un catholique. Le 1er
décembre, je vous ai donné, ainsi qu’aujourd’hui, le moyen de m’écrire
directement, sans intermédiaire ; c’est plus que suffisant. Le secret de
L.-B. ne m’appartient pas, et, à vous le dire franchement, je trouve étrange
que vous teniez tant à le posséder, puisque vous n’en avez pas besoin pour
m’écrire.
Au lieu de m’annoncer par
deux fois que vous avez à m’apprendre des choses intéressantes, mêmes graves,
dites ce que vous voulez me dire ; en voilà assez. Vous me proposez la
communication de toute une correspondance ; je n’en ai nul besoin. Mieux
vaut que vous me disiez simplement et loyalement ce qui, selon vous, doit
justifier votre conduite.
Je vous ai indiqué Monsieur
J., parce que vous m’avez témoigné le désir de certains renseignements pour
documenter votre livre, et parce que son intermédiaire excellent et sûr évitait
de dévoiler d’autres personnes. Je me fie à Monsieur J., dont j’ai apprécié la
parfaite discrétion ; jusqu’à présent, il ne me paraît pas avoir démérité
de ma confiance. Sous le rapport de la documentation de votre livre, vous ne
devez pas, je suppose, regrettez de l’avoir connu.
Votre tort, à mes yeux, est
dans votre conversion, qui m’est incompréhensible ; vous n’avez même pas
l’excuse d’une vengeance à satisfaire, puisque des groupes italiens
indépendants étaient de tout cœur avec vous. Quand vous m’avez fait part de
votre projet de livre, vous m’avez caché dans quel sens vous vouliez le
faire ; je ne l’ai vu que par les épreuves. Néanmoins, je n’ai pas voulu
suspendre mes communications ; l’ouvrage était alors trop avancé ;
d’ailleurs, je n’ai qu’une parole ; mais je n’ai pas pu moins faire que de
comprendre que vous m’aviez trompée.
J’aime toujours savoir avec
qui je marche. Il m’a importé peu de m’allier contre Lemmi avec des
catholiques, qui ne me cachaient pas leurs sentiments, eux. Mais croire faire
campagne avec un frère de même opinion, et comprendre ensuite qu’il était
catholique de cœur, c’est pénible, pour rien dire de plus.
Agréez, je vous prie, mes
civilités.
D. Vaughan. »
Donc, à Milan, - Milan, où
les Loges Symboliques, travaillées par les amis de Sonzogno et de Cavallotti,
aspiraient à secouer le joug de Lemmi, - j’eus occasion de parler du livre de
M. Margiotta. « Il paraîtrait, me dit-on, que le F.˙. Margiotta,
tentant un grand coup, se sert des catholiques : c’est le bruit qui vient
de Palerme, où il a échangé de nombreuses lettres explicatives avec le
F.˙. Militello. Il aurait même si bien démontré sa réelle invariabilité
maçonnique, malgré les apparences de son volume, que le Suprême Conseil de
Palerme l’a réinscrit au nombre de ses membres, au moins provisoirement. »
Cette nouvelle me fit
bondir. Je n’y pouvais croire. Ce n’était pas l’explication que j’attendais,
certes. En mon aveuglement d’alors et me croyant dans la vérité, je tenais pour
impossible la conversion de quiconque avait eu la foi luciférienne. Je
supposais que M. Margiotta aurait à me narrer quelque histoire de vengeance
contre Pessina, triste sire qu’il détestait à outrance ; voilà quelles
étaient, en ma pensée, les seules circonstances atténuantes possibles.
Eh quoi ! C’était donc
sa correspondance avec le F.˙. Militello qu’il voulait me communiquer,
pour sa justification !
Allons, ce que j’apprenais,
ce que le Janus de Palmi allait bientôt me confirmer lui-même, me répugnait. Et
je me plaignais tout à la fois et les catholiques et les maçons de
Palerme ! Et ces derniers plus encore que les catholiques, cependant, à vrai
dire. Enfin, advienne que pourra, me disais-je. Puisqu’il trompe soit les uns,
soit les autres, peut-être le Dieu-Bon a-t-il voulu que l’incident se produise
à ma connaissance, afin que je mette un terme à une telle duperie.
Voici la lettre de M.
Margiotta, que je reçus à Berlin, non datée à l’intérieur, mais partie de Paris
le 23 décembre 1894, d’après le timbre de la poste marquant l’enveloppe :
« Ma chère amie,
… Vous me dites que vous
désirez savoir avec qui vous marchez. Je vous réponds en deux mots : vous
marchez toujours avec l’ancien et loyal ami. Militello est au courant de tout.
Vous avez eu tort de ne pas m’autoriser à vous écrire après vos
démissions. Je vous aurais demandé des conseils. J’avais plein le dos de
Lemmi-le-coquin et de ceux qui manquent d’énergie : j’ai cassé les vitres,
et j’ai fait tout le bruit que vous savez, afin que l’attention de tout le
monde se tournât vers Lemmi et l’écrasât. Ce qui est arrivé.
… Je n’ai pas du tout
intérêt à savoir l’adresse de votre amie L… Si je désirais la savoir, c’est au
seul but de vous écrire par son intermédiaire, sans passer par d’autres
intermédiaires… Je ne puis pas ni ne veux pas vous écrire par des tierces
personnes dont je ne suis pas sûr tant que cela ! Trouvez un autre moyen
pour que je puisse vous écrire et vous demander conseil à l’occasion ;
sans cela, à l’avenir, les choses pourraient se passer comme par le
passé ; tandis que, en marchant d’accord dans le plus profond secret,
tout pourra arriver autrement.
… Je fais la campagne contre
Lemmi en Italie en ce moment. Vous avez pu lire l’Italia Reale du
18 décembre.
C’était le moment d’aller en
Italie donner le coup de grâce à Lemmi, par une campagne très active à mener
sur les lieux. L’affaire de la Banque Romaine l’a anéanti avec son compère Crispi.
Si j’avais des moyens, je
les aurais entièrement anéantis : nos amis manquent d’énergie : ils
ont peur.
Je ne vous ai pas trompé. Je
ne pouvais pas vous dire toute ma pensée par des tiers.
Je vous serre bien
cordialement la main.
Votre ami.
(Signature illisible,
sauf l’initiale D.)
P.-S. Personne ne doit
savoir le contenu de cette lettre. J’engage votre parole d’honneur. »
Ce post-scriptum et le gribouillage voulu de la signature montrent que
M. Margiotta avait pleine conscience de la gravité de cette lettre.
Une remarque, pourtant,
avait jailli en mon observation : mon homme, pensant que j’allais être
tout heureuse d’apprendre qu’il n’avait jamais cessé d’être haut-maçon de cœur,
me donnait pour garant le F.˙. Militello, 33e, secrétaire grand
chancelier du Suprême Conseil Général de Palerme ; mais il ne me disait
pas tout ce que j’avais appris à Milan.
De deux choses, l’une :
ou M. Margiotta ignorait encore que le F.˙. Militello venait de lui
obtenir sa réintégration, encore toute récente, à titre secret ; ou bien,
ce qui était plus probable, sa crainte d’égarement postal ou autre de sa lettre
l’avait retenu, et il préférait que j’apprisse cette réinscription, en me
renseignant directement à Palerme, comme il m’y conviait.
Quoiqu’il en pût être, je n’hésitai
point. Je pris ma plus belle plume, et j’écrivis au F.˙. Paolo Figlia,
député au Parlement italien, souverain commandeur grand-maître du Suprême
Conseil Général de Palerme, Grand Orient de Sicile :
« Or.˙. de Berlin, 25e jour, Xe
mois, 000894.
Très Cher et Très puissant
F.˙. P.˙. Figlia,
J’ai appris, il y a quelque
jours à peine, que M. Domenico Margiotta, quoique ayant publiquement quitté la
Maçonnerie pour le Catholicisme Romain, vient d’être réinscrit, à titre secret,
dans votre Suprême Conseil, dont vous m’avez nommée Membre d’Honneur
Protecteur, par décret du 8 avril dernier (ère vulgaire).
Je ne pus accepter cet
honneur, ayant donné ma démission pure et simple de toute maçonnerie, quand me
parvint le dit décret. Je n’ai donc pas voix au Conseil.
Aujourd’hui, sollicitée de
rentrer en activité, je vais participer à la création d’une Fédération des
Triangles Indépendants, dont le siège central sera établi à Londres. Si votre
Suprême Conseil maintient sa demande, du 11 avril (ère vulgaire), de reconnaissance
officielle par la Haute-Maçonnerie Universelle du Palladium Régénéré et Libre,
je pose une condition sine qua non :
Vous aller rayer
définitivement, pour toujours, M. Domenico Margiotta. Il est inadmissible que,
dans une Maçonnerie honnête, on ait des gens à double face.
M. Margiotta trompe :
ou vous ; ou les catholiques. Si du Catholicisme Romain il n’a que le
masque, eh bien, qu’il le garde ; mais laissons cet homme aux ministres de
la superstition. A aucun prix, sa duplicité ne doit avoir chez nous son emploi.
Daignez agréer, Très Cher et
Très Puissant Frère, et avec vous tous les hauts-maçons indépendants résidant
en votre Vallée, ma frat.˙. salutation et l’assurance de mon dévouement,
dans la Justice, la Loyauté et la Vérité.
D. Vaughan. »
Je ne veux pas en dire
davantage ; mais je certifie que M. Margiotta n’a jamais plus reçu une
lettre d’un seul haut-maçon de Palerme.
Voilà donc de notables
extraits de la correspondance échangée entre M. Margiotta et la vrai Diana Vaughan,
celle dont il fait aujourd’hui une personne distincte de la convertie de juin
1895. Voilà donc établi, sur le dos de M. Margiotta lui-même, que les deux ne
font qu’une.
Bien que je ne sois jamais
engagée à garder le secret sur ces lettres, il ne me serait pas venu en
l’esprit la pensée de m’en servir, sans les dernières provocations du Janus
italien. Mon abstention n’aurait pas eu pour cause le dernière phrase du
post-scriptum du 23 décembre : « J’engage votre parole
d’honneur », phrase qui amène le sourire ; car on peut demander à
quelqu’un sa parole et la recevoir, mais on ne peut imposer la discrétion à une
personne au nom d’une parole qu’elle n’a pas donnée. Luciférienne, je n’eus que
du mépris pour cet homme, dès l’instant où je connus sa duplicité ;
chrétienne, ce mépris se changea en une sorte de pitié.
Et même, aujourd’hui que cet
audacieux calomniateur a traîné dans toutes les boues ma réputation d’honnête
femme, aujourd’hui qu’il a eu recours à la plus perfide des manœuvres pour
empêcher mon œuvre de réparation de porter ses fruits, aujourd’hui qu’il m’a
mise dans l’obligation d’arracher son masque de faux-converti, c’est encore la
pitié qui l’emporte, malgré tout.
Oui, cet homme est un grand
coupable. Oui, c’est le fourbe par excellence, et il incarne tant et si bien
l’astuce qu’à ces titres de Chevalier et de Commandeur dont il se pare, on peut
ajouter celui-ci, qui lui siérait le mieux : Son Excellence la Fourberie.
Mais le pardon se doit toujours aux coupables repentants, quelle que soit l’énormité
de leurs fautes et fussent-ils retombés cent fois, mille fois dans le même
péché, et l’homme, nature faible, porte en lui l’excuse de son origine, la
déchéance de nos premiers parents, et sur lui, pour laver la faute dont il est
contrit, tombe le sang divin qui fut versé sur le Calvaire par le Rédempteur
crucifié, Jésus amour infini, Jésus adorable Sauveur.
M. Margiotta trompa les
catholiques, quand, franc-maçon, il se fit frauduleusement décorer d’un ordre
pontifical. Il les trompa encore, quand, plus d’un mois après son abjuration,
il négociait le rattachement à Charleston du Suprême Conseil de Palerme, dont
il est resté membre. Il les trompait encore et toujours, quand, même après son
volume Adriano Lemmi, il offrait ses services secrets aux hauts-maçons
italiens indépendants et les faisait accepter. Et si, depuis janvier 1895, il
n’a pu utiliser sa fourberie au profit de ses amis maçons de Palerme et de
Naples, c’est parce que son masque de catholicisme lui a été laissé pour
compte, comme une marchandise sans valeur et méprisée.
Ce malheureux, qui dit
savoir si bien où la vérité finit et où la mystification commence, a voulu
mystifier les catholiques, et il y a réussi jusqu’à ce jour ; mais, en ce
jour, sa mystification retombe sur lui et l’accable. Le voici, par terre, entre
deux selles.
Eh bien, catholiques, ayez
encore pitié de lui.
Pour le ramasser et le
remettre en selle ? Non, ce serait une nouvelle imprudence. En lui, la
déchéance originelle s’est caractérisée par la fourberie ; la duplicité
lui étant comme une seconde nature, il est sage de se tenir plus que jamais en
garde. Peut-être succomberait-il de nouveau.
Le Congrès Antimaçonnique
International de Trente a eu tout le succès qu’on pouvait attendre d’une Assemblée
hautement patronnée et plusieurs fois bénie par Sa Sainteté Léon XIII, composée
des représentants les plus autorisés du monde catholique, inspirée par l’idée
la plus élevée et la plus sainte, celle d’opposer une forte digue aux
empiètements toujours croissants de l’impiété maçonnique, et de délivrer
l’Eglise et la société de leurs plus mortels ennemis. […]
Au Congrès de Trente, une
question subsidiaire fut posée au sein de la IVe Section (de l’action
anti-maçonnique) par quatre congressistes allemands, dont le plus ardent, le
docteur Kraztfeld, était venu de Cologne, animé des sentiments les plus
hostiles contre toutes les révélations quelconques au sujet de la
Haute-Maçonnerie et du Rite Palladique Réformé Nouveau. Allant plus loin que M.
Margiotta et s’appuyant sur de récentes négations maçonniques, publiées à
Leipsig, le docteur Kraztfeld déclara que Miss Diana Vaughan n’existait pas et
que ceux qui affirmaient son existence devaient en donner publiquement toutes
les preuves. Les négateurs allemands obtinrent ainsi la tenue d’une grande
réunion à laquelle assistèrent tous les congressistes et les représentants de
la presse.
On sait quel en fut le résultat : d’une
part, les explications données par les amis de Miss Vaughan satisfirent les
congressistes de tous les pays, sauf quelques obstinés Allemands, à peine une
vingtaine sur huit cents congressistes ; d’autre part, une formidable
campagne de presse fut entreprise par le Koelnische Volkszeitung,
gazette de Cologne, nous diffamant de la façon la plus odieuse, sans apporter
aucune preuve de ses assertions, et triomphant d’une lettre de M. le docteur
Hacks, passé à l’ennemi.
De l’Allemagne, la rage de certains
journalistes s’est communiquée à la France. Aujourd’hui, c’est à qui cherche à
nous accabler : les contes les plus absurdes sont inventés de toutes
pièces pour nous perdre de réputation ; la parti-pris est tel, que les
meneurs de la campagne se refusent systématiquement à étudier la question
qu’ils traitent et ne tiennent aucun compte des voix amies qui s’élèvent en
notre faveur. […]
Nous avons, d’abord, répondu aux lettres les
plus pressantes ; car plusieurs avaient besoin d’une réponse immédiate.
Quant à répondre directement aux journaux, cela devient matériellement
impossible ; au surplus, la mauvaise foi des adversaires leur fait
retrancher tout ce qui pourrait servir à notre défense. […]
Léo Taxil.
Première Explication
Après le Congrès de Trente, M. l’avocat
Scala, directeur de l’Italia Reale, de Turin, qui fut le rapporteur général de
la IVe section du Congrès de Trente, fit avec moi un échange de portraits en
souvenir du Congrès. Il écrivait sur sa photographie cette dédicace, datée du
26 octobre : « A M. Léo Taxil, souvenir fraternel in Corde Jesu.
Le jour de saint Raphaël, 1896. Sursum corda ! »
Je lui envoyai aussitôt la lettre
suivante :
« Paris,
le 28 octobre 1896.
Cher et très honoré
confrère,
Sursum corda ! M’écrivez-vous. En effet,
la bataille est chaude, et plus que jamais il est de circonstance de nous dire
les uns aux autres : Haut les cœurs !
Il faut, en vérité, que le Congrès de Trente
ait sérieusement inquiété les adversaires, pour qu’ils aient eu recours à la
tactique la plus déloyale et n’aient pas hésité dans l’emploi des armes les
plus odieuses ; mais ce qui est inouï, c’est qu’il y ait encore des
catholiques qui ne comprennent pas qu’ils sont tombés dans un piège.
Rien n’est plus clair, cependant !
Mercredi dernier, 21 octobre, le F.˙.
Sapor, orateur de la Loge L’Avant-Garde maçonnique, faisait, à l’hôtel
du Grand Orient, rue Cadet, le compte-rendu du Congrès de Trente, en racontant
joyeusement qu’il avait réussi à s’y faire introduire. La secte savait, à
l’avance, qu’on allait soulever la question Diana Vaughan, non pas sous la
forme de questions discrètes, posées à l’amiable et en tête-à-tête dans un
bureau, de façon à ce que ceux qui doutaient prissent des renseignements auprès
de ceux qui étaient au courant, mais tout au contraire, sous la forme
d’interpellations publiques dans la IVe section, afin de provoquer la grande
séance où les amis de Miss Vaughan seraient forcément tenus à des réserves,
qu’on exploiterait ensuite avec le plus de fracas possible.
Les francs-maçons se vantent aujourd’hui
d’avoir jeté la discorde dans notre camp, et ils s’imaginent triompher dès à
présent. Leur orgueil suppose que toute constatation, qui sera faite désormais
concernant les crimes, les sacrilèges et les infamies commises dans les
Arrière-Loges, sera considérée, par le public, comme une mystification. Avec
l’aide de Dieu, nos adversaires connaîtront bientôt, une fois de plus, que
Saint Michel est toujours vainqueur.
Le coup a été bien monté. Il faut le
reconnaître ; mais les hommes intelligents voient aisément quel a été
l’ouvrier, quand ils examinent de près une œuvre.
La Rivista Antimassonica avait prévenu
les congressistes en termes très
formels, dans son numéro du 15 septembre ; elle espérait que les négations
des journaux allemands ne trouveraient aucun écho dans le Congrès. Malgré ces
sages avis, un congressiste de Cologne, qui s’était inscrit à la IVe section, -
précisément celle où s’était glissé le F.˙. délégué du Grand Orient de
France, - a réclamé, à plusieurs reprises, une séance pour ces ébats, et cette
séance lui a été accordée, à la grande joie de ceux qui savaient comment on
l’exploiterait après le Congrès.
Aujourd’hui, nous possédons à Paris les
preuves du complot.
La séance du 29 septembre était nécessaire
pour justifier aux yeux du public tout le tapage qu’on entendait faire en se
servant de la Koelnische Volkszeitung. Le grand article du docteur
Cardauns (n° du 13 octobre), et la réponse que le docteur Hacks devait y faire
(n° du 16 octobre), étaient une affaire convenue et arrêtée avant le Congrès.
Cet article du docteur Cardauns contient des
mensonges des plus perfides, qu’il est impossible au public de contrôler.
Il y est dit que le déjeuner que Miss Diana
Vaughan offrit, le 21 décembre, à Paris, à des journalistes venus pour
l’interviewer et à un dessinateur envoyé pour faire son portrait, était une
comédie ; loin d’être présentée comme une voyageuse habitant l’hôtel, la
personne qui retint ses visiteurs à déjeuner est qualifiée « femme de
chambre », afin de laisser croire que les directeurs de cet hôtel
facilitèrent la prétendue comédie.
Or, il est établi maintenant, par une
constatation faite sur les livres de l’hôtel, sur les registres de décembre
1893, que Miss Diana Vaughan a très réellement habité l’hôtel Mirabeau une
dizaine de jours à cette époque, qu’elle y a séjourné sous son nom,
qu’elle venait de Londres et qu’elle repartit pour Londres. Plusieurs lettres
chargées lui furent envoyées au Grand Hôtel Mirabeau durant son séjour, et
d’autres lettres également recommandées qui y arrivèrent pour elle après son
départ, furent réexpédiées à Londres, à l’adresse qu’elle avait indiquée.
Ce mensonge flagrant suffit pour faire juger
la valeur de l’article du journal de Cologne. Et c’est nous, les amis de Miss
Diana Vaughan, que les feuilles allemandes ont osé traiter d’imposteurs !
Ne voulant pas abuser de votre patience, je
ne relèverai pas les autres mensonges du journal de Cologne. Je me bornerai
seulement à appeler votre attention sur la ridicule fable, par laquelle on fait
intervenir ma femme dans cette affaire. Selon le docteur Cardauns, la
photographie de Miss Diana Vaughan en costume masculin serait une autre
supercherie : c’est moi, Léo Taxil, qui aurais posé chez le photographe,
avec un cordon maçonnique ; après quoi l’on aurait collé sur l’épreuve la
tête de Mme Taxil ; cette épreuve, arrangée ainsi, aurait été
re-photographiée, et voilà comment le tour aurait été joué !
Le journal de Cologne peut tromper la masse
du public en insinuant que la photographie maçonnique de Miss Vaughan
représente Mme Léo Taxil ; ses lecteurs et ceux des journaux qui
reproduisent ces insinuations ne peuvent pas vérifier le fait. Toutefois, il
est bon de dire que j’ai envoyé à Rome la photographie de Mme Taxil, dont
l’identité pourra être attestée par un ecclésiastique des plus vénérables, qui
la connaît bien, et voilà encore un point sur lequel la lumière se fera
facilement devant la Commission d’enquête. Quand plusieurs mensonges flagrants
auront été constatés, je me demande quel cas la Commission pourra faire des
négations audacieuses, dans lesquelles il est trop facile de voir un parti-pris
extraordinaire.
En ce qui concerne le docteur Charles Hacks,
le journal de Cologne s’appuie sur un livre dont il est l’auteur et qui
contient un chapitre réellement déplorable ; mais le docteur Cardauns se
garde bien de dire que, dans sa publication Le Diable au XIXe siècle
(Ier volume, dernière page), M. Hacks avait confessé avoir eu, hélas ! Des
défaillances dans sa foi et s’en accusait, en faisant allusion à ce malheureux
écrit :
« Mais, pour combattre avec efficacité
les stratagèmes de l’enfer, il faut être un saint. Le croyant, qui est
aussi, hélas ! un grand pêcheur, ne peut pas grand’chose contre les
puissances diaboliques ; mais, si ce chrétien indigne a su du moins
conserver sa foi, s’il sait la retrouver après les tristes heures de défaillance,
s’il est, en outre, un observateur doublé d’un médecin, et s’il est ou a été en
mesure d’assister à des phénomènes étranges et troublants, il les note, les
étudie, les rapporte, et, dans la mesure de ses faibles forces, il en tire
argument et travaille en ceci pour la cause de Dieu : c’est là son seul
mérite, et il est bien petit. »
Nous croyons que ce passage n’est pas le seul
où le docteur Bataille a fait allusion à ces tristes heures de
défaillance ; elles furent passagères et nullement répétées. Les lecteurs
du Diable au XIXe siècle trouveront certainement d’autres pages où
l’écrivain fit son « mea culpa ». S’il ne cita pas l’ouvrage dont il
était contrit, c’est qu’on était alors en pleine polémique ; le mauvais
livre était ignoré, et l’auteur, qui se le reprochait, désirait éviter tout
scandale. C’est Notre-Seigneur lui-même qui l’a dit : « Malheur à
celui par qui le scandale arrive ! »
La Koelnische Volkszeitung n’a pas
lieu, vraiment, d’être fier d’avoir entrepris cette scandaleuse campagne et
remis au jour des pages que chacun des vrais amis du docteur déplorait avec lui
et couvrait d’un miséricordieux oubli.
Le fait d’être l’auteur de ce livre et le
fait d’avoir visité les Triangles palladiques est tout à fait distinct ;
l’un n’empêche pas l’autre. D’ailleurs, l’Univers, dans son numéro de
samedi 24 octobre, reconnaît que « ce livre paraît avoir été retiré du
commerce et qu’il a été impossible de s’en procurer un exemplaire ; pour
le lire, il a fallu aller à la Bibliothèque Nationale. »
Ce qui est grave, c’est que le journal de
Cologne donne le docteur Hacks comme ayant été, de tout temps, un libre-penseur
militant, un homme connu sous son vrai nom pour auteur de nombreux livres
d’anticléricalisme. Ceci est absolument faux. D’abord, le mauvais livre de M.
Hacks, Le Geste[76],
n’est nullement une œuvre de combat ; c’est une fantaisie d’artiste
boulevardier, dans laquelle, à côté de pages fâcheuses, on trouve de
magnifiques éloges de nos grands orateurs chrétiens, notamment M. de Mun et Windthorst.
Ensuite, en dehors du Geste, le docteur Charles Hacks a écrit A bord
du Courrier de Chine, qui est un livre technique, destiné aux passagers des
grands paquebots qui vont jusqu’à Yokohama, et je défie bien qu’on signale dans
ce volume une seule ligne à désapprouver. Le journal de Cologne a cité
uniquement le Geste, parce qu’il ne pouvait citer rien d’autre.
Elevé très chrétiennement, le docteur Hacks a
commis une faute, un chapitre sceptique dans une œuvre de fantaisie ; il
a regretté cette faute ; il a vécu en bon chrétien, et mille personnes
peuvent l’attester. A sa clinique de la rue Madame, à Paris, il soignait
gratuitement les pauvres, les ecclésiastiques, les religieux et les
religieuses. Tout Paris sait cela, et le journal de Cologne aura de la
peine à démontrer que cet homme fut un mauvais catholique.
Je n’ai pas à le défendre, pourtant,
puisqu’il vient de faire une chute lamentable. (Depuis lors, le docteur Hacks a
aggravé son cas ; dans des lettres d’une impiété frénétique, qu’il s’est plu
à prodiguer, il s’est déclaré mystificateur, en traitant publiquement
« d’imbéciles » les catholiques qui ont eu confiance en lui.
Nous-même, il nous qualifie de « ramolli ». Mais ce jeu ne peut
tromper que ceux qui veulent quand même fermer les yeux. Un saint prêtre, qui a
connu le docteur Hacks bon et pieux, nous écrivait récemment : « il
parle et écrit comme un véritable possédé. »)
[…]
Voici ce qui est connu maintenant, grâce à
une enquête faite après le Congrès de Trente :
1° La secte, ne pouvant atteindre miss Diana
Vaughan dont les mesures de sécurité sont bien prises et, d’autre part, ne
pouvant nier l’authenticité des documents publiés par la vaillante convertie,
cherchait comment il lui serait possible de frapper de discrédit ses précieuses
révélations ; en outre, l’organisation des forces anti-maçonniques
l’inquiétait, et en particulier le convocation définitive du premier Congrès
international à Trente l’avait mise en fureur.
2° Le Grand Orient d’Italie, qui avait sacrifié
Lemmi aux réclamations du Grand Orient de France, demanda à celui-ci de faire
les frais d’une manœuvre, de nature à jeter le désarroi dans le camp
catholique ; la manœuvre proposée fut d’obtenir la trahison publique d’un
des anti-maçons qui avaient contribué à faire la lumière sur l’organisation
occulte de la haute maçonnerie universelle.
3° A cet effet, des négociations ont été
entamées avec le docteur Hacks, pendant que le F.˙. Findel, de Leipsig,
qui n’avait jamais protesté contre les révélations faites sur son compte,
depuis plus de trois ans, se mettait tout à coup à nier l’existence de la haute
maçonnerie ; les preuves surabondent sur les relations brusquement
établies entre le docteur Hacks et les principaux chefs du Grand Orient de
France ; son amour-propre ayant été froissé de ce que la Société des
sciences psychiques (Société catholique dont il était vice-président) n’avait
pas adopté son rapport dans l’affaire Couédon ou la Voyante de la rue
Paradis, il donna sa démission de
cette société et se livra dès lors aux francs-maçons qui l’adulèrent (voir les
articles de la Lanterne).
4° Le Directoire Suprême de la haute
maçonnerie universelle émit l’avis, adressé au F.˙. Findel et au Grand
Orient de France, qu’il fallait « faire tromper les catholiques par des
catholiques eux-mêmes trompés » ; la Koelnische Volkszeitung
fut désignée, et le docteur Hacks se rendit à Cologne ; la présence du
docteur Hacks à Cologne quelque temps avant le Congrès de Trente est un fais
acquis, indéniable.
5° L’article du docteur Cardauns dans la Koelnische
Volkszeitung du 13 octobre est le résultat d’une entente préalable, bien
antérieure au Congrès de Trente ; les faux renseignements, qui ont amené
le journal de Cologne à émettre des mensonges flagrants dans cet article,
proviennent du F.˙. Findel ; la réponse, trop prompte, du
docteur Hacks, prouve qu’elle avait été promise, sinon rédigée d’avance, pour
donner au journal de Cologne un air de triomphe ; en effet, cette réponse
de M. Hacks, habitant Paris, a été inséré le 16 octobre, accompagnée de dessins
clichés, dont l’exécution démontre jusqu’à l’évidence que la dite réponse était
certaine.
6° Le Grand Orient de France, payant les
frais de la trahison, exigea qu’un de ses délégués serait introduit au Congrès
de Trente, afin de surveiller, dans la IVe section, si tout s’exécutait
conformément aux conventions, c’est-à-dire si rien ne serait négligé pour
provoquer une grande séance qui permettrait de publier à grands fracas
l’article destiné à discréditer toutes les révélations sur la haute maçonnerie,
article auquel devait répondre la lettre du docteur Hacks ; le délégué
désigné fut le F.˙. orateur de la Loge L’Avant-Garde maçonnique ;
il partit de Paris le mercredi 23 octobre par le train de 8 heures 35 du soir.
Il est pénible d’avoir à constater une
trahison aussi noire. Pour ma part, je ne l’ai pas apprise sans un gros
serrement de cœur. Mais qu’importent les hommes ! Dans le cas du docteur
Hacks, c’est un compagnon d’armes qui disparaît par une triste défection :
son témoignage ne demeure pas moins, malgré lui-même. Il ne nie et ne peut nier
ni l’existence de miss Diana Vaughan, ni la sincérité de sa conversion, et ceci
frappera tout esprit attentif. Il a déposé les armes et passe à l’ennemi. Tant
pis pour lui ! Les déclarations du Chef de l’Eglise sur le caractère
satanique de la Franc-Maçonnerie, les éclaircissements apportés par Mgr Meurin,
les documents maçonniques que l’on découvre chaque jour, tout cela subsiste et
est inattaquable.
Et quel catholique pourrait croire que cet
incident est de nature à justifier les francs-maçons des crimes que l’histoire
leur reproche ?
Est-ce que les vols d’hosties consacrées ne
sont pas des faits notoires ? Est-ce que le poignard et le poison, maniés
par la secte, n’ont pas trop souvent fait leur œuvre criminelle ?
Bien mieux, les querelles engagées sur le nom
de Miss Vaughan n’ont réussi qu’à provoquer l’examen de la question maçonnique
et à raviver les souvenirs. Tout récemment, un curé italien apportait son
témoignage à l’enquête qui est ouverte : il déclarait s’être trouvé, il y
a plusieurs années, au cours d’un voyage, assez longtemps avec une jeune femme
qui dissimulait mal son sexe sous le costume masculin ; ce voyageur
étrange venait d’Amérique, il portait le nom de Monsieur Vaughan, il s’occupait
d’affaires politiques de Rome, le timbre féminin de sa voix trahissait son
déguisement ; et quand ce digne ecclésiastique eut entre les mains la
photographie de Miss Diana Vaughan, il a reconnu, sans hésiter, son compagnon
de voyage. Ce nouveau témoignage a été recueilli par le chanoine Mustel depuis
le Congrès de Trente.
Plusieurs journaux qui avaient nié d’abord,
d’une façon absolue l’existence même de Miss Vaughan, reconnaissent déjà que le
fait de l’existence ne paraît plus discutable ; ils se retranchent
maintenant derrière cette double question : « Est-elle sincère ?
Les révélations sont-elles bien fondées ? »
La partie est donc gagnée, puisque nous en
sommes là en si peu de temps. Une fois l’existence admise, la vérité des
documents produits apparaît de la façon la plus lumineuse, puisque la secte n’a
fait nier l’existence de la personne que parce qu’elle se sentait écrasée par
les documents. Quant à la sincérité de Miss Vaughan, elle crève les yeux.
Il faut ne pas avoir lu une seule page de la
Neuvaine Eucharistique pour ne pas comprendre que cette âme est débordante de
foi. Une aventurière pourrait-elle se pénétrer si ardemment et si tendrement
des splendeurs de l’Eucharistie ? (La sincérité de miss Diana Vaughan
éclate encore dans son désintéressement ; nous pourrons en citer des
preuves nombreuses à la Commission d’enquête de Rome ; et, d’ailleurs, les
noms des divers éditeurs de la vaillante convertie permettront aux membres de
la Commission de s’édifier complètement.)
Tous les amis de la vaillante convertie
attendent avec une entière confiance le verdict que rendra la Commission de
Rome ; ils sont convaincus qu’elle se prononcera avec sagesse, mais aussi
avec fermeté, et que sa décision ne compromettra en rien la sécurité de Miss
Vaughan.
Quant à moi, j’aurais traversé dans cette
circonstance une douloureuse épreuve. Après onze années, pendant lesquelles je
ne crois pas qu’un catholique ait quelque chose à me reprocher, j’étais loin de
m’attendre aux attaques dont j’ai été assailli. J’ai offert à dieu ces peines,
et je demande les prières des uns et des autres. La défection du docteur Hacks
me fait frémir : des centaines de prêtres ont vu cet homme si bon, si
simple dans l’accomplissement du devoir chrétien ; ce serait à croire qu’il
est devenu fou, si l’on n’avait pas les preuves de son épouvantable chute.
J’avais donc bien raison de dire aux
congressistes trop enthousiastes qui m’acclamaient à Trente : « Pour
faire honneur à un converti, attendez qu’il soit mort ». Il est juste que
celui qui a failli gravement durant de longues années soit humilié sans cesse,
plutôt qu’applaudi. Il doit effacer son passé à force de dévouement à la cause
de l’Eglise.
Veuillez agréer, cher et très honoré
confrère, l’expression de mes sentiments respectueux dans le divin Cœur de
Jésus.
Léo Taxil. »
Au sujet du Diable au XIXe siècle,
voici ce que nous avons écrit à plusieurs journaux, et notamment l’Univers :
« Le Dr Hacks déclare n’avoir écrit qu’une partie du Diable au XIXe siècle et
dit qu’il y a eu pour cet ouvrage plusieurs collaborateurs ; mais il ne
nie pas avoir été l’auteur de ce qui, dans cette publication, constitue
les « récits d’un témoin » à proprement parler. Il ne dit nulle part
dans sa lettre au journal de Cologne qu’il a mystifié le public en racontant
des aventures qui ne lui sont pas arrivées. Les personnes qui possèdent cette
publication ont pu constater, en effet, qu’à côté des récits personnels du
docteur, il y a de nombreuses pages consacrées à des épisodes que l’auteur
principal ne présente pas en témoin oculaire. Les premiers fascicules de la
publication ayant soulevé des polémiques violentes, les éditeurs jugèrent qu’il
était possible d’augmenter l’ouvrage de tout ce qui pourrait venir à l’appui
des récits personnels du docteur ; ainsi, tout ce qui est relatif aux
faits antérieurs n’est pas du Dr Hacks. Un grand nombre de faits merveilleux
ont été communiqués et attestés par des abonnés, tous vénérables
ecclésiastiques. L’ouvrage ne trompe aucunement le lecteur ; car chacun
peut faire aisément le triage de ces innombrables épisodes et se rendre compte
très exactement de ce qui est l’œuvre personnelle du docteur. L’ouvrage
subsiste, par conséquent, dans son ensemble et dans ses détails, et d’ailleurs
il ne faut pas oublier que des faits racontés personnellement par le Dr Hacks
ont été confirmés par des missionnaires.
Le Dr Hacks rompt avec ses amis
catholiques ; voilà uniquement ce qui ressort, sans contestation possible,
des déclarations tout à fait inattendues et d’une impiété outrée, qu’il se
plait à multiplier, à la grande joie des Nathan, Findel et tutti quanti.
« Mes pensées véritables sur la religion
sont dans Le Geste, et en particulier sur la religion catholique, que
j’accable de mon profond mépris », voilà ce que ce malheureux a osé écrire
dans sa lettre à la Koelnische Volkszeitung, lui que des centaines de
prêtres ont connu excellent chrétien. Oui, Monsieur, contradictoirement à ce
que vous avez écrit au sujet de la clinique Saint-Sulpice, des centaines
d’ecclésiastiques, de religieux et de religieuses peuvent attester que le Dr
Hacks donnait gratuitement ses consultations ; les médicaments mêmes
étaient gratuits.
Voilà pour la lettre au journal de Cologne.
Depuis lors, le Dr Hacks en est arrivé, d’un jour à l’autre, à forcer tellement
la note, que ses anciens amis, ceux qu’aujourd’hui il déclare avoir mystifiés,
se sont demandé s’il n’était pas devenu fou ; car, en examinant les choses
froidement, il est impossible de trouver toute naturelle une telle conduite.
Vous pouvez dire que je ne suis pas assez naïf pour m’être laissé duper ;
je vous affirme que, quelque temps après ma conversion, le Dr Hacks, mon ancien
camarade d’enfance, s’étant rendu à Paris, est venu chez moi me féliciter
chaleureusement de mon retour au sentiment religieux. Vous dites que le Dr
Hacks a été un des collaborateurs de la Librairie anti-Cléricale ; je vous
donne ma parole d’honneur que vous avez été mal renseigné : le Dr Hacks
n’a pas écrit une ligne, une seule ligne, dans un volume, dans une brochure,
dans un journal ou une publication quelconque de cette librairie. En vain,
cherchera-t-il maintenant à se faire plus noir qu’il n’est ; les
catholiques qui l’ont connu garderont de lui le meilleur souvenir, malgré
l’horreur de sa chute actuelle. Il est impossible qu’il les ait trompés alors,
et surtout pendant si longtemps. Tous ceux qui ont été ses amis, ses vrais
amis, sont désolés de ce qui arrive ; car c’est un homme d’une extrême
bonté qu’ils ont connu et qu’ils ont vu à l’œuvre.
Sans doute, il vaudrait cent fois mieux pour
lui que nous nous trouvions en présence d’un cas de folie ; mais sa
dernière lettre à la Libre Parole n’est pas l’acte d’un fou, c’est
l’acte d’un homme qui délibérément veut détruire ce qu’il a fait et qui s’est
donné à l’ennemi pour jeter la division parmi les défenseurs de l’Eglise,
essayer d’enrayer le mouvement antimaçonnique, au moment où le Congrès de
Trente vient de jeter les bases de l’organisation générale de la résistance à
la secte, et empêcher toute dénonciation nouvelle contre elle. D’ailleurs, sa
trahison n’est que trop certaine et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle est
connue ; c’est à cela que je faisais allusion dans ma précédente
lettre. »
Depuis que nous avons envoyé cette lettre à
l’Univers, on nous a rapporté des propos tenus par le docteur Hacks, qui
nous ont plongé dans la plus complète stupéfaction. Le R. P. Octave, directeur
de la Franc-Maçonnerie démasquée, a recueilli le témoignage
suivant :
Un de nos consuls en Egypte, étant venu à
Paris, rendit tout récemment visite à notre malheureux ami, dont il ignorait le
nouvel état mental. Comme il le félicitait au sujet du Diable au XIXe siècle,
le docteur Hacks lui répondit le plus gravement du monde :
« Le Diable au XIXe siècle ?… Mais
je n’en suis pas l’auteur !… Je n’en ai pas écrit une ligne… C’est le
chanoine Mustel qui a tout écrit, depuis le commencement jusqu’à la fin. »
!?!?!?!?!?!?!?!?!?!?!?!?!?!?!
Le visiteur se retira, avec
la pensée que le docteur était devenu fou. Mais cette énormité ne serait-elle pas
au fond une ruse vraiment satanique ? Le témoignage de M. le chanoine
Mustel étant d’un très grand poids, le docteur Hacks ne chercherait-il pas à le
détruire, en tentant de la faire passer pour intéressé comme principal auteur
de l’œuvre, en son lieu et place ?
On nous a écrit que le
docteur Hacks, après sa trahison, s’était fait recevoir Mage Elu à la Mère-Loge
de Cologne.
Traître et possédé, quelle
triste fin pour ce malheureux ! »
[…] En attendant la
lumière :
Quelques-uns des journaux
qui font campagne contre les révélations de Miss Diana Vaughan ont dit que la
lettre adressée en décembre 1895 par son Em. Le Cardinal Parocchi à la
vaillante convertie était une lettre banale, un simple accusé de réception d’un
volume, et qu’elle n’avait pas la portée qui lui a été attribuée. Il convient
donc de rappeler cette lettre. Miss Vaughan prie, en outre, ses amis de
reproduire une autre lettre qu’elle a reçue récemment de Mgr Villard,
secrétaire du Cardinal-Vicaire ; celle-ci, datée de Rome, le 19 octobre, a
été écrite, par conséquent, six jours après la publication du numéro de la Koelnische
Volkszeitung (n° du 13 octobre), qui contenait le fameux article, le plus
malveillant et le plus violent de tous dans la déplorable campagne entreprise
depuis un mois.
Lettre de S. Em. Le Cardinal
Parocchi :
« Rome, 16 décembre 1895.
Mademoiselle et chère Fille
en N.-S.,
C’est avec une vive mais bien douce émotion
que j’ai reçu votre bonne lettre du 29 novembre, accompagnée de l’exemplaire de
la Neuvaine Eucharistique.
Sa Sainteté m’a chargé de vous remercier et
de vous envoyer, de sa part, une bénédiction toute spéciale.
Depuis longtemps, mes sympathies vous sont acquises. Votre conversion
est l’un des plus magnifiques triomphes de la grâce que je connaisse. Je lis,
en ce moment, vos Mémoires, qui sont d’un intérêt palpitant.
Croyez que je ne vous oublierai pas dans mes
prières, au Saint-Sacrifice principalement. De votre côté, ne cessez pas de
remercier Notre-Seigneur Jésus-Christ de la grande miséricorde dont Il a usé
envers vous et du témoignage éclatant d’amour qu’Il vous a donné.
Maintenant, agréez ma bénédiction et me
croyez
Tout vôtre dans le Cœur de Jésus,
L.-M., Card.-Vicaire. »
Lettre de Mgr Villard
Secrétaire de Son Em. Le Cardinal
Parocchi :
« Rome, le 19 octobre 1896.
Mademoiselle,
Depuis longtemps, j’avais l’intention de vous
écrire personnellement ; mais j’en ai toujours été retenu par la crainte
de me trouver importun et par le désir que vous avez si souvent manifesté dans
vos Mémoires qu’on ne vous envoyât pas tant de lettres. Aujourd’hui, je
me sens poussé cependant à venir rompre la consigne. […]
Mais ce que je désirais avant tout, c’était
de vous adresser mes humbles encouragements au milieu des souffrances morales
dont votre noble cœur est assailli en ce moment. Vous n’ignorez pas qu’une
guerre acharnée est déclarée contre vous. Non seulement on révoque en doute
l’authenticité de vos révélations précieuses sur la Maçonnerie, mais on révoque
en doute votre existence même. Les bruits les plus contradictoires circulent
sur votre compte et les échos s’en sont répercutés en haut lieu.
J’avais des preuves matérielles et
psychologiques non seulement de votre existence, mais de la sincérité de votre
conversion. Grâce à elles, j’ai eu l’occasion et je dirai le bonheur de vous
défendre énergiquement dans plus d’une circonstance. Je ne vois, dans cette
guerre qui vous est déclarée, qu’une manœuvre infâme de celui que, plus que
tout autre, vous connaissez pour être le Père du mensonge.
Je ne suis pas tout à fait un inconnu pour
vous. Secrétaire du Cardinal Parocchi, j’ai eu la joie de vous écrire en son
nom, il y a bientôt un an, pour vous consoler et vous encourager dans votre
œuvre sublime, qui est de révéler à la face du monde le véritable but de la
Maçonnerie, celui que j’avais toujours soupçonné, le culte de Satan.
Pour vous venir en aide, je ne puis vous
apporter que le concours de mes faibles prières, mais de mes plus chaudes
sympathies.
Continuez, Mademoiselle, par votre plume, et par
votre piété, à fournir des armes pour terrasser l’ennemi du genre humain. Tous
les saints ont vu leurs œuvres combattues ; il n’est donc pas étonnant que
la vôtre ne soit pas épargnée.
La communauté des Sœurs Carmélites de
l’Adoration Réparatrice, établie à Rome, dans la maison habitée autrefois par
sainte Brigitte de Suède, et dont je suis le père spirituel, a déjà beaucoup
prié pour vous, et elle me charge de vous assurer qu’elle le fera plus que
jamais.
Veuillez, Mademoiselle, me pardonner mon
indiscrétion et agréer mes plus vifs sentiments d’admiration et de respect.
Prélat de la Maison de Sa Sainteté,
Secrétaire de S. E. le Cardinal
Parocchi. »
[…] Comment on nous combat :
L’Univers, qui nous est devenu hostile
depuis sa fusion avec le Monde, a reproduit du Nouvelliste de Lyon
l’infamie suivante :
« Le Nouvelliste de Lyon publie
les curieux renseignements qu’on va lire :
On discute fort depuis quelque temps et bien inutilement, croyons-nous, sur l’existence de Miss Diana Vaughan, cette mystérieuse création de deux fumistes qui se font des rentes en exploitant la badauderie de leurs contemporains.
Nous n’avons pas grand mérite au Nouvelliste, à n’avoir jamais été dupes des élucubrations de cet être imaginaire. Connaissant l’esprit mercantile de ceux qui la patronnaient, nous nous étions fait ce raisonnement très humain que si Diana Vaughan avait existé, ses barnums n’eussent pas manqué une occasion de la montrer avec accompagnement de grosse caisse et de gros sous.
Nous en connaissons cependant dont l’incrédulité ne s’est pas trouvée satisfaite de cet argument, et qui ont demandé à Léo Taxil et à son compère anonyme, le docteur Bataille, à voir la prêtresse du Palladisme. Il leur fut répondu qu’ils la verraient.
La première scène de cette comédie burlesque s’est joué à Paris, la seconde à Villefranche (Rhône), il y a de cela trois mois, et c’est par où elle nos intéresse.
Donc, deux personnalités, que nous ne qualifierons pas autrement, et dont quelques confrères de la presse catholique de Paris pourraient donner les noms, manifestèrent le désir de voir Diana Vaughan.
« _ Parfaitement, leur dit Léo Taxil, seulement, elle n’habite pas la capitale et vous serez obligés de faire un petit voyage pour la rencontrer.
« _ N’importe, répondirent les curieux ; le phénomène vaut un voyage. »
Rendez-vous leur fut donc donné avec date et heure précises à Villefranche. Pourquoi Villefranche ? Ceux qui connaissent le passé de Léo Taxil n’auront pas de peine à répondre à cette question.
Donc, au jour et à l’heure indiqués, dans une chambre d’hôtel de Villefranche, les deux incrédules attendaient la venue de la mystérieuse luciférienne. La porte s’ouvrit et deux femmes fort bien mises entrèrent. L’une était jeune, jolie, d’une beauté étrangère ; l’autre, d’un âge mûr, chaperonnait sa compagne.
Après les présentations, on causa de maçonnerie, de palladisme, bien entendu. Tout marcha d’abord à souhait. Sans être d’une clarté absolue, les explications de celle qui s’appelait Diana Vaughan concordaient avec les livraisons des brochures à dix centimes la livraison. Mais peu à peu la conversation dérailla, les mots prirent une allure étrange, et l’accent, d’anglais qu’il était, devint faubourien, en même temps que, fatiguée sans doute de la leçon qu’elle avait apprise et du rôle qu’on lui faisait jouer, la fausse palladiste se jeta dans des digressions, qui, pour être lucifériennes, ne correspondaient plus au caractère dont les inventeurs de Diana Vaughan avaient revêtu leur héroïne.
Les deux personnages étaient fixés et dupés. Le premier train qui passa les ramena à Paris complètement édifiés.
Quant aux deux femmes, elles reprirent le chemin des trottoirs de Lyon, d’où elles étaient venues.
Nous n’en dirons pas plus longtemps, ne voulant pas déflorer les renseignements très suggestifs que possède un de nos confrères de Paris sur l’étonnante mystification des Taxil et consorts, et qu’il a sans doute l’intention de rendre publics pour l’édification des âmes trop crédules. »
Voici quelle a été notre réponse à l’Univers-Monde :
« Paris, le 4 novembre 1896.
Monsieur Eugène Veuillot,
L’Univers continue à m’accabler avec
un acharnement inouï et n’insère pas ma réponse. Je ne me plains
pas ; j’ai mérité, par mon passé, d’être abreuvé des pires humiliations.
Néanmoins, j’ai au moins le droit de constater que l’Univers, qui
accuse, met la main sur la bouche de l’accusé, pour l’empêcher de se défendre
devant nos lecteurs.
Comme il faut que vous vous croyiez sûr de ma
culpabilité pour agir ainsi !… Je dois vous faire, je le sens, une
profonde répulsion ; sans cela, vous n’oublieriez pas ainsi, à mon
encontre, les règles les plus élémentaires de la justice. Vous êtes d’ordinaire
bon et juste, tout le monde le sait.
Vous êtes si bien convaincu que ce n’est même
pas la peine que vos lecteurs m’entendent, que non seulement vous n’insérez pas
mes explications, pourtant si claires, mais encore vous publiez une nouvelle
accusation, et celle-ci la plus grave de toutes ; je veux parler de la
reproduction que vous avez faite hier au soir d’une anecdote publiée en premier
lieu par le Nouvelliste de Lyon, sous le titre : « Diana
Vaughan à Villefranche. »
Enfin, voici un fait précis que vous mettez à
ma charge : il y a trois mois, j’aurais envoyé à Villefranche deux
personnes pour les y faire rencontrer avec miss Vaughan ; dans une chambre
d’un hôtel désigné d’avance, deux filles de trottoir, venues de Lyon, et ayant
appris un rôle (probablement, la leçon leur ayant été faite par un complice que
je dois avoir à Lyon), se sont données aux deux voyageurs, arrivés de Paris,
l’une pour miss Diana Vaughan, l’autre pour sa compagne ; malheureusement,
la comédie n’aurait pas été bien jouée jusqu’au bout, et la fausse Diana
Vaughan aurait fini par laisser comprendre ce qu’elle était ; certains
d’avoir été mystifiés, les deux voyageurs congédièrent les deux filles et
reprirent vivement l’express de Paris ; quelques confrères de la presse
catholique de Paris pourraient donner les noms des deux personnages à qui cette
aventure serait arrivée, et l’un de ces confrères posséderait même des
renseignements très suggestifs sur l’incident. C’est bien cela, n’est-ce
pas ?
Si le fait est vrai, il est désormais certain
que je suis le dernier des misérables ; la cause est entendue.
Vous avez pris la responsabilité de ce qui se
publie dans l’Univers au cours de la campagne actuelle. Je m’adresse
donc directement à vous ; je fais appel à votre loyauté. Voici ce que je
demande, et je vous prie d’appuyer ma requête :
Je demande, par la présente lettre, dont je
réclame l’insertion, je demande à S. Em. le Cardinal Richard, archevêque de
Paris, de vouloir bien désigner trois ou cinq ecclésiastiques, qui exigeront du
Nouvelliste de Lyon, confidentiellement si l’on veut (cela m’est tout à
fait indifférent), les noms des deux personnages à qui cette aventure serait
arrivée, ou, à leur défaut, l’indication des confrères catholiques de Paris
qu’on dit être en mesure de nommer ces deux personnages. Une confrontation avec
les deux narrateurs de l’anecdote est indispensable, ainsi qu’une enquête
rigoureuse et poussée à fond, si ces individus-là persistent dans leurs dires.
Pensez de moi tout ce que vous voudrez
jusqu’à la solution de cet incident, très suggestif ; mais je vous
annonce la découverte qui se fera par une enquête sérieuse et vivement
menée : c’est que les deux individus en question sont deux frères
trois-points, que ce sont eux qui auront joué une comédie (s’il est vrai qu’ils
soient allés à Villefranche), et que cet incident n’est qu’un épisode du
complot maçonnique ourdi depuis trois mois. Le Nouvelliste de Lyon est
un journal trop foncièrement catholique pour avoir inventé cette histoire-là.
J’espère bien que vous publierez cette fois
ma lettre, et, en attendant avec confiance le jour où vous me rendrez justice,
je vous présente, monsieur, mes très humbles salutations.
Léo Taxil.
La réplique de M. Eugène Veuillot (Univers
du 7 novembre) est prodigieuse :
« Nous serions surpris, écrit-il, que le Nouvelliste de Lyon
eût parlé à la légère. Du reste, que l’amusante (sic) historiette soit
vraie ou fausse, la chose est sans importance (sic) au point de vue de
la question que nous voulons résoudre : Diana Vaughan existe-t-elle ?
Et que valent les écrits publiés sous son nom ? »
M. Eugène Veuillot se trompe. Le coup de la
fausse Diana Vaughan, à Villefranche, est d’une importance capitale : en
élucidant cette affaire, on trouvera l’une des mains maçonniques qui ont tramé
le complot actuel. Nous irons jusqu’au bout, nous pouvons en assurer M. Eugène
Veuillot.
L. T.
Dans le Rosier de Marie
d’octobre 1896, il affirme :
« Oui, miss Diana Vaughan existe. Nous la connaissons pour lui avoir parlé,
pendant plus de deux heures, au cours d’une visite, et pour avoir déjeuné avec elle,
en compagnie de MM. Léo Taxil, le Dr Bataille et un dessinateur qui a exécuté
le portrait de la charmante jeune femme. C’était le 21 décembre 1893, par
conséquent de longs mois avant la conversion de Miss Vaughan.[77] […]
Miss Diana Vaughan existe,
nous l’affirmons sur l’honneur, mais nous comprenons qu’elle vive dans la
retraite la plus absolue pour éviter la vengeance des ultionnistes de la Haute
Maçonnerie.
Commandeur P. Lautier,
Président Général de l’Ordre des Avocats de
Saint-Pierre. »
Monsieur le directeur,
Les agences télégraphiques et les correspondants de journaux
protestants ont si mal rendu la physionomie de la séance du Congrès, dans
laquelle fut traitée la question de miss Diana Vaughan, qu’il nous semble
indispensable de rédiger un compte-rendu exact destiné à éclairer l’opinion sur
cette importante question. Nous espérons de votre bienveillance l’insertion de
ce résumé.
A plusieurs reprises, dans les séances des
sections, la question de l’existence et de la véracité de miss Vaughan avait
été soulevée, et chaque fois, on avait répondu qu’une discussion spéciale
serait ouverte à ce sujet. En présence de l’intérêt attaché par tous à la
question, il fut décidé par le Bureau de la présidence, que le mardi 29
septembre, la 4e Section tiendrait sa réunion dans la salle des
séances générales pour donner à tous la facilité d’assister à la discussion. A
l’heure convenue, quatre cents congressistes étaient réunis dans la salle et
plusieurs de NN. SS. les évêques daignaient s’y trouver.
Après une discussion sur un autre sujet, la
parole fut donnée à M. l’abbé de Bessonies[78].
Dans le rapport qu’il présenta et qui sera publié, furent nommés les
francs-maçons qui ont reconnu formellement l’existence de miss Vaughan, et les
catholiques qui ont vu la célèbre convertie ; d’autres preuves, tirées de
ses écrits et de ses lettres, furent aussi apportées ; nous n’avons pas à
en donner ici le détail, et voulons nous abstenir de plaider une cause en
laquelle nous avons la plus absolue confiance.
Après ce rapport, un ecclésiastique allemand,
Monsignor Baumgarten, croyons-nous, demanda comme historien, l’extrait de
naissance de la convertie et le certificat du prêtre qui avait reçu son
abjuration et lui avait fait faire sa première Communion, mais il n’attaqua
aucun des arguments présentés. On lui répondit que l’extrait de naissance ne
pouvait être donné, vu l’état des actes civils dans certaines parties de
l’Amérique, et que d’ailleurs cela importait peu à la cause ; quant au
certificat demandé, il serait imprudent de le produire puisque, dans ce même
couvent, la convertie, condamnée à mort par les arrière-loges, doit entrer
l’année prochaine. Nous devons ajouter que, revenue à sa place, Monsignor
Baumgarten déclarait à l’un de nous qu’il ne niait pas l’existence de miss
Vaughan, n’avait pas lu ses écrits et ne s’occupait aucunement des questions
maçonniques.
M. Léo Taxil monta ensuite à la tribune et
montra que la tactique des francs-maçons était souvent de jeter des doutes sur
l’existence des convertis qui les attaquent. Il reprit une partie des preuves
déjà exposées, fit voir l’absurdité de certaines hypothèses et termina en
affirmant, par serment, avoir vu, à plusieurs reprises, chez lui et ailleurs,
l’illustre convertie.
M. Koller, rédacteur au Faterland,
ancien franc-maçon, prit ensuite la parole en allemand, nous ne pûmes saisir le
sens de son allocution, mais le prince de Lœwenstein, président du Congrès,
répliqua lui-même énergiquement.
Voyant qu’on ne pourrait aboutir à une
conclusion positive, acceptée de toute l’assemblée, le prince de Lœwenstein
présenta alors une proposition demandant de nouveaux renseignements ; M.
Respini, représentant du Tessin, et l’un des orateurs les plus écoutés du
Congrès, après avoir déclaré que sa conviction juridique était faite sur
l’existence de miss Diana Vaughan, exprima la pensée que le Congrès n’avait pas
à se prononcer sur cette question secondaire en somme et devait passer à
l’ordre du jour : M. Paganuzzi, président de l’œuvre des Congrès en
Italie, désirait que l’ordre du jour indiquât que le Congrès penchait pour
l’affirmative et trouvait plus sûr d’admettre l’existence de miss Vaughan. En
dernier lieu, l’ordre du jour suivant fut adopté : « La 4e
Section remercie chaleureusement les orateurs qui ont parlé en sens divers sur
miss Diana Vaughan et sur la déclaration du commandant Alliata, qu’il existe
dans le Comité de Rome une Commission spéciale pour cette question, passe à
l’ordre du jour. »
Qu’il nous soit permis d’ajouter que, reçus
tous deux la veille chez Son Altesse le prince évêque de Trente, nous avions eu
la satisfaction de faire partager notre conviction sur ce sujet à Son Em. Le
cardinal Haller, au prince-évêque et à un autre de NN. SS. les évêques.
Recevez, Monsieur le Directeur, etc.
G. de Bessonies,
Un des vice-présidents du Congrès.
L. M. Mustel,
Président de la 1ère Section.
Il
nous a semblé que le mieux était de donner ici le travail présenté sur cette
question par l’un de nos collaborateurs, au Congrès de Trente. Nous publions
donc ce rapport de M. l’abbé de Bessonies, chapelain de Notre-Dame des
Victoires et l’un des vice-présidents du Congrès antimaçonnique international.
Nous le faisons suivre du compte rendu de la séance dans laquelle il a été lu,
et de la lettre écrite par miss Vaughan à la suite de cette discussion. Nous
avons placé à la fin les pièces justificatives indiquées au cours de ces
différents documents.
La
Rédaction de la Franc-Maçonnerie démasquée.
La
question de l’existence de miss Diana Vaughan est devenue, grâce aux dénégations
intéressées des francs-maçons et au manque de connaissances maçonniques chez
les catholiques, une question très importante et comme la clé de toutes les
révélations qui se sont succédé depuis quelques années.
En
effet, si miss Vaughan existe et est réellement ce que l’on dit, si elle est
convertie et sincère dans ses révélations, elle confirme pleinement tout ce qui
a été écrit sur le palladisme et la Haute-Maçonnerie et portera un coup mortel
à la secte.
Eh
bien ! j’ai le droit et le devoir d’affirmer ici que nous, antimaçons
français, après avoir, depuis trois ans, étudié tout ce qui a été dit à son
sujet, après avoir soigneusement examiné la question, après avoir vu les
documents, interrogé les personnes, lu tous les ouvrages parus sous son nom,
nous déclarons, et je parle ici au nom de La Franc-Maçonnerie démasquée,
de La Revue mensuelle, de l’Antimaçon, de La France chrétienne
et de La Revue catholique de Coutances, nous déclarons en notre âme et
conscience que nous croyons, de la manière la plus formelle, à l’existence, à
la conversion et à la sincérité de miss Diana Vaughan.
Quelques-uns
ont pensé et ont dit que nous voulions faire accepter les révélations du démon
ou les légendes maçonniques comme des choses certaines. Nous n’avons jamais
songé à cela.
Nous
affirmons seulement que ces légendes ont cours parmi les francs-maçons. Et,
pour prendre un exemple absolument actuel, nous n’avons jamais dit que Sophia
Walder sera vraiment la bisaïeule de l’Antéchrist, mais nous prétendons que
cette opinion est répandue parmi les palladistes, nous disons que,
d’après eux, c’est aujourd’hui même, 29 septembre 1896, qu’elle doit, à
Jérusalem, donner naissance à la grand-mère de l’Antéchrist. Nous n’avançons
pas autre chose. Or, hier, je recevais une lettre d’un prêtre français
m’annonçant qu’on lui écrivait de Jérusalem même que Mlle Sophia Walder venait
d’y arriver et était logée dans un hôtel voisin de la maison des Sœurs de
Saint-Vincent de Paul.
Voilà
nettement la différence : nous notons le fait, mais nous ne nous portons
nullement garants des idées, des rêveries et des folies sacrilèges imaginées
par les francs-maçons sous l’inspiration du diable, le père du mensonge et leur
père à tous.
Il
faut donc établir nettement :
1°
Qu’il existe une personne nommée miss Diana Vaughan, haute-maçonne américaine,
et, comme telle, dépositaire des secrets de la Maçonnerie palladiste, et que ce
n’est pas un mythe, une fiction inventée de toutes pièces par des écrivains
antimaçons, connus ou inconnus.
2°
Que c’est bien cette même personne qui est actuellement convertie et est
l’auteur des publications parues sous son nom, et non pas une autre personne se
faisant passer pour la vraie miss Vaughan, qui, elle, serait restée
luciférienne.
Venons-en
donc au rapide exposé de nos preuves et remarquons que, si nous les
multiplions, c’est pour être complet, car la plupart d’entre elles ont, par
elles-mêmes, une valeur probante suffisante.
Entendons en premier lieu le témoignage des ennemis eux-mêmes, avant
le mot d’ordre de nier partout carrément. C’est d’abord M. Goblet d’Alviella,
le célèbre député belge, qui, dans sa lettre du 30 juin 1894, lettre évidemment
authentique, malgré ses dénégations, déclare haineusement que « cette
femme n’est pas digne de pitié ». Il ne songeait pas alors à nier son
existence et, par cette menace à peine déguisée, la reconnaît hautement. Il la
reconnaissait encore par son silence significatif au moment du défi que lui
portait M. Margiotta au sujet du palladisme en Belgique, défi basé sur des
révélations reçues de miss Vaughan, et appuyé par elle de l’offre d’une somme
de 30 000 francs, si le défi relevé prouvait son erreur. N’oublions pas que le
défi a été porté, il y a deux ans, en octobre 1894, et qu’aucune réponse n’a
encore été faite (Voir pièce justificative A).
Après
Goblet d’Alviella, c’est Militello, Grand-Lieutenant général du Suprême Conseil
fédéral de la Fédération maçonnique italienne du Rite écossais à Palerme, qui,
de deux manières, affirme l’existence de miss Diana Vaughan : premièrement,
dans une lettre particulière adressée à M. Margiotta en date du 12 septembre
1894, lettre que j’ai eue entre les mains avec l’enveloppe et le timbre de la
poste, lettre que nous avons reproduite par la photographie dans la Franc-Maçonnerie
démasquée, il dit textuellement : « Au mois de juillet dernier,
Diana Vaughan nous a écrit de Paris pour nous envoyer une somme à distribuer en
secours. (Voir note justificative B) ».
Or,
j’ai vu aussi le récépissé délivré par le bureau de poste de la place du
Théâtre-Français et accusant l’envoi d’une somme de 300 francs à Militello.
Secondement, dans un décret du Suprême Conseil général de Palerme, décret dont
la Franc-Maçonnerie démasquée a donné le texte, et dont M. Margiotta,
dans son volume sur Lemmi a publié le fac-similé photographique, décret
dont j’ai vu moi-même l’original, avec les
sceaux et les signatures, les Frères Paolo Figlia 33e, A. Battaglia
33e, Giliberto 33e et Joseph Militello 33e, décernent à miss Diana Vaughan le
titre de Membre d’honneur protecteur de leur Suprême Conseil du Rite
écossais ancien et accepté, pour avoir, c’est l’expression même du
document : « levé dans la Haute-Maçonnerie, le drapeau de la
rébellion contre le Grand-Maître du Souverain directoire exécutif élu irrégulièrement
Souverain Pontife de la Franc-Maçonnerie universelle (Voir pièce justificative
C) ».
Là
encore, rien n’a été contesté, le document était absolument authentique, mais
les catholiques ont la mémoire courte et les francs-maçons en profitent. Sophia
Walder, elle aussi, a attesté l’existence de miss Vaughan en lui envoyant de
Bruxelles une lettre recommandée, lettre que cette dernière a donnée, avec
l’enveloppe, à M. l’abbé Mustel, qui l’a précieusement gardée.
[…]
Mgr
Battandier, qui habite Rome, m’a écrit aussi qu’il était très surpris de ce
qu’à Paris des catholiques lui affirmaient que miss Vaughan n’existait pas,
tandis que, au contraire, un de ses correspondants palladistes attestait son
existence.
M.
Huysmans, le célèbre écrivain français, très versé dans les matières
d’occultisme, n’hésitait pas non plus, dans sa préface du livre sur le Satanisme
et la magie, par Jules Bois, à parler de miss Vaughan comme auteur du Palladium
(Voir pièce justificative H) ; les revues occultistes : La Lumière,
le Lucifer, le Lotus b!eu (Voir pièce justificative J) ont nommé
miss Vaughan et fait allusion à ses révélations, sans émettre de doute sur son
existence.
Parfois,
on nous demande si nous avons vu miss Diana Vaughan ou si nous connaissons des
personnes l’ayant vue. Pour moi, personnellement, je ne l’ai jamais vue, pas
plus que je n’ai vu la reine d’Angleterre ou le célèbre historien César Cantu,
et cependant je crois à l’existence de ces personnages. De même, pour miss
Vaughan, je connais des hommes dignes de foi qui l’ont vue, et cela me suffit.
Citons
quelques-uns de ces témoins. C’est d’abord un rédacteur du journal le Matin,
dont deux amis eurent une entrevue avec la célèbre luciférienne à l’un de ses
passages à Paris et qui relata leur conversation dans ce journal (Voir pièce
justificative J).
Nommons
ensuite M. Léo Taxil qui la vit d’abord chez une de ses amies, palladiste comme
elle, puis à un déjeuner qu’elle lui offrit a l’hôtel Mirabeau, rue de la Paix,
à Paris, en même temps qu’au Dr Bataille, à M. Lautier, président général des
avocats de Saint-Pierre, et à M. Esnault, dessinateur envoyé par M. de la Rive
pour faire d’elle un portrait meilleur que celui qui avait paru dans le Diable
au XIXe siècle (Voir pièce justificative K). Quelques jours après ce
déjeuner, j’allais à l’hôtel la demander, mais on me dit qu’elle était partie
de la veille. Enfin, nous avons le témoignage de l’éditeur des œuvres de miss
Vaughan, M. Pierret, de son frère, de ses ouvriers et de son apprenti, qui,
tous, interrogés par moi, m’ont déclaré avoir vu plusieurs fois cette personne,
alors qu’elle publiait le Palladium.
Venons-en
aux écrits de miss Vaughan.
Ses
lettres d’abord : M. de la Rive, le publiciste français, et M. l’abbé
Mustel en ont reçu un certain nombre avant sa conversion, toutes de la même
écriture et parties de tous les points de l’Europe : de Paris sur le
papier de l’hôtel Mirabeau, de Londres, de Hambourg, de Berlin, de Venise, de
Turin.
Plusieurs
de celles adressées à M. de la Rive, qui écrivait directement à une adresse
donnée dans ces villes, lui arrivaient par retour du courrier, rapportant la
réponse aux questions posées, et souvent y joignant des documents forts
portants.
Disons
tout de suite au sujet de ces lettres que, depuis la conversion, un grand
nombre de personnes en ont reçu, et, pour mon compte, cinq ou six, toutes de la
même écriture que celles reçues auparavant par M. de la Rive et M. l’abbé
Mustel (Voir pièce justificative L). Faut-il maintenant parler des ouvrages de
miss Vaughan ? A eux seuls ils constituent une preuve suffisante de son
existence et de sa qualité de haute-maçonne. Le Palladium régénéré et libre
d’abord, cette publication étrange, où elle expose les théories, déjà un peu
connues, du manichéisme palladique, et à laquelle s’abonnent presque
exclusivement des francs-maçons et des spirites, qui, tous, je le sais par
l’éditeur lui-même, réclament l’argent de leur abonnement dès que miss Diana,
renonçant à la Maçonnerie, commence la publication de ses Mémoires. Ce
Palladium, l’ardente luciférienne l’envoie par milliers dans les communautés
de femmes, espérant amener les religieuses à ses idées ; elle renonce
ensuite à le leur adresser, lorsqu’elle apprend que ces pages les attristent.
Notons dans ces numéros parus alors des portraits et des réflexions assez vives
sur les auteurs antimaçons sortis des rangs de la secte (Voir pièce
justificative M), et signalons deux documents publiés alors et jamais contestés
la : voûte encyclique de Lemmi sur Voltaire et Jeanne d’Arc et le Manuel
des prières lucifériennes.
Aussitôt
convertie, miss Diana, sur le conseil de M. l’abbé Mustel auquel elle envoie sa
première méditation, publie son admirable Neuvaine Eucharistique pour
laquelle S. Em. le cardinal Parocchi lui adresse une lettre de félicitations et
de remerciements qu’il n’a jamais désavouée et qui est une preuve incontestable
que notre conviction sur l’existence et la sincérité de miss Vaughan est
partagée par l’éminent Prince de l’Eglise. (Voir pièce justificative N)
La
Neuvaine Eucharistique achevait de nous révéler l’âme si droite de miss
Vaughan ; elle ne donnait pas de documents maçonniques nouveaux. Depuis
lors, au contraire, toutes les publications de la généreuse convertie en sont
entièrement remplies. Déjà, l’année précédente, elle avait fourni à M.
Margiotta plusieurs pièces importantes pour son volume sur Lemmi. Outre
la photographie de la copie même du jugement condamnant Lemmi pour vol, copie
envoyée par le gouvernement français au gouvernement italien, dans des
circonstances qu’elle a fait connaître, elle lui communiquait, entre autres, la
lettre de Graveson sur la volte-face de Findel, la constatation notariée au
sujet des enfants masculins du nom de Lemmi nés à Florence entre les années
1820 et 1825, et la lettre qu’elle avait écrite à Monseigneur l’évêque de
Nancy.
Dans
les Mémoires d’une ex-Pa1ladiste, miss Vaughan continue à donner des
documents d’une haute valeur ; citons seulement la lettre que lui
écrivirent les hauts-maçons de Londres et qui amena la rupture avec eux, la
patente de Maîtresse templière palladique, avec ses dessins symboliques,
l’histoire si curieuse et si complète des origines sociniennes de la
Maçonnerie, les détails sur la vie et les écrits de Thomas Vaughan, son
ancêtre, le tableau de l’Italie maçonnique avec ses triangles et ses loges
israélites, les noms des principaux Lucifériens anglais avec les lieux et dates
de réunions, le rapport adressé à Lemmi par Philéas Walder, et enfin l’instruction
de la Haute Vente suprême de Turin en 1822.
Répétons-le
encore, la publication de ces pièces, de ces noms, de ces accusations même
parfois, n’a amené ni protestation sérieuse, ni démenti autorisé.
De
même, dans l’Antimaçon, des détails précis sont donnés sur les hommes
politiques français affiliés au Palladisme, dans la Restauration du
Paganisme, le texte anglais des hymnes païennes d’Albert Pike et le rituel
du culte de Jupiter composé par le Cte de Douville-Maillefeu et l’ex-chanoine
Junquas sont publiés in extenso ; que dire du volume sur Crispi,
ce merveilleux ouvrage historique absolument tissu de documents dont beaucoup
d’inédits, et particulièrement la liste des Mille de Garibaldi, dressée par
Crispi lui-même. Un seul détail au sujet du procès-verbal photographié de la
séance dans laquelle Sophia Walder fut officiellement proclamée la future
bisaïeule de l’Antéchrist. Cette photographie porte les signatures d’un
certain nombre de hauts-maçons italiens et particulièrement celle de Sophia
Walder, qui se trouve de la même écriture que celles qui terminent les lettres
adressées par cette dernière à M. l’abbé Mustel et à miss Vaughan.
Reste
à dire un mot de la question d’argent. Qui donc aurait fait à la fois, d’une
part, les grandes dépenses du Palladium régénéré et libre, du diplôme et
des insignes destinés aux membres du triangle projeté à Paris sous le nom de
Sainte-Hypathie, insignes depuis, envoyés à des ecclésiastiques que nous
connaissons, et, de l’autre, les envois d’argent faits depuis la conversion et
qui s’élèvent aussi à une assez forte somme ?
Car
il importe de le remarquer, et l’argument est d’un grand poids, miss Vaughan ne
veut en rien profiter de la vente de ses ouvrages, et elle m’écrivait, il y a
deux mois, au sujet d’une proposition de traduction des Mémoires en
langue espagnole, qu’on devait m’adresser la somme dont on conviendrait ;
elle me demandait d’en affecter un quart aux voyages de M. de la Rive pour ses
conférences antimaçonniques, un quart à l’envoi de pèlerins a Lourdes, et le
reste en messes pour le repos de l’âme de son père et de sa mère (Voir pièce
justificative O). L’affaire ne s’est pas arrangée alors pour l’Espagne, mais,
quand a été décidée la traduction allemande, c’est à moi que le chèque de 1 000
francs a été envoyé et il a été tout entier consacré à deux œuvres
antimaçonniques.
Je
n’ai pas ici à raconter la conversion de miss Vaughan (Voir pièce justificative
P) ce que je puis affirmer d’après ma connaissance personnelle, c’est ce fait
que, une personne envoyée par moi à Lourdes avec l’argent reçu de
l’ex-luciférienne, personne qui crachait le sang depuis plusieurs mois, sortait
guérie de la piscine à cette heure même et à ce jour que miss Vaughan, dans le
couvent où elle se cachait alors, signait une adhésion complète à la foi
catholique. Après cet ensemble de preuves, est-il nécessaire d’établir que la
véritable Diana Vaughan n’est pas demeurée Sœur maçonne et n’est pas remplacée
par une femme quelconque qui se ferait passer pour elle ?
Cette
hypothèse, imaginée par M. Margiotta, ne supporte pas l’examen ; lui-même,
jusqu’ici, nous avait toujours représenté miss Vaughan comme une maçonne au
courant de tous les secrets de la secte, lui-même a raconté sa conversion en un
volume imprimé ; qu’il ne vienne pas maintenant, nous dire qu’il y a deux
miss Vaughan : il arrive trop tard ; tous les hommes sérieux et réfléchis
s’en tiennent à ses affirmations premières. Outre que cette pseudo-Diana ne
pourrait avoir en sa possession les documents si nombreux publiés précisément
depuis la conversion, l’argument écrasant dont miss Vaughan s’est servi contre
M. Margiotta suffit à trancher la question. S’il existait une femme qui
cherchât à tromper les catholiques en jouant à la convertie, elle ne pourrait
avoir entre les mains les lettres mêmes que M. Margiotta adressait sans
intermédiaire à la véritable luciférienne. L’argument est irréfutable : il
ne peut y avoir deux miss Diana Vaughan (Voir pièce justificative Q).
Voilà,
je crois, la démonstration complètement faite.
S’il
restait encore dans quelques esprits certaines difficultés, nous sommes prêts
à y répondre, car elles ne peuvent provenir, nous en sommes persuadés, que du
manque de connaissance suffisante, soit des questions maçonniques en général,
soit des ouvrages et des faits qui touchent plus immédiatement cette question.
Pour nous, antimaçons de profession, s’il est permis de parler ainsi, qui
avons étudié avec soin les preuves intrinsèques et extrinsèques que nous venons
de résumer ici, nous n’avons et ne pouvons avoir de doute sur l’existence, la
sincérité et la spéciale autorité en ces matières de miss Diana Vaughan, la
palladiste maintenant convertie.
A
Monseigneur Parodi, directeur de l’ « Éco d’Italia » , à Gênes.
Monseigneur,
De
tout cœur je vous remercie de votre lettre ; mais je ne puis accepter vos
louanges, car je remplis simplement un devoir. Ce devoir, je l’accomplirai
jusqu’au bout, avec toute la prudence nécessaire pour me préserver de la haine
sectaire, dont les crimes ne peuvent être niés.
En
vérité, je préférerais la paix du cloître et l’oubli complet dans la seule
prière ; mais j’obéis au désir qui m’a été exprimé en termes
formels :
« Continui,
Signorina, continui a scrivere ed a smascherare 1’iniqua setta. La Provvidenza ha
percio permesso que ella per si lungo tempo vi appartenesse. » (Lettre du
11 juillet 1896 de l’un des secrétaires particuliers de Sa Sainteté, reçue à la
suite de l’envoi de mon volume sur Crispi au Vatican.)
Si
le Vatican m’ordonnait le silence, ma voix se tairait immédiatement ; mais
il n’en est pas ainsi.
Les
Lemmi, Nathan et autres chefs des Triangles et des Loges me connaissent bien et
ils ne peuvent contester l’authenticité absolue des documents que je mets au
jour ; mais, afin de nuire à l’effet des révélations qui se dressent
contre eux, terriblement accusatrices, ils ont donné le mot d’ordre de nier mon
identité, même mon existence. M. Léo Taxil l’a dit avec raison au Congrès de
Trente : c’est là un vieux jeu ; avant de nier mon existence, ils nièrent
celle du docteur Bataille, celle de Margiotta et celle de Salutore Zola ;
ils nièrent même Léo Taxil, disant que les livres de sa conversion étaient
écrits par les Jésuites.
Bataille,
Margiotta, Zola, Taxil, ont répondu comme ils ont cru devoir le faire. Mais ma
situation est bien différente de la leur, et je ne tomberai pas dans le
piège ; car ce qu’on veut, c’est me pousser à bout, afin qu’une imprudence
amène la découverte de ma retraite.
Les
catholiques qui ne doutent pas de moi sont ceux qui ont étudié à fond les faits
et gestes de la Maçonnerie ; cet incident de la lutte est donc
providentiel, puisqu’il obligera les catholiques enclins au doute à étudier la
question.
Rien
de ce qui a été demandé par les interrogateurs allemands du Congrès n’établirait
mon identité ; car les certificats de naissance se délivrent aux citoyens
des Etats-Unis sans aucune sérieuse garantie. La première aventurière venue
pourrait se faire passer pour moi. Mais les questions posées feraient retrouver
ma piste, si j’avais donné mandat d’y répondre.
Mais
je ne tomberai pas dans le piège ! Ce qui concerne ma personne est et doit
demeurer le secret du Saint Office. Trois fois aveugles sont les catholiques
qui ne comprennent pas cela. Je les plains de ne pas voir qu’ils mettent en
joie l’infernale secte, laquelle en est réduite à répandre des bruits stupides,
uniquement parce qu’il lui est impossible de contester l’authenticité de mes
documents.
Heureuse
d’avoir obtenu la foi du seul vrai Dieu, je dédaigne les calomnies des méchants
et je ne saurais m’émouvoir des doutes vraiment trop naïfs. La vérité est dans
la main de Dieu, et Dieu la fait toujours luire, éclatante, au moment propice.
A
bas Satan! et Vive Dieu qui ne meurt pas !
Je
vous autorise, Monseigneur, à publier ma lettre, et je vous prie d’avoir une
prière pour l’indigne qui, pleurant ses erreurs passées, se dit votre
respectueuse servante en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
DIANA
VAUGHAN.
9 octobre 1896.
« Le
Grand Maître provincial du Lotus 55 a encore la douleur de vous faire part des
constatations fâcheuses qui ont été faites sur tous les points de la province,
à l’occasion de la fête solsticiale. De partout, il me revient que l’on
murmure dans les Loges contre les triangles et contre toute direction
extra-nationale ; depuis deux mois, partout, aux tenues, le sac des
propositions est plein d’interpellations au sujet de l’existence de la
Haute-Maçonnerie.
Quand
le Vénérable n’est pas un parfait initié, il proteste et nie avec une énergie
qui rend la confiance ; mais quand il appartient d’autre part au Rite
suprême, il est arrivé parfois qu’il se soit trouvé embarrassé, ayant été pris
à l’improviste, et alors les démissions ont suivi ses explications jugées
insuffisantes par les interpellateurs.
Cette
situation déplorable, qui s’aggrave de jour en jour, est le résultat de la
démission de la Sœur américaine 141 (c’est le nombre nominal de miss Diana
Vaughan)[80].
Cette femme, en communiquant sa démission à un de vos ennemis, à un misérable
folliculaire français qui s’est empressé de la publier, a foulé aux pieds ses
serments les plus sacrés, et elle ne mérite plus aucune pitié. Elle nous a fait
un mal inouï. Or, comme la contagion gagne toutes les Loges belges, et qu’il
doit en être de même dans les autres pays, je ne vois qu’un remède il faut
s’entendre partout pour nier carrément. Donnez vite le mot d’ordre, il n’est
que temps de réagir.
A
nos banquets solsticiaux, les abstentions ont été nombreuses ; ce n’est
plus le zèle qui se ralentit, c’est la démission qui se multiplie dans des
proportions inquiétantes ! Dans trois ateliers des grades inférieurs, on a
voté un vœu tendant à la nomination d’une Commission de surveillance, dont même
les apprentis pourraient faire partie, et que aurait pour mandat permanent de
vérifier si les autorités supérieures du Rite transmettent, à Charleston ou
ailleurs, une part proportionnelle quelconque des cotisations. Comment empêcher
ce vœu d’avoir une suite ? Ce serait le renversement de la hiérarchie. Il
vous appartient d’aviser, mais réagissez immédiatement. »
Cette
lettre ou voûte d’urgence n° 385, datée de Bruxelles, le 30juin 1894, est venue
au palais Borghèse le 2juillet, a été citée par M. Margiotta comme écrite par
M. Goblet d’Alviella signant 697.
Celui-ci
a protesté par une lettre publiée dans les journaux de Belgique. Dans cette
lettre, il niait et la lettre ci-dessus et l’existence d’une organisation
palladique en Belgique et la dépendance de la Maçonnerie belge de toute
autorité étrangère.
M.
Margiotta répondit à toutes ces dénégations et conclut la polémique par un
triple défi, s’offrant à prouver devant un jury de trois membres : 1° cent
mensonges maçonniques publiés sur des faits passés ; 2° la subordination
du Suprême Conseil belge au Suprême Conseil de Lausanne ; 3° l’existence
de la Haute-Maçonnerie palladique en s’appuyant sur des documents émanant du
Suprême Conseil de Belgique. 10 000 francs d’enjeu étaient proposés pour chacune
des propositions.
Le
défi ne fut pas relevé.
N°
44 A LA GLOIRE DU GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS
ORDO
AB CHAO
LIBERTÉ,
ÉGALITÉ, FRATERNITE
Suprême
Conseil Général de la Fédération Maçonnique Italienne du Rite
Ecossais
ancien et accepté
Orient
de Palerme, 12e jour du 7e mois.
Année
de la vraie lumière, 5894.
Ere
vulgaire, 12 septembre 1894.
Très
Illustre et Très Puissant F.˙. Domenico Margiotta 33° à l’Orient de Palerme.
Notre
Grand Maître a lu avec la plus grande douleur votre résolution de vous détacher
de notre famille, et aussitôt il m’a chargé de vous prier très instamment de
revenir sur votre détermination.
Vous,
Très Puissant Frère, qui êtes la vraie valeur de notre famille, vous ne pouvez
pas, vous ne devez pas vous en éloigner. Vous avez fait serment de rester avec
nous, et vous .y resterez, j’en suis sûr. Vous avez combattu, et maintenant que
nous sommes parvenus au commencement de la fin, vous ne pouvez pas en rester là
quand vous êtes sur le point de recueillir les fruits de votre travail si
actif.
Retirez,
nous vous en supplions tous, retirez vos démissions, car nous serons vengés, je
vous l’assure. Il y a quelque temps, j’avais démissionné à cause d’étranges
combinaisons qu’on voulait introduire dans notre système, mais ensuite la
majorité s’étant aperçue de l’erreur, le Très Puissant Grand-Maître, qui a
toujours été avec moi en parfaite harmonie, m’a obligé à reprendre le travail.
Au
mois de juillet dernier, Diana Vaughan nous a écrit de Paris pour nous envoyer
une somme à distribuer en secours.
Agréez,
Très Puissant Frère, la triple accolade fraternelle,
Le
Grand lieutenant général
JOSEPH
MILITELLO, 33e.
DECRET DU SUPREME CONSEIL GENERAL DE PALERME
A.˙. G.˙. D.˙. G.˙. A.˙. D.˙. U.˙.
Ordo ab chao.
Ici l’aigle à têtes,
surmonté d’un triangle rayonnant ; et sur la banderole accrochée à l’épée
que tient l’aigle, la devise : Deus
meumque jus.
L.˙.
U.˙. F.˙.
Initiales des
mots italiens : Liberté, Egalité, Fraternité.
Sup.˙. cons.˙.
Gen.˙. della Fed.˙. mas.˙. Ital.˙. di Rito Scozz.˙.
Ant.˙. ed Acc.˙.
Suprême Conseil
Général de la Fédération maçonnique italienne du Rite écossais Ancien et
Accepté.
Or.˙.
di Palermo, il g.˙. VIII del mese II.
A.˙. V.˙. L.˙. 5894.
E..
V.. 8 aprile 4894.
Orient
de Palerme, le 8e jour du 2e mois.
An
de la Vraie Lumière 5894.
Ere
Vulgaire : 8 avril 1894.
Nous,
Président de la
Fédération Maçonnique italienne, Grand Maître et Grand Commandeur ad vitam
du Suprême Conseil général du Rite Écossais Ancien et Accepté, siégeant en la
vallée de l’Oreto, Grand-Orient de Palerme.
Vu le rapport
dressé par notre Très Puissant et Très Illustre Frère Dominique Margiotta, 33e,
membre actif du Suprême Conseil pour la vallée du Sebeto, Inspecteur Général de
tous les ateliers des trois Calabres, Membre d’honneur du Suprême Conseil pour
la vallée de l’Oreto, Commandeur des Chevaliers défenseurs de la Franc-Maçonnerie
universelle,
Avons décrété et
décrétons :
ARTICLE PREMIER. - Voulant récompenser par un témoignage d’affectueuse
sympathie et de haute estime notre Très Illustre, Très Puissante et Très
Eclairée Sœur Diana Vaughan, Maîtresse Templière Souveraine, Grande Maîtresse
du Parfait Triangle Phébé-la-Rose, Déléguée de la Province Triangulaire
de New-York et Brooklyn, pour les éminents services qu’elle a rendus à la
Haute-Maçonnerie ; pour son dévouement et son attachement très fidèle à
ses principes, pour avoir si vaillamment levé dans la Haute-Maçonnerie le drapeau
de la rébellion, au Congrès du 20 septembre 1893 (ère vulgaire), contre le
Grand Maître du Souverain Directoire Exécutif, élu irrégulièrement souverain
Pontife de la Franc-Maçonnerie universelle, pouvoir rendu glorieux par les
rares vertus et par la haute sagesse et honnêteté de notre Très Puissant Frère
Regretté Albert Pike, qui a un temple d’amour dans les cœurs de tous les vrais
francs-maçons.
Nous lui avons,
dans notre solennelle assemblée de ce jour, décerné le titre de
MEMBRE D’HONNEUR
PROTECTEUR DE NOTRE SUPREME CONSEIL
DU
RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTE
ART. 2. - Le nom de notre Très Chère, Très Eclairée et Très Vaillante Sœur Diana Vaughan, Membre d’Honneur, Protecteur de notre ancien et historique Suprême Conseil, est inscrit, dès ce jour, au Livre d’Or de tous les Suprêmes Conseils, Aréopages, Chapitres et Ateliers composant la Fédération Maçonnique italienne.
ART. 3. - Notre
Très Illustre Frère Grand Chancelier, Grand Secrétaire est chargé d’annoncer
l’heureux événement à tous les Suprêmes Conseils de la Fédération.
ART. 4. - Plein
pouvoir est donné à notre Très Puissant Frère Dominique Margiotta, 33e, de
faire parvenir, en notre nom, le présent décret à notre Très Eclairée Sœur
Diana Vaughan et nous mettre en rapport de bonne amitié avec la Suprême
Autorité de Charleston, à laquelle nous désirons obéir ; car nous
reconnaissons cette Suprême Autorité comme le seul, unique et légitime Pouvoir
Suprême de la vraie Franc-Maçonnerie universelle.
Fait, écrit et
donné au Suprême Conseil Général, en la vallée de l’Oreto, Grand-Orient de
Palerme, le VIIIe jour du IIe mois de l’an de la vraie lumière 000 804.
Le Président
Grand-Maître général de la Fédération.
Signé : Paolo Figlia,
33e.
(Ici, le sceau
portant : Supremo Consiglio Grand Oriente di Sicilia. Figure principale,
une tête humaine sur trois pieds humains disposés autour en éventail.)
Le Grand
Ministre d’État,
Signé : Avocat A.
Battaglia, 33e.
Le Grand Garde
des Sceaux et Timbres,
Signé : F. GILIBERTO,
33e.
Le Grand
Chancelier, Grand Secrétaire Général,
Signé : Joseph
MILITELLO, 33e.
(Ici le cachet
particulier du Grand Chancelier : trois triangles enchevêtrés et
rayonnants, ayant des caractères hébreux au centre, et cette inscription
autour : Supremo Consiglio di Sicilia Gran Cancelliere.)
LETTRE
DE MISS DIANA VAUGHAN
A
MONSIEUR L’ABBE MUSTEL
Londres, 8 mai 1894.
8 mai ! jour de gloire
d’une grande Française.
Monsieur l’abbé,
Puisque vous avez déjà des autographes
de Mlle S. W..., en voici un qui ne déparera pas votre collection ; je
vous l’offre très volontiers.
C’est par moquerie que cette
personne m’engage à rejoindre Barbe Bilger au Bon-Pasteur de Nancy. Le couvent
ne me tente pas, certes ! et je n’ai rien à craindre où je suis à cette
heure ni où je me fixerai. J’ai accompli mon devoir ; je n’ai rien à me
reprocher.
Je n’aime pas les Jésuites,
oh non ! mais tous les Jésuites de la terre valent mieux que le petit
doigt d’une S. W...
Pensez quelquefois à moi,
bien qu’à présent vous ne recevrez plus de mes nouvelles.
Avec respect et sympathie,
je vous présente une dernière fois mes civilités.
D. VAUGHAN.
LETTRE
DE SOPHIE WALDER
A MISS DIANA VAUGHAN
Bruxelles,
17 avril.
Depuis hier, tu ne peux plus
douter que ton équipée était une folie, n’est-ce pas ?
Pour nous combattre, tu fis
appel à nos ennemis. Complet, ton écrasement, rebelle sans vergogne !
Vas-tu finir en
Cléopâtre ? Ce serait plus propre que de finir en Barbe…
Je dis, moi, que tu préféreras
l’absolution des Jésuites à la rédemptrice piqûre de l’aspic.
Cours donc à confesse,
Diana, le Bon-Pasteur de Nancy t’attend.
Sophia.
« Nos
lecteurs ignorent peut-être que Lucifer est représenté dans la presse parisienne
et qu’il y subventionne une revue dirigée par miss Diana Vaughan…
Nous avons sous
les yeux le numéro de cette revue portant la date du 21 mars dernier. Son titre
est le Palladium régénéré et libre d’un des groupes lucifériens
indépendants… Nous bornerons là ces citations. Aussi bien est-ce s’arrêter trop
longtemps à de semblables choses. On comprend facilement que les autorités
ecclésiastiques ne pardonnent pas à miss Diana Vaughan d’avoir livré à la
publicité de telles absurdités. L’exécution des menaces formulées pour les
temps accomplis nous est une rassurante garantie pour l’avenir. La Croix
annonce que miss Diana Vaughan, travaillée par la grâce d’en haut, renonce
définitivement au Palladisme, et que, si elle n’est pas convertie, elle prie Jeanne
d’Arc de l’éclairer. Espérons pour la pauvre miss que quelques médecins
spécialistes joindront leurs efforts à ceux de Jeanne et de saint Michel et
qu’ainsi la pauvre demoiselle retrouvera le bon sens dont elle semble avoir
quelque peu perdu la notion. »
(Lanterne,
14 juin l895.)
A miss Diana Vaughan,
Ex-Grande
Maîtresse du Parfait Triangle Phébé-la-Rose de New-York.
Ma
chère amie,
Ce volume - j’ai pris mes
mesures pour qu’il vous parvienne sans que son envoi dévoile votre retraite -
vous confirmera ce que je vous ai fait dire : je me suis converti.
Ne protestez pas et écoutez
mes explications.
Vous savez combien je vous
suis dévoué et avec quel zèle je me suis employé en Italie à seconder vos courageux
efforts dans votre lutte contre l’infâme Adriano Lemmi.
Dès que vous avez levé l’étendard de la
révolte avec Palacios et Graveson, les maçons italiens antilemmistes ont
constitué une Fédération nationale des Loges indépendantes au Suprême Conseil
Général à Palerme, et nous avons répandu dans toute la péninsule moi
personnellement, autant qu’il m’a été possible - la Voûte de Protestation du
Comité permanent de Londres, ce document si vibrant d’indignation et si
flétrissant pour l’intrus du palais Borghèse.
(…)
Partout on s’est incliné
devant l’affreux juif livournais, malgré qu’on ait reconnu partout qu’il était
l’élu de la corruption et de la tricherie. Graveson Lui-même s’est rallié
« pour ne pas prolonger, a-t-il dit, un schisme qui réjouissait les
cléricaux ; » et Palacios, sans doute à contrecœur, a déclaré ne pas faire
opposition au vote des provinces triangulaires, ratifiant le projet de
transaction imaginé par Findel et adopté provisoirement au Souverain Directoire
Administratif de Berlin, à contrecœur, dis-je, mais il s’est incliné, lui
aussi. En face de Lemmi, reste seulement la Fédération italienne qui marche
sous la bannière de Figlia.
(…)
Professeur
Domenico Margiotta. »
Préface du livre Adriano
Lemmi, chef suprême des francs-maçons.
[cf
« Lettre d’un missionnaire aux Etats-Unis au sujet de miss Vaughan »,
page 164.]
« Tout le monde sait que le domaine du Déchu,
sur cette terre, se divise en deux camps :
L’un, celui du palladisme, de
la haute Franc-Maçonnerie, des Lucifériens, qui englobe le vieux et le nouveau
monde, qui possède un anti-pape, une curie, un collège de cardinaux, qui est,
en quelque sorte, une parodie de la cour du Vatican.
Le général Pike fut, pendant
quelques années, le vicaire du Très-Bas, le pontife installé dans la Rome
infernale, à Charleston ; celui-là est mort ; maintenant c’est
Adriano Lemmi, un filou condamné pour vols en France, qui est le Saint-Père
noir. Il ne réside plus comme son prédécesseur en Amérique, mais bien à Rome.
De nombreux renseignements
ont été fournis sur le palladisme.
Ils ont été confirmés tout
récemment, d’ailleurs, par le témoignage même des Lucifériens, dont un groupe
dissident, aux accointances plus que suspectes, a fait paraître, sous la
direction de miss Diana Vaughan, une revue de propagande, le Palladium. »
Préface de J. K.
Huysmans, p. XVI, à l’ouvrage de Jules Bois : le Satanisme et la Magie.
« Miss
Diana Vaughan, qui, de son propre aveu, est une initiée de Lucifer, vient de
prendre une tête de colonne ; elle déclame ou chante des évocations à la
« sublime enfant de la Lorraine », accompagnées des paroles menteuses
d’un sosie de Jeanne.
Voulez-vous
savoir ce que dit Jeanne par la bouche de l’ex-sataniste, qui est tombée de
Charybde en Scylla. On le clame en pleins boulevards :
Français,
levez-vous! dans la ville et dans la bourgade
Mettez vos
cœurs à l’unisson ;
L’heure a
sonné de la croisade
Contre
l’ennemi franc-maçon.
Voilà ce que dit
Jeanne, et voilà ce que répète la célèbre convertie :
Noms de Jésus
et de Marie
Par vous, nous serons les
vainqueurs ;
L’infernale maçonnerie,
A mis le comble à nos
malheurs ;
Hardi ! car voilà trop
d’outrages !…
De Jeanne écoutons la leçon,
Hardi ! Réveillons les
courages :
L’ennemi, c’est le
franc-maçon.
Oh! miss Vaughan, vos
accents seraient mieux placés sous un ciel ennemi.
Ce n’était pas la peine de
changer de religion pour comprendre le bien de cette manière. »
HAB (Lucie
Grange), dans la Lumière, de janvier-février 1896.
« Nous n’avons du reste
pas besoin d’insister auprès des personnes de bonne foi qui suivent le
mouvement théosophique pour empêcher de confondre le Lucifer de Charleston,
dont Diana Vaughan était naguère une adepte, avec le Lucifer de Luciferus,
porteur de la Lumière, étoile du matin, qui sert de titre à la principale Revue
théosophique anglaise. Quelle que soit l’entité astrale qui ait répondu aux
appels des Pike et Vaughan, le Lucifer théosophique est le Manasaputra, l’ange
planétaire, le bon ange qui est venu informer l’homme, le faire tendre à la
fusion divine, d’où dérive le salut, et dont Jésus, l’Homme-Dieu, est l’une des
plus parfaites réalisations, puisqu’il est dit dans Pierre, 11, 19, que
« l’étoile du matin doit se lever dans nos cœurs » ; et, dans
l’Apocalypse XXII, 16 :
« Moi, Jésus, je
suis l’étoile brillante du matin »... Il y a là un travail à faire, pour plus
tard. »
(Lucifer, janvier
1896, analysé par le Lotus bleu (février).
« Diana Vaughan - transfuge
sincère, mais, à coup sûr, privée de la pondération mentale et du savoir qui
caractérisent un initié véritable, raconte que, pour les Palladistes, il y a
deux entités capitales : le dieu-bon, le porte-lumière ou Lucifer, escorté
de ses légions bienfaisantes de daimons, et le dieu mauvais, Adonaï, soutenu
parles phalanges obscures des esprits du mal ou maléaks. Sur quelle preuve se
fonde-t-elle pour croire aujourd’hui que celui qu’elle adorait comme divinité
suprême du ciel n’est que le roi de l’enfer ? Sur ce fait que l’image de
ce qu’elle crut être Jeanne d’Arc lui apparut un jour toute en larmes, et que
son démon familier, Asmodée, lui fit une scène de jalousie en apprenant la
vénération qu’elle avait pour elle. Si
Diana avait eu l’esprit tant soit peu philosophique, elle n’aurait pas fait
volte-face pour si peu ! Et si, comme on nous l’assure, elle était Grande
Maîtresse des rites palladiques, c’est que ces rites ne consistent point en un
enseignement réel des grandes vérités de la nature, mais tout au plus en
quelques rites de magie évocatrice des esprits de la nature… Dr Pascal. »
(Le Lotus bleu, août
1890, p. 272.)
Nota. - Dans une note,
l’auteur écrit ceci à propos de Margiotta : « Le savant directeur du Bulletin
des Sommaires croit que tous ces auteurs - Bataille, Diana Vaughan,
Margiotta - sont des mythes inventés par certains antimaçonniques
fougueux. »
Le savant
directeur du Bulletin des Sommaires est bien mal renseigné. La Revue
maçonnique, sur la foi de Moïse Lid Nazareth, n’a pas été jusque-là. Elle
reconnaît l’existence du Dr Bataille et de Margiotta.[81]
LE
PAPE ROUGE
Révolte
d’une luciférienne contre Adriano Lemmi.
La
Grande-Maîtresse templière. — « Voûte de protestation ».
Parfaits
triangles. — Retraite impénétrable.
On se souvient que certaines
Loges de tous les pays du monde, résolues à modeler absolument la
Franc-Maçonnerie sur l’Eglise romaine, ont délégué, en septembre dernier, des
représentants à Rome pour y tenir, sous forme de convent secret, une sorte de
conclave.
On procéda, en face du
Vatican, à l’élection d’un contre-pape, d’un pape rouge, et le choix tomba sur
Adriano Lemmi, une créature, un alter ego de M. Crispi.
Vingt-six délégués,
représentant les Loges anglaises et américaines, refusèrent de ratifier ce
choix. Ils quittèrent Rome avec miss Diana, « la Grande-Maîtresse
templière », représentant les Loges féminines d’Europe, et se réunirent à
Londres, où ils tinrent « voûte de protestation ». Ainsi, à peine
née, la papauté rouge avait son schisme, et c’est une femme qui, nouvelle
Elisabeth, organisait la « réforme maçonnique ».
Cette « voûte» fut signifiée
à tous les «parfaits et grands triangles » par le « Suprême Directoire
dogmatique du Palladium ». Nous ne nous chargeons pas d’expliquer ces
titres sonores.
Les
griefs.
Que signifiait
la « voûte » aux « triangles »? Elle reprochait à Adriano Lemmi son
passé indigne.
L’âme vraiment damnée de M.
Crispi aurait été condamnée, le 23 mars 1844, à Marseille, à une peine de un an
de prison et cinq ans de surveillance.
De plus, il aurait, étant
entrepositaire des tabacs en Amérique pour le compte de l’Italie, commis des
actes qui lui furent publiquement reprochés et dont il se justifia mal.
Enfin, crime plus grave, il
n’aurait pas appliqué à leur objet des sommes importantes remises par les Loges
anglaises et américaines pour la propagation de la Maçonnerie en Italie.
Il va sans dire que nous
laissons à la « voûte » la responsabilité de l’énorme retentissement
qui accueillit ces accusations dans le monde maçonnique.
Adriano Lemmi se
mit fort en colère et menaça d’excommunication les Loges protestataires. Malgré
ces anathèmes, les défections s’accentuèrent en Europe et même en
Italie.
Miss Diana Vaughan,
l’accusatrice, se rendit d’abord en Allemagne, où elle chercha à gagner à sa
cause le « Suprême Directoire administratif » de Berlin et tous les
« triangles » germaniques. Elle gagna la Suisse, et, enfin, aidée par
MM. Paolo Figlia, député au Parlement italien, et Aristide Battaglia, elle
entreprit la lutte face à face avec le redoutable pape qui siège au palais
Borghèse.
Elle remit elle-même sa
démission de franc-maçonne à Lemmi et quitta Rome pour Paris.
Bien que luciférienne
convaincue et sataniste militante, Diana Vaughan dut se cacher pour échapper à
la persécution, et sa retraite fut ignorée.
Entrevue
avec une satanique.
Deux de nos amis ont
rencontré la fugitive dans sa retraite, et ont obtenu d’elle les déclarations
suivantes :
« Je viens, a-t-elle
dit, de donner à Rome ma démission complète et définitive ; j’ai tenu à la
remettre à M. Lemmi en personne, afin d’avoir l’occasion de lui cracher à la
face tout mon mépris. Mais si je n’appartiens plus désormais à aucun
« triangle » ni à aucune Loge, au fond du cœur je garde ma croyance
et mon espoir en mon Dieu.
Dans la retraite où je vais
m’enfermer, j’emporte de solides amitiés ; je ne veux rien de plus. A
peine avais-je signé ma radiation volontaire irrévocable, que je recevais
l’avis de mon élection comme membre d’honneur et protectrice du Suprême Conseil
général de la Fédération maçonnique italienne, précieux témoignage de la
sympathie d’honnêtes Frères qui ont secoué le joug du despote du palais
Borghèse ; je ne puis accepter cette distinction, car c’est fini, bien
fini pour moi depuis l’abdication de mes camarades des « triangles »
américains. Avec eux, j’eusse lutté jusqu’au bout pour sauver l’honneur de la
Maçonnerie.
Voici la lettre que j’écris
à MM. Figlia, député au Parlement, et Battaglia, qui ont lutté avec moi contre
Lemmi :
« Chers
amis,
Je regrette de toute mon âme
de ne plus vous appeler Frères. Lorsque mes meilleurs camarades de combat n’ont
pas compris le devoir, je ne pouvais que me retirer. C’est ce que j’ai fait,
mais non sans avoir témoigné tout mon mépris à Adriano Lemmi dans une dernière
entrevue.
La
vraie Maçonnerie est morte, entendez les acclamations à la gloire du crime
pontifiant. Ce sera là toute l’oraison funèbre de l’assassinée. Puisse-t-elle
ressusciter, la Maçonnerie probe et libre, après cette épreuve de corruption,
de trahison et de boue ! »
Les extases démoniaques.
Miss Diana
Vaughan a la faculté d’extase diabolique. Il lui suffit, dit-elle, de prononcer
la simple invocation « daimon protecteur »pour tomber comme morte et
rester en cet état pendant quatre heures.
« C’est
pour moi, dit-elle, une volupté, une joie vraiment infernale, c’est le cas de
le dire. »
Matin, 14 mai 1894.
J’affirme
n’avoir pas dit ceci : C’est pour moi une volupté, une joie vraiment infernale,
c’est le cas de le dire. Nul de ceux qui me connaissent n’a pu croire que de
telles paroles sont jamais tombées de mes lèvres.
Miss Vaughan (n°
1 du Palladium, p. 9).
Pour éclairer le
débat et aider à l’affirmation de la vérité, nous croyons devoir apporter notre
témoignage personnel.
Oui, miss Diana Vaughan existe. Nous la connaissons pour lui
avoir parlé, pendant plus de deux heures, au cours d’une visite, et pour avoir
déjeuné avec elle, en compagnie de MM. Léo Taxil, le docteur Bataille et un
dessinateur qui a exécuté le portrait de la charmante jeune femme.
C’était le 21
décembre 1893, par conséquent de longs mois avant la conversion de miss
Vaughan.
Au surplus,
puisque l’occasion se présente, pourquoi ne donnerions-nous pas quelques
extraits de l’article que nous avons consacré à cette visite dans notre Echo
de Rome du 1er janvier 1894.
Voici ce que
nous écrivions, alors, sous le titre suggestif : Une Luciférienne :
« C’est une jeune
femme de vingt-neuf ans, jolie, très distinguée, d’une stature au-dessus de la
moyenne, la physionomie ouverte, l’air franc et honnête, le regard pétillant
d’intelligence et témoignant la résolution et l’habitude du commandement ;
la mise est fort élégante, mais du meilleur goût, sans affectation, ni cette
abondance de bijoux qui caractérise si ridiculement la majorité des riches
étrangères. En voyant cette personne, si bien douée sous tous les rapports,
nous nous sentons envahi par un sentiment de pitié profonde ; car nous
nous disons en nous-mêmes combien il est déplorable qu’une telle créature soit
en proie à une aussi funeste erreur.
Nous sommes en présence de la luciférienne convaincue, de la Sœur
maçonnique de haute marque, de l’initiée aux derniers secrets du satanisme
sectaire.
M.
le docteur Bataille, dont nous avons eu grand plaisir à. faire la connaissance
ce jour-là, nous fait observer, tandis que miss Vaughan s’explique avec le
dessinateur, l’étrange flamme que jettent ses yeux. A vrai dire, ces yeux-là
sont peu communs, tantôt bleu de mer, tantôt jaune d’or très vif.....
Mais
nous sommes venus, non pour assister à des expériences de satanisme, qui,
d’ailleurs, n’ont lieu qu’en présence d’initiés, mais pour recueillir des
informations sur la grande querelle entre Adriano Lemmi et les partisans de
Charleston.
Justement,
miss Vaughan prie les diverses personnes qui se trouvent dans le salon
d’accepter une invitation à déjeuner avec elle. « Ce sera, nous dit-elle,
le meilleur moyen de causer tous ensemble. » Nous acceptons.
Dans
ce déjeuner-interview, nous n’avons pas appris tout ce que nous aurions voulu
savoir ; mais nous connaissons maintenant, du moins, les bassesses et la
complète indignité du pape des francs-maçons. Malgré toute son habileté, qui
nous semble hors de pair, miss Vaughan, pressée de questions, a laissé échapper
bien des mots qui nous ont donné la clé de plusieurs mystères. »
Sur
le compte de la Maçonnerie, miss Vaughan se montrant plus que réservée, nous
voulûmes donner un autre tour à la conversation :
Vous êtes l’ennemie forcée du Vatican :
pourtant vous ne le connaissez pas.
« _
En effet, je ne suis allée à Rome que deux fois, pour affaires (sic), et le
Vatican ne m’a certes point attirée. Du reste, je n’aime pas l’Italie ; à
chacun de mes deux voyages, j’ai eu hâte d’en partir le plus tôt possible.
J’aime la France, et l’Italie hait la France. Un peuple de mendiants, les
Italiens ! Mais New-York et Paris, voilà les deux villes que
j’aime. »
Prévoyant
le cas où elle aurait à retourner à Rome et où nous nous y trouverions en même
temps, nous nous risquons a lui proposer de rendre visite à quelque prince de
l’Eglise, espérant que la curiosité pourra l’amener a vaincre ses préjugés.
Nous lui nommons un cardinal qui nous honore de son amitié.
« Me
rencontrer avec un cardinal ! Nous réplique-t-elle ; moi, aller chez
un cardinal ?… Oh ! non ; cela, jamais ! »
Lorsqu’on
nous eut servi le café, miss Vaughan fit apporter des liqueurs ; elle
demanda de la fine champagne et de la chartreuse. Détail significatif :
elle ne toucha pas à cette liqueur et prit même plaisir à nous en servir comme
une malice d’enfant espiègle ; quant à elle, elle but du cognac dont le
velouté dénonçait l’extrême vieillesse. L’hostilité envers l’Eglise, poussée
jusqu’à l’abstention de la liqueur des Chartreux, voilà qui est typique. »
Nous en fîmes l’observation en riant.
« Une
liqueur adonaïte, dit la luciférienne, cela n’est pas pour moi. »
En résumé, cette
longue entrevue nous a laissé perplexe. Il nous paraît évident qu’une scission
dans la haute Maçonnerie est inévitable ; mais qu’en
résultera-t-il ?
Il
n’y a pas lieu non plus de nous réjouir de la démission de miss Vaughan, même
si elle est maintenue jusqu’au bout. Les scissionnistes organiseront un
palladisme indépendant ; la Sœur Diana fera une chapelle luciférienne à
part, mais Satan continuera son horrible moisson d’âmes.
Quant à nous,
nous avons voulu voir, et nous avons vu ; nous connaissons à présent
l’état d’esprit d’une luciférienne ; nous savons ce qu’est, hors triangle,
une Sœur de la Haute Maçonnerie. Voilà une femme supérieure, certes ; eh
bien ! Elle n’en est que plus dangereuse. Nous avons eu en face de nous,
pendant plus de deux heures, l’erreur sous sa forme la plus contraire à notre
foi, c’est-à-dire une adepte fanatique du culte secret rendu à Lucifer
considéré comme esprit de lumière, comme vrai Dieu, comme principe du bien !
Ce n’est pourtant pas à la
table d’une folle que nous nous sommes assis ; c’est bien avec une
personne en pleine possession de ses facultés mentales que nous avons conversé.
Mais s’il n’y a pas folie, dans le sens médical du mot, il y a, par contre, au
sens religieux, aveuglement complet, renversement absolu de toutes les idées
admises. Aussi n’est-ce pas sans terreur que nous voyons couver dans l’ombre
cette religion infernale des arrière-Loges, ce culte de gnosticisme
néo-manichéen, attendant l’occasion propice pour s’épanouir au soleil, à la
suite de quelque atroce bouleversement social.
Depuis, Dieu a fait son
œuvre de miséricorde en ouvrant les yeux de son ennemie. Aujourd’hui miss Vaughan
est une fervente catholique, combattant le bon combat en véritable champion de
la foi. Son œuvre de réparation fait l’admiration des catholiques et le
désespoir des francs-maçons dont elle divulgue les méfaits.
D’aucuns la
blâment de ne pas se montrer en public, et les sectaires exploitent habilement
sa prudence, en insinuant qu’elle n’existe pas.
Miss Diana
Vaughan existe, nous l’affirmons sur l’honneur, mais nous comprenons qu’elle
vive dans la retraite la plus absolue pour éviter la vengeance des ultionnistes
de la Haute Maçonnerie !
Commandeur P.
Lautier,
Président
Général de l’Ordre des Avocats de Saint-Pierre.
Rosier de Marie, octobre 1896.
Parmi
les lettres de miss Vaughan, nous choisissons les deux suivantes, intéressantes
à plus d’un titre : la première était adressée à M. Pierret, la seconde aux
religieux directeurs de cette Revue. On
remarquera l’emblème de la première. Dans la lettre originale, il est frappé en
relief et argenté ; il confirme ce qui avait été raconté au sujet de la
soi-disant queue du lion de saint Marc. Cette lettre répondait aux inquiétudes
de M. Pierret, qui, ayant su ce qu’on lui faisait imprimer, soulevait des
difficultés et n’aurait pas été fâché de trouver un prétexte pour se soustraire
à l’exécution d’un engagement qui commençait à l’effrayer. Dans la suite de la
lettre, miss Vaughan déclare que le vote qui a décidé la propagande publique
est irrévocable, et que, même si la publication était arrêtée, elle s’engageait
personnellement à continuer l’année entière.
La
seconde lettre porte comme emblème le sceau même du Palladium régénéré et
libre, frappé en relief et doré, en tout semblable à celui des diplômes
palladiques, donné en prime par miss Vaughan convertie. Cette dernière a écrit,
après son retour à Dieu, un certain nombre de lettres sur ce papier, afin de
leur donner une spéciale garantie d’authenticité, mais elle avait soin de
biffer l’emblème.
Nous ferons remarquer l’annonce faite dans cette lettre des malades que
doit envoyer à Lourdes le cher docteur. Il s’agit du Dr Hacks, dit
Bataille, alors à la tête de la Clinique des avocats de Saint-Pierre, rue
Madame. L’article du Figaro cité plus loin y fait également allusion, et
nous possédons les lettres de miss Vaughan adressant les 300 francs au docteur
et lui désignant une des personnes qu’elle désirait voir envoyer. On constatera
enfin, malgré les perfections d’une reproduction rendue difficile par l’emploi
de l’encre violette, l’identité de l’écriture. Nous pouvons affirmer, et les
nombreuses personnes qui ont reçu des lettres de miss Vaughan avant et après
sa conversion pourront attester avec nous que toutes sont absolument de cette
même écriture, déclarée fort intéressante et très significative par les
graphologues.
« L’antimaçonnisme
ardent de Coriolan (Léo Taxil) ne saurait étonner que les ignorants du cœur
humain et de l’histoire. Une petite coterie au sein du G.˙. O.˙. de
F.˙. a été quelque peu injuste envers lui ; il a raconté l’injustice
et je connais des Maçons qui ont déploré cette maladresse. Mais que d’autres
ont souffert davantage d’injustices plus graves et ont su attendre ! Les
annales de la Maçonnerie sont remplies d’incidents de ce genre. Coriolan s’est
aigri, et le voilà passant chez les Volsques. Il est antimaçon par
vengeance ; il a cru mieux se venger en se faisant clérical.
Compréhensible aux yeux de qui plaint les âmes mal trempées, mais nullement
excusable ; oui, il est inexcusable dans son fanatisme adonaïte succédant,
trop brusque pour être convaincu, aux nombreuses années de sa ferveur
anticléricale.
Le docteur Aréfaste (Le
docteur Hacks, dit Bataille) est un antimaçon à part, d’une espèce jusqu’à
présent non classée. C’est le cheval de bois introduit en Ilion par la sottise
de quelques-uns. Absurdes à notre avis les colères actuelles de plusieurs. S’il
a été ainsi un tacticien dénué de tout scrupule, mais habile, plus rusé que
l’adversaire, il faut s’en vouloir à soi-même de s’être laissé jouer.
Récriminer aujourd’hui ? Trop tard. En petit comité se casser la tête
contre les murs du temple en s’écriant : Il faudrait répondre et nous ne
pouvons pas répondre. Folie ridicule. Ah bien! Ils ont raison les
Indépendants ! Et ils le prouvent en se mettant à l’œuvre. Ils rient des
extravagances débitées ; ils remettront tout à point. Voici l’heure de la
lumière : nous couperons les cornes ajoutées par Aréfaste aux prétendus
diables qu’il assure avoir vus chez nous.
Quant au
transfuge italien (Margiotta), vis-à-vis de lui, le sentiment qui domine en
notre cœur est la profonde pitié. Pour démasquer un coquin, point n’était
nécessaire de passer dans le camp de l’erreur. Il avait autour de lui
d’honnêtes et vaillants frères prêts à le soutenir. Ce n’est point par
d’intempestives et exagérées louanges, s’adressant à la personne, qu’il fera
fermer les yeux sur sa grave faute. Nous plaignons Matassata, parce qu’il est
devenu aveugle, au point de ne pas voir le tort qu’il s’est fait à lui-même. Il
pouvait combattre pour la justice sans renier la vérité. Son châtiment lui sera
infligé par les hommes de ténèbres eux-mêmes, qui le rejetteront comme un
intrus une fois qu’ils se seront assez servis de lui. »
Le Palladium, n° 2, p. 35.
LETTRE DU CARDINAL PAROCCHI
« Rome, 16 décembre
1895.
Mademoiselle et chère fille en Notre-Seigneur,
C’est
avec une vive mais bien douce émotion que j’ai reçu votre bonne lettre du 29
novembre, accompagnée de l’exemplaire de la Neuvaine eucharistique…
… Sa Sainteté m’a chargé de
vous remercier (il s’agissait de l’exécution de deux engagements pris par la
convertie) et de vous envoyer, de sa part, une bénédiction toute spéciale…
Depuis longtemps, mes sympathies vous sont acquises. Votre conversion est l’un
des plus magnifiques triomphes de la grâce que je connaisse. Je lis, en ce
moment, vos Mémoires, qui sont d’un intérêt palpitant…
… Croyez que je
ne vous oublierai pas dans mes prières, au Saint-Sacrifice principalement. De
votre côté, ne cessez pas de remercier Notre-Seigneur Jésus-Christ de la grande
miséricorde dont il a usé envers vous, et du témoignage éclatant d’amour qu’il
vous a donné.
Maintenant,
agréez ma bénédiction et me croyez tout vôtre dans le Cœur de Jésus.
L.-M., card.
vicaire. »
« M. Pierret
me rappelle une demande d’autorisation d’une traduction de mes Mémoires,
pour un directeur de journal espagnol, qui vous a choisi comme intermédiaire.
Veuillez traiter
cette affaire vous-même, je vous prie, en vous basant sur ceci :
Mes Mémoires
feront exactement vingt-quatre fascicules de l’édition originale française. Que
le traducteur trouve d’abord un éditeur achetant le droit complet et définitif
d’édition en langue espagnole en tous formats et à tous prix de vente à sa
convenance.
Néanmoins, vous pensez bien
que je n’entends tirer aucun profit pécuniaire de cette édition ; mais je
ne veux faire aucun cadeau de mes droits d’auteur ni à l’éditeur ni au
traducteur. Donc, quand vous aurez préparé la solution, j’interviendrai auprès
de l’éditeur, uniquement pour lui signer l’abandon complet de la propriété
des éditions espagnoles, il aura alors à vous envoyer les fonds dont vous
disposerez ainsi : un quart pour subvenir aux frais de voyages de M. de la
Rive dans sa tournée de conférences anti-maçonniques, un quart pour envoi de
pèlerins pauvres au prochain pèlerinage national de Lourdes. Vous garderez le
reste en honoraires de messes à dire pour le repos de l’âme de mon père et de
ma mère. »
Lettre du 28 mai 1896 à M.
l’abbé de Bessonies.
« Une conversion qui
fait grand bruit dans le monde religieux est celle de miss Diana Vaughan, l’une
des adeptes les plus en vue du luciférianisme.
Miss Vaughan n’a cependant
pas encore demandé le baptême, et il lui reste quelques doutes sur certains dogmes
catholiques, notamment sur celui de l’Eucharistie.
Ce qu’il y a de curieux,
c’est que miss Diana Vaughan, qui ne croit pas encore à un dogme fondamental du
catholicisme, a déjà une foi très vive en Notre-Dame de Lourdes.
Elle vient de manifester
cette foi en faisant remettre 200 francs à l’archiconfrérie de Notre-Dame des
Victoires pour envoyer a Lourdes, avec mission de prier pour elle, des pèlerins
pauvres, membres de l’archiconfrérie.
Elle veut, en outre, payer
les frais de la participation de trois malades de la clinique des Avocats de
Saint-Pierre au Pèlerinage national de Lourdes qui va avoir lieu le mois
prochain.
Pour donner une idée de
l’importance que le haut clergé attache à la conversion de la célèbre luciférienne,
il nous suffira d’ajouter que Mgr Lazzareschi, représentant du Saint-Siège
auprès du Comité antimaçonnique d’Italie, vient de faire célébrer à l’église du
Gesù, à Rome, un triduum solennel « pour remercier Dieu des grâces
insignes accordées à miss Vaughan ». Figaro, 28 juillet 1895.
M. Margiotta demande à voir un acte légal. Pour lui
citer le plus récent, il y a celui que mon mandataire à Paris a fait
enregistrer, le 11 juillet courant (direction centrale de l’enregistrement et
du timbre, bureau des actes synallagmatiques ; folio 64, n° 574).
Est-il possible de supposer après cela qu’il y a une autre Diana Vaughan que
moi ? Mais, j’ai honte de m’abaisser à discuter ces choses. M. Margiotta
est tout à fait sans-gêne en matière de propriété littéraire ; il l’a
prouvé dans ses derniers ouvrages. Eh bien ! qu’il essaye donc à mon
encontre : je réponds que ce ne sera pas mon éditeur qui poursuivra pour
son compte, mais mon mandataire, qui poursuivra en mon nom et pour moi, en
personne. M. Margiotta verra alors s’il existe deux Diana Vaughan ou une seule.
Allons, qu’il tente l’expérience ; il n’y a pas à se gêner vis-à-vis d’un
mythe. Et qu’il ne repousse pas ce défi, en prétendant que c’est de ma part
question de gros sous. L’indemnité de la contrefaçon sera versée par moi, comme
tous mes droits d’auteur, à une œuvre catholique. […]
Si je suis une
fausse Diana Vaughan, certainement je ne suis pas en possession des papiers de
la vraie Diana Vaughan. Si la Diana Vaughan du Palladium de 1895, la
Vaughan convertie, n’est pas la Diana Vaughan de 1889 et de 1894, n’est pas
celle que M. Margiotta connaît et avec qui il a combattu Lemmi, il est de
matérielle impossibilité qu’elle ait entre les mains la correspondance de M.
Margiotta avec la vraie Diana Vaughan.
Lettre de miss
Vaughan au directeur de la Revue mensuelle, numéro de juillet 1896, p.
411 et 412.
A la suite de cette
déclaration, miss Vaughan a publié le fac-similé photographique de plusieurs
lettres que M. Margiotta lui avait écrites en 1894, sans passer par aucun
intermédiaire.
« Le jour du Laudate
à Notre-Dame des Victoires[82],
à la sortie, à chaque porte, il y avait un groupe de femmes examinant avec
soin, et, sur la place, un fiacre prêt à suivre ; on avait supposé sans
doute que la satisfaction d’entendre ma pauvre musique ainsi honorée me
conduirait au cher sanctuaire ; on savait donc l’exécution. J’avais envoyé
une dame de mes amies pour entendre et un membre de la famille chez qui je suis
pour observer. Par celui-ci, je sais très exactement ce qui s’est passé. Les
femmes dont je parle se tenaient au dehors, épiant ; elles examinaient
minutieusement toute jeune femme sortant de l’église, qui pouvait avoir mon âge
et la mise qu’on peut m’attribuer. Une personne, prise un instant pour moi, ne
sortant pas, mais entrant, a été promptement suivie ; on s’aperçut bientôt
qu’on s’était trompé. Je vous cite cet incident, afin que vous sachiez bien que
ce manège a été observé avec soin par qui m’est etc., etc… »
Diana Vaughan.
Quelqu’un qui a perdu la plus belle occasion
de se taire, c’est l’inspirateur de la note qu’on dit « officieuse »,
publiée dans le Journal des Débats, en réponse à La Croix et à La
Politique coloniale, au sujet de la Maçonnerie italienne en Tunisie.
Rappelons cette note :
« L’information disant que 37 Loges
maçonniques italiennes prêchent la haine de la France en Tunisie ne repose sur
rien. Les francs-maçons italiens avaient une seule Loge à Tunis ; elle
n’existe plus depuis plusieurs années. »
On m’engage à répliquer. Alors, réplique bien
clair : le rédacteur de la note publiée dans le Journal des Débats
se moque du public profane. Ne serait-ce point le F.˙. Yves Guyot ?
Dans mon volume Le 33e Crispi,
je n’ai pas employé le terme « Loge », qui désigne exclusivement
l’Atelier le plus inférieur, j’ai écrit (p. 306) : « De 1860 à 1880,
les maçons italiens se multiplièrent à un tel point que, le 11 mai 1880, Lemmi
jugea nécessaire de créer un Suprême Conseil de Tunisie, lequel gouverne 37
Ateliers, y compris les Chapitres de Rose-Croix et les Aréopages de Kadosch.
Mais voici ce qui est significatif : le Suprême Conseil de Tunisie n’a pas
été déclaré autonome ; il est sous la dépendance immédiate et directe du
Suprême Conseil d’Italie, ayant son siège à Rome. En d’autres termes, par cette
situation exceptionnelle, la Maçonnerie du rite Ecossais, entièrement approuvée
par la Suprême direction, affirme et maintient les prétentions de l’Italie sur la
Tunisie. »
Et plus loin (p. 307) : « Quant au
Suprême Conseil de France, il a formellement reconnu les prétentions de
l’Italie sur la Tunisie : non seulement il n’a pas établi en Tunisie une
seule loge depuis le Protectorat, mais encore, ce qui est une honte, il a
constitué un garant d’amitié auprès du Suprême Conseil de Tunisie, qui est
maintenu dans la dépendance immédiate et directe de Lemmi, et le Suprême
Conseil de Tunisie a constitué, pour son représentant auprès du Suprême Conseil
de France ainsi avili… on ne devinera pas qui a pu accepter un tel rôle… un
officier de l’armée française ! Je ne le nommerai pas ; je dirai
seulement que son numéro matricule sur le registre du Suprême Conseil de Paris
est le numéro 20.979. Mais si l’on osait nier, je donnerais le nom en toutes
lettres. »
Donc, on a osé nier ! Donc, j’ai
menti !
J’ai menti : j’ai inventé l’existence
d’un Suprême Conseil de Tunisie, italien, gouverné directement par le Suprême
Conseil d’Italie, c’est-à-dire par Lemmi, il n’y a même pas, affirment-ils, une
seule Loge italienne à Tunis ! J’avoue que je ne m’attendais pas à tant
d’audace. O Goblet d’Alviella, ton mot sublime fait loi : Il faut
s’entendre partout pour nier carrément.
Eh bien ! Nous allons préciser davantage.
Le F.˙. Gustave Desmons, qui était, en
1880, vénérable de la Loge La Fidélité, de Lille – cette célèbre Fidélité
sur laquelle se souchèrent le Chapitre La Fidélité sub Rosa, l’Aréopage La
Fidélité ad Superum et le Triangle Les 33es, arrière-loges, dont
l’illustrissime F.˙. Lepercq-Saint-Léger fut la brillante lumière, - le
F.˙. Gustave Desmons se rendit, en 1881, en Tunisie, créé 33e,
et là, en sa qualité de membre actif du Suprême Conseil de France, il signa l’acte
par lequel la Haute-Maçonnerie française reconnaissait le Suprême Conseil
italien de Tunis, gouverné directement par Lemmi.
Qu’est-il, ce F.˙. Gustave
Desmons ?… Médecin-major du 45e de ligne, à Laon, à son retour
de Tunisie ; puis, faisant partie du Corps expéditionnaire du Tonkin, en
1885 ; ensuite, à son retour du Tonkin, médecin-major du 5e
cuirassiers, en garnison à Cambrai ; après, en 1889, médecin-major du 118e
de ligne, à Quimper ; enfin, à Dunkerque, en dernier lieu, toujours au
même titre.
Voilà qui a signé l’acte d’aplatissement de
la Maçonnerie française ; voilà à qui je défends, moi, son ex-sœur en
Lucifer Grand Architecte, de nier l’existence du Suprême Conseil italien de
Tunisie ; voilà, en toutes lettres, le nom du haut maçon secrètement
inscrit sous le numéro 20.979.
Ah ! L’on ose faire dire par le
F.˙. Guyot que j’ai menti !… Eh bien voici encore :
M. de la Rive a publié, récemment, ce fait
très grave : à la Bibliothèque Nationale de Paris, des vols maçonniques
s’accomplissent par l’ordre de Lemmi ; dans les collections de journaux
maçonniques sont soustraits les numéros où un haut frère trop zélé a laissé
échapper quelque document, quelque simple phrase même, attestant l’existence du
Rite Suprême, c’est-à-dire du Palladisme de la Haute-Maçonnerie.
La presse quotidienne n’a pas fait écho. Si
l’on avait pris la peine de vérifier l’information de M. de la Rive, on en
aurait reconnu l’absolue exactitude. La Maçonnerie nie avec audace, parce
qu’elle fait disparaître les preuves, déjà peu nombreuses, que le public
pouvait constater jusqu’à présent.
Parmi les organes français de la secte, La
Renaissance symbolique, qui porte en sous-titre : « Revue
mensuelle de la Franc-Maçonnerie philosophique », a laissé passer quelque
fois, dans son zèle, des documents devenus compromettants aujourd’hui. Or, à la
Bibliothèque Nationale de Paris, on a supprimé tous les numéros de cette Revue
maçonnique à partir de juin 1892 ; un de nos amis s’en est assuré ;
chez l’éditeur maçon occultiste, on répond aux profanes et aux imparfaits
initiés que La Renaissance symbolique n’a eu que six numéros – on
n’avoue que les six premiers numéros – et que la collection est épuisée.
Pourtant on en continue l’annonce (voire l’Annuaire de la Presse française,
1896), afin que les hauts maçons puissent prendre abonnement. L’édition est
secrète, sans dépôt légal, voilà tout ; comme en Italie l’édition bleue de
Lucifero, d’Ancône.
Heureusement, le Comité antimaçonnique de
Paris a réussi à se procurer quelques-uns de ces numéros tenus secrets ;
par des extraits donnés dans la Franc-Maçonnerie démasquée, je vois que
le Comité possède, notamment, les numéros de juillet et de novembre 1892, très
précieux.
Ouvrez les numéros de juillet ; vous
lirez ceci dans le tableau officiel de la généalogie des Suprêmes
Conseils :
« A. – Le Suprême Conseil de Charleston,
premier Suprême Conseil du Globe, créé le 31 mai 1801, sous le 33e
degré de latitude nord, dans la Caroline du Sud, aux Etats-Unis d’Amérique, a
engendré : 1° le 22 septembre 1804, le Suprême Conseil de France, siégeant
à Paris ; 2° le 5 mars 1805, le Suprême Conseil d’Italie, siégeant à Rome,
etc.
J. – Le Suprême Conseil d’Italie, fils du
Suprême Conseil de Charleston, a engendré : 1° le 25 janvier 1878, le
Suprême Conseil d’Egypte, siégeant au Caire ; 2° le 11 mai 1880, le
Suprême Conseil de Tunis, siégeant à Tunis ; mais ces deux Suprêmes
Conseils demeurent sous la dépendance immédiate et directe du Suprême Conseil
d’Italie ne se rattachant qu’indirectement au Suprême Conseil de Charleston par
la pratique du Rite écossais ancien et accepté. »[83]
Donc : confirmation de ce que j’ai écrit
dans Le 33e Crispi. Et le F.˙. Yves Guyot, bon
palladiste, a osé dire que les francs-maçons n’ont jamais eu qu’une seule loge
en Tunisie ! Essayera-t-on maintenant de faire croire qu’un Suprême
Conseil tunisien a été créé pour gouverner une unique Loge, ayant son temple à
Tunis ? Ce serait aller un peu trop loin dans le mépris de l’intelligence
profane.
Les trente-sept Ateliers, gouvernés par le
Suprême Conseil de Tunisie, se répartissent ainsi :
Tunis, 6 Loges, 2 Chapitres, 2 Aréopages, 1 Souverain
Tribunal du 31e degré, 1 Consistoire du Royal-Secret. – Bizerte,
1 Loge, 1 Chambre d’élus. – Gabès, 3 Loges, 1 Chapitre, 1 Aréopage. – Houmt-Souk
(île Djerba), 1 Loge en sommeil depuis 1894. – Kairouan, 2 Loges, 1
Chapitre. – La Goulette, 1 Loge. – Mahdiya, 1 Loge, 1 Chambre
d’élus. – Manostir, 2 Loges, 1 Chapitre. – Sfax, 3 Loges, 1
Chapitre, 1 Aréopage. – Sousse, 2 Loges, 1 Chapitre.
Inutile de donner les noms de chacun de ces
Ateliers ; mais l’agent diplomatique d’Italie à Tunis, M. Macchiavelli,
niera-t-il l’existence de l’Aréopage Boù-Sada ? traduisez : « le
lien du bonheur ».
Pour se tirer d’embarras, le rédacteur de la
note du Journal des Débats est capable de riposter que la Maçonnerie
française n’a eu, sans doute, aucune connaissance de cette constitution d’un
Suprême Conseil italien en Tunisie, c’est-à-dire que tout ceci a été opéré par
Lemmi, à l’insu du Suprême Conseil de France.
Empêchons d’avance cette réplique.
D’abord : au nom du F.˙. Gustave
Desmons, cité plus haut, je ne puis ajouter celui du F.˙. Bouju, négociant
à Alexandrie, où il a présidé la Loge L’Ecossaise, chevalier Kadosch, en
1880, représentant du Suprême Conseil de France pour l’Egypte. Il vint à
l’inauguration du Suprême Conseil de Tunisie.
Ensuite : ce Suprême Conseil n’a pu être
créé sans l’approbation de la majorité des Suprêmes Conseils confédérés. La loi
maçonnique est formelle.
Ouvrez le compte rendu officiel des travaux
du Convent de Lausanne (1875). Ce document a été imprimé ; il n’est pas
trouvable. A la septième séance, 16 septembre, vous trouverez le traité
d’union, d’alliance et de confédération des Suprêmes Conseils du rite écossais
ancien accepté. Entre autres signatures figurent au bas de ce traité celles
des FF.˙. Isaac-Adolphe Crémieux et Georges Guiffrey pour la France, et
Timoteo Riboli et Davide Levi pour l’Italie.
L’article 5 est ainsi conçu :
« Aucun des Suprêmes Conseils confédérés
ne créera ni ne permettra à l’un de ses Souverains Grands Inspecteurs Généraux,
de créer un nouveau Suprême Conseil en quelque pays que ce soit, sans avoir, au
préalable, pris l’avis de tous les autres membres de la Confédération et sans
avoir obtenu l’assentiment de la majorité.
Ces conditions ayant été remplies, le nouveau
Suprême Conseil, créé et installé, se trouvera immédiatement en relation
d’amitié et de correspondance avec tous les membres de la Confédération dont il
fera partie de droit. »
Enfin : la note du Journal des Débats
a eu l’audace d’affirmer que, si la Maçonnerie italienne a possédé en tout une
Loge, une simple Loge d’apprentis, compagnons et maîtres, en Tunisie, cette
seule et unique Loge n’existe plus depuis plusieurs années. Comment le
F.˙. Yves Guyot a-t-il pu laisser sa plume écrire une contre-vérité aussi
monumentale ?
Mais l’Annuaire du Suprême Conseil de
France détruit ce faux témoignage. – Allez le consulter à la Bibliothèque
Nationale, avant de publier ma lettre : après ma lettre publiée, on aurait
fait disparaître ce document ! – Dans l’Annuaire de 1895, imprimé
officiellement par le Suprême Conseil de France, vous aurez la preuve de
l’existence du Suprême Conseil de Tunisie, celui-là même qui fut créé par les
francs-maçons de la colonie italienne en 1880, à l’instigation de Lemmi.
A la page 29, vous lirez :
« Garant d’amitié du Suprême Conseil de
Tunis auprès du Suprême Conseil de France : le très illustre F.˙.
Desmons, 33e.
Garant d’amitié du Suprême Conseil de France
auprès du Suprême Conseil de Tunis : le très illustre F.˙.
Cassanello, 33e. »
Ce haut maçon est le Dr Cassanello, médecin
bien connu à Tunis.
Je remercie La Croix de sa conviction
que je m’étais pas avancée à la légère. On pourrait en dire plus long, mais ce
serait abuser ; en outre, j’avoue que je n’aurais pas écrit cette lettre,
s’il n’avait été nécessaire de donner une leçon aux effrontés négateurs.
Désormais, je ne répondrai plus à la mauvaise foi ; c’est temps perdu.
Daignez agréer, Révérend Père Directeur,
l’hommage de mes respectueux sentiments.
Diana Vaughan.
J’ai promis de me défendre
avec énergie contre les mensonges inouïs sous lesquels, depuis deux mois, on
essaie de m’écraser. Je sais que la lutte n’est pas égale ; car il est
matériellement impossible que je réponde à tous les journaux qui m’attaquent. A
l’exception de la Croix, il y a un mot d’ordre, entre journalistes, dans
la presse catholique quotidienne de Paris, pour insérer toutes les infamies
possibles et impossibles sur mon compte, d’où qu’elles viennent, et pour les
faire reproduire par les journaux de province. C’est une véritable meute qui
est déchaînée.
Ce n’est pas la première
fois, dans ma vie, que j’ai à faire face à un assaut de ce genre. Il y a
bientôt douze ans, ce fut la presse maçonnique qui sonna l’hallali ; mais,
Dieu merci, je n’en mourus pas. J’espère bien qu’il en sera de même, cette
fois-ci encore, et l’on peut être certain que je rendrai coup pour coup.
J’ai montré assez de
patience jusqu’à présent ; cependant, la patience a des limites.
Pour commencer, prenons
l’audacieuse invention de la « fuite » de Trente, et faisons-en
justice.
Dans la première quinzaine
de novembre, tous les adversaires ont publié, avec un ensemble remarquable,
tout en variant les termes, une correspondance de Rome, datée du 5, dont je
ferai connaître tout à l’heure l’inspirateur.
Je reproduis celle qui a
paru dans la Vérité, de Paris, sous le titre « La Fugue de M.
Taxil » :
« Un grave personnage
nous écrit de Rome :
Rome,
le 5 novembre.
Je tiens directement de
M***, présent à Trente où fut agitée la question de Miss Vaughan, le fait
suivant :
Le dernier jour du Congrès,
un personnage qui y avait pris une part importante proposa à M. Léo Taxil de
choisir parmi les évêques présents au Congrès un prélat qui, sous le sceau du
secret, recevrait communication des renseignements pouvant établir l’existence
de Miss Vaughan et la véracité de ses dires.
On offrit à Léo Taxil la
garantie que le secret ne serait révélé qu’au Saint-Office, ou même, s’il
l’exigeait, au seul Souverain Pontife.
Acculé ainsi et repoussé
jusque dans ses derniers retranchements, Léo Taxil accepta.
L’évêque devant recevoir
communication du secret, et accepté de part et d’autre, était Mgr***.
Le rendez-vous avait été
fixé pour le dernier jour du Congrès, à trois heures de l’après-midi. Au jour
et à l’heure convenus, M. Léo Taxil ne se présenta pas. Il avait disparu ;
et l’on croit qu’il avait déjà quitté la ville.
La connaissance d’un tel
fait pourra peut-être vous servir. Toutefois, il ne faut pas imprimer dans la Vérité
les noms de Mgr*** et de M*** sans leur autorisation. Ce dernier m’a dit qu’il
était tout prêt à signer de son nom le fait que je viens de vous raconter.
Mettez-vous en communication, si vous désirez publier la nouvelle sous
l’autorité de son nom.
Triste époque, à coup sûr, que celle où la vérité a tant de peine à se
faire jour et où l’imposture obtient si rapidement un tel crédit ! »
M. Auguste Roussel faisait
suivre cette communication des lignes que voici :
« D’après les
indications de notre correspondant que nous remercions vivement, nous nous
sommes mis en relation avec la personne qu’il nous désigne, pour en obtenir
l’autorisation de publier son nom et celui du prélat dont il est question dans
sa lettre, et nous espérons que cette autorisation nous sera donnée.
Alors, on verra mieux encore
jusqu’où va l’audace de ceux qui affirment si haut les choses les plus
extravagantes, mais qui se dérobent quand on leur offre les seuls moyens
sérieux de fournir la preuve qu’ils prétendent en pouvoir donner. »
Cet article a paru dans la Vérité
du 9 novembre. La veille, l’Univers avait publié une correspondance de
Rome, émettant le même mensonge, néanmoins, on y plaçait, au 29 septembre au
soir, c’est-à-dire au cours de la fameuse séance consacrée à la question
Vaughan, mon entente au sujet de la communication confidentielle, et l’on
nommait l’évêque.
« L’évêque désigné pour
recevoir ces confidences fut Mgr Lazzareschi. »
On dit également que je pris
la fuite.[85]
« Léo Taxil ne parut
point, et on ne l’a plus revu ! On ne le reverra pas davantage devant la
commission romaine qui a été nommée depuis et à laquelle il affecte maintenant
d’en appeler. »
En premier lieu, il est bon de
dire que, loin d’avoir été mis au pied du mur, c’est au contraire moi qui ai
fait une offre, en vertu d’instructions que j’avais ; ce que j’ai fort
bien expliqué. L’attitude qu’on me prête est tout le contraire de la vérité, et
l’ordre du jour dit : « La 4e section remercie
chaleureusement les orateurs qui ont parlé en sens divers sur Miss Diana
Vaughan. » Voir le compte-rendu de cette séance, par M. l’abbé de
Bessonies et M. le chanoine Mustel, dans le dernier numéro de la Revue
Mensuelle, page 590.
D’autre part, il devient
nécessaire de déclarer en quoi consistait mon offre. Quand je partis pour
Trente, je ne connaissais qu’un fait précis qui avait été formellement
affirmé : plusieurs personnes, et notamment un ecclésiastique très connu,
avaient répandu le bruit que la photographie de Miss Vaughan donnait tout
bonnement le portrait de Mme Taxil, et l’on ajoutait même que la ressemblance
était frappante. Il fut facile de réduire à néant ce mensonge par la production
de diverses photographies. Cependant, Miss Diana Vaughan s’attendait à quelque
incident, car elle m’avait fait dire par une personne qui correspond avec
elle : « Il n’y aurait rien d’étonnant à ce que quelque haut maçon
réussit à s’introduire au Congrès par une habile fraude. Si quelque incident
est soulevé à mon sujet, faites-vous donner les noms de ceux qui exciteront
contre moi, et, si les choses prenaient une certaine gravité, vous pourrez
communiquer verbalement tel nom à un ecclésiastique sûr, se rendant à
Rome, afin que ce nom soit donné au Saint-Père, mais à lui seul. Ce nom est
celui d’un évêque que le Saint-Père pourra faire appeler alors à Rome, et qui,
dans un entretien seul à seul avec Léon XIII, donnera les preuves d’une nature
toute confidentielle qu’il possède, non seulement au sujet de mon existence,
mais encore de ma conversion. »
A la suite de la séance du
29 septembre, je fis donc la proposition dans ces termes mêmes, et c’est, en
effet, Mgr Lazzareschi qui s’offrit pour porter verbalement au Souverain
Pontife le nom de l’évêque dont il s’agit. La proposition venait si bien de
moi, que je ne la fis que contre la communication des noms des divers négateurs
qui avaient attaqué Miss Vaughan dans la IVe Section, pendant que j’étais à la
Commission de l’organisation antimaçonnique universelle.
Il est vrai que le
rendez-vous avait été pris pour le 30 septembre l’après-midi ; mais
l’inventeur de l’histoire de ma « fuite » omet de dire qu’il fut
ensuite changé et remis au soir chez S. A. le prince-évêque de Trente. Et
d’ailleurs, voici la preuve indéniable que je ne m’enfuis de Trente, ni le 29
au soir, ni le 30, et que j’y demeurai au vu et au su de tout le monde jusqu’au
jeudi soir 1er octobre :
Le 30 septembre, il y eut
deux assemblées générales dans la grande salle, et la clôture du Congrès eut
lieu ensuite à la cathédrale. A la séance du matin, j’étais si présent, que mon
entrée fut saluée par les acclamations des congressistes ; je n’en fais
pas une question de vanité, mais je rappelle ce fait, qui est un fait public et
qui prouve que je n’eus, le 29, en aucune façon, l’attitude piteuse, inventée
par l’inspirateur des correspondants romains de l’Univers et de la Vérité ;
ce fait a été constaté par la presse italienne ; plusieurs journaux
illustrés publièrent spontanément mon portrait, avec cette légende :
« M. Léo Taxil, qui vient d’être solennellement acclamé au Congrès de
Trente. » A l’assemblée générale de l’après-midi, je remis à M. Rodolfo
Verzichi, secrétaire général du Conseil central antimaçonnique de Rome, les
lettres d’adhésion des diverses Sociétés françaises du Labarum qui m’étaient
parvenues. A la cathédrale, j’avais été placé dans le chœur, en face de Don
Carlos. Chez S. A. le prince-évêque de Trente, je fus fidèle au rendez-vous,
mon habitude n’étant pas de me dérober, comme on veut le faire croire.
Le 1er octobre,
j’étais encore à Trente ; ce jour-là, je fis bénir l’étendard de la Compagnie
Saint-Jean du Labarum ; la cérémonie eut lieu dans la chapelle du
Noviciat des Sœurs de charité ; c’est Mgr Schiro, patriarche grec, l’un
des plus éloquents orateurs du Congrès, qui bénit cette bannière. Le même jour,
don Carlos ayant manifesté la curiosité de voir une des photographies de Miss
Vaughan, j’eus l’honneur d’être reçu par S. A. R. le duc de Madrid ; je
fus accompagné dans cette visite par le R. P. Girard, membre du Conseil
directif général de l’Union antimaçonnique. Un rédacteur de la Vérité,
de Paris, M. Fromm[86],
était présent, et la Vérité, dans laquelle M. Fromm, habitant Paris,
écrit presque tous les jours, a inséré l’histoire de ma fuite ! Qu’on
juge, par ce menu détail, de la bonne foi des « chères confrères ».
Au surplus, veut-on un
témoignage ?… Voici celui de M. le chanoine Mustel, extrait de la Revue
Catholique de Coutances, numéro du 13 novembre :
« Le correspondant
romain de l’Univers lui écrit qu’à Trente M. Léo Taxil avait promis de donner
des renseignements précis à un petit nombre de congressistes choisis, dont deux
ou trois prélats, à trois heures de l’après-midi, le 30 septembre, dernier jour
du Congrès.
Or, à l’heure dite, il
manqua au rendez-vous et on ne l’a pas aperçu, d’où le dit correspondant infère
qu’il se déroba également devant la commission romaine. Ajoutons qu’il invoque,
à l’appui de ce récit, le témoignage de plusieurs membres de la commission romaine,
présents à Trente, - ceux mêmes devant lesquels M. Léo Taxil aurait refusé de
s’expliquer. Je vais rétablir les faits. J’étais présents, je suis témoin.
Dès la matinée du mercredi
30, nous fûmes convoqués, M. Léo Taxil, le R. P. Sanno Solaro et moi, à nous
trouver, le soir, à neuf heures, avec Mgr le Prince de Lœvenstein, au palais
épiscopal, pour donner les renseignements qu’il eût été imprudent de produire
en public. J’arrivai le dernier. M. Léo Taxil avait déjà fourni quelques
explications et, pendant deux heures, jusqu’à onze heures du soir, il répondit
à toutes les questions qui lui furent posées. De plus, M. Léo Taxil avait
offert publiquement de faire, à un évêque, une communication confidentielle,
dont il avait été chargé en cas de certaine contestation prévue. L’entrevue,
entre M. Léo Taxil et cet évêque, eut lieu, comme il avait convenu avec lui le
30 au matin, non pas à trois heures de l’après-midi, heure de la réunion
générale, mais au soir, entre neuf heures et onze heures. Pendant ce temps-là,
le R. P. Sanna Solaro et moi, nous restâmes avec le Prince-Evêque et le Prince
de Lœvenstein. L’absence de M. Taxil et, par conséquent, l’entrevue dont il
s’agit ne furent pas longues.
M. Léo Taxil ne quitta
Trente que le jeudi soir. »
La direction de l’Univers
reçoit la Revue Catholique de Coutances. Croit-on que M. Eugène Veuillot[87]
a fait une rectification, à la suite de ce témoignage formel ?… Pas le
moins du monde ; l’Univers a continué à dire de plus belle que je
me suis enfui de Trente !
Voilà à quelles iniquités en
est arrivée la polémique de mes adversaires.
Maintenant, qui a semé ce
faux bruit ? Quel est ce M. Trois Etoiles, habitant Rome, que le
correspondant de la Vérité disait prêt à signer de son nom tous ces
beaux renseignements ?
C’est le commandeur Pacelli.
On m’a même assuré qu’il venait d’entrer dans la commission d’enquête ;
son nom figure, en effet, dans la liste donnée par l’Univers, et il ne
se trouvait pas dans la liste publiée auparavant par la Croix.
Je ne crois pas exagérer en
disant, que si une récusation s’impose, c’est celle de M. le commandant
Pacelli, pris en flagrant délit de mensonge, et qui a, d’ailleurs, trop
ouvertement manifesté son hostilité pour pouvoir être un juge impartial.
Lorsqu’au printemps dernier, M. de la Rive alla faire en Italie ses
conférences, dont nous avons rendu compte, M. le commandeur Pacelli, quoique
vice-président de l’Union anti-maçonnique, refusa d’assister aux conférences de
Rome, même à celle présidée par S. E. le cardinal Parocchi, en donnant cette
belle raison : « M. de la Rive est un ami de M. Léo Taxil. »
Aujourd’hui, la question
Diana Vaughan a été transformée en question Taxil. S’il est vrai que M. le
commandeur Pacelli fasse partie de la Commission, il serait à la fois juge et
partie ; autant vaudrait être jugé par le docteur Gratzfeld, de Cologne,
qui a imaginé que la Diana Vaughan du 21 décembre 1893 était une femme de
chambre de l’hôtel Mirabeau.
Sur ce point, n’oublions pas
qu’il est parfaitement établi, par les registres mêmes de cet hôtel, que la
voyageuse d’il y a trois ans se nommait bien Miss Diana Vaughan et séjourna
neuf jours, habitant Londres et repartie pour Londres, où le gérant de
l’établissement lui transmit plusieurs lettres recommandées parvenues à son
adresse après son départ.
On aura beau faire et beau
dire, et la Maçonnerie perd son temps à faire nier : Miss Diana Vaughan
existe bel et bien, en chair et en os. Je l’ai vue en cinq circonstances
différentes ; je ne suis ni mystificateur ni mystifié. S’il m’arrivait
le malheur de dire jamais le contraire, c’est que je serais devenu complètement
fou, et il ne resterait qu’à me faire entrer à Charenton.
Léo Taxil.
M. Laurent Billiet est un
des treize congressistes français qui vinrent à Trente ; il représentait
au Congrès le journal La France Libre de Lyon, qui, depuis lors, a été
l’un des plus ardents contre nous. Dès les premières attaques, M. Billiet tint
à se séparer de son journal, et dans ce but il écrivit à M. le chanoine Mustel
la lettre suivante, que celui-ci a reproduite dans la Revue Catholique
de Coutances :
« Lyon, le 16 octobre 1896.
Monsieur le chanoine Mustel,
Permettez-moi de vous
adresser un respectueux bonjour par l’entremise de M. l’abbé de Bessonies. Je
le prie de vous faire tenir ces lignes et de me recommander à vos bonnes
prières, comme je me recommande aux siennes. Je tiens à vous dire que j’ai été
très heureux que vous ayez donné à la Croix la note qu’elle a insérée,
il y a quelques jours, dans laquelle vous offriez de donner des preuves de
l’existence de Diana Vaughan. Je tiens à vous déclarer aussi que la note
parue aujourd’hui dans le même journal, sous votre signature et celle de l’abbé
de Bessonies, note dans laquelle vous relatez les incidents du congrès,
relatifs à cette question, est absolument et rigoureusement exacte. On ne
peut mieux relater cette partie des opérations de la quatrième section, dans
laquelle j’ai fait fonction de secrétaire pendant plusieurs jours et dans
laquelle on me demandait constamment des traductions du français en italien.
De retour à Lyon, j’ai dit à
mes amis, qui tous ont voulu m’interroger sur ce point, que l’on pouvait
évaluer à quatre-vingts pour cent le nombre de congressistes qui se sont
déclarés satisfaits de vos explications et que, parmi ces congressistes, il
fallait compter les hommes éminents qui se sont mêlés au débat et qui se
nomment le prince de Lœvenstein, Paganuzzi et Respini, tous trois de grandes
valeurs et de grandes figures, qui illustrent le parti antimaçonnique
international.
Mais, comme beaucoup de
français croient encore pouvoir douter, permettez-moi de vous supplier, dans
l’intérêt général de cette cause, de vouloir bien publier les preuves que vous
détenez ; vous ferez cesser une période pénible pour tous.
N’ayant jamais attaché à
toutes les révélations l’intérêt que d’autres y apportent, parce que, ayant
voyagé à l’étranger pendant trente-cinq ans (j’ai quitté la France à quinze
ans), j’ai vu les monstruosités maçonniques et, les ayant vues, je les connais
à fond, je suis resté un peu en dehors de cette discussion Vaughan.
Mais d’autres, qui n’ont pas
vu comme moi (et dès 1863, j’avais déjà vu beaucoup), ont tenu à s’instruire.
Parmi ces derniers, j’en connais de bonne foi, de très érudits, de très sages
et de très prudents, lecteurs et chercheurs infatigables, qui croient à
l’existence de Diana Vaughan, par l’effet de leurs recherches personnelles.
L’un d’eux me donnait hier une démonstration mathématique, si je puis
m’exprimer ainsi, de cette existence.
J’ajouterai que : un
prélat éminent, un de nos archevêques les plus prudents, les plus sages, les
plus saints, me rencontrant dimanche dernier, me disait ces mots :
« Je viens de la Grande-Chartreuse et je puis vous dire que, là-haut, on ne
met pas un instant en doute l’existence de Diana Vaughan ; les RR. PP.
Chartreux sont certains de son existence. »
Veuillez, cher Monsieur et
collaborateur, vous et M. l’abbé de Bessonies, croire à mon respectueux
dévouement en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Billiet.
P. S. : J’avais écrit
cette lettre lorsque je lis un article de la France Libre qui est la
négation absolue de tout ce que j’ai dit, écrit et déclaré à ses rédacteurs sur
ce sujet.
Ayant été délégué de la France
Libre au Congrès, je tiens à ce que l’on sache bien que je proteste, en
cette occasion, contre la campagne inutile et énervante de M. Mouthon. »
Maintenant, on va voir avec
quel sans-gêne parfait M. Laurent Billiet a opéré une volte-face, digne d’un
simple Margiotta.
Quinze jours après la lettre
qu’on vient de lire, M. Billiet écrivait celle-ci à l’Univers qui
s’empressait de l’insérer, sans dire un mot de la précédente, bien entendu.
« Lyon, 30 octobre.
Monsieur le rédacteur,
Ayant assisté au congrès de
Trente et pris une part active à ses travaux, je tiens à vous remercier
sincèrement d’avoir pris, comme vous venez de la faire, le taureau par les
cornes dans la question Diana Vaughan.
Lorsque nous avons fait
voter l’ordre du jour renvoyant cette question fastidieuse de Diana Vaughan
devant la commission romaine, on pouvait évaluer à 80 % le nombre des
congressistes satisfaits des renseignements fournis par M. le chanoine Mustel
et ses amis.
J’étais au bureau du
secrétariat. Je voyais et je notais tout. Oui, hélas ! un très grand
nombre de congressistes ont trouvé suffisantes, parce que respectables, les
affirmations apportées à la tribune. Mais il faut se hâter de dire que ce
sentiment a été en quelque sorte imposé par le caractère sacerdotal des
défenseurs de Diana Vaughan. Il est difficile, en effet, de ne pas être ébranlé
par des affirmations publiques très énergiques, comme celles que nous avons
entendues, répétées par cinq excellents prêtres du bon Dieu.
J’ai failli, pour ma part,
m’incliner devant les affirmations de l’un d’eux. Oui, j’ai failli croire,
lorsque ces ecclésiastiques ont promis de donner promptement des preuves
tangibles.
Quant à Léo Taxil, l’homme
aux trois noms et demi, je puis bien dire que son attitude, lors de ce débat, a
été suffisante pour détruire l’effet produit sur mon esprit par les défenseurs
ecclésiastiques de la mystérieuse convertie. L’attitude de Gabriel Jogand m’a
absolument empêché de croire.
Son emballement, qui lui a
valu un rappel à l’ordre, m’a bien semblé l’emballement du marchand qui défend
sa boutique, et je suis étonné qu’on l’ait si peu remarqué. Il a dépassé la
mesure et me semble s’être vendu quand il a menacé les auditeurs de la
cessation, par la Miss offensée, des révélations commencées.
Pour moi, qui n’ai rien lu
de tous ces gens-là, j’ai été peu ému par une telle menace ; je l’ai
remarquée. Elle en dit bien long !
En attendant que la
commission romaine se prononce, je vous remercie, monsieur, pour votre attitude
vis-à-vis de cet homme que je ne veux pas croire coupable, mais que je crois
aussi inconscient, aussi irresponsable aujourd’hui que jadis. Prions pour lui.
Je viens de le surprendre,
donnant, dans son journal l’Anti-Maçon, journal des labaristes au milieu
desquels il se fait appeler Paul de Régis (3e nom), un texte complètement
faux de l’article 3 du règlement général voté à Trente. Or, il peut d’autant
moins ignorer qu’il donne un texte faux, que le rejet de ce texte a motivé sa
démission de rapporteur et son départ de la IVe section ; démission que
j’ai reçue comme secrétaire et transmise au président, le commandeur Pacelli,
lequel s’est empressé de l’accepter.
Veuillez agréer, monsieur,
l’assurance de mon profond respect et de mon sincère dévouement en
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Billiet. »
M. le chanoine Mustel a
relevé les contradictions de M. Laurent Billiet, dans son numéro du 13
novembre :
« M. Billiet, dont nous
avons publié une lettre du 16 octobre, la semaine dernière, vient d’en écrire
une autre, tout contraire, à l’Univers. Il a été sur le point de croire
à Diana Vaughan, mais il en est revenu. Ce qui l’a… éclairé, c’est une phrase
du discours de M. Léo Taxil, dans sa réponse à Mgr Baumgarten, à
Trente !!! On voit que si Billiet a des opinions successives, elles
demandent du temps pour mûrir. C’est le 29 septembre qu’il a entendu le mot
révélateur de M. Léo Taxil. Cependant, le 16 octobre, il pensait encore comme
nous ; mais depuis, il a médité ce qu’il avait entendu, et il a enfin
compris ; et il croit avoir eu dès le commencement la même conviction.
Mais qu’a-t-il compris, et quelle est donc cette phrase dont la lumière a enfin
pénétré et éclairé son esprit ? M. Léo Taxil dit qu’il craignait que Miss
Diana Vaughan, offensée (c’est le mot de M. Laurent Billiet, ce n’est pas celui
de M. Taxil) des soupçons et des attaques dont elle est l’objet, ne cessât ses
révélations. Et, là-dessus, M. Eugène Veuillot, saisissant au bond cette balle
lancée au hasard, avec une légèreté qui n’est ni de son âge ni de son
caractère, conclut que Miss Vaughan va cesser ses publications. Cela
simplifiera la question, et ce sera le résultat de l’enquête actuelle. »
A ces observations de M. le
chanoine Mustel, je crois devoir ajouter quelques constatations de faits.
J’ignore pour quels motifs
M. Laurent Billiet a si prestement changé d’attitude ; mais, dans sa
deuxième lettre, il accumule les contre vérités.
Il est certain que, le 29
septembre, ayant appris quelle avait été, au sein de la IVe section, l’ardeur
des négateurs allemands à pousser à la tenue d’une séance spéciale, avec
admission de la presse, je n’ai pu m’empêcher de dire que ces débats,
quasi-publics, seraient fatalement exploités par la secte contre le Congrès
lui-même, et je fis allusion à la présence possible de quelque sectaire parmi
nous, en ajoutant que, seule, la franc-maçonnerie avait intérêt à provoquer un
scandale. La suite de l’événement ne m’a que trop donné raison ; la
présence d’un délégué de la rue Cadet au Congrès de Trente ne peut plus être
niée. Le mot « scandale » ayant été mal compris par le président, qui
était M. Pacelli, italien, celui-ci m’interrompit pour m’inviter à modérer mes
expressions, et je répondis que, par « scandale », je qualifiais ce
qui ne manquerait pas de se passer en dehors du Congrès, et nullement les
débats de ce jour-là ; ce que le président avait cru que je voulais dire,
et ce qui était très loin de ma pensée. Il n’y eut rien de plus que cette
interruption de M. Pacelli et mon explication.
Il est possible, à la
rigueur, que M. Laurent Billiet ait pris l’interruption du président pour un
rappel à l’ordre ; mais ce qui es certain, c’est que les nombreux
journalistes italiens, français, autrichiens qui ont rendu immédiatement compte
de cette séance si mouvementée, ont dit purement et simplement qu’à un moment
donné j’avais été vif (et il y avait de quoi !), et d’autre part, j’ai été
remercié, aussi bien que les autres orateurs, par l’ordre du jour voté par
l’assemblée.
Il est faux que l’Anti-Maçon
soit mon journal ; j’y ai écrit, dans les premiers numéros, de décembre
1895 à mars 1896, quelques articles sur le Labarum, signés de mon nom de
ligueur, « Paul de Régis ». Dans cette ligue anti-maçonnique, et,
dans d’autres aussi, on prend des noms, comme dans les tiers-ordres ;
d’ailleurs, cela n’a rien d’extraordinaire. Les plaisanteries de M. Billiet à
ce sujet sont donc absolument déplacées, et ce genre d’esprit est usé depuis
longtemps.
Quant aux intérêts de
« boutique », la commission romaine pourra les apprécier quand elle
le voudra ; ce n’est pas moi qui redoute qu’elle s’informe auprès des
éditeurs de Miss Vaughan ; l’examen de l’emploi des droits d’auteur de
cette généreuse femme ne peut tourner qu’à la confusion de ceux qui la
calomnient.
Enfin, M. Laurent Billiet
ment avec une rare audace quand il dit que le texte de l’article 3 du règlement
général de l’organisation anti-maçonnique universelle, voté à Trente, a été
falsifié dans les colonnes de l’Anti-Maçon, et que j’ai donné ma
démission de rapporteur de la Commission parce que tel texte avait été rejeté.
J’ai donné ma démission de rapporteur
avant le vote de cet article 3, et le texte de la Commission a été bel et bien
maintenu en ce qui concerne la France.
La preuve du mensonge de M.
Billiet est éclatante, aujourd’hui. La voici :
« Art. 3. Les Sociétés
ou Comités agissant isolément, reconnus comme il vient d’être dit, ainsi que
les Conseils Centraux des Ligues ou Fédérations, devront se tenir en rapports
suivis avec le Comité National de l’Union Anti-Maçonnique existant dans leur
pays. » (N° 21 de l’Anti-Maçon, 16 octobre 1896, page 4, 2e
colonne).
Tel est le texte que M.
Laurent Billiet déclare avoir été falsifié par moi.
Or, le Conseil directif
général de l’Union Anti-Maçonnique universelle, siégeant à Rome, vient de
publier pour la France, sous forme de brochure, en langue française, les Résolutions
du 1er Congrès Anti-Maçonnique International, tenu à Trente, du 26
au 30 septembre 1896. Le statut fondamental de l’organisation
anti-maçonnique universelle figure dans cette brochure officielle aux pages 11
et 12 (Rome, imprimerie de la Paix, Philippe Cuggiani, place della Pace, 35).
L’article 3 se trouve en tête de la page 12 ; il est absolument identique
au texte publié par l’Anti-Maçon, mot pour mot.
M. Laurent Billiet a donc
menti comme un vulgaire arracheur de dents ; il est pris la main dans le
sac.
Quant à l’Univers, il
y a gros à parier qu’il ne publiera pas cette preuve palpable de l’audacieux
mensonge de son correspondant.
L. T.
Au milieu des écœurantes attaques
qui se sont multipliées depuis deux mois, nous ne saurions trop faire ressortir
la courageuse et calme attitude de Mgr Fava, évêque de Grenoble.
Le 29 octobre, l’éminent
prélat faisait insérer la note suivante dans la Semaine Religieuse de
son diocèse :
« Monsieur le Directeur
de la Semaine,
J’ai recours à votre Semaine
pour parler à vos lecteurs de Diana Vaughan.
Miss Diana Vaughan nous
écrivit, en octobre 1894, une lettre, alors qu’elle rendait encore un culte
satanique à Satan, qu’elle nommait le Dieu-Bon. Nous avons fait imprimer
cette lettre dans notre ouvrage : La Religion catholique d’après le
Symbole des Apôtres, page 447.
Dans cette lettre, la
Palladiste nous disait que nous voulions l’attirer à Canossa, mais qu’elle n’y
viendrait pas ; que, quand « elle viendrait en France, elle tâcherait
de trouver le temps de venir jusqu’à Grenoble ». Elle terminait sa missive
par ces mots : « Point n’ai failli, point ne faillirai à ma
foi. Veuillez agréer, Monseigneur, l’expression de ma gratitude pour votre
parfaite courtoisie envers une adversaire. Diana Vaughan »
Elle ajoutait :
« Je compte sur votre honneur pour ne faire connaître à quiconque la
localité d’où vous vient cette lettre. »
Pour nous, nous prenions
congé de Miss Diana Vaughan en disant : « Elle ouvrira les yeux à la
vérité ; nous le demandons à l’Esprit-Saint avec insistance. »
Diverses circonstances se
sont produites, qui ont jeté des doutes sur l’existence même de Miss Diana
Vaughan. On nous a écrit de divers côtés, et toujours nous avons répondu :
Elle existe ; elle est convertie ; elle a été baptisée ; elle a
fait sa première communion ; elle écrit contre la Franc-Maçonnerie et le
règne de Satan.
Aujourd’hui, nous pourrions
ajouter : Elle nous a envoyé son ouvrage : Crispi, en tête
duquel elle a écrit de sa main : « A Monseigneur Fava, évêque de
Grenoble, hommage et remerciements. Diana Vaughan. 31 août 1896. »
Si l’on veut bien lire avec
attention cette note, on comprendra sans peine que Mgr Fava, qui sait peser ses
mots, parle comme quelqu’un de sûr de son fait. Ce n’est pas à cette heure que
le vaillant évêque affirmerait avec tant d’énergie, s’il avait l’ombre d’un
doute.
Il est possible que la
conversion de Miss Diana Vaughan n’ait pas eu lieu dans le diocèse de Grenoble,
et, d’ailleurs, si le couvent où l’abjuration a été écrite se trouvait dans ce
diocèse, ce serait une raison majeure pour que Mgr Fava s’abstint d’intervenir
publiquement ; mais on peut savoir à quoi s’en tenir sur un fait sans y
avoir été mêlé d’une façon directe. L’attitude de l’éminent prélat devrait
donner à réfléchir aux négateurs obstinés.
Dans la Vérité, de
Québec, du 7 novembre, nous trouvons une lettre très intéressante de M.
Tardivel, son directeur. On n’a pas oublié que l’éminent publiciste canadien
était le président de la IIe Section (Etude de l’action maçonnique) au Congrès
de Trente ; sa haute compétence avait guidé le choix du Comité central
organisateur, qui le nomma à ces importantes fonctions.
En quittant Trente, M. Tardivel fit un voyage en Italie, puis en
France ; nous l’avons vu à Paris, à son retour de Rome. Cette lettre, que
nous reproduisons, et qui est datée de Rome le 17 octobre, est d’un très grand
poids, ainsi qu’on va en juger :
« A propos de Mlle
Vaughan
Un personnage très haut
placé à Rome me faisait naguère les observations suivantes, à propos de Mlle
Vaughan :
On dit qu’aucune personne de
ce nom n’existe. Examinons un peu cette question.
Une personne se disant Diana
Vaughan a écrit au cardinal Parocchi, lui a envoyé des livres. Le cardinal a
répondu à cette personne, au nom du Saint-Père, dont il lui a envoyé la
bénédiction. A la rigueur, il pourrait y avoir là une mystification.
Mais voici autre chose. Ce
n’est que depuis sa conversion que Mlle Vaughan n’existe pas. Avant cette
époque, il existait certainement une personne de ce nom. C’est là un fait
historique parfaitement établi. Il y a des personnes dignes de foi et
parfaitement connues qui l’ont vue, qui ont bu et mangé avec elle. Plusieurs
journaux ont parlé d’elle sans jamais soulever le moindre doute sur la réalité
de son existence. On a de nombreuses lettres écrites par elle, notamment à M.
de la Rive, qui en possède, qui lui sont arrivées de toutes les principales
villes d’Europe. Avant le mois de juin 1895, il n’est jamais venu à l’idée de
quoique ce soit de dire que Mlle Vaughan était un mythe ; M. Margiotta
lui-même, qui l’a attaquée récemment, ne nie pas son existence. Au contraire,
il affirme qu’elle existe, puisqu’il prétend que la vrai Mlle Vaughan est
encore palladiste.
Si elle n’existe plus
aujourd’hui, c’est qu’elle est morte. Quand, où et comment est-elle
morte ? Que ceux qui nient l’existence de Diana Vaughan produisent un bout
de preuve établissant que Diana Vaughan est morte. C’est sur ceux qui nient,
non point sur ceux qui affirment l’existence de cette personne, que retombe
tout l’onus probandi.
Autre observation de ce même
personnage haut placé :
Que les catholiques, qui
aident à répandre le bruit que Mlle Vaughan n’est qu’un mythe, réfléchissent
bien à ceci :
Les francs-maçons se sont
dit : de deux choses l’une : ou bien, à force de dire et de répéter,
sur tous les tons et en toutes les occasions, que Mlle Vaughan n’existe pas,
nous finirons par faire accepter cette opinion par la masse des catholiques, et
alors ses révélations ne produiront aucun effet ; ou bien, à force de nier
son existence, nous contraindrons Mlle Vaughan à sortir de sa retraite pour
prouver qu’elle existe, et alors nous la supprimerons.
Certains catholiques,
ajoutait le personnage en question, ne semblent pas comprendre qu’ils font
l’affaire de la franc-maçonnerie.
Mais pourquoi, me dira-t-on
peut-être, Mlle Vaughan est-elle plus exposée que les autres antimaçons –
Margiotta et Taxil, par exemple – qui, eux, se montrent ?
C’est un autre personnage
important de Rome, moins haut placé que le premier, mais parfaitement au
courant de la question maçonnique, qui a répondu à cette objection :
Mlle Vaughan est allée
beaucoup plus loin dans la voie des révélations que tous les autres ; de
plus, elle était beaucoup plus haut placée, dans la franc-maçonnerie
palladique, que Margiotta ou Bataille. Quant à Léo Taxil, il n’a été que dans
les grades inférieurs de la franc-maçonnerie symbolique. Personne n’a encore
arraché le masque à la franc-maçonnerie comme l’a fait Mlle Vaughan ;
personne n’a autant qu’elle foulé aux pieds les serments impies de la secte.
Elle est donc infiniment plus exposée aux vengeances des Lucifériens que
n’importe quel autre écrivain anti-maçon.
La secte hait Diana Vaughan
d’une haine indicible. Il suffit de lire le livre de Waite, The Devil
Worship in France (Le Culte du diable en France), pour s’en convaincre.
Waite parle de Margiotta, de Bataille, de Taxil, de Jean Kostka sur un ton
badin ; tandis que sa rage éclate, malgré lui, quand il trouve le nom de
Miss Vaughan sous sa plume. Lui, ne conteste pas son existence. Il déclare, au
contraire, qu’elle est couverte d’une « honte indélébile aux yeux du monde
civilisé » (page 287). On ne se laisse pas aller à de telles fureurs
contre un mythe, et de « pures inventions » ne soulèvent pas de
telles clameurs.
J.-P. Tardivel. »
Voici comment Massimo
Introvigne nous présente Arthur Edward Waite : « Ce franc-maçon
auteur d’encyclopédies et collectionneurs d’initiations - mais qui était
toujours, en même temps, à la recherche d’un ésotérisme « chrétien »[91]
- avait démoli Taxil de façon si convaincante qu’il suscita même, comme nous
l’avons vu (et dès avant 1897), les applaudissements des catholiques
anglais. » Et : « Quand en 1896, à Londres, 1’ésotériste
chrétien Arthur Edward Waite (1857-1942) - maçon et apologiste de la
maçonnerie, mais conciliant et spiritualiste[92]
- publie
l’un des plus brillants réquisitoires contre Le Diable (Devil-Worship
in France or the question of Lucifer, Georges Redway, Londres, 1896) le
journal catholique The Tablet recommande le livre de
l’ « honorable opposant » comme « modéré et consciencieux »
et affirme qu’ « il ne déplaît pas du tout » aux catholiques anglais que
Taxil et Bataille soient dénoncés. »
Tout d’abord remarquons que
Waite, s’il a pu déverser sa haine anti-Taxil tranquillement en Angleterre, par
manque de contradicteurs anglais au courant et informés, il n’en est pas de
même en France, où le Dr Bataille, Léo Taxil, La Franc-maçonnerie démasquée,
le chanoine Mustel, etc., sont toujours sorti vainqueurs des débats (et avec
quelle puissance). Nous pouvons même affirmer qu’ils les ont littéralement
« massacrés ». Toute parole émanant d’un franc-maçon, du moment qu’il
attaque Léo Taxil, est acceptée et prise pour parole d’évangile par le
catholique Massimo Introvigne, sans aucune méfiance.
Waite fréquentait l’ordre
hermétique de la Golden Dawn - fondé en 1888 par deux médecins maçons, William
Robert Woodman (1828-1891) et William Wynn Westcott (1848-1925) – et portait le
nom initiatique de Sacramentum Regis.
En fait, étant un grand
Initié, il savait que ce que disait Léo Taxil ou le docteur Bataille était
vrai. Or, comme un secret, par définition, ne se dévoile pas, la seule solution
est de nier. Waite est d’ailleurs le traducteur d’un ouvrage de Thomas Vaughan,
réédité en 1888. Des extraits de cet ouvrage sont étudiés et des passages sont
publiés dans L’Official bulletin of the Supreme council of the 33d degree
for the southern jurisdiction of the United States.
… « Après sa
conversion, M. Léo Taxil aurait dû vivre loin du monde, dans la retraite et le silence
perpétuel. Au contraire, à peine converti, - s’il l’est - il fait des livres,
et des livres de combat ; on le voit, on l’entend partout, tant il aime à
paraître et à faire du bruit ! »
Nous répondrons d’abord que beaucoup de catholiques se mêlent, sans
avoir ni les lumières, ni la mission, ni la grâce requises, de la direction des
consciences. Nous croyons que M. Léo Taxil a reçu, de ceux qui avaient pour but
de lui donner des conseils tout ce qui manque à ces critiques, des avis
différents, auxquels il a pu, en toute sûreté de conscience, et il a dû, en
droite raison et en justice, se conformer, plutôt qu’aux objurgations de ses
censeurs.
M. Léo Taxil est chef de
famille ; ce qui lui crée des obligations graves, auxquelles il ne lui
était pas permis de se soustraire.
Il est écrivain de don et de
profession. Il avait sur la Franc-Maçonnerie des renseignements et des
documents que peu de catholiques pouvaient se procurer, qu’un plus petit nombre
peut-être eût osé traduire. Et le Pape venait de nous faire un devoir à tous de
démasquer la secte. Y avait-il un meilleur moyen pour un converti de réparer
les fautes commises et les dommages causés aux âmes ?
Depuis quand donc, s’il vous
plait, est-ce un devoir pour les convertis de disparaître et de se taire ?
Je vois Madeleine, dès le lendemain du jour où le divin Maître lui eut remis
ses péchés, suivre le Sauveur, au premier rang, par son dévouement, des saintes
femmes qui pourvoyaient à ses besoins. Et c’est elle que Jésus ressuscité
envoie prévenir Pierre et les autres apôtres. Les Pharisiens auraient dit
encore : Etait-ce à cette pécheresse qu’il convenait de confier une telle
mission ?
Hier, Saul courait à bride
abattue, ivre de colère et de sang, pour saisir, jeter en prison et faire périr
dans les supplices et les outrages les disciples du Christ. Le lendemain, -
trois jours après, pour être plus précis, - il prêche, il exhorte, il commence
sa mission de Grand Apôtre.
Et que de noms je pourrais
ajouter, depuis Augustin, qui, avant même d’être baptisé, écrit des pages
admirables de foi, de reconnaissance et d’amour, et commence à combattre les
hérétiques, spécialement ceux dont il avait partagé les erreurs, jusqu’aux plus
célèbres apologistes de nos jours, qui ont été presque tous des
convertis : Veuillot, Lacordaire, Hermann, Ratisbonne, et tant d’autres.
Ne peut-on pas même dire,
avec les réserves nécessaires, que les serviteurs de Dieu les plus actifs pour
étendre son règne et combattre ses ennemis ont été ceux qu’animait à la lutte
le souvenir et le regret de leurs fautes passées ? Ce sont, au contraire,
plutôt des âmes innocentes qui sont appelées à goûter l’intimité divine dans le
silence et la solitude.
Pourquoi donc les
catholiques montrent-ils envers ceux qui reviennent de loin à Dieu les
sentiments du frère aîné de la parabole envers l’enfant prodigue ? Est-ce
pour justifier, d’une manière éclatante, ce mot du divin Maître : Nemo
bonus, nisi Deus ? Mais il faudrait s’inspirer de cette bonté.
« M. Léo Taxil a fait
des livres pornographiques. » C’est le grand reproche, et quand on l’a
lancé, tout est dit. Examinons le grief :
On admettra bien que sur
cette grave question : Est-il permis, est-il bon de dévoiler les
turpitudes des sectes antireligieuses, au risque de troubler et d’induire en
tentation certaines imaginations, il y a divergence entre les moralistes. Nous
n’avons pas besoin de trancher la question pour répondre.
A Trente, cette question
s’est posée très nettement, très vivement, et à deux reprises, dans la première
section, dont j’avais été nommé président, mais où je n’ai pu paraître qu’une
fois. Le samedi, M. le professeur Longo lisait un travail très savant, plein de
recherches et appuyé de documents sur la doctrine maçonnique, dont il faisait
ressortir l’immoralité systématique. Le représentant de l’Osservatore
cattolico de Milan protesta contre les détails donnés dans une réunion, à
laquelle assistaient beaucoup de jeunes gens. Le lundi, en ma présence, et au
moment où Mgr le Prince-évêque de Trente présidait, ayant près de lui un autre
évêque, le même débat se renouvela, et le savant rapporteur répondit avec une
grande énergie qu’il était là pour tout dire ; il affirma qu’il
obéissait ainsi à la plus haute autorité que reconnaissent et vénèrent les
catholiques, et il continua.
Voici ce que l’on peut lire
sur cette affaire dans le livre d’Abel Clarin de la Rive, La Femme et
l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle :
« Croix de Reims,
12 juillet 1894 :
« L’ex-luciférienne à
laquelle le Docteur Bataille fait allusion sans la nommer, est tout simplement
Barbe Bilder ou Bilger, née à Rixheim (Alsace) au mois de janvier 1854, et dont
le père n’est autre que le comte de Calvé, grand chef de la Maçonnerie
internationale, qui a donné souvent asile à Mazzini.
Calvé habitait alors le
fameux château des Crêtes, près de Vevey. Il enleva Barbe et l’éleva, en effet,
dans le diabolisme pur. Il disait que Barbe avait en elle l’essence de l’esprit
saint (Lucifer) ; et la jeune fille, il faut le reconnaître, était un médium
de premier ordre. Nous publierons, peut-être un jour, le procès-verbal de la
séance a laquelle assistèrent plusieurs chefs de la haute maçonnerie connus
comme hommes politiques ; il y aurait eu apparition de Lucifer qui dicta
des ordres.
Barbe Bilger vice-présida la tenue ou M. de Bismarck s’affilia aux
odd-fellows. elle connaissait du reste, très bien Bismarck et assista aux
principales réunions de la haute maçonnerie, où le Kulturkampf fut
décidé.
C’est Barbe Bilger et Calvé qui organisèrent le prétendu complot du
faux assassin Wiesinger, lequel offrit au T. R. P. Beck (à Rome) général de la
Compagnie de Jésus, de poignarder Bismarck. Cette abominable machination avait
été imaginée pour transformer Wiesinger (Le F.˙. Wiesinger, Odd-Fellow) en
agent des Jésuites. L’affaire avorta ; les RR. Pères n’eurent pas de peine
à prouver, victorieusement, qu’ils n’avaient jamais eu que des offres de
Wiesinger et qu’ils les avaient repoussées avec horreur et mépris. Wiesinger
fut considéré comme un escroc, jeté par dessus bord, et finalement on
l’acquitta ; mais tout ceci cachait les manœuvres de Calvé et de Barbe
Bilger !
Nos lecteurs doivent se souvenir que le F.˙. Léon Gambetta allait
souvent en villégiature, au château des Crêtes ; il y rencontrait toujours
Barbe, et c’est elle qui lui fit faire la paix avec M. Thiers ! »
Croix de Reims, 12 août 1894 :
« Avant la publication de notre article du 12 juillet dernier, les
lecteurs de la Croix de Reims, comme le public, en général, ne
soupçonnaient guère les pratiques sataniques et ne se doutaient pas de la
présence au milieu d’eux, pour ainsi dire, de l’ex-Grande Maîtresse de la
Maçonnerie Universelle, la sœur Barbe Bilger.
Nous sommes heureux de pouvoir, aujourd’hui, sans franchir les limites
de la réserve convenable, révéler déjà une partie de la vie de cette étrange
femme.
Le 22 février 1854, naissaient et étaient baptisées, à Rixheim, en
alsace, deux jumelles, filles des époux Bilger-Koenigsecker. Ces enfants furent
mis en nourrice et l’une d’elle, Barbe, étant morte, on lui substitua, fort
habilement, la fille (adultérine) d’un certain Calvé ou comte Calvé, que les
amis intimes du feu Gambetta connaissent parfaitement. Lorsque la pseudo Barbe
eut environ l’âge de quatre ans, Calvé voulut la reprendre, afin de l’élever
dans le satanisme le plus pur. Il ne put la garder longtemps, les époux Bilger,
qui ignoraient la manœuvre dont ils étaient victimes, ayant manifesté la
volonté formelle de rentrer en possession de leur fille.
Calvé en fut réduit à s’exécuter et dut se contenter de faire de
fréquentes apparitions à Rixheim ; circonstances qui contrariaient
singulièrement ses projets d’avenir. Barbe suivit les cours de l’école
primaire, en même temps que les leçons clandestines d’occultisme et de luciférianisme
qui lui furent données par une complice de Calvé, la sœur maçonne Morlaix,
veuve, Zweiffel, qui vint habiter auprès de l’enfant.
Le matin de sa première communion, - Barbe s’en souvient très bien, -
on enduisit sa langue de son palais d’un ingrédient spécial, qui empêcha la
sainte hostie de s’humecter dans sa bouche et lui permit de la retirer intacte
pour la profanation diabolique.
Il existait déjà, en 1855, à Paris, une association dont les femmes qui
y étaient affiliées avaient pour rôle d’aller communier aux églises et d’en
rapporter les hosties qu’elles avaient soin de ne pas avaler. Pendant
vingt-cinq ans, il y eut à Agen, nous précisons, une société de ce genre, qui
meurtrit et pollua plus de trois mille hosties. Enfin, M. Huysmans, dans son
livre Là-Bas, ne craint pas de signaler les femmes qui furent
embauchées, vers 1874, pour pratiquer cet odieux commerce ; payées
« aux pièces », elles se présentaient chaque jour à plusieurs tables
de communion. Et c’est encore le système employé par les Palladistes, pour se
procurer les Saintes Espèces nécessaires à la consommation des exécrables
forfaits qui sont indispensables à leurs cérémonies lucifériennes et
orgiaques ! Le cas de Barbe Bilger n’a donc rien d’anormal, et la
malheureuse créature était déjà capable de tout. Ses compagnes d’Alsace ont
gardé d’elle le plus déplorable souvenir : jeune fille encore, hypocrisie,
mensonge et fausseté étaient le fond de sa nature viciée, à dessein, par Calvé
et la sœur Morlaix.
Vers 1873, au plus tard, la famille Bilger, sur les instances de Calvé,
quitta Rixheim et s’établit à Strasbourg. Là, Calvé s’imposa de plus en plus,
et, n’étant plus gênées comme elles devaient l’être dans un village, les
relations avec les Bilger perdirent leur caractère secret.
Barbe étant prête pour servir de médium à la Maçonnerie universelle,
Calvé voulut l’avoir complètement avec lui. On imagina de la présenter au
château des Crêtes comme gouvernante ou dame de compagnie de la comtesse (si
Calvé n’était pas veuf alors ?) Barbe revint à Rixheim, demande un
certificat d’instruction et de moralité qui lui fut refusé « parce qu’elle
avait une conduite assez louche et que ni sa religion, ni l’honneur, ni sa
vertu (toute maçonnique) ne lui auraient empêché d’accepter une position
quelconque, même au service du diable. » Ce sont les motifs exacts du
refus qu’elle essuya. Elle prétendait alors que ce certificat lui était
nécessaire pour l’obtention d’une place d’institutrice à Strasbourg ;
personne n’en fut dupe.
Calvé dut inventer un autre stratagème pour l’introduire chez lui.
Bref, de 1873 à 1879, la pseudo Barbe fut complètement entre les
griffes de Calvé. Pendant cette période, les Bilger connurent la vérité et
surent qu’elle n’était pas leur fille ; aussi ne voulurent-ils pas la
recevoir, quand elle se convertit.
Après un maçonnisme des plus actifs, Lucifer se manifesta à sa fidèle
esclave. Sous quelle forme ? Barbe ne s’est pas encore expliquée sur ce
point. Dans tous les cas, le dégoût et l’épouvante lui firent prendre le ferme
parti de s’enfuir et de profiter d’une absence de Calvé pour l’exécuter.
En face de cette femme chétive et contrefaite, on se demande vraiment
si c’est bien là le médium si célèbre pendant des années, la Grande Maîtresse
qui assista à tant de conciliabules infernaux, où furent organisés l’ensemble
et les détails de la persécution religieuse qui sévit sur la France,
l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, qui pèse si lourdement sur Rome ? On se
demande si c’est bien là cette sœur Maçonne qui se rencontrait à Lyon, à Paris,
à Londres, en Amérique, avec la plupart des sommités
politico-maçonniques ?
La réponse n’est plus douteuse
pour nous ! Oui !!
Nous savons que la publication faite par la Revue Catholique de
Coutances et celle de la Croix de Reims à ce sujet ont jeté les triangles
lucifériens de Paris dans un certain désarroi. La haute Maçonnerie commence une
campagne pour retrouver celle dont elle ne cesse de déplorer amèrement la
conversion ; le F.˙. Larocque, Grand-Maître du triangle Saint-Jacques,
a été chargé de la diriger.
Nous espérons qu’il ne sera pas plus heureux que son prédécesseur à
cette Grande-Maîtrise, l’escroc Bordone, qui a si peu réussi comme chef
d’état-major de l’armée du F.˙. Garibaldi, en 1870-1871, et bien que M. de
Freycinet, au mépris des lois civiles et militaires, l’ait bombardé général de
brigade !
Le Triangle Saint-Jacques a eu aussi pour Grande-Maîtresse,
Sophie Walder ou Sophia-Sapho, aujourd’hui Grande-Maîtresse de la Loge-Mère le
Lotus…
Le triangle Saint-Jacques se sert du calice de l’ex-bénédictin
Despilliers, chassé de Solesmes et expulsé de l’Ordre, qui se maria avec une
religieuse, détourné par lui de ses devoirs, et qui appartient au Rite de
Memphis et Misraïm et sa femme ( ?) au Rite Egyptien Réformé, si chers aux
juifs Maçons.
Ce journal était bien informé. Les recherches relatives à Barbe Bilger
furent confiées en effet à Larocque, et aussi à Sophie Walder, qui passa même
quarante-huit heures à Reims, ainsi que l’établit sans conteste la lettre
suivante qu’elle écrivit de Nancy, le 20 août, au matin :
« Lid-Nazareth s’est fort démené à Reims ; mais il n’inspire
pas confiance et n’a pu nulle part aborder la question. Il m’a fait perdre mon
temps, très bêtement. Par bonheur, Caïn m’a télégraphié que c’était à Nancy.
J’ai planté là Moïse et j’ai rejoint Caïn.
Ici, enquête à la Visitation, rien ; enquête sur les Carmélites,
rien ; c’est sûrement, et très sûrement, au Bon Pasteur.
Tu vois que nous avons réussi. Quand je te le disais !…
Maintenant, nos batteries sont prêtes, et nous avisons.
A bientôt.
Sophia. »
Cette lettre, qu’une enquête récente nous a fait connaître (nous avons
même eu l’original sous les yeux), avait été jetée à la poste de Nancy avant la
quatrième levée du 20 août ; elle arriva le soir même à Paris et fut remise,
par la huitième distribution, à la personne à qui Sophia l’adressait ; les
timbres apposés sur l’enveloppe ne laissent aucun doute à cet égard. Disons
encore que cette lettre était écrite avec une certaine encre verte, consacrée à
Lucifer, et que Sophie Walder (très superstitieuse dans son occultisme) emploie
toujours quand elle correspond avec un initié (palladiste ou maçon non
palladiste, mais maçon des hauts grades).
Enfin, ce qui concorde très exactement avec l’énoncé du premier alinéa
de notre reproduction du document ci-dessus, c’est que, dans notre enquête,
nous avons constaté, de la façon la plus sûre, la présence de Moïse
Lid-Nazareth à Reims, précisément pendant les journées du 18 et du 19 août.
Quels étaient donc les deux acolytes dont parle Sophie Walder ?
L’un est celui qui s’appelle en palladisme Moïse Lid-Nazareth ; il
répond au signalement suivant :
« Assez laid, porteur de lunettes, court, gras, plutôt mal propre
que soigné dans sa mise, ayant toute sa barbe clairsemée, âge d’environ soixante
ans. »
Il serait le neveu ou tout au moins proche parent du rabbin qui, jadis,
initia dans le judaïsme Adriano Lemmi, à Constantinople. Le Grand-Maître du
Grand-Orient et du Suprême Conseil réunis d’Italie, Souverain Pontife de la
Maçonnerie Universelle et Luciférienne depuis le 20 Septembre 1893, se réfugia,
en effet, dans la capitale de l’Empire Ottoman, après ses démêlés avec le
tribunal correctionnel de Marseille, de même que Moïse Lid-Nazareth habita
aussi Strasbourg longtemps et a été également rabbin. Nous pourrions au besoin,
raconter un procès qu’il eut en loge et qui fournit la preuve évidente de son
séjour sur les rives du Bosphore, où il exerçait même un métier inavouable.
Sur la foi de l’article de la Croix de Reims, par lequel ce journal
semblait donner, intentionnellement à entendre que Barbe Bilger pouvait bien
s’être réfugiée dans un monastère rémois, Moïse Lid-Nazareth s’était vanté
auprès de Sophie Walder, de Larocque, et, probablement aussi, auprès de son
coreligionnaire Mayer (de La Lanterne) et d’autres lucifériens, de
savoir facilement la vérité par le haut clergé, avec lequel il avait alors des
relations et qu’il trompait indignement en se donnant pour un converti au
catholicisme.
Vendant la peau de l’ours avant d’avoir tué la bête, Moïse exagérait
son habileté et surtout la confiance dont il se prévalait sottement. C’est bien
là, en effet, ce que Sophie Walder reconnaît, avec mauvaise humeur, dans sa
lettre.
Accueilli à Reims avec plus de défiance que jamais, Moïse n’aurait pas
osé aborder le véritable sujet qui l’amenait cette fois dans la ville du Sacre,
et lui aurait été impossible d’apprendre ce qu’il désirait savoir ; aussi,
Sophie Walder l’a-t-elle abandonné dès la réception du télégramme révélateur de
Caïn Larocque.
Ce qu’il y a de plus étrange chez cet hébreu, qui se disait converti au
catholicisme depuis quelques années (comme son chef et protecteur Lemmi est
devenu juif après avoir été chrétien), c’est précisément le nom palladique
qu’il a pris : Moïse Lid-Nazareth !
Lid est une invocation abréviative à Lucifer, employée dans le Messe
Blanche des Palladistes, au passage qui sert de contrepartie à l’Agnus Dei
de la Messe catholique. Cela signifie :
Lucifer ennemi du Seigneur
Et l’on dit par gradation, en chantant sur un ton de psalmodie :
Lucifer, inimice domini Bethleem, audi nos !
Lucifer, inimice domini Nazareth, exaudi nos !
Lucifer, inimice domini Jerusalem, in cœlum tuum accipe nos!
(Lucifer, ennemi du Seigneur de Bethléem, entends-nous!
Lucifer, ennemi du Seigneur de Nazareth, exauce-nous !
Lucifer, ennemi du Seigneur de Jérusalem, dans ton ciel
accueille-nous !)
Ou plus exactement :
Lid-Bethléem, audi nos !
Lid-Nazareth, exaudi nos!
Lid-Jérusalem, in cœlum tuum
accipe nos!
On vise ainsi les trois phases de la vie du Christ :
Bethléem, la naissance ;
Nazareth, la vie cachée ;
Jérusalem, la vie publique et la mort.
Il est indispensable de connaître le sens secret de ce mot
bizarre : Lid.
L’auditeur, non initié, ne comprendrait absolument rien, s’il entendait
le Mage Elu officiant s’écrier :
Lid-Bethléem, etc.; Lid-Nazareth, etc.; Lid-Jérusalem, etc.
Pour le soi-disant converti, que nous connaissons maintenant[94],
il faut avouer que le pseudonyme Moïse Lid-Nazareth n’est pas trop mal
choisi !
Le deuxième compagnon de Sophie Walder affublé du prénom Caïn était
bien le F.˙. Larocque, le G.˙. M.˙. du triangle Saint-Jacques,
de la vallée de Paris.
Depuis le 10 août, Caïn Larocque soutenait que Barbe Bilger était en
Meurthe-et-Moselle ; c’est lui qui a enquêté sur tous les couvents de ce
département, et cela avec tant d’adresse que les Supérieures ne s’en sont pas
doutées.
Dès son arrivée à Nancy, Sophie Walder pousse son cri de triomphe.
« Enfin, nous tenons Barbe ! » dut-elle dire.
« Maintenant nos batteries sont prêtes et nous avisons. »
Elle écrivait cela le dimanche matin, 20 août, et le vendredi 25, la Lanterne
publia (n° daté du samedi 26) son numéro dont sept colonnes étaient consacrées
à Barbe Bilger, sous le titre « Comment on exploite une possédée. »
La Lanterne racontait les faits à sa manière et les dénaturait
selon l’habitude des Francs-Maçons. Elle revint encore à la charge les 29 août
et 2 septembre.
La Croix de Reims, dont la Lanterne avait reproduit, en
le tronquant pour les besoins de sa cause, l’article du 12 août, répondit, en
ces termes, le 30 août, à l’organe officieux des judaïco-lucifériens :
« Les articles que nous avons publiés au sujet de Barbe Bilger ont
exaspéré la secte Luciférienne.
Sophie Walder et le F.˙. Larocque sont partis dans l’Est, et, plus
adroits que Claire de Brucq, qui avait cherché au sud de la France, ils avaient
découvert, comme nous la retraite de l’ex-Grande Maîtresse de la Maçonnerie
Universelle.
Samedi, la Lanterne consacrait six colonnes à ce qu’elle appelle
pompeusement son enquête ; or, cette enquête est simplement celle de
Sophie Walder et du F.˙. Larocque, dont la navette entre Bar-le-Duc et
Strasbourg nous avait été signalée, en temps utile. Le journal du juif Mayer
s’est, en effet, trahi, par le soin extrême qu’il a pris de retrancher, de
notre article du 12 courant, le passage ou nous parlions de l’enquête du
F.˙. Larocque et rappelions que Sophie Walder avait été grande-maîtresse
du triangle diabolique Saint-Jacques de Paris.
Avec son cynisme habituel et vraiment maçonnique, la Lanterne,
osait dire qu’elle reproduisait notre article en entier, sans y ajouter une
ligne et sans retrancher une virgule ; le public appréciera.
En ce qui concerne les réels auteurs ce cette chasse diabolique contre
Barbe Bilger, le bout de l’oreille perce à plusieurs reprises dans l’article de
la Lanterne.
Nous y relevons ce passage, le plus dénonciateur :
« Un de nos collaborateurs se rendit en Suisse. Il fut mis en
relation avec deux personnes connaissant l’histoire de Babette, M. L*** et Mme
D***, cette dernière, d’origine alsacienne, depuis longtemps fixée en Suisse.
Le père de Mme D*** a connu les époux Bilger. »
Mayer n’a pas voulu éclairer davantage sa Lanterne ! M.
L*** ne serait-il pas précisément le F.˙. Larocque ? Et Mme D*** ne
serait-elle pas Sophie Walder ?
Née à Strasbourg, en septembre 1863, Sophie Walder a fixé, à Genève, sa
résidence attitrée, depuis qu’elle est devenue Inspectrice Générale en mission
permanente, ayant la correspondance directe avec le Suprême Directoire
Dogmatique Luciférien de Charleston, pour les relations générales de France,
Belgique et Suisse (Claire de Brucq, Mme Ratazi, Mme Thomas Verdy, Mme Héloïse
Bel, à Paris, sont inspectrices générales, pour les relations spéciales de
France). Sophie Walder, véritable protée-femelle, change de nom à chaque
trimestre, afin de mieux dépister ceux qui seraient tentés de la
surveiller ; il n’y a pas longtemps qu’elle s’appelait Madame Klein et se
faisait passer pour parente de Klein, le compositeur de musique bien
connu ; coïncidence bizarre, du 1er juin dernier au 1er
septembre prochain, elle se nomme Madame Donnal. (Il est bon d’expliquer, à ce
propos, que pour leur correspondance secrète, les Inspecteurs Généraux et
Inspectrices Généraux de la Haute Maçonnerie changent de nom chaque trimestre.
Voici par exemple, les noms trimestriels de Sophie Walder, pendant l’année
maçonnique courante :
Du 1er mars au 31 mai 1893 : Mme Stéphan.
Du 1er juin au 31 août 1893 : Mme Donnal.
Du 1er septembre au 30 novembre 1893 : Mlle Bloncourt.
Du 1er décembre au 28 février 1894 : Mlle Vernon.)
Son père peut fort bien avoir connu les époux Bilger.
Nous remarquons encore que la Lanterne s’est bien gardée de
démentir notre assertion concernant l’œuvre préparatoire de corruption de Barbe
Bilger, par la sœur maçonne Morlaix, veuve Zweiffel, qui vint dans ce but
habiter Rixheim. Ce silence n’est-il pas significatif ? N’est-ce pas
capital ?
Nous devions de loyales explications à nos chers lecteurs.
L’attaque de la Lanterne révèle tout un complot contre le clergé
français. Nous sommes heureux d’avoir contribué à faire démasquer cette machine
infernale qui, nous l’espérons bien, ne produira pas les ravages qu’en
attendaient les Palladistes.
De la discussion jaillira la lumière ; et cette lumière, les
difficultés, les dangers, les menaces de la secte judaïco-maçonnique, ne
sauront nous empêcher de la répandre, selon les phases des enquêtes multiples
auxquelles nous nous livrons.
La crainte même de déplaire à Mlle Walder (que la Lanterne
représentait, mensongèrement, enfermée dans un couvent alors que libre comme
l’air elle est probablement à Rome pour préparer le triomphe du juif Lemmi au
Convent Luciférien de septembre) ne nous arrêtera pas davantage. Peut-être
Sophie Walder nous fixera-t-elle de son regard étrange à travers ses paupières
immuables, manière agaçante et énervante, au suprême degré, qui lui est
habituelle, lorsqu’elle se trouve en présence de personnes qu’elle espère
gêner ; elle ne nous intimidera pas plus que la Lanterne. »
La Croix de Reims avait bien raison de signaler à ses lecteurs
l’attitude, vraiment judaïque, de la Lanterne, qui présentait Sophie
Walder « comme victime des prêtres et exorcisée dans un monastère ».
Ce nouveau et stupéfiant mensonge fut publié, quelques jours avant l’apparition
du numéro à grand tapage consacré à Barbe Bilger et, par conséquent, au moment
même où Mayer, Caïn-Larocque, Moïse Lid-Nazareth et Sophie Walder manœuvrait de
concert ! Cet article constitue, à notre avis, la preuve la plus écrasante
de la connivence de Mayer avec Sophie : Mayer prenait les devants,
commettait une erreur volontaire (puisque l’entrefilet du Figaro qu’il
reproduisait disait parfaitement ce qu’est Sophie) et tenait essentiellement à
passer aux yeux de son public pour ne pas connaître Sophie Walder et cela
précisément parce qu’il savait qu’il allait bientôt être son porte-parole.
Marchant sur les brisées de la Sœur Juliette Lamber (affaire de la
possédée de Gif), interprète des désirs de Sophie Walder et de la Maçonnerie, La
Lanterne essayait de faire du scandale, prétendait que Barbe Bilger était
folle, torturée par les prêtres et sommait le parquet d’intervenir,
c’est-à-dire d’arracher la pauvre fille à son refuge et de l’enfermer dans
l’asile public des aliénés de Maréville, près de Nancy. Nous relevons sur les
listes de la France Maçonnique de Léo Taxil, les noms du Président de la
Commission Administrative de cet établissement, Demonet, et de son Directeur,
Denizet ; Benjamin Limon y est aussi inscrit, mais il n’est plus receveur
de l’asile. Aucun des autres membres du personnel n’est pratiquant.
Nous n’approfondirons pas ; ce serait trop scabreux, d’autant plus
qu’à la page 19, vol. II, du Bulletin du G.˙. O.˙. de Belgique,
nous lisons un passage du compte-rendu de la séance plénière du 26 mai 1876, où
les FF.˙. sont exhortés à poursuivre en justice leurs
contradicteurs :
« Il faut engager tous ces procès devant les tribunaux dans
lesquels nos Frères sont assurés de la majorité. »
Nous ne ferons pas à la magistrature française, même épurée, l’injure
de la comparer un seul instant à sa cousine belge ; mais, nous remercions
le Bulletin de son précieux aveu, et nous nous abstenons, c’est plus
sage.
Voici les paroles prononcées par le F.˙. Poulle, au Convent de
1893, elles ont trait à Barbe Bilger.
« N’avons-nous pas vu, dit-il, il y a quelques jours dans un
journal, qu’au XIXe siècle, plus de cent ans après la mort de Voltaire, on
venait d’installer une sorte de tribunal d’inquisition présidé par un évêque,
assisté de je ne sais quel ecclésiastique au cordon violet ou jaune, lequel
avait pour mission d’exorciser une espèce de folle qu’on déclarait possédée du
démon et qu’on décorait du nom de mère des Francs-Maçons… » (Bulletin
du G.˙. O.˙. de France, 1893, p. 581).
Le succès de Sophie Walder et de ses FF.˙. ne fut pas complet. Ils
retrouvèrent bien Barbe Bilger ; mais celle-ci fut sauvée à temps. Nous
regrettons de ne pas être autorisé à dire tout ce que nous savons sur ces
événements, auxquels nous avons été intimement mêlé ; nous espérons que
dans une autre édition, n’étant plus tenu à pareille réserve, nous pourrons
ajouter une nouvelle page au récit de cette affaire vraiment dramatique et
rendre publiquement hommage à ceux qui y ont joué le plus beau rôle.
Quant au souterrain, la Lanterne a crié un peu trop fort :
« Victoire ! » Le souterrain, précisément à cause de ces
hurlements de triomphe, existe quelque part, mais pas entre Zurich et Lausanne.
M. le chanoine H*** a dû avoir fait une confusion, dont les Palladistes se
tiennent fort. Nous croyons que la vérité doit être comme ceci : Zurich,
point central des opérations du prétendu Calvé ; château des Crêtes, près
de Vevey, et autre château aux environs de Lausanne, lieux de réunion des
internationalistes lucifériens. Or, de Lausanne à Vevey, il y a fort peu de
distance et deux châteaux situés ainsi, par exemple :
(1) (2)
---------------- (3) (4)
Lausanne Château Château des Crêtes Vevey
peuvent parfaitement être reliés au moyen d’une galerie souterraine.
D’autre part c’est un fait public que le F.˙. Léon Gambetta allait, chaque
année, pendant les vacances, se délasser à un château des Crêtes, appartenant à
Mme Arnaud (de l’Ariège) et où venait aussi la Sœur Juliette Lamber ou Mme Edmond Adam, si nous
ne nous trompons pas, et coïncidence bizarre, le F.˙. Thiers passait de
nombreuses villégiatures à Lausanne. Barbe Bilger et le chanoine H*** ont pu
commettre des erreurs de détails, l’une en se faisant arracher des aveux par
lambeau, l’autre en prenant des notes.
Le rapport du chanoine H*** parle :
1° d’un château près de Zurich ; 2° d’un château aux environs de
Lausanne, communiquant avec celui des Crêtes par un souterrain ; donc, 3
châteaux puisqu’il ne dit pas que celui près de Zurich s’appelait château des
Crêtes. Son tort est de ne pas s’être exprimé clairement ; mais la Lanterne
lui fait dire ce qu’il n’a pas dit. De Zurich à Lausanne, il y a, d’après la Lanterne,
170 kilomètres ; soit ! Mais Vevey et Lausanne étant fort rapprochés,
tous deux aux bords du lac de Genève, entre un château situé sur le territoire
de Lausanne, deux territoires communaux faisant partie du même canton, deux
communes se touchant presque puisqu’il y a à peine quinze kilomètres entre le
port de Lausanne et celui de Vevey, nous ne voyons aucune impossibilité à une
communication souterraine entre deux châteaux de cette région ; la
distance peut n’être même qu’insignifiante, si les deux châteaux sont placés l’un
et l’autre sur les confins de leurs territoires respectifs ; donc, la Lanterne
n’a triomphé qu’en dénaturant ce que M. le chanoine H*** avait écrit.
Enfin, la S.˙. Juliette Lamber n’aurait-elle pas joué aussi un
rôle dans l’affaire Barbe Bilger ? N’a-t-elle pas ameuté les feuilles
boulevardières contre le curé de Gif ? N’a-t-elle pas fait éclater les
criailleries de la presse judaïco-maçonnique sur la question des
exorcismes ? Qui sait si elle n’a pas connu Barbe Bilger, chez Mme Arnaud,
aux Crêtes ?…
La Lanterne avait encore commis un impair que nous devons
signaler. Trompée par l’initiale H*** qui figurait au bas du document public
par M. le chanoine Mustel, elle avait attribué cette pièce à un chanoine
nancéien, M. l’abbé Harmand ; or, le dignitaire ecclésiastique, auteur du
rapport sur Barbe Bilger, n’appartient pas au diocèse de Nancy, et M. le
chanoine Harmand était décédé le 23 mars 1891 ! Sophia et ses complices
avaient donc été trop pressés de faire du scandale ; d’où, la grossière
erreur de la Lanterne sur ce détail important.
La seule réponse à faire au
journal du juif Mayer, de Cologne, était donc de produire le numéro de la Semaine
Religieuse du diocèse de Nancy, annonçant le décès de M. Harmand, et de
l’accompagner de ces réflexions :
« Comment voudrait-on que nous discutions avec la Lanterne,
qui a impudemment fabriqué une liste de prétendus inquisiteurs exorcistes et
écrit que M. le chanoine Harmand a rédigé son rapport et l’a envoyé à plusieurs
prélats, le 17 juin 1893, alors qu’à cette époque le vénérable prêtre avait
rendu son âme à Dieu depuis deux ans et trois mois !
Et l’on voudrait que nous prissions la peine d’entamer une controverse
quelconque avec des gens qui mentent aussi audacieusement ? On voudrait
que nous abaissions notre dignité à ergoter avec ces misérables sur le fait de
savoir si, oui ou non, il y a, au bon-Pasteur ou ailleurs, une pensionnaire du
nom de Barbe Bilger ? Ce n’est pas chez nous que se commettent des crimes,
et comme nous ne séquestrons personne, nous n’avons à répondre au sujet de
cette femme qu’au procureur de la République lui-même, s’il nous demande ce
qu’il en est de tout cela. »
Voilà qui eût frappé le public bien autrement que la lettre de M.
l’abbé Voinon, vicaire-général de Mgr l’Evêque de Nancy, lequel faisait
vraiment beaucoup d’honneur au F.˙. Mayer en discutant avec lui, en
condescendant à lui donner des explications !
Pour en terminer avec ce que nous avons à dire sur l’affaire Barbe
Bilger, nous devons ajouter que Sophie Walder fut à tel point triomphante
d’avoir enfin découvert l’asile de sa malheureuse rivale convertie, que, dans
un de ces accès de satanisme délirant et maladroit dont elle fournit quelques
preuves par intermittences, elle éprouva le besoin de lâcher, à l’adresse du
vénérable évêque de Nancy, une bordée de ses injures habituelles ; du
moins, se vanta-t-elle de cet exploit, au cours du rapport qu’elle rédigea sur
l’ensemble de l’affaire Bilger et dont l’original se trouve aux archives du Suprême
Conseil de Lausanne.
Nos lecteurs ont vu plus haut, par l’importante lettre que nous avons
reproduite, que la scélérate Sophia était à Nancy, le 20 août ; elle y
était encore le lendemain, et c’est ce jour là que, sans doute ivre de joie et
de gin (sa boisson favorite), elle écrivit à Mgr Turinaz l’abominable lettre
qu’on va lire, signée, par dérision impie, de deux titres de la divine Mère du
Christ, empruntés aux litanies.
Le document ci-contre nous permet, heureusement, de nous appuyer sur
autre chose que des hypothèses dans cette reconstitution laborieuse du plan de
campagne des Lucifériens :
Le décès du F.˙. G.˙. M.˙. Louis Ruchonnet, mit
momentanément le désarroi dans le Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et
Accepté pour la Suisse ; l’un de nos amis d’enfance, qui visitait alors la
patrie de Guillaume Tell et qui, malheureusement, n’a pas encore démissionné de
la secte à laquelle il s’affilia dans sa jeunesse, mais dont il est cependant
fort éloigné de partager les haines antichrétiennes, eut l’occasion d’aller à
Lausanne et de visiter, en touriste maçon, le siège du Suprême Conseil. Ses
titres exhibés et accompagnés de quelques métaux dont le F.˙. servant
parut fort satisfait, il put, tout à son aise, feuilleter les divers livres de la
bibliothèque et même se faire montrer la précieuse collection des archives. A
ce moment l’affaire Barbe Bilger venait de faire assez de bruit en France, et
notre ami n’ignorait pas le rôle que nous y avions joué. Aussi, son attention
s’arrêta-t-elle sur plusieurs documents curieux se rapportant à cette affaire,
qui se trouvaient là, à son grand étonnement. L’un de ceux-ci surtout, un
rapport enregistré n° 13, 953, le frappa ; il en copia un extrait, que
quelques temps après il nous remettait, et cette pièce est revêtue de telles
marques d’authenticité qu’elle a pour nous autant de valeur que si elle avait
été faite par nous-même. Du reste, nous défions bien les gens du Suprême
Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté pour la Suisse, de nous opposer le
moindre démenti ; toutes nos mesures ont été prises pour les confondre
s’ils osaient nier ou faire nier par leurs auxiliaires de France.
Extrait d’un rapport adressé sous la signature Sophia-Sapho, le 1er
septembre 1893 (E.˙. V.˙.) au T.˙. P.˙. Souv.˙.
Gr.˙. Comm.˙. Gr.˙. M.˙. du Sup.˙. Cons.˙. du
Rite Ecoss.˙. Anc.˙. et Acc.˙. pour la Suisse, et enregistré à
Lausanne, - renvoi de Berne, - aux archives de ce Sup.˙. Cons.˙., n°
13, 953 :
« … Avant de faire dénoncer les faits publiquement, j’ai cru
devoir mettre le sieur Turinaz en face de sa responsabilité, et prête à quitter
la ville, l’enquête ayant enfin abouti, je lui ai envoyé la lettre
suivante :
A l’évêque de Nancy, à son évêché,
Nancy,
21 août 1893,
Nous savons très sûrement que vous séquestrez depuis plus de dix ans,
dans un couvent de cette ville, une malheureuse femme nommée Barbe Bilger.
Des amis s’intéressent à cette malheureuse, qui était déjà faible
d’esprit lorsqu’un de vos chanoines l’a enlevée à sa famille ; depuis
lors, vos prêtres la rendent de plus en plus folle sous prétexte d’exorcismes.
Si dans huit jours vous n’avez pas fait remettre Barbe à l’asile
d’aliénés, où sa guérison sera possible et où ses amis pourront du moins la
voir, plainte sera déposée entre les mains du Procureur de la République.
J’ai signé cette lettre : Virgo potens, alius infirmorum. »
N’est-ce pas la Lanterne qui dénonça les faits en question après
que Sophie Walder eut quitté Nancy, et cela en employant des termes à peu près identiques
à ceux que nous trouvons dans la lettre de cette fille à S. G. Mgr
Turinaz ?
La Lanterne niera-t-elle encore sa duplicité ?
Trouvera-t-elle un nouvel argument à opposer aux témoignages écrasants que nous
invoquons ? Il nous semble cependant bien difficile de mieux prendre
quelqu’un la main dans le sac.
Pages 531 et suivantes des Mémoires, nous pouvons
lire :
« Si Mgr Turinaz a
conservé cette lettre, on pourrait la confronter avec d’autres de Sophia. En
outre, rappelons que Sophia, dans la joie de sa découverte de Barbe Bilger au
Bon-Pasteur de Nancy, fit un rapport au Suprême Conseil de Lausanne envoyé par
elle le 1er septembre 1893 et dont M. de la Rive possède un extrait
authentique, timbrée au Secrétariat dudit Suprême Conseil, et je l’autorise à
transmettre à Rome la photographie de cet autre document. Cet extrait du
rapport officiel de Sophia, il l’a publié, en mettant le Suprême Conseil au
défi de nier, et le dit Suprême Conseil n’a pas nié !
Or, avant même que Sophia se
rendit à Nancy, moi, me trouvant de passage à Orléans, je connus le complot,
dont déjà j’avais eu vent au Havre et à Paris. Et voici la lettre que
j’adressai à Mgr Turinaz :
« Orléans, 13 août 1893.
Monseigneur,
La personne qui vous écrit
est une protestante, ayant des croyances tout à l’opposé du catholicisme ;
elle appartient en outre à une société qu’il est inutile de nommer, mais dont
les adhérents sont notablement hostiles à l’institution de la papauté. C’est
vous dire que votre correspondante est une adversaire.
Néanmoins, elle est un
adversaire loyale et n’a jamais participé à une mauvaise action. En vous
adressant cette lettre, elle n’a qu’un but : faire avorter un projet
criminel, qu’un hasard vient de lui faire connaître.
Par suite d’une imprudence
commise par un prêtre de Cherbourg, on a appris, dans un certain milieu, il y a
environ un mois, qu’une femme, nommée Barbe Bilger, ayant appartenu à une
société également ennemie de votre Eglise, se trouverait en ce moment dans un
couvent français. On a procédé à une enquête dans plusieurs diocèses, et c’est
dans la votre qu’est cette femme, assurent les enquêteurs. (En effet, à
Orléans, c’était l’opinion de Caïn-Larocque qui prévalait.)
On s’occupe donc, en ce
moment, de la faire sortir de son refuge, de gré ou de force. Je n’ai pas à
vous dire dans quelle intention on veut s’assurer de sa personne ; vous le
comprendrez, sans que j’aie à m’expliquer clairement.
Si les enquêteurs se sont
trompés et si, par conséquent, Barbe Bilger n’est pas dans un couvent de votre
diocèse, tenez ma lettre pour non avenue. Si elle y est, au contraire, vous
voilà averti ; mais ne perdez pas de temps.
Passant accidentellement en
France, je me suis arrêtée dans plusieurs villes où j’ai des amis. Partout,
j’ai constaté l’existence de ce complot. Si je vous informe, c’est que j’en
suis tout à fait certaine. J’ai su hier que c’était votre diocèse qui
était visé.
Sous aucun prétexte, ne
publiez cette lettre ; ne la montrez à personne ; mais, après l’avoir
lue, brûlez-la et faites-en votre profit. Si un indiscret quelconque venait à
la voir, cette confidence qu’une loyale adversaire vous fait pourrait être
répétée de bouche en bouche. C’est donc à votre honneur d’homme que j’adresse
mon appel. La plus légère indiscrétion pourrait causer ma mort.
(Aucune signature.) »
J’avais gardé la copie du
brouillon de cette lettre, et plus tard je la donnai à M. Margiotta. J’ai su,
d’autre part, qu’après qu’elle eût été publiée dans le volume Adriano Lemmi,
Mgr Turinaz, lorsqu’on l’a interrogé sur ce fait, a loyalement déclaré qu’en
effet il avait reçu cet avertissement par une inconnue.
Voilà un épisode, - cette
affaire Barbe Bilger, - qui suffit, à lui seul, pour réduire à néant
l’hypothèse du journal boulevardier, si allègrement reproduite par la presse
catholique hostile à ma cause : l’hypothèse de l’agence de poste privée,
envoyant de n’importe quelle ville les lettres que ses abonnés lui donnent à
expédier par subterfuge. Oui, un mystificateur, tout en étant paisiblement
assis dans son bureau à Paris, aurait pu faire expédier : d’Orléans, le 13
août, la lettre d’avertissement anonyme à Mgr Turinaz ; de Nancy, le 20
août, la lettre Sophia à Emilie ; de Nancy, le 21 août, la lettre Sophia
(Virgo Potens) à Mgr Turinaz ; et de Cherbourg, le 1er
septembre, le rapport Sophia au Suprême Conseil de Lausanne.
Mais, ainsi que je l’ai dit,
il n’y a pas uniquement des lettres dans ce qu’on a appelé la question Diana
Vaughan ; il y a des faits historiques.
La discrétion m’interdit de
dévoiler le nom de famille de la S.˙. Emilie, qui a été mon amie.
Dira-t-on qu’elle est un mythe ? Alors, par quel prodige, dans une lettre
authentiquement mise à la poste de Nancy le 20 août 1893, - même en la
supposant envoyée par le correspondant succursaliste d’une agence, - par quel
prodige a-t-on pu écrire de Paris dans cette lettre (le 18 août, en ce cas) ce
que Moïse Lid-Nazareth fit le 19 à Reims, c’est-à-dire les manœuvres
découvertes par M. de la Rive à la suite de son enquête de janvier 1894,
enquête ouverte sur ma demande du 4 janvier ?
Qu’un mystificateur ait, par
une agence, fait envoyer de Cherbourg au Suprême Conseil de Lausanne un rapport
de haute fantaisie, signé « Sophia-Sapho », cela est possible ;
mais à qui l’Univers pourra-t-il faire croire que ce Suprême Conseil ait
enregistré officiellement ce rapport en donnant dans le panneau du
mystificateur ? Comment l’Univers expliquera-t-il qu’un extrait
authentique de ce rapport, une copie relevée au Secrétariat même de ce Suprême
Conseil, prise à Lausanne même, je le répète, timbrée officiellement par le
Secrétariat du Rite, existe, - obtenue du secrétaire par subterfuge, sans
doute, mais enfin obtenue bel et bien, - existe, dis-je aux mains de M. de la
Rive ? S’il y a mystification, le Suprême Conseil de Lausanne serait donc
complice ? Non, puisqu’il nie aujourd’hui l’existence de Miss Diana
Vaughan, dans son organe officiel l’Alpina, faisant chorus avec l’Univers.
Alors, en cas d’une complicité du Suprême Conseil de Lausanne, elle ne peut
être qu’entre lui et l’Univers, et non avec M. Taxil. Tirez-vous de là,
intelligent Tavernier.
Et les démarches du vieux Moïse, se trouvant à Reims en même temps que
Sophia ?… O monsieur Tavernier, expliquez-nous donc cela, s’il vous
plait !… Mlle Walder est un mythe, direz-vous ? Air connu. Et Moïse
un mythe aussi ? Cela, vous ne pouvez pas le dire, puisqu’il est au nombre
de vos amis !… Demandez-lui, je vous prie, ce qu’il faisait réellement à
Reims, le 19 août 1893, et si son fameux ouvrage sur les Kadosch-Kadoschin,
pour lequel il était censément venu recueillir des souscriptions, a jamais
paru ?
On voit par ceci que ma
correspondance avec M. de la Rive fut des plus intéressantes, et l’on comprend
qu’elle gêne les négateurs. Ils la passeront sous silence, il faut s’y
attendre. »
Les journaux catholiques allemands qui s’occupent beaucoup de miss
Vaughan et, par là-même, du docteur Hacks, de Léo Taxil, etc., etc., sont
curieux à lire.
Ils s’alimentent, il est vrai,
presque exclusivement des articles des journaux français, ou bien ils
resservent à leurs lecteurs, sous des formes peu nouvelles, les deux fameux
articles tapageurs de la Kœlnische Volkzeitung. Mais ils s’y mêlent
aussi leurs informations particulières et leurs propres déductions. C’est ainsi
que les lecteurs de la Germania savent maintenant ou peuvent savoir que
l’abbé Mustel a près de quatre-vingt ans, ce qui explique bien qu’il radote un
peu. L’aimable confrère de la Germania ne manque pas de l’insinuer, dans
un but charitable, dont nous lui sommes reconnaissant, et avec une pointe
d’esprit d’une finesse, d’une légèreté toute tudesque.
Et maintenant, voici comme
il argumente : il pose en principe, comme un point acquis, incontestable,
que toutes les révélations de Hacks, Taxil, Diana Vaughan, Margiotta sont des
fables inventées par des mystificateurs plus ou moins habiles. Ceci posé, -
sans preuves d’aucune sorte, mais par une affirmation magistrale, indiscutable,
à l’avis de l’auteur, - notre gracieux confrère se répand en étonnement et en
commisération sur l’aveuglement de ce pauvre vieux chanoine Mustel !
Comment ! il avait dit lui-même que Léo Taxil collaborait au Diable au
XIXe siècle ! Bien plus, Léo Taxil osait bien en convenir ou, si l’on
veut, s’en vanter ! Et le chanoine Mustel ne comprenait pas qu’il était le
jouet d’habiles charlatans !
Voilà et c’est tout.
Le fameux article de la Kœlnische
Volkzeitung du 13 octobre, long, diffus et brumeux comme toutes les
dissertations d’un docteur allemand qui se respecte, n’est ni moins étonné, ni
moins compatissant. Cependant, son étonnement s’atténue par cette observation
que les victimes de cette grossière supercherie sont des Français. Les Français
sont si frivoles ; ils réfléchissent si peu ; ils observent si
mal ! Et par conséquent ils sont si faciles à tromper !
Ce n’est pas un allemand qui
serait tombé dans ce panneau et se serait laissé jouer de cette façon
misérable ! Car, enfin, tous ces récits sur le culte du diable sont des
contes à dormir debout ! C’est de la superstition, et de la plus
grossière, de la plus dangereuse, de la plus condamnable superstition.
Et ce thème se gonfle, se
boursoufle, s’étend, sans limites, sur les pages de la Volkzeitung,
comme un brouillard d’automne sur une vallée que ne traverse aucun souffle
purifiant. Ne rappelez pas au théologien de la Kœlnische les faits de
l’Ecriture et de la Vie des Saints, dans lesquels se manifestent à la fois le
pouvoir malfaisant du démon et l’habitude qu’il a de joindre, dans ses rapports
avec l’humanité, le grotesque au sinistre.
C’était bon pour un nigaud
comme Bossuet de croire à tout cela ! Aussi le XVIIe siècle a-t-il laissé
dans l’histoire, précisément sur ce point, le souvenir d’une nuit épaisse,
peuplée de fantômes, d’un long et répugnant délire dont la science allemande
seule pouvait tirer l’humanité. Encore y a-t-il des Français attardés qui
croient aux luttes du curé d’Ars contre le Grappin et qui n’ont pas même
songé à débroussailler l’Evangile, par des explications transcendantes et
tranchantes, comme on les trouve si facilement sur les bords de l’Elbe et de
l’Oder, de ces récits… fantastiques, dans lesquels les démons aussi
apparaissent sous des formes inacceptables, par exemple, quand ils jettent un
malheureux dans le feu et lui font faire des contorsions hideuses, et surtout
quand ils entrent dans le corps des pourceaux, qui courent droit au lac pour
s’y noyer.
La Kœlnische Volkzeitung
devrait bien nous dire ce qu’elle pense de cette page évangélique avant de
repousser, tout simplement, parce qu’ils lui paraissent invraisemblables, les
récits de Miss Diana Vaughan.
Est-ce que la vraisemblance
est la même quand il s’agit de faits purement humains, et quand intervient une
puissance qui hait l’humanité et la méprise ; et qui, par conséquent, veut
à la fois la perdre, l’effrayer et la tourner en dérision ?
Si la Volkzeitung eût
existé aux temps apostoliques et que les pages qui contiennent de telles
invraisemblances fussent arrivées de Jérusalem, de Rome ou d’Alexandrie jusqu’à
Colonia Agrippina, comme elle aurait eu vite fait de rappeler ces
pauvres pêcheurs de Galilée et ce Publicain depuis si peu de temps converti et
par conséquent légitimement suspect, qui se nommait Mathieu, ou encore ce pauvre
vieillard qui à Pathmos racontait de si étranges visions, au respect de
leurs lecteurs et de la raison publique !
C’est que, sans qu’ils le
veuillent et s’en aperçoivent sans doute, c’est le naturalisme sceptique qui a
inspiré les rédacteurs de la Germania et de la Kœlnische Volkzeitung.
En dehors de cette défiance railleuse et de cette répulsion violente que leur
inspire l’intervention réelle et apparente des démons dans les choses humaines,
leurs articles sont absolument vides de tout argument sérieux, de toute forme
même de raisonnement ; ils ne sont remplis que de beaux dédains et de
méprisante pitié pour ceux qui croient à de pareilles billevesées.
En France, sous une autre
forme, nos adversaires ne sont pas les plus sérieux. Nous avons déjà fait
observer qu’ils nous opposent presque exclusivement leurs impressions, leurs
sentiments et les jugements purement subjectifs qu’ils portent sur tel ou tel
individu. L’Univers, qui est encore le plus sérieux, n’a cité qu’un
document d’une vraie valeur, la lettre de Mgr l’archevêque d’Edimbourg. Nous
discuterons cette pièce, qui ne nous gêne aucunement. A défaut de documents, on
ramasse n’importe où, on accepte sans le moindre contrôle les anecdotes les
plus fantaisistes, les plus incroyables, dès qu’elles sont contraire à
l’honneur d’un adversaire ; et si celui-ci proteste, on coupe, pour la
jeter au panier, la partie la plus sérieuse de sa protestation, celle qui
pouvait jeter le plus de lumière sur la question discutée ; ou bien on
refuse de se prêter à une enquête réclamée, comme si l’on craignait de ménager
à un catholique vilipendé le moyen de se justifier et de prendre la
Franc-Maçonnerie en flagrant délit de manœuvres frauduleuses ! Nous
l’avons remarqué encore, M. Eugène Tavernier semble n’avoir même pas lu les
œuvres qu’il condamne, et, en tout cas, - nous le savons, - il refuse de
consulter les pièces du procès, quand on les mets à sa disposition.
A la Vérité, c’est
mieux encore. M. Georges Bois, qui en avait disparu depuis quelque temps, y
rentre en triomphe, et M. Auguste Roussel lui tresse une couronne, - que nous
nous réservons de chiffonner un peu, quand le moment sera venu. Or, veut-on
juger de la sûreté des renseignements qu’il donne et sur lesquels il appuie ses
conclusions. En voici des exemples pris dans les deux articles qu’il a publiés
récemment.
Dans le numéro de la Vérité
du 13 novembre, M. G. Bois écrivait :
« … C’est à Charleston
que Diana fit une veillée devant le diable, qui se montre et parle tous les
vendredis, ainsi que le docteur Bataille s’en est rendu compte en personne, et
l’a dit avec force détails. »
J’étais sûr que M. G. Bois
se trompait ; j’ai vérifié, et voici ce que j’ai lu à la page 424 du
premier volume du Diable au XIXe siècle. L’auteur vient de décrire le
Baphomet[96]. Il
continue :
« Cette idole hideuse, voilà le Palladium de la Franc-Maçonnerie
universelle. C’est devant elle, - ainsi que l’attestent les membres du
Sérénissime Grand Collège, - que le Dieu-Bon se manifeste en personne,
régulièrement une fois par semaine.
Cette apparition fait partie
de celles dont je n’ai pas été témoin ; à ce sujet, je ne fais donc que
répéter ce qui m’a été déclaré. »
Qu’on veuille bien remarquer
qu’il n’est nullement question ici du docteur Bataille ni du Diable au XIXe
siècle. La seule question est celle de la créance due aux assertions de M.
Georges Bois.
Quatre jours après, celui-ci
publie un nouvel article. Voici ce que je veux y cueillir… aujourd’hui :
« … le docteur
rapporte… en se moquant de ceux qui l’ont crue… l’histoire du serpent qui, du
bout de sa queue, écrivait des prophéties sur le dos de Diana. »
Vous avez bien lu :
« Sur le dos de Diana ». Or, cette histoire, narrée, non pas à
l’époque indiquée par M. G. Bois, mais huit mois auparavant (pages 40, 41 et 42
du premier volume) a pour héroïne, non pas Diana, mais Sophie Walder.
Et d’un.
A la fin de l’article, je
lis encore : « Ceux qui ont lu l’histoire de Diana avant la
conversion savent que les « Inspectrices du Palladisme » changeaient
de nom périodiquement. Et le dernier que prit Diana fut justement celui de Vernon. »
C’est à M. de la rive (La
Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie) que M. G. Bois emprunte ce
renseignement. On va voir avec quelle exactitude. Nous venons de citer le texte
de M. G. Bois. Voici celui de M. de la Rive (p. 691, en note de bas de la
page) : « Il est bon d’expliquer, à ce propos, que, pour leur
correspondances secrète, les Inspecteurs généraux et Inspectrices générales de
la Haute-Maçonnerie changent de nom chaque trimestre. Voici, par exemple, les
noms trimestriels de Sophie Walder, pendant l’année maçonnique
courante : Du 1er mars au 31 mai 1893 : Mme Stéphan ;
du 1er mars au 31 août 1893 : Mme Donnal ; du 1er
septembre au 30 novembre 1893 : Mme Bloncourt ; du 1er
décembre au 28 février 1894 : Mme Vernon. »
Ce sont là des petites erreurs,
dira-t-on. Le R. P. Gratry, dans sa belle réponse au trop fameux livre de M.
Renan, disait, avec une grande justesse : Si vous présentez votre main à
un homme, tous les doigts, ou quelques-uns seulement, ouverts, et que cet
homme, interrogé sur le nombre de doigts que vous lui présentez, réponde trois
quand il y en a cinq, ou cinq quand il y en a trois seulement, vous pouvez
dire : sa vue est mauvaise. Lorsque, dans une discussion, un publiciste
fait à chaque paragraphe une citation fausse, il est jugé. On ne peut le croire
ni le prendre au sérieux.
Nous admettons, cependant, -
sans pouvoir vérifier, en ce moment, - que M. G. Bois ne fait pas erreur quand
il invoque le Bulletin du Grand-Orient comme abondant en son sens.
Oui, les feuilles maçonniques,
à la suite de Findel, de Lemmi, de Montenuis, etc., battent en brèche et
essaient de tourner en ridicule les ouvrages de Miss Diana Vaughan ; ils
s’efforcent aussi, n’ayant pu la supprimer, de persuader au public qu’elle
n’existe pas.
Et ce sont les
francs-maçons, c’est le Dr Hacks, depuis qu’il se renie et se démolit lui-même,
c’est Margiotta, depuis qu’il entasse, contre ses propres affirmations,
contradictions et incohérences sur incohérences et contradictions, ce sont ces
ennemis et ces gredins avérés par lesquels jurent les publicistes catholiques.
Ils n’entendent, ils ne veulent écouter qu’eux. A peine s’ils ont mentionné le
dernier numéro de la Franc-Maçonnerie démasquée. Quant à l’Antimaçon,
à la France chrétienne, dans les derniers numéros de laquelle M. de la
Rive a montré, comme toujours, un soin si sévère de vérifier les faits et une
critique si sûre, quant à la Croix de Marseille, bien placée pour
connaître les faits et les personnes, on les ignore, de parti-pris. On écarte
tout ce qui ferait obstacle au plan qu’on s’est tracé.
(Revue Catholique, du
20 novembre).
L.-M. Mustel.
Dans le numéro 14 de ses Mémoires,
Miss Vaughan s’occupe, en quelques lignes, de la nouvelle et fantaisiste
pirouette du sire Margiotta, qui soutenait, il y a encore quatre mois,
l’existence de deux Diana, une vraie et une fausse, et qui aujourd’hui, voulant
renchérir sur le docteur Hacks, vient de dire qu’il n’en existe aucune.
La réponse de Miss Vaughan
mérite d’être reproduite en entier :
A la question :
« Miss Diana Vaughan existe-t-elle ? » Le docteur Bataille n’a
pas répondu « Non ». Sa navrante trahison ne va pas jusque-là, et
ceci donne espoir à ceux qui prient pour lui, se rappelant combien il fut bon.
M. Margiotta, lui, revient à
la charge depuis quelques jours : il a donc offert de nouveau ses services
à la secte, et cette fois, selon toute probabilité, ils ont été acceptés. A son
tour, il se réclame faux témoin. Qui ne voit pas que tout ceci est le résultat
d’un mot d’ordre a les yeux volontairement fermés.
Mais la secte va top
loin ; elle a fait un pas de clerc en se servant de M. Margiotta. Le
malheureux nie avec une ridicule maladresse : il est vrai que les plus
maladroits et plus ridicules encore sont les journaux qui recueillent comme
parole d’Evangile les contes bleus d’un homme disant avec cynisme, avec
forfanterie : « Je viens de passer trois années entières à
mentir ; j’ai juré que j’avais connu Miss Diana Vaughan en 1889 à
Naples ; je me suis donné pour un converti sincère, et je me montrais
pieux, me confessant et communiant. Eh bien, je mentais. Je n’avais jamais vu
Miss Vaughan, je ne la connaissais en aucune façon. Une dame m’avait dit
l’avoir vue ; je n’en avais rien cru, parce que j’avais pris cette dame en
flagrant délit de mensonge, au moment même où elle me disait cela : mais
j’étais lié par un traité, il me fallait mentir comme les autres, et j’ai menti
pendant trois ans, menti à la face du monde. Oui, durant trois années, j’ai été
faux-témoin. Maintenant, croyez moi ! C’est à présent que je dis la
vérité ! Miss Diana Vaughan n’existe pas, c’est un mythe inventé par M.
Léo Taxil, mon complice, que je dénonce à votre indignation ! »
[…]
Et quand, par la production
de la correspondance même de Margiotta, autographiée, la preuve a été faite
publiquement qu’il n’y avait pas deux Diana Vaughan, mais une seule, M.
Margiotta, comprenant qu’il s’était porté tort à lui-même en essayant sa peu
chrétienne propagation de fables absurdes, faisait des excuses dans une lettre
du 14 août 1896, où il écrivait entre autres choses :
« Mademoiselle, ayons
Dieu toujours présent, et laissons là les contestations et les plaintes. J’en
finis, en reconnaissant mon erreur : errare humanum est, et je vois en
vous la vrai Diana Vaughan, l’ex-grande-maîtresse luciférienne, l’ex-directrice
du Palladium Régénéré et Libre. Tout le trouble était arrivé par un
portrait peu ressemblant ; je me croyais mystifié… J’ai provoqué la
tempête pour avoir le cœur net… Par Jeanne d’Arc que vous aimez tant, oublions
réciproquement les injures, et marchons la main dans la main pour accomplir
notre sainte mission. Maintenant que je suis rassuré sur votre compte, je vous
serre la main comme auparavant, et suis votre frère en Jésus-Christ. »
La lettre portait en
post-scriptum : « Par le même courrier, j’écris à M. Léo Taxil, qui a
raison d’être fâché. »
Ces excuses étaient trop
incomplètes pour pouvoir être acceptées. Il ne demandait pas pardon, en effet,
pour ses calomnies les plus douloureuses à une femme ; sa lettre n’y
faisait aucune allusion, et cependant il savait bien que, sur ce point comme
sur le reste, il avait menti. Il ne reçut donc pas de réponse.
La trahison du docteur
Bataille lui a appris que les portes de la secte pouvaient se rouvrir, pour lui
aussi. Et, dans l’espoir de la forte somme, il va plus loin même que le
docteur. C’est en cela qu’il est ridicule et maladroit. Qui veut trop prouver
ne prouve rien ; qui veut trop nier… confirme !
D. V.
Page 536 des Mémoires,
nous lisons :
« M. Taxil écrivit à M.
Veuillot, le 28 octobre même, une lettre qui a paru dans l’Univers du
31. Au cours de cette lettre, M. Taxil parla du livre, publié par M. Waite en
Angleterre à la suite de mes révélations sur les Rose-Croix anglais et
écossais. On sait aujourd’hui que l’auteur est lui-même occultiste, disciple
d’Eliphas Lévi ; mais M. Taxil l’apprenait alors aux électeurs de M.
Veuillot, et il leur faisait connaître les origines maçonniques de la polémique
actuelle. Il ajoutait :
« Quelle a été la cause
de ce livre ? Ayant été mise en rapports avec Mgr l’Archevêque
d’Edimbourg, Miss Diana Vaughan a fait découvrir les repaires des Roses-Croix
lucifériens du diocèse ; une enquête, dirigée par M. Considine, avocat de
l’archevêché, a constaté que tout ce que la convertie a révélé était
rigoureusement exact ; le principal temple secret était à deux pas de
l’archevêché, Mgr d’Edimbourg a envoyé sa bénédiction à Miss Vaughan. Par
contre, les Roses-Croix d’Angleterre et d’Ecosse ont été furieux ; cela
est facile à comprendre. »
Là-dessus, M. Eugène
Tavernier écrivit à Mgr l’Archevêque d’Edimbourg ; dans son numéro du 7
novembre, l’Univers publiait la réponse du prélat, sans donner la lettre
du neveu de M. Veuillot, - laquelle, pourtant, aurait présenté quelque intérêt.
Voici donc la réponse que fit Mgr l’Archevêque d’Edimbourg :
« Edimbourg,
2 novembre.
Cher monsieur Tavernier,
En réponse à votre question,
je me hâte de vous informer que Miss Diana Vaughan n’a jamais été en rapports
avec moi, autant que je puis le savoir, ni moi avec elle. Je ne lui ai jamais
envoyé ma bénédiction, et aucune enquête de ce genre n’a été conduite par M.
Considine ou par quelque autre.
L’idée terrifiante que le
principal temple secret de ces mystérieux conspirateurs n’est qu’à deux pas de
l’archevêché peut, je crois, être écartée comme un clair-de-lune, quoiqu’il
soit possible que quelque franc-maçon habite près de là. C’est probable, car
ils sont nombreux.
Les faits suivants peuvent
contribuer à montrer sur quels fondements reposent ces allégations.
L’hiver dernier ou au
commencement du printemps, un Ecossais très honorable, mais susceptible d’être
entraîné par son imagination, envoya à M. Considine deux numéros du Journal qui
serait écrit par Miss Diana Vaughan. On demandait à M. Considine de
s’assurer : 1° si une certaine personne était encore vivante, parce qu’on
craignait qu’elle n’eût été assassinée ; 2° si les déclarations de Miss
Vaughan, quant à l’existence de ces loges ou temples, étaient exactes.
M. Considine répondit que le
personnage était vivant, qu’il l’avait rencontré dans les rues, et de plus il
envoya une liste des loges maçonniques publiée dans un simple almanach
d’Edimbourg, sans aucunes prétentions. A titre de renseignements, M. Considine
me communiqua les deux numéros du journal de Miss Diana Vaughan pour que je
puisse les lire. Je les parcourus et je les retournai à l’Ecossais ci-dessus
désigné, y joignant la remarque que je les avais lus avec intérêt. C’est
littéralement tout.
Ce monsieur semblerait avoir
été en correspondance avec M. Léo Taxil directement ou par quelque
intermédiaire. Et la réaction d’une imagination sur une autre imagination
semblerait avoir produit le château en l’air qui a paru dans vos colonnes.
Un détail de plus à ce
sujet, détail qui par bonheur n’est qu’amusant, peut être noté. Ce monsieur,
écrivant à M. Considine et à moi, a insisté sur la nécessité du secret absolu,
parce que la plus légère indication donnée aux ennemis provoquerait une fatale
vengeance de leur part. Et, cependant il nous a montré M. Considine et moi (si
j’explique bien le mystère), comme déployant une grande activité pour démasquer
leurs soi-disant complots.
Peut-être pensait-il qu’un
Archevêque devait toujours être prêt à se placer lui-même sur la brèche et à
permettre aux autres de l’y placer pour la cause de la religion et de la
morale. Mais pourquoi mettre en avant le pauvre avocat ?
Pensant que ceci pourra
suffire à votre but, je reste, cher monsieur Tavernier,
A vous vraiment dans le
Seigneur,
Ange MacDonald,
Archevêque de Saint-André et
Edimbourg. »
La presse hostile a redoublé
son vacarme, quand se produisit l’incident de cette lettre. Il y eut une erreur
commise par M. Taxil ; c’est tout : d’après sa phrase, on pourrait
croire que j’ai été en rapports directs avec Mgr l’Archevêque d’Edimbourg, et
ceci serait inexact. Mais tout le reste est rigoureusement vrai, la bénédiction
et l’enquête à la suite de mes renseignements. Quant au fait d’avoir nommé M.
Considine, s’il y a là une faute, elle n’est imputable à personne, et je suis
fort aise que Sa Grandeur n’ait vu là « qu’un détail amusant ».
L’Ecossais, dont parle le
vénéré prélat, n’a pas mis M. Taxil au courant de ce qui se passa ; moi
non plus, je ne rendis compte à personne de cette affaire, pendant que
l’enquête se faisait à Edimbourg.
Mais, quelque temps avant le
Congrès de Trente, j’eus l’occasion d’écrire à M. Taxil au sujet d’un
journaliste catholique qui m’avait été quelque peu contraire et qui avait été
gagné ensuite à ma cause. Or, à ce propos, j’avais fait savoir à M. Taxil cet
heureux revirement ; je lui écrivis que j’avais cité à ce journaliste M.
l’Archevêque d’Edimbourg comme étant un des prélats qui m’avaient envoyé leur
bénédiction et que je pouvais nommer sans compromettre ma sécurité. Le nom de
M. Considine étant venu sous ma plume, je l’écrivis, sans entrer dans les
détails ; M. Taxil ne pouvait soupçonner qu’il y eût là un secret quelconque :
il n’y en avait pas, en effet, en demeurant dans les limites de la
correspondance privée, et, si mon mandataire, mis au demeure par M. Veuillot,
m’avait consulté avant de répondre, je lui aurais dit que le nom de l’avocat
édimbourgeois n’était pas destiné à la publicité.
Voici que, depuis la lettre
de Mgr Ange MacDonald, j’en ai reçu une, - non sollicitée par moi, - toute
spontanée, - de l’honorable Ecossais dont il est question. Cet abonné-ami me
reconnaît le droit de me défendre, et, s’il m’écrit, c’est pour m’armer mieux
encore ; sa correspondance n’est déclarée confidentielle sur aucun point.
Nous sommes donc sur un bon terrain ; nous pouvons relever les visières.
Tant mieux !
L’honorable Ecossais, qui se
trouve en cause, est M. Charles-Stephen Leslie, catholique militant d’Aberdeen,
intime ami de Mgr Hugh MacDonald, Evêque d’Aberdeen, lequel est le frère de Mgr
l’Archevêque d’Edimbourg. C’est donc à M. Leslie que j’avais envoyé les
renseignements que je possédais sur les Rose-Croix lucifériens d’Ecosse. Mgr
Ange MacDonald donne mon correspondant pour « susceptible de se laisser
entraîner par son imagination » ; nous allons voir si cette
appréciation est bien justifiée par les faits ; d’autre part, Sa Grandeur
reconnaît la parfaite honorabilité de M. Leslie ; c’est là, d’abord, le
plus important pour nous.
De l’une des nombreuses
lettres de M. Leslie, en date du 13 décembre 1895, j’extrais ce qui suis
(traduction littérale) :
« M. Leslie présente
ses compliments à Miss Vaughan et la remercie de sa lettre et des précieuses
indications qu’elle y a jointes.
M. William Considine,
catholique, avocat, à la Cour Suprême, en Ecosse, et aussi conseiller légal de
S. G. l’Archevêque d’Edimbourg, demeure précisément au n° 2 Queen-Street. Son
frère, Fr. Considine, fait partie du clergé de la cathédrale, qui est tout
près, M. Leslie a rencontré S. G. l’Archevêque mardi, Mgr Ange MacDonald se
trouvant par une heureuse chance à Aberdeen. On a décidé de remettre l’enquête
entre les mains de M. Considine, qui y apporta tout le soin et les précautions
possibles. Je n’ai pas besoin de vous dire combien l’Archevêque s’y intéresse.
Sa Grandeur vous envoie sa bénédiction.
Voici le résumé des
instructions envoyées à M. Considine.
1° Il s’agit (avec le plus
grand soin) de découvrir quelle espèce de gens habitent le n° 15 de
Queen-Street que vous signalez ; si R. B. ne fait que loger là ; on
s’informera avec adresse, car il peut y avoir par là d’autres Rose-Croix,
épiant pour voir qui fait les recherches. – Considine en viendra à bout, puisqu’il
habite tout près.
2° Contrôler, si possible,
les relations d’amitié de R. B. (car il se pourrait que ses amis soient sur
leurs gardes), et aussi vérifier quelle position, quel genre d’affaires il peut
avoir eues précédemment à Edimbourg. – Pouvez-vous nous dire s’il est
Ecossais ? ou ne serait-il pas Américain, puisque vous nous l’indiquez
comme délégué des Etats-Unis ?
3° S’il a quitté Edimbourg,
découvrir quelques détails touchant son départ et quelle direction il a pu
prendre. Sur tous les points de l’enquête, M. Considine devra user des plus
grandes précautions.
J’ai déclaré à S. G.
l’Archevêque que je prendrai à ma charge les frais de l’enquête ; ainsi,
Mademoiselle, veuillez ne pas vous en inquiéter. Si vous pouvez nous fournir
encore d’autres renseignements pour nous guider, tant mieux ! – Savez-vous
combien de mois il s’est absenté d’Ecosse ? »
Pas de commentaire au sujet
de cette citation, n’est-ce-pas ?
Je ne dois pas laisser sans
protester le passage de la lettre où Mgr Ange MacDonald donne à entendre que le
contrôle de mes renseignements se borna à l’envoi, par M. Considine à M.
Leslie, d’une liste de Loges maçonniques publiée dans un simple almanach. Je
pris mes lecteurs de se reporter aux pages 250-251 de mes Mémoires,
consacrées aux Rose-Croix lucifériens d’Ecosse. Qui pourrait croire que ce qui
est là est une banale reproduction d’almanach ? Ou bien, qu’on me dise
quel est l’almanach donnant les détails précis et significatifs que j’ai publiés.
Quant à la bénédiction de
Mgr Ange MacDonald, transmise par l’intermédiaire de M. Leslie, je l’avais
mentionnée à la première page du fascicule n° 6 daté de décembre 1895 et paru
après la lettre dont je viens de donner un extrait. Et Sa Grandeur l’Archevêque
d’Edimbourg, qui reconnaît avoir reçu les deux numéros l’intéressant
spécialement, n’a pas protesté contre la mention de cette bénédiction, qu’il
dit aujourd’hui imaginaire !…
Allons ! Sa Grandeur a
la mémoire courte !
C’est, d’ailleurs, l’avis de
M. Leslie, et je le partage, étant très respectueuse. Voici donc la lettre de
M. Leslie au sujet de l’incident :
« Aberdeen, 22 décembre 1896.
M. Leslie présente ses
compliments à Miss Vaughan et lui demande de dire – au sujet de la lettre que
S. G. l’Archevêque MacDonald d’Edimbourg a écrite à l’Univers et que M.
Leslie a vue dans une autre publication, - que M. Leslie écrivit à
l’Archevêque, lui disant qu’il employait M. Considine comme étant l’avocat le
plus digne de confiance et le conseiller de l’Archevêque ; que M.
Considine avait rempli sa tâche de la façon la plus satisfaisante ; et
qu’il avait été payé de ses honoraires, dont M. Leslie a son reçu.
De plus, tous les documents
qui avaient quelque rapport avec cette affaire furent expédiés pour être soumis
à l’Archevêque, - et M. Leslie pense que cela a été fait, - y compris la lettre
de Miss Vaughan, dûment retournée par M. Considine.
Les relations, qui ont été
publiées dans les Mémoires, furent aussi envoyées d’abord, afin que M.
Considine et Sa Grandeur pussent se tenir au courant de l’affaire.
Je suis retourné chez
l’Archevêque lui-même au moins une fois (à cette occasion). C’est aussi
l’Archevêque qui a donné à M. Leslie l’adresse exacte de M. Considine, quand M.
Leslie rencontra Sa Grandeur à Aberdeen quelque temps auparavant (au début de
l’enquête). Mais M. Leslie ne se rappelle pas exactement s’il lui dit alors
pourquoi il désirait consulter M. Considine.
Maintenant, tout bien
considéré, vu que l’Archevêque est le métropolitain d’Ecosse, vu que son frère,
Mgr Hugh MacDonald, Evêque d’Aberdeen, est un intime ami de M. Leslie, et vu
aussi qu’actuellement un procès est en cours contre Mgr MacDonald (l’Evêque) et
quatre de ses chanoines, pour une affaire de cent cinquante mille francs dont
ils étaient dépositaires ou exécuteurs testamentaires dans l’héritage d’un
gentleman décédé ; cela posé, ne serait-ce pas un acte bon, charitable et
respectueux, de laisser oublier Mgr l’Archevêque aussi facilement que Miss
Vaughan le pourrait ?
D’autre part, elle a tout à
fait le droit de se défendre. Mais le pauvre vieil Archevêque a des affaires,
de quoi lui faire perdre la tête, et on peut lui pardonner quelque manque de
mémoire.
Sa Grandeur n’a pas répondu
à la lettre que M. Leslie vient de lui écrire, et M. Leslie ne s’attend plus à
ce que l’Archevêque le fasse, - pauvre homme !… Le point important est le
reçu donné à M. Considine pour ses services professionnels.
On dit que l’Archevêque a
« demandé M. Considine » (to ask Mr Considine ;
lisez : invité, sollicité) ; mais celui-ci ne voudrait pas nier les
faits. – Et, pour terminer, M. Leslie dit : « Monseigneur ! si
nous sommes des imbéciles (y compris moi-même, bien entendu), nous avons toute
une hiérarchie, comme compagnons « de voyage !! » - « Le
vénérable » ( !) ne saurait s’offenser.
Recevez, Mademoiselle, mes
sentiments respectueux.
Charles-Stephen
Leslie. »
Sans doute, j’aurais préféré
laisser tomber dans l’oubli cet incident. Je n’avais pas sollicité la
bénédiction de Mgr Ange Macdonald ; il me l’envoya. Aujourd’hui, il l’a
oubliée, ou il la renie, se croyant mystifié et voulant être agréable à MM.
Veuillot et Tavernier ; qu’est-ce que cela peut faire ? Une
bénédiction épiscopale n’est pas chose qui se donne et se reprend. Je l’ai eue,
c’est l’essentiel, et je suis convaincue qu’elle m’a fait grand bien.
Mais ce n’est pas moi que j’ai à défendre, c’est la vérité. A tout
esprit attentif, la lettre de Mgr Ange Macdonald laissait comprendre que M.
Taxil n’avait pas menti à M. Veuillot, et que l’Archevêque d’Edimbourg,
oublieux et circonvenu, avait, tant bien que mal, essayé de répondre au
« but » de M. Tavernier. On a trop triomphé de cette réponse, dans le
camp des adversaires ; on a trop dit et répété à satiété que c’était Mgr
d’Edimbourg qui avait dit vrai, et que M. Taxil se taisait, non par respect,
mais parce qu’il avait été pris en flagrant délit de mensonge. La réplique
qu’on vient de lire était donc indispensable. »
On lit dans l’Anti-Maçon
du 5 décembre :
« L’histoire des portraits de Miss Vaughan vaut la peine d’être
racontée ; elle est curieuse à plus d’un titre et est absolument ignorée
de certains journalistes, au ton tranchant, qui, sur ce point comme sur les
autres, ont négligé d’aller aux sources.
Le premier portrait de Miss
Vaughan parut dans le 9e fascicule du Diable au XIXe siècle
(p. 705). Il fut l’occasion d’une lettre de la luciférienne citée à la fin du
second volume parmi les « Réclamations ». Voici le texte du docteur
Bataille :
« Miss Vaughan s’était
procuré, à Paris, le 9e fascicule de mon ouvrage. Nous sommes même
plusieurs à croire, d’après le rapport qui nous a été fait chez ses éditeurs,
qu’elle s’est présentée en personne à leur librairie ; car, dans la
seconde semaine d’août, une jeune femme, en costume de voyage, vint acheter
plusieurs exemplaires de ce 9e fascicule, et l’ayant feuilleté, fit
précisément, en s’adressant aux employés, des critiques au sujet des portraits
de la livraison 89. Quoiqu’il en soit, voici la lettre qui fut adressée par
Miss Vaughan chez les éditeurs, peu après cette visite.
« Orléans,
16 août 1893.
Pour faire parvenir au
docteur dit Bataille.
De passage en France, je
viens de lire votre cahier du Diable au XIXe siècle.
Pas méchant l’article biographique. Merci. Mais pas ressemblant du
tout, le portrait. Votre dessinateur rajeunit Juliette et me vieillit, me
transforme en caricature ; grondez-le.
La photographie qui a servi
a été dérobée. Je le prouve. Elle provient d’un rebut, d’une pose
mauvaise ; deux épreuves seulement de cette pose furent tirées ;
j’avais gardé l’une et donné l’autre. Par conséquent je sais chez qui votre
spécimen a été subtilisé ; pas d’erreur, vous êtes pincé sur le
fait. »
Un de nos amis a été vérifier
le fait et a interrogé M. J., employé chez Delhomme. Cet employé a confirmé le
fait devant témoins. Il a raconté qu’il se souvenait parfaitement de cette
visite d’une jeune femme portant une toque d’un brun clair qui lui avait
demandé la livraison contenant les portraits de Juliette Lamber et de Diana
Vaughan. Elle critiqua fort le portrait de cette dernière et ajouta que si le
dessin avait été meilleur, elle aurait pris une cinquantaine d’exemplaires,
mais qu’il était vraiment trop mal fait, et elle n’en prit qu’une dizaine. M.
J., frappé de cette démarche, la raconta au docteur, qui supposa que la
visiteuse était miss Vaughan elle-même. D’ailleurs, ces jours derniers,
l’employé, ayant vu les portraits de miss Vaughan, a déclaré la reconnaître
parfaitement, surtout sur celui de M. Esnault, dont nous allons parler.
Quelque temps après, M. de
la rive, préparant son ouvrage sur la Femme et l’Enfant dans la Maçonnerie
universelle, écrivit à Miss Vaughan, pour lui annoncer qu’il lui
consacrerait quelques pages, et lui demanda d’elle une bonne photographie. Un
portrait superbe, en pied et de grand modèle, fut envoyé à M. de la Rive. C’est
celui qui la représente en vêtements d’homme et qui a été reproduit dans les Mémoires
d’une ex-palladiste, page 81.
Miss Diana Vaughan, en tenue
d’Inspectrice Générale du Palladium
(Photographie de Van
Bosch ; Boyer, successeur.)
Il a été fait chez Van
Bosch. M. de la rive pria alors Miss Vaughan, de passage à Paris, à l’hôtel
Mirabeau où il écrivit, par lettre recommandée, de vouloir bien accorder une
audience à son dessinateur, M. Esnault, afin qu’il pût donner d’elle un
portrait tout à fait ressemblant. Miss Vaughan invita alors M. Esnault à venir
la voir à l’hôtel, et c’est ainsi que, prenant part au déjeuner du 21 décembre
1893 avec le docteur Bataille, Léo Taxil et le commandeur Lautier, le
dessinateur put étudier à son aise Miss Diana Vaughan et donner d’elle le
portrait paru dans La Femme et l’Enfant dans la Maçonnerie universelle
et plus tard dans la brochure Miss Diana Vaughan et M. Margiotta.
« Dès qu’une épreuve
fut tirée, écrit M. de la Rive, dans la France chrétienne du 18 octobre
1896, nous l’envoyâmes à Miss Vaughan, qui nous écrivit aussitôt de Hambourg,
le 31 janvier 1894 : « Mon portrait par M. Esnault me plaît, sous le
rapport de la ressemblance, mais il y a une véritable hérésie dans la toilette
dont il me pare. » Notre amie considérait comme une hérésie ces énormes
manches, fort ridicules, en effet, qu’allaient cependant bientôt être à la mode
et ont encore une certaine vogue. M. Esnault les avait choisies à dessein,
parce qu’il savait qu’elle seraient adoptées par toutes les élégantes, lorsque
notre livre ferait son apparition en librairie. De son côté, Miss Vaughan nous
mandait de Berlin, le 12 février 1894 : « Portrait d’Esnault. Une de
mes amies de Paris, qui est ici, vient de m’expliquer que les manches
bouffantes se portent même en soirée, mais pas encore au moment où il a fait
son dessin. Je l’ignorais. Il doit travailler pour journaux de modes, puisqu’il
m’a parée ainsi dès la première heure. Compliments, d’autant mieux que je
tenais surtout à la tête. »
Ce petit détail de
coquetterie féminine a son importance aujourd’hui, dans la question de
l’existence de Miss Vaughan. »
« … En effet, si l’on avait répondu publiquement même à la
première des questions, les francs-maçons auraient connu le nom de la mère de
Mlle Vaughan, et, connaissant ce nom, auraient pu découvrir le couvent où elle
a été baptisée, et où elle se propose de rentrer, sa mission dans le monde
terminée, pour y finir ses jours.
Dans le troisième numéro de
son Palladium régénéré et libre, page 72, elle dit en s’adressant à Mère
Marie-Thérèse qui lui avait écrit :
« Viendrai vous voir
avant deux mois, mais au moment où vous m’attendrez le moins (nécessité). En
outre, pardonnez si je pose certaines conditions : causerie en bonne
amitié, sans controverse religieuse, mais sur le doux souvenir commun à
votre mère et à la parente tant pleurée par moi que vous me rappelez. »
Il est donc évident que si
les francs-maçons connaissaient le nom de la mère de miss Vaughan, ils
tiendraient le fil qui les conduirait jusqu’au couvent.
Mais comment se fait-il que
les francs-maçons ne puissent pas trouver, par eux-mêmes, le nom de la mère de
miss Vaughan ?
D’après ce que miss Vaughan
dit dans ses écrits publics et particuliers, il y a, dans sa famille, un de ces
douloureux secrets dont nos lecteurs peuvent deviner le caractère et sur lequel
nous n’avons pas besoin d’insister, secret qui rend impossible la découverte du
nom de sa mère par les recherches ordinaires.
« Ce nom, dans la secte, dit-elle, mon oncle seul le sait ;
mais sur lui, je suis tranquille ; non converti, mais antilemmiste, il m’a
écrit qu’il emporterait ce secret dans la tombe ; il m’aime trop pour me
trahir. »[97]
Voilà pourquoi miss Vaughan
ne donnera pas au public un acte de naissance. Il lui aurait été facile d’en
fabriquer un, soit vrai, soit faux, vu la manière fort peu sérieuse dont ces
choses-là se font aux Etats-Unis ; mais un acte faux, elle est trop loyale
pour y songer, et une déclaration vraie mettrait les francs-maçons sur sa
piste.
On voit par ce qui précède
que les indications demandées au congrès pouvaient, contrairement à ce
qu’affirme le correspondant de l’Univers, exposer miss Vaughan à un
grave péril, puisqu’elles auraient fait connaître le couvent où elle doit
rentrer probablement avant un an.
[…]
Maintenant, nous connaissons
le nom de l’évêque à qui M. Taxil a communiqué confidentiellement le nom de
l’évêque français qui est en état de renseigner Rome sur la conversion de miss
Vaughan ; mais ne sachant pas au juste si ce renseignement nous a été
donné confidentiellement ou non, nous le dirons pas ici, ne voulant commettre
aucune indiscrétion. Nous ferons seulement observer que si M. Taxil avait
réellement refusé de donner ce renseignement, il y a longtemps que ce serait
su, non par lettre anonyme à l’Univers, remplie d’inexactitudes et même
de faussetés, mais par un communiqué officieux et exact dans un journal de
Rome.
M. l’abbé de Bessonies
croyait naïvement que ces phénomènes qui écrivent dans les gazettes de Paris éprouvaient
le besoin, comme le commun des mortels, de se renseigner sur une question avant
d’en parler. Voyant M. Eugène Tavernier, de l’Univers, s’engager dans la
discussion qui se fait autour de Mlle Vaughan, il l’invita à passer chez lui
afin d’y examiner les preuves de l’existence de celle qu’on prétend être un
mythe. Naturellement, M. Tavernier, n’étant pas de ceux qui ont besoin
d’étudier une affaire pour la connaître, repoussa poliment l’offre de M. le
chapelain de Notre-Dame-des-Victoires. Sa lettre, que nous avons eue entre les
mains et dont nous avons pris une copie très exacte, est un vrai monument qui
mérite d’être connu. Voici :
« L’Univers et
le Monde
17 rue Cassette,
Rédaction Paris,
le 31 octobre 1896.
Monsieur l’Abbé,
Je m’empresse de vous
remercier de votre aimable proposition. Je l’accepterais volontiers si à ma
besogne ordinaire, qui est assez considérable, n’étant venu se joindre un
surcroît d’occupations dont vous connaissez la cause. J’ai étudié longuement
les productions signées Diana Vaughan et beaucoup d’autres annexes. J’en parle
suivant un plan que je vous demande la permission de suivre jusqu’au bout afin
de résoudre quelques questions capitales. Ensuite je devrai naturellement
parler des explications que donnent les partisans de Diana Vaughan, du moins
les personnes aussi honorables que vous. Je pourrai alors mettre à profit vos
obligeantes communications.
Veuillez, monsieur l’abbé,
agréer mes excuses pour cet ajournement et croire aux sentiments respectueux de
votre humble serviteur.
E. Tavernier. »
Nous prions nos lecteurs de croire que ceci
n’est pas une mystification : la lettre ci-dessus a été réellement écrite,
elle existe ; nous l’avons vue, de nos yeux vue, ce qui s’appelle
vue ; c’est nous-même, et pas un autre, qui avons pris une copie.
Nous n’avons pas besoin de
nous livrer à de longs commentaires sur cette déclaration de M. Tavernier qui
annonce tranquillement qu’il va exécuter d’abord miss Vaughan et entendre les
témoins en sa faveur ! Il suffit de mettre la pièce sous les yeux du
public.
[…]
Certains négateurs affirment
que Diana Vaughan n’a jamais dénoncé un seul palladiste français, celui-ci
pouvant faire un procès à Diana Vaughan pour mensonge et diffamation. Or cela
est faux.
Par exemple, dans l’Anti-Maçon
du 1er avril 1896, miss Vaughan a accusé de palladisme le
F.˙. Mesureur, à cette époque ministre du commerce dans le cabinet
Bourgeois.
Dans l’Anti-Maçon du
16 avril 1896, miss Vaughan a accusé de palladisme le F.˙. Albert Pétrot,
alors député. Dans le même article, elle accuse également de palladisme le
F.˙. Maurice Lachâtre et le F.˙. Hubert, ancien directeur de la Chaîne
d’Union.
Dans l’Anti-Maçon du
1er mai, elle a accusé de palladisme le F.˙. Cornélius Herz et
elle a prédit qu’à cause des influences maçonniques les tribunaux ne les
molesteraient pas. Dans l’Anti-Maçon du 1er juin, elle a
accusé de palladisme le F.˙. Edouard Lockroy et a raconté à son sujet un
« fait précis » des plus grotesques.
De même pour Edgar Monteil,
le Comte de Douville-Maillefeu, etc., etc.
M. Taxil écrivit au Nouvelliste,
de Lyon, la lettre suivante :
« Monsieur le
directeur,
Je viens de recevoir à l’instant même votre numéro daté du jeudi 29,
qui contient un article intitulé : « Diana Vaughan à
Villefranche ». Votre bonne foi a été surprise par les personnes qui vous
ont narré le conte bleu dont vous vous faites le propagateur.
Je laisse de côté les
aménités de votre article et je ne veux m’occuper que du fait lui-même. Une
confrontation avec les deux individus qui prétendent avoir été envoyés à
Villefranche pour s’y rencontrer avec miss Diana Vaughan, etc., sera une preuve
décisive ; si vous êtes de bonne foi, vous reconnaîtrez même que cette
confrontation est nécessaire.
Vous dîtes que ces deux
personnages vinrent de Paris à Villefranche et retournèrent à Paris ; vous
dites que quelques confrères de la presse catholiques de Paris pourraient
donner leurs noms. Usant de mon droit de réponse, je vous requiers d’insérer la
présente lettre, afin que les confrères auxquels vous faites allusion soient
mis en demeure de s’expliquer, et de s’expliquer clairement. J’offre d’être
confronté alors avec les deux individus en question, et je demande que la
confrontation ait lieu par devant S. Em. Le Cardinal Richard, archevêque de
Paris, ou par devant un dignitaire ecclésiastique que Son Eminence voudrait
bien désigner. Vos deux confidents auront à prouver ce qu’ils ont avancé, et
l’on verra bien ainsi de quel côté sont les imposteurs.
J’ai l’honneur, etc.…
Léo Taxil. »
Peut-on imaginer une
attitude plus nette, plus franche, plus courageuse ? M. Taxil, accusé
d’avoir commis une fraude abominable, demande à être confronté avec ses
accusateurs devant l’autorité diocésaine. Eh bien ! Que répond,
pensez-vous le Nouvelliste, de Lyon, journal chrétien ? Voici.
C’est incroyable. Il nous a fallu lire cela trois fois pour nous convaincre que
nos yeux ne nous trompaient pas :
« On aurait cru que Léo
Taxil proposerait comme épreuve décisive de montrer devant témoins sa fameuse
Diana Vaughan ; pas du tout, il demande qu’on le confronte avec ceux qui
ne l’ont point vue.
Pour tout le monde il s’agit
de prouver qu’elle existe, pour lui il s’agit de prouver qu’elle n’existe pas.
Alors que toute la presse
catholique le met en demeure de s’expliquer sur ses étranges inventions, lui
prétend mettre les autres en demeure de prouver leurs faussetés qui éclatent
aux yeux de tous.
Comme toupet, celui-là
dépasse les autres, mais pour qui connaît le personnage, il n’y a pas lieu de
s’étonner.
On verra la confiance qu’on
peut avoir dans son témoignage et de quelle valeur sont les affirmations ou les
démentis de l’homme dont toute la vie a été consacrée à duper ses
contemporains, etc., etc. »
Il y a toute une colonne sur
ce ton abominable. Le Nouvelliste accuse M. Taxil d’une fraude
honteuse ; M. Taxil demande qu’on lui fournisse l’occasion de confondre
ses accusateurs ; et le Nouvelliste, journal catholique, répond en
accablant sa victime de nouvelles injures !
Et la Vérité, de
Paris, numéro du 8 novembre, reproduit cette atrocité du Nouvelliste
sans un mot de protestation, avec une satisfaction évidente !
Et M. Eugène Veuillot, dans
l’Univers, numéro du 7 novembre, a le courage d’écrire, en publiant la
demande de M. Taxil d’être confronté avec ses accusateurs :
« Sur le fond de cette
affaire ou plutôt de cet incident, nous laissons nécessairement la parole au Nouvelliste
de Lyon. Nous serions surpris qu’il eût parlé à la légère. Du reste, que
l’amusante historiette qu’il a contée soit vraie ou fausse, la chose est sans
importance au point de vue de la question que nous voulons résoudre :
Diana Vaughan existe-t-elle et que valent les écrits publiés sous ce
nom ? »
Quel vent pestilentiel a
donc soufflé sur l’Univers !
Ce journal reproduit, sur le
compte de M. Taxil une accusation qui, si elle est fondée, imprime sur le front
de cet homme le stigmate d’imposteur ; et lorsque l’accusé demande des
juges, au lieu de l’aider à les obtenir, M. Eugène Veuillot parle d’amusante
historiette !
[…]
Pour affirmer que Diana
Vaughan n’existe pas et que Léo Taxil est un imposteur, les journalistes
catholiques n’ont guère que les négations intéressées d’un Findel, haut maçon
allemand, et les fantaisies de la Revue maçonnique, de Paris.
De pièce vraiment sérieuse ils n’ont qu’une lettre de Mgr l’évêque
d’Edimbourg à laquelle Mlle Vaughan a promis de répondre et qui n’embarrasse
pas, du reste, ceux qui ont étudié toute la question.
Findel a fait une brochure
où il nie tout, et la Revue maçonnique, numéro de juin 1896, page 144,
dit :
« En 1895, le Dr Hacks a passé la main, pour continuer ses
diableries, à Mme Taxil qui opère actuellement sous le pseudonyme de Diana
Vaughan à la librairie anti-maçonnique. »
Voilà la source à laquelle
des catholiques sont allés puiser leurs renseignements ! Qu’on ne le nie
pas. Nous avons vu de nos yeux dans le fameux article du 13 octobre de la Kœlnische
Volkszeitung, article qui a été le point de départ de cette campagne des
journaux français, nous avons vu de nos yeux, disons-nous, que l’auteur de cet
article s’appuyait carrément sur la Revue maçonnique pour dire que Mme
Léo Taxil est Diana Vaughan !
Et qu’on n’invoque pas, pour
se justifier, l’incident du Dr Bataille. Nulle part, ni dans ses lettres ni
dans ses interviews, le Dr Bataille ne conteste l’existence de Diana Vaughan.
Non, les journalistes
catholiques qui contestent l’existence ou l’identité de Diana Vaughan et qui
font une « guerre d’Apaches » à Léo Taxil, n’ont pour se justifier
que les affirmations et les négations de la secte.
Sera-ce une justification
suffisante au tribunal de l’histoire, sans parler du tribunal de
Dieu ? »
« J’avais signalé – et
j’en avais haussé les épaules – la burlesque fantaisie de Moïse Lid-Nazareth
dans le Revue maçonnique du F.˙. Dumonchel. Je n’avais pas cité,
tant cela était absurde. Selon le dire de l’agent de Lemmi, je n’étais pas
moi-même ; j’étais une autre, et Moïse donnait le nom !
Qui aurait pu croire qu’une farce de cette espèce était susceptible de
créance un jour ; qu’elle trouverait, hors de la secte, des hommes sérieux
pour l’adopter et en faire la base d’un échafaudage de mensonges, en se croyant
naïvement dans le vrai !
Au mois de juin, je signalai
la manœuvre de M. Margiotta, tendant à faire croire à l’existence de deux Diana
Vaughan : l’une, la vraie, demeuré palladiste, ayant fait sa paix avec
Lemmi ; l’autre, c’est-à-dire moi, la fausse, déclarée énergiquement par
lui n’être pas la même que celle qu’il avait connue en 1889 à Naples. Mon
article valut à la Revue Mensuelle une lettre de M. Margiotta, dans
laquelle, avec accompagnement d’injures et de menaces, notre homme soutenait
mordicus sa thèse de mon dédoublement. D’où, pour me défendre : la
brochure Miss Diana Vaughan et M. Margiotta, où le mensonge de cet
obstiné fut démontré avec ses lettres mêmes, reproduites en fac-similé par la
photogravure.
Cet incident n’avait qu’une
importance relative ; il n’était pas l’œuvre de la secte ; c’était le
fait du dépit pur et simple d’un malheureux, sa rancune éclatant en quelques
cris de colère, m’outrageant dans mon honneur, mais impuissant à détruire mon
œuvre. En me dédoublant, dans son aveugle fureur, il me rendait
témoignage ; sa méchanceté retombait sur lui, pour l’accabler.
Mais si la secte fut
étrangère à l’incident Margiotta, elle préparait dans l’ombre une suprême
manœuvre.
Le mouvement antimaçonnique
venait de prendre enfin une allure guerrière ; une organisation complète
se préparait à surgir. Ayant à leur tête M. le commandeur Guglielmo Alliata, un
des vaillants chefs des œuvres de la jeunesse catholique d’Italie, Mgr
Lazzareschi, délégué officiel du Saint-Siège, et M. le commandeur Pietro
Pacelli, président des comités électoraux catholiques de Rome, les antimaçons
italiens avaient donné le bon exemple, avaient multiplié dans la péninsule les
comités de résistance à la secte, et, encouragés par Léon XIII, ils conviaient
le monde chrétien tout entier au premier Congrès antimaçonnique international.
Ah ! ce Congrès !…
Longtemps les Loges avaient cru qu’il n’aurait pas lieu ; quelques renvois
d’une époque à une autre avaient laissé au Maudit l’espoir que ce projet,
datant de juillet 1895, serait finalement abandonné. « Tout se passera en
paroles, croyait-on dans les Suprêmes Conseils ; les catholiques ne se
décideront jamais à en venir à l’action. »
Or, voici que tout à coup la
convocation définitive parut. La ville choisie était Trente, la cité du grand
Concile tenu contre l’hérésie des diverses sectes protestantes, et la
Maçonnerie est fille du protestantisme socinien !
A Trente ! à
Trente ! Clamèrent les voix catholiques, réveillés, secoués de leur
torpeur. Et les Loges apprirent ainsi soudain que tout était prêt ; que S.
A. le Prince Evêque de Trente avait accepté avec joie l’honneur de présider ces
grandes assises de la nouvelle Croisade ; que la bonne et chrétienne ville
du Bas-Tyrol se faisait une fête d’accueillir les congressistes ; et que
S. M. l’Empereur d’Autriche avait accordé toutes les autorisations nécessaires.
Cette convocation du Congrès
de Trente fut un coup de foudre pour la secte. Avant que le F.˙. Nathan
poussât ses hurlements de rage, le F.˙. Findel, de Leipsig, publia avec
éclat sa brochure ; car c’est là le premier fait que je prie le lecteur de
constater, la brochure Findel a suivi presque immédiatement la convocation
définitive du congrès. Le haut-maçon de Leipsig se levait brusquement, sortait
de son silence de plusieurs années : en apparence, il répondait aux accusations
dont il était l’objet depuis plus de trois ans ; en réalité, il répondait
au cri de guerre des antimaçons de Rome.
C’est à ce moment aussi que
je publiai Le 33e.˙. Crispi. Toutes les personnes qui
connaissent à fond la question maçonnique ont été unanimes à déclarer que cet
ouvrage est le réquisitoire le plus écrasant qui ait jamais paru contre la
secte.
A peine le volume était-il
parvenu au Vatican, que je recevais de l’un des secrétaires particuliers de Sa
Sainteté une lettre dont j’ai cité ce passage :
« Continuez,
Mademoiselle, continuez à écrire et à démasquer l’inique secte ! La
Providence a permis, pour cela même, que vous lui ayez appartenu pendant si
longtemps. »
Faisant allusion aux faux
bruits semés sur mon identité par M. Margiotta et à la négation même de mon
existence, émise par quelques autres lecteurs des élucubrations de Moïse
Lid-Nazareth, mon éminent correspondant continuait ainsi :
« De beaucoup il y a
calomnie sur votre existence et votre identité. Je crois que c’est là un
artifice de la secte, pour ôter du poids à vos écrits. J’ose cependant vous
soumettre mon avis, que, dans l’intérêt du bien des âmes, vous veuillez, de la
meilleure manière que vous croirez, écarter toute ombre de cela.
La lettre se terminait en
ces termes :
« Je me recommande de
tout cœur à vos prières, et avec une parfaite estime je me déclare votre tout
dévoué. »
On me laissait donc juge du
moyen à employer pour réduire à néant les calomnies. Par une autre voie, je
reçus l’avis apporté à l’un de mes amis : j’étais autorisée à prendre tout
mon temps pour tenir certain engagement, qui n’a pas à être divulgué, et l’on
reconnaissait que je ne devais rien faire qui pût compromettre ma sécurité.
Ma résolution fut bientôt
prise : faire triompher la vérité par l’écroulement successif des
mensonges.
Les mensonges mis en
circulation n’étaient pas nombreux alors ; leur compte pouvait être réglé
assez rapidement. Mon plan consistait à détruire l’une après l’autre chaque
invention imaginée pour nuire à mon œuvre, et à montrer à quel mobile avait
obéi l’inventeur de chaque mensonge.
Après l’incident Margiotta,
un répit me paraissait nécessaire, et d’ailleurs je portai toute mon attention
sur le grand événement qui allait s’accomplir à Trente.
Cependant, j’eus des échos
du premier tumulte soulevé en Allemagne par la brochure du F.˙. Findel.
Des journaux catholiques
allemands s’étaient laissé troubler, avaient admis comme sincères, véridiques,
les dénégations de ce vieil ennemi de l’Eglise.
En parcourant cette
brochure, on se demande si l’hésitation était possible ! On se le demande,
quand on sait ; puis, en constatant que ce trouble des esprits s’est
vraiment produit, on déplore que l’ignorance de la plupart des bons
journalistes soit si complète en matière maçonnique. Car elle mériterait tout
simplement d’être repoussée du pied, cette brochure où la stupéfiante
effronterie de Findel a osé écrire que ni Cavour ni Mazzini ne furent jamais
francs-maçons, et qu’Albert Pike était un simple grand-maître du Rite Ecossais,
l’égal de tous les autres grands-maîtres, le Suprême Conseil de Charleston
n’étant supérieur à aucun autre !
Oui, voilà ce que le
palladiste Findel a eu le « toupet » d’écrire en toutes lettres,
d’imprimer, et des journalistes catholiques se sont inclinés. « Mea culpa,
pour avoir cru jusqu’à présent au maçonnisme de Cavour et de Mazzini ! Mea
maxima culpa, pour avoir cru à la suprématie souveraine d’Albert Pike !
Findel dixit ! »
Un religieux partit en
campagne à la suite de ces belles déclarations de l’ineffable Findel. Il
s’adressa aux journaux allemands qui avaient fait si bon accueil aux
contre-révélations du haut-maçon de Leipsig. Ce religieux envoya partout un
article, dans lequel il annonçait qu’il allait publier une brochure, lui
aussi ; il se proposait de démontrer, mais en se plaçant sur le terrain
catholique, que Findel avait raison. Findel avait attaqué l’Eglise, en
l’accusant se stipendier de faux révélateurs dans le but de calomnier la digne
et toute pure Maçonnerie ; lui, il défendrait l’Eglise, en prouvant qu’en
effet la Maçonnerie avait été calomniée, mais en prouvant de surcroît que ces
calomnies étaient le fait de francs-maçons déguisés. On n’a pas tardé à
reconnaître que ce pauvre religieux ne jouissait pas d’un cerveau bien
équilibré ; il avait déjà donné des signes inquiétants ; ses
supérieurs le firent taire, sa brochure n’a pas paru. Au Congrès de Trente, il
fut déclaré qu’elle ne paraîtrait pas.
Je note pour mémoire un
volume qui parut en Angleterre, vers la même époque que le pamphlet de Findel en Allemagne.
Ce volume ne me paraît pas,
jusqu’à présent, appartenir à l’ensemble de la suprême manœuvre. Il a tout
l’air d’un acte particulier, ordonné par les hauts-chefs de la rose-Croix
socinienne du Royaume Britannique. Dans le n° 8 de mes Mémoires, j’ai
inséré quelques révélations sur les principaux supérieurs Rosicruciens
d’Angleterre et d’Ecosse, dont l’occulte rite en neuf degrés pratique le
luciférianisme. Cette importante branche de la Haute-Maçonnerie britannique a
vu là une déclaration de guerre directe contre elle, et elle a chargé un de ses
membres de produire une négation publique. Le livre, pour innocenter les robert
Brown et consorts, enregistre leurs affirmations d’innocence, n’oppose aucune
preuve contraire à mes révélations, et échafaude le roman qui, depuis le
Congrès de Tente, a été mis à la mode et forme le thème favori de la polémique
des journaux hostiles.
Oui, voilà à quelle source
s’alimente la frénétique campagne de mes adversaires ; le F.˙. Findel
et le F.˙. Arthur-Edward Waite, sont devenus des oracles.
Les Rosicruciens que j’ai nommés et sur
lesquels j’ai donné des indications précises, sont-ils vraiment adeptes et
chefs de ce rite d’occultisme ? Oui, ils l’avouent ; cela ils ne le
peuvent nier. Se faisaient-ils connaître du public comme tel ? Non ;
ils cachaient, au contraire, à leurs compatriotes leur qualité de Rosicruciens
sociniens. Je les ai donc démasqués ; voilà un premier point acquis ;
avec la clarté du plein soleil, il ressort du livre même de M. Waite. Ce qu’ils
nient, ce sont les œuvres magiques dont j’ai accusé la Rose-Croix d’Angleterre
et d’Ecosse, dans ses hauts grades.
Eh bien, si j’ai dit le
contraire de la vérité, pourquoi continuez-vous à couvrir de mystère vos rituels
d’initiation ?
Les publier dans votre
livre, voilà ce qu’il fallait faire, M. Waite, au lieu de divaguer au tour de
deux ou trois incorrections de style, commise par le F.˙. Palacios ;
car vous savez bien que la voûte anglaise, destinée à une communication
internationale, dont vous critiquez quelques mots, a été rédigée par ce
haut-maçon mexicain. L’auteur du document a été révélé au public, en même temps
que son texte. Et vous-même, ne recevez-vous pas tous les jours des lettres qui
sont loin d’être impeccables de style, et cela fait-il qu’elles n’aient pas été
vraiment écrites ? Les planches qui sont publiées parfois dans les organes
officiels maçonniques des divers pays ont-elles toujours toute la pureté de la
langue nationale ? Et, si deux ou trois incorrections s’y trouvent,
sont-elles transformées pour cela en documents apocryphes ?
L’authenticité de ces
planches incorrectes est établie par leur insertion dans les organes officiels
de la secte ; l’authenticité de la voûte rédigée par le F.˙. Palacios,
que j’ai contre-signée, est établie par le mouvement historique de révolte
contre Lemmi, mouvement qui a suivi l’envoi de la voûte et que vous ne pouvez
nier. Cette voûte a bien existé, puisque les hauts-maçons y ont adhéré et que
d’autres l’ont rejetée. C’est officiel, cela, monsieur Waite.
Tout le roman, inséré dans
le volume anglais des Rosicruciens, est une diversion qui ne saurait tromper
les gens de bonne foi.
On m’accorde que mes
révélations sur la qualité des personnes et sur les locaux des temples secrets
sont exactes ; cela me suffit largement.
On repousse l’accusation
d’œuvres magiques. Ah ! çà, mais qui êtes-vous donc vous-même, cher
monsieur Waite ? Si les enseignements qui m’ont été communiqués sont
vrais, vous êtes né catholique, et vous avez apostasié pour passer au
protestantisme. Ce n’est pas tout : votre protestantisme s’accommode fort
bien de la pratique le plus assidue des sciences occultes. C’est ici que je
vous prends la main dans le sac, trop malin Arthur-Edward. Vous êtes un des disciples
d’Eliphas Lévi, l’ex-abbé Constant, le prêtre catholique qui apostasia pour
devenir l’un des Mages de la sorcellerie moderne. Oserez-vous nier cela,
monsieur Waite ? Non, vous ne le pouvez pas ; car un livre a été
imprimé, un livre existe, qui est le Dogme et rituel de la Haute Magie,
traduit d’Eliphas Lévi par un certain Arthur-Edward Waite, à l’usage des
Anglais qui désirent se préparer aux grandes lumières de la Rose-Croix
luciférienne ; et ce certain Arthur-Edward Waite, ce n’est pas un
homonyme. C’est vous.
N’essayez pas d’épiloguer.
Ne venez pas nous raconter maintenant que votre Lucifer à vous, est une
« entité astrale », que votre Lucifer théosophique est « le
Manasaputra », c’est-à-dire « l’ange planétaire, le bon ange qui est
venu informer l’homme et le faire tendre à la fusion divine, d’où dérive le
salut ». Cette mirifique explication est celle qui est imprimée dans une
des plus importantes revues de l’occultisme anglais, le Lucifer, cette
mauvaise plaisanterie a pour but de justifier le titre de la feuille satanique,
aux yeux des pauvres fous que l’on égare et qu’il s’agit d’entraîner
graduellement aux dernières œuvres de la magie.
J’ai eu la folie de croire
que Lucifer était le Dieu-Bon et que le vrai Satan était Adonaï, la divinité
adorée par les catholiques. Vous, monsieur Waite, vous n’avez pas mon excuse,
puisque vous avez reçu une éducation chrétienne ; vous n’ignorez pas, vous
ne pouvez pas ignorer que votre Lucifer ne fait qu’un avec Satan, prince des
ténèbres, toujours vaincu par le glorieux archange Saint Michel.
Vous montrez le bout de
votre oreille d’occultiste, - je devrais dire le bout de vote corne de
diabolisant, - quand vous faites remarquer que la fameuse voûte doctrinaire
d’Albert Pike est fortement teinte des théories d’Eliphas Lévi. Je crois
bien ! Albert Pike était un grand admirateur de vote maître en sciences
occultes. Vous dites ces théories défigurées ; vous auriez dû dire
exposées dans leur vrai sens, appropriées au dogme palladique. Vous tirez
argument de plusieurs similitudes pour insinuer que le document est, peut-être,
faussement attribué à Pike et qu’il se pourrait qu’il eût été fabriqué par
quelqu’un connaissant les œuvres d’Eliphas Lévi.
Ici, je vous arrête. Vous
n’êtes pas le seul que des similitudes de ce genre aient frappé. Voulez-vous
que je vous nomme quelqu’un qui, m’a-t-on assuré, a été, plus que tout autre,
étonné de voir la doctrine palladique pétrie de Lévitisme et autres occultismes
antérieurs à 1870 ? Voici le nom : M. Solutore Zola, le grand maître d’Egypte
récemment converti.
Un de nos amis m’a
communiqué le fait et les raisons de cet étonnement de M. Zola ; cela vaut
la peine d’être relaté. M. Solutore Zola, qui était en grandes relations
d’amitié maçonnique avec Albert Pike, fut chargé par celui-ci de lui recueillir
tous les travaux de ce genre ; c’est lui qui lui envoya les principaux
systèmes d’occultisme, Eliphas Lévi, Ragon, et bien d’autres. Naturellement,
Albert Pike, ne voulant pas se montrer plagiaire aux yeux de son ami, eut grand
soin de ne pas lui faire part de son organisation secrète ; c’est pourquoi
M. Zola, malgré sa haute situation maçonnique, fut tenu à l’écart de la
fédération suprême des Triangles. Aussi, quand les révélations sur le
Palladisme commencèrent, M. Solutore Zola les suivit avec intérêt, et il a
déclaré avoir reconnu dans divers documents dévoilés bon nombre d’extraits des
travaux que lui-même avait envoyés à Albert Pike.
Pour vous tirer de
l’embarras où vous mettra cette réplique, monsieur Waite, il ne vous reste qu’à
insinuer que M. Solutore Zola n’existe pas ou qu’il est mon complice. En tous
cas, il est une autre façon de confondre votre audace. L’authenticité de la
fameuse voûte doctrinaire d’Albert Pike est établie par son insertion dans les
organes secrets de la secte.
Oh ! je sais qu’à
l’époque même ou les FF.˙. Findel et Waite publièrent leurs négations
intéressées, Lemmi donna l’ordre de détruire partout où cela serait possible,
les recueils maçonniques ayant laissé échapper quelque preuve de l’existence du
Rite Suprême, surtout dans les bibliothèques publiques ; et cet ordre a
été exécuté. Mais que les francs-maçons ne se réjouissent pas trop ; ils
pourraient avoir un jour quelque surprise.
Enfin, pour en terminer avec
les Rose-Croix anglais et leur porte-parole Arthur-Edward Waite, il est
incontestable qu’ils n’avaient qu’une façon sérieuse de se laver de mes
accusations d’occultisme satanique et qu’ils ont répondu à côté de la question.
La façon sérieuse, la seule, l’unique, la voici : il fallait publier dans
le livre et, au besoin, dans les journaux, les rituels d’initiation aux trois
derniers degrés de votre Rose-Croix. Par là, on eût vu clairement si, oui ou
non, vous avez été calomniés. Cette publication, que vous esquivez, nous la
ferons, - s’il plait à Dieu !
Il me faut, à présent,
revenir à Findel. On pense si le rusé compère se réjouissait de voir des
journalistes catholiques allemands marcher à sa suite, recueillir avec respect
ses dénégations, quoique dénudées de la moindre preuve, et proclamer qu’il avait
raison, même contre la réalité des faits historiques.
Findel avait amoncelé les
nuages ; mais comment faire éclater la tempête ?
Et voici la suprême
manœuvre.
Rendons justice aux chefs de
la Haute Maçonnerie : ils ont admirablement réussi, jusqu’à présent.
Le coup n’est pas de
Lemmi ; Adriano n’est pas d’une telle force. Ce coup extraordinaire marque
les débuts de Nathan, combinant son action avec celle du Grand Orient de
France, sous le sage conseil du vieux Findel.
Depuis ma campagne de
1893-1894, Lemmi est usé jusqu’à la corde. Que mes négateurs disent ce qu’ils
voudront sur mon compte, ils ne peuvent nier ma campagne antilemmiste et ses
effets ; c’est de l’histoire, cela ! Bon gré mal gré, Lemmi a été mis
dans la nécessité de rentrer dans la coulisse.
La Maçonnerie la plus
atteinte a été la Maçonnerie française ; il ne faut pas se le dissimuler.
Lemmi ayant été publiquement dépouillé de ses apparences d’honnête homme, les
preuves authentiques de son indignité ayant été étalées au grand jour sous
forme d’actes légaux, inattaquables même par le démenti, et sa gallophobie,
connue seulement de l’autre côté des Alpes, ayant été mise en relief dans le
monde entier, les maçons souffraient, plus cruellement que tous les autres, des
récentes révélations.
De là, les démarches du
F.˙. Amiable, envoyé à Rome par le Grand Orient de France ; l’une
d’elles a été mentionnée par la Rivista della Massoneria Italiana.
Depuis lors, le Grand Orient
de France fit comprendre, en multipliant ses doléances auprès du palais
Borghèse, qu’il ne suffisait pas de nier la prépondérance actuelle de la
Maçonnerie Italienne, mais qu’il devenait nécessaire de profiter de l’échéance
des pouvoirs de Lemmi dans la Maçonnerie officielle avouée pour ne pas les lui
renouveler, afin d’enlever un argument aux catholiques.
Rien n’était plus
désagréable aux maçons français que de s’entendre accuser à tout instant
d’obéir à un chef suprême, ennemi mortel de la France et ayant subi une
condamnation à un an de prison pour vol.
Lemmi, lui, ne voulut rien
entendre, d’abord ; qu’importaient, répondait-il, les criailleries des
cléricaux ? Mais les objurgations devinrent tellement pressantes qu’il dut
céder, à la fin. Ces pourparlers, ces tiraillements causèrent le retard de
l’élection jusqu’au 1er juin ; on sait que ces pouvoirs de neuf
ans, les pouvoirs avoués, expiraient le 28 janvier de cette année, l’élection
en remplacement des FF.˙. Tamajo et Riboli ayant eu lieu le 28 janvier
1887 au Convent de Florence.
Pour donner satisfaction au
Grand Orient de France, il fut convenu qu’Adriano ne se représenterait
pas ; il demeurerait désormais dans la coulisse, et l’on nierait plus
carrément que jamais l’existence d’une Haute Maçonnerie internationale.
Cette retraite a dû être
sensible à Lemmi : il aime à parader dans les banquets, se montrer,
débiter des discours, dont sa situation à la tête de la Maçonnerie officielle
lui fournissait mille prétextes ; il n’est pas comme Mazzini, qui
savourait au contraire l’effacement, qui trouvait des délices à l’incognito,
qui préférait la réalité de la haute direction aux semblants pompeux des titres
connus des profanes.
Enfin, Lemmi se résigna.
Ah ! Ce n’est certes pas lui qui me déclare mythe ; il sait que c’est
bien mon existence qui lui a valu de boire jusqu’à la lie la coupe des
humiliations. Il se résigna, mais en exigeant néanmoins une double fiche de
consolation : cédant la place officielle à Nathan, qui d’ailleurs lui
prendra bientôt l’autre, il se fit décerner, faute de mieux, le titre de
grand-maître d’honneur du Grand Orient d’Italie, et… il garda la caisse. Car,
voyez-vous, le coffre-fort est plus cher au cœur d’Adriano Lemmi que tous les
titres auxquels il tenait, pourtant. Ainsi le F.˙. Silvano Lemmi, fils
d’Adriano Lemmi, fut nommé grand trésorier du Grand Orient d’Italie.
Nathan, aussitôt élu, tint à
se signaler par son zèle. Il a eu des éclats bruyants ; on a lu ses
retentissantes circulaires. Il ne parle pas en simple grand-maître de la
Maçonnerie Italienne ; il affecte déjà de s’adresser aux FF.˙. du
monde entier. On sent qu’il pose dès à présent, auprès des Triangles, sa
candidature de chef suprême, en cas d’une vacance possible. Adriano n’aura
peut-être pas tort de surveiller sa cuisine.
Or, Nathan examina la
situation. Par les faits que je vais énumérer tout à l’heure, - et je ne serai
pas démentie, - il est facile de distinguer quel raisonnement il se tint.
En premier lieu, le grave
danger pour la secte était l’organisation des forces antimaçonniques par le
Congrès de Trente. Il fallait donc jeter dans le camp catholique le trouble, la
division, le désarroi, si c’était possible.
En second lieu, mon volume
sur Crispi nominalement, mais en réalité dévoilant avec preuves le complot
contre la Papauté, montrait au public que je suis armée, plus que personne ne
le fut jamais, pour combattre et démasquer la Franc-Maçonnerie. Nous vivons
dans un siècle sceptique : quand on se borne à parler de l’action du
démon, il est aisé aux maçons de répondre par un haussement d’épaules ;
mais, en dehors des faits surnaturels, toujours discutables tant que l’Eglise
ne s’est pas prononcée, si l’on apporte aux débats un formidable dossier de
documents authentiques, - tel, mon volume sur Crispi, - la question change
d’aspect et les sectaires, écrasés par l’évidence, entrent en fureur, ne
pouvant plus nier, n’ayant plus la ressource de sourire avec dédain. Comment
donc détruire l’effet de ce réquisitoire, étayé de tant de documents, puisqu’on
ne pouvait nier les documents eux-mêmes ?
En troisième lieu, enfin,
les conversions de francs-maçons, se multipliant, constituaient pour la secte
un péril qui ne pouvait que s’accroître ; car chaque conversion amènerait
vraisemblablement un témoignage contre l’Ordre, et par leur groupement toutes
ces dépositions seraient une terrible cause de ruine, même les dépositions des
adeptes non-palladistes. Il fallait donc aviser à frapper d’avance d’une
déconsidération complète, absolue, toutes les révélations, tous les témoignages
quelconques des maçons convertis, présents et futurs.
On avait reconnu
l’impossibilité de m’atteindre ; toutes les recherches n’avaient abouti à
rien…
La Haute Maçonnerie ayant
constaté l’inutilité de ses efforts pour me découvrir, le F.˙. Nathan
jugea que le plus sûr coup de poignard serait l’éclat universel de la négation
de mon existence, en lui faisant prendre les proportions d’un scandale
prodigieux.
Cela atteindrait le triple
but que j’ai exposé tout à l’heure.
Au surplus, l’assassinat
brutal a ses inconvénients pour la secte ; on n’y aurait pas eu recours
contre Luigi Ferrari, si l’on n’avait pu donner à ce crime les couleurs d’un
attentat anarchiste. Aujourd’hui, les révélateurs ont plus à craindre le poison
lent que le poignard ou le revolver. Elle serait visible pour le monde entier,
la véritable main qui frapperait d’un stylet ou d’une balle M. Léo Taxil, par
exemple, lui dont l’œuvre de révélations personnelles est terminée. Contre M.
Solutore Zola, qui au contraire peut dire beaucoup de chose, l’exaspération a
des chances de se produire : on préférera l’empoisonner, sans doute ;
mais peut-être aussi la fureur sectaire ne raisonnerait pas. Il fera bien de se
garder de toutes façons.
Sauf à commettre le crime
matériel ensuite, les hauts-maçons ont donc pensé qu’il fallait tenter d’abord
le crime de la ruine morale.
Mais comment ?…
Pourquoi n’achèterait-on pas
un ou deux des derniers révélateurs ?
Nathan se souvint du mot
célèbre de Philippe de Macédoine. Et dans quel ouvrage donc avait-il été parlé
de moi pour la première fois au public ?
Le malheureux, qui allait se
laisser tenter par l’or maçonnique et dont la trahison me fait pitié plutôt
qu’elle ne m’indigne, a eu son nom jeté à tous les échos de la publicité en
cette circonstance. Il a repoussé le pseudonyme de « docteur Bataille »
qu’il avait pris pour écrire ce qu’il appela ses « récits d’un
témoin » dans la publication Le Diable au XIXe siècle. Cependant,
puisque j’ai à m’occuper de lui, c’est sous ce pseudonyme que je le
nommerai ; plus tard, quand il se repentira, comme je l’espère, il me
remerciera de ne pas avoir accolé le mot « traître » à son nom de
famille.
Le docteur Bataille avait
donc écrit ou signé tout ou partie de l’ouvrage dont il s’agit. Qu’il eut des
collaborateurs, un ami qui rédigea les passages relatifs à des faits
antérieurs, des abonnés qui envoyèrent de nombreux épisodes à l’appui de ses
récits personnels, cela importe peu. On lui accorde volontiers qu’il fut, en
tout et pour tout, l’auteur des « récits d’un témoin » proprement
dits ; je m’en rapporte là-dessus à ce qui a été publié en ces derniers
jours, de part et d’autre. Voilà la vraie question.
Or, j’avais déjà fait
quelques rectifications à ces récits d’un témoin ; je me proposais d’en
apporter d’autres, et je l’ai annoncé bien avant ma conversion, soit dans des
lettres particulières, soit dans le Palladium Régénéré et Libre.
Je suis donc bien à mon aise pour juger l’ouvrage.
Des exagérations, il y en a,
elles sont nombreuses ; l’auteur se laisse entraîner souvent par son
ardeur descriptive ; il dépasse le but. Tous les faits sont-ils
controuvés ? C’est une autre affaire. Oui, la Haute-Maçonnerie
existe ; oui, le rite Suprême dit Palladique est pratiqué dans des
arrière-loges nommées Triangles ; oui, le Grand Architecte de la
Franc-Maçonnerie, tel qu’il est connu des parfaits initiés, n’est autre que
Lucifer, c’est-à-dire Satan.
Et voilà la révélation qu’il
fallait détruire à tout prix.
Renier cette révélation
après l’avoir faite, dire publiquement : « Je me suis moqué des
catholiques, tout ce que j’ai écrit n’est qu’une fumisterie », cela est
une trahison.
Une trahison de ce genre se
paie. Qui paierait ? - Evidemment, une forte somme serait nécessaire, vu
l’immense scandale qu’on voulait. Or, il n’y avait pas à compter sur Lemmi,
trop vexé de l’humiliation qui venait de lui être infligée par les exigences du
Grand Orient de France. Donc le Grand Orient de France ferait les frais, quels
qu’ils pussent être ; car il y avait lieu de prévoir leur accroissement,
en cas de complications.
Survint l’affaire de Mlle
Coudéon, la « voyante de la rue de Paradis ». On sait que la Société
des Sciences psychiques, dont le docteur était vice-président, examina le cas
de Mlle Coudéon ; qu’une commission médicale fut nommée en premier
lieu ; que le docteur Bataille fut chargé d’un rapport ; que son
rapport fut rejeté à l’unanimité par la société tout entière. Ou le docteur fut
froissé de ce rejet, ou bien il était déjà décidé à une rupture avec les
catholiques. Quoi qu’il en soit, à partir de ce moment, le docteur Bataille ne
fut plus le même pour ceux qui le connaissaient. Les journaux ennemis de
l’Eglise le comblèrent de louanges ; il suffit de parcourir les
collections de la Lanterne, du Radical, etc., pour le constater. D’autre
part, le docteur Bataille a, depuis quelque temps, des intérêts engagés dans un
restaurant situé sur les grands boulevards, dans la même maison que celle ou il
a son cabinet de consultations (boulevard Montmartre) ; cela, il l’a
reconnu publiquement, et par lettres aux journaux, et dans des interviews. Or,
il est avéré que deux Loges de la juridiction du Grand Orient de France donnent
leurs banquets dans le restaurant du docteur Bataille. On voit que, pour
circonvenir le malheureux, les émissaires de la rue Cadet n’eurent pas à
déployer beaucoup de diplomatie. Et, depuis la trahison consommée, la clientèle
de ce restaurant est de plus en plus maçonnique : ceci est notoire.
Quelle somme le docteur
Bataille demanda-t-il ? A l’époque où des aveux lui échappèrent, il disait
que, pour trois cent mille francs, il était disposé à entrer dans la secte et à
la servir. C’est sans doute ce prix qu’il mit en avant, lorsque des
propositions lui furent faites ; mais on m’a assuré qu’il baissa ses
prétentions. L’accord se fit sur la base de cent mille francs.
Il fut donc convenu que le
docteur Bataille produirait tout à coup, au moment où personne ne s’y
attendrait, une déclaration sensationnelle, de nature à jeter la perturbation
la plus profonde parmi les catholiques ; qu’il se déclarerait publiquement
faux-témoin ; qu’il se proclamerait mystificateur, s’étant moqué des
hommes de foi, ayant inventé à plaisir tous ses récits personnels ; en un
mot, que, s’appuyant sur ses exagérations, il manœuvrerait de telle sorte que
le public pourrait croire désormais à la non-existence de la Haute-Maçonnerie
et du Rite Suprême Palladique.
Mais où et quand faire
éclater ce scandale ?
L’insertion de la
déclaration du docteur Bataille dans une feuille rédigée par des francs-maçons montrerait
trop bien le complot de la secte. Il était nécessaire de se servir d’une
gazette catholique.
Il fallait, en outre,
discréditer le Congrès de Trente.
Pour s’assurer un immense
retentissement, il était indispensable que le coup, ainsi prémédité, ne fût pas
soupçonné des congressistes. Quelle meilleure tactique que celle-ci pouvait-on
imaginer ? Susciter adroitement, au sein du Congrès, une question qui
n’était pas dans le programme, « la question Diana Vaughan » ;
pousser à une discussion quasi-publique, dans une séance où la presse serait
admise ; et, quand le congrès se serait terminé, ayant eu une de ses
assemblées laissant cette question ouverte aux commentaires passionnés dans les
journaux catholiques du monde entier, jeter brusquement dans le débat la lettre
promise par le docteur Bataille.
A aucun prix cette lettre ne
devait être publiée d’abord, et cela tombe sous le sens. En effet, si les
émissaires secrets chargés de la manœuvre avaient apporté au Congrès la lettre
de reniement du docteur Bataille, s’ils l’avaient produite dans la section où
l’on devait susciter les premiers troubles pour provoquer une grande réunion
spéciale avec admission de la presse, il est indubitable que la Présidence
générale du congrès aurait réfléchi à deux fois et fait appeler les anciens
amis du docteur, afin de leur demander ce qu’ils pensaient de cet incident
inattendu ; ceux-ci auraient déclaré sans hésiter que le docteur était
devenu subitement fou ou s’était vendu à l’ennemi, mais qu’en tout cas le fait
de cette volte-face, inexplicable et suspecte au plus haut degré, devait être
examiné avant tout. La prudence et la sagesse des évêques présents auraient
immédiatement paré à l’explosion du scandale si habillement combiné pour
troubler l’action antimaçonnique. Le Congrès ne serait pas sorti de son
programme. Les questionneurs émettant des doutes à mon sujet auraient été
appelés dans un bureau et mis en face de mes amis ; ceux-ci auraient
répondu ; des explications discrètes auraient été échangées, et, si après
cela les négateurs s’étaient dits non convaincus encore, la Présidence leur
aurait fait prendre l’engagement d’attendre dans le silence la décision d’une
Commission d’enquête qui avait été nommée à Rome antérieurement au Congrès.
Non, la secte ne pouvait risquer
qu’il en advint ainsi.
La première résolution,
formellement arrêtée dans les conseils de la Haute-Maçonnerie, fut que la
lettre publique du docteur Bataille paraîtrait après le Congrès, en pleine
agitation de la question Diana Vaughan, laquelle serait soulevée au Congrès.
Findel, ayant été consulté,
émit l’avis que le pays le plus favorable était l’Allemagne. En effet, la
presse catholique allemande avait déjà « avalé » les mensonges de sa
brochure ; la Germania, de Berlin, la Vœlkszeitung, de
Cologne, avaient cru sur parole les dénégations intéressées du vieux haut-maçon
de Leipsig.
En particulier, la Vœlkszeitung
avait imprimé ceci :
« Les révélations de Margiotta et de Miss Diana Vaughan, le
Palladium et son action prédominante dans la fédération maçonnique, la
direction centrale dans la Maçonnerie, la papauté maçonnique, le culte
satanique de Pike et de Lemmi avec invocations diaboliques et profanations
d’hosties consacrées, il faut qualifier une bonne fois tout cela d’impostures,
comme cela l’est en réalité. »
Il semblerait qu’à Rome on
avait le pressentiment de quelque maladresse nouvelle de la part des
journalistes allemands ; car la Rivista Anti massonica, organe
officiel du Conseil directif général de l’Union Antimaçonnique universelle,
publia, dans son numéro du 15 septembre, un magistral article répondant
victorieusement aux absurdités du journal de Cologne. Et le journal romain
faisait suivre cet article d’une importante note de la rédaction ; cette
note disait ceci :
« Nous ne croyons pas
que les affirmations sans fondement de la gazette de Cologne puissent
préoccuper les congressistes de Trente, parce que nous les tenons assez sérieux
pour les croire incapables de donner quelques poids et quelque importance à des
affirmations qui, par elles-mêmes, prouvent qu’elles viennent de personnes tout
à fait ignorantes du sujet sur lequel elles veulent prononcer un jugement que
leur ignorance dans la matière devrait les empêcher de prononcer.
Il nous en coûte de nous
exprimer aussi… durement : mais notre confrère d’au delà des Alpes doit
comprendre que, si tout les premiers nous aimons la discussion logique soutenue
par des preuves et des faits, nous n’aimons pas entendre proclamer, sans
fondement et sans aucune preuve qui justifie une pareille affirmation,
proclamer, disons-nous, comme impostures des vérités désormais reconnues par
l’autorité ecclésiastique elle-même et prouvées par des documents et des
preuves irréfutables. »
On le voit, le meilleur
terrain, le mieux préparé, était celui de la presse catholique allemande. La
seconde résolution fut donc que l’éclat, après le congrès, aurait lieu en
Allemagne. Le docteur Bataille, d’ailleurs, s’affirmant certain d’allumer
l’incendie, un incendie formidable, s’il s’adressait à la Vœlkszeitung,
de Cologne ; la matière était inflammable à merveille, là. Disons
mieux : rien ne pouvait être plus à souhait, pour la réussite des desseins
de la secte, que les dispositions d’abord étalées précisément par la Vœlkszeitung.
Dans un autre journal, cela n’aurait pas fait aussi bien l’affaire.
Je prie de remarquer que je
ne me borne pas à phrases ; je suis précise, du moins autant qu’on peut
l’être en traitant un pareil sujet. Et j’affirme expressément ceci :
quelque temps avant le Congrès de Trente, le docteur Bataille se rendit à
Cologne ; il séjourna à Cologne ; la Vœlkszeitung eut sa
promesse d’une lettre où il se proclamerait impie, où il traiterait de
mensonges ses propres écrits, lettre destinée à produire un immense scandale.
M. le docteur Cardauns, rédacteur en chef de la Vœlkszeitung ne
démentira pas ceci, et ceci est un fait, un fait des plus significatifs.
Et la Volkszeitung,
dont la direction ne pouvait ignorer la préméditation d’une discussion
passionnée à Trente, préféra publier la lettre du docteur Bataille après le
Congrès plutôt qu’avant.
Et la Vœlkszeitung,
journal catholique, n’a pas dit un mot du séjour du docteur Bataille à
Cologne ; et, quand plus tard, elle a publié la lettre promise, elle l’a
donnée comme si le docteur Bataille lui était inconnu ! Comme s’il avait
répondu purement et simplement à l’article sensationnel du 13 octobre, en ayant
eu connaissance tout à coup et par hasard !
Si la gazette prussienne
avait été mue par le seul et pur désir d’éclairer sincèrement les catholiques,
est-ce qu’elle aurait joué cette comédie ? Est-ce qu’elle n’aurait pas, au
contraire, en toute loyauté, déployé les cartes sur la table et dit
franchement : « Le docteur Bataille vient d’arriver à Cologne, et
voici la déclaration qu’il nous a faite à l’instant même ! »
La Volkszeitung n’a
pas agi ainsi, parce qu’il entrait dans les plans de la Franc-Maçonnerie de
provoquer et d’obtenir, avant tout, une séance quasi publique destinée à faire
retentir dans le monde entier les négations de Findel, et parce que la Vœlkszeitung,
tout au moins dans cette circonstance, a été complice de la secte, a été
sciemment l’auxiliaire de Findel.
Enfin, n’oublions pas que le
Grand Orient de France s’était chargé des frais de la suprême manœuvre. Il
avait donc le plus direct intérêt à surveiller de près les opérations. Un de
ses délégués, orateur de la loge l’Avant-Garde Maçonnique, fut chargé de
se rendre à Trente ; ce n’était pas, évidemment pour passer ses journées à
l’hôtel et y lire, dans les journaux de la ville les comptes-rendus du Congrès ;
autant eût valu prendre un abonnement à ces journaux au nombre de deux, et les
recevoir à Paris pendant cette période. Il fallait voir de plus près possible,
c’est-à-dire au sein même du Congrès ce qui s’y passerait. Notons que les
congressistes français furent peu nombreux. Les noms m’ont été
communiqués : M. le chanoine Mustel, directeur de la Revue Catholique
de Coutances ; M. l’abbé de Bessonies, secrétaire du Comité national
français de l’Union Antimaçonnique ; le R. P. Octave, directeur de la Franc-Maçonnerie
démasquée, de Paris ; le R. P. Lazare, rédacteur de la Croix de
Paris ; M. le chanoine Pillet, doyen de la faculté de théologie de Lille
et correspondant de l’Univers, de Paris ; M. Fromm, rédacteur de la
Vérité, de Paris ; M. l’abbé Joseph, représentant l’Anti-Maçon,
de Paris ; M. Léo Taxil, représentant la Revue Mensuelle, de
Paris ; M. Laurent Billiet, représentant de la France Libre, de
Lyon ; M. l’abbé Vallée, prêtre de Tours ; MM. Doal, Douvrain et
Gennevoise, trois étudiants de l’Université catholique de Lille, venus avec M.
le chanoine Pillet. En tout : treize. Le F.˙. orateur de la Loge l’Avant-Garde
Maçonnique ne s’est donc pas glissé dans le Congrès au moyen d’une carte
frauduleuse obtenue du Comité national français de l’Union Antimaçonnique. Ce
fait essentiel méritait d’être établi. Or, le délégué du Grand Orient de France
a assisté aux séances du Congrès, séances de la IVe section et assemblées
générales, et il en a fait le compte-rendu à son tour au principal temple de
l’hôtel de la rue Cadet. Cet autre fait est acquis, sans contestation possible.
Nous venons de voir comment
le coup avait été préparé. Arrivons au Congrès de Trente. Sur ce qui s’est
passé, les renseignements abondent : indépendamment d’un rapport complet
que j’ai eu, plusieurs congressistes amis, mêmes des amis inconnus, m’ont
envoyé des notes personnelles et des coupures de journaux ; j’ai pu
contrôler ainsi les relations des uns par celles des autres, et j’ai la
confiance que la Commission d’enquête de Rome, en lisant ces pages, n’y
trouvera aucune inexactitude.
On sait, par un hasard
providentiel, le train même que prit le délégué du Grand Orient de France pour
se rendre à Trente. Un congressiste, parti pour Zurich le 23 septembre par
l’express de 8h35 du soir (gare de l’est), apprit d’un voyageur, au cours d’une
conversation, qu’un franc-maçon de la rue Cadet se trouvait dans le même
train ; ce voyageur avait entendu deux personnes se saluer, à Paris, à
l’embarcadère, et l’une dire à l’autre : « Moi, je vais à Trente à
l’occasion d’un Congrès antimaçonnique qui va s’y tenir. – Toi ? fit
l’interlocuteur avec surprise ; mais… - Parfaitement, fut-il riposté, j’y
vais pour la rue Cadet. »
Le congressiste pria son
compagnon de wagon de lui montrer ce voyageur, s’il se rappelait ses traits,
quand on descendrait à Bâle pour le changement de train ; mais ni au
buffet, ni sur le quai, le compagnon du congressiste ne put reconnaître son
homme. D’ailleurs, il n’attachait pas aux propos entendus la même importance
que le congressiste. Quand le lendemain celui-ci arriva à Trente, son premier
soin fut d’avertir plusieurs membres du Comité. Un moment, on pensa que le
faux-frère avait pu se glisser parmi les représentants de la presse qui
n’étaient pas en outre congressistes et n’avaient pas accès dans les sections.
On ne s’occupa plus de l’incident, dans la pensée qu’une erreur avait été
commise par le voyageur qui avait donné l’éveil ; mais ce fait prend une
singulière valeur, aujourd’hui qu’on sait qu’un franc-maçon de la rue Cadet
s’est vanté d’avoir assisté au Congrès et en a fait le compte-rendu en loge.
C’est à la IVe Section
(section de l’action antimaçonnique) que le feu fut ouvert contre moi. M. le
chanoine Mustel présidait la 1re Section ; le R. P. Octave et
M. l’abbé de Bessonies étaient à la IIe section, dont le président était
Tardivel, directeur de la Vérité, de Québec (Canada).
Quant à M. Léo Taxil, il
s’était inscrit à la IVe Section ; mais dès la première séance, il fut élu
membre de la commission spéciale chargée de jeter les bases de l’organisation
antimaçonnique universelle. L’absence de mes principaux amis fut mise à profit
par trois congressistes allemands, auxquels un quatrième, allemand aussi, vint
se joindre à la fin.
L’attaque était conduite par
le docteur Gratzfeld, secrétaire de Mgr l’Archevêque de … Cologne !
Maintenant qu’il est certain
que le docteur Bataille se trouvait à Cologne quelques jours avant le Congrès,
le rôle que jouait le docteur Gratzfeld au sein de la IVe Section est aisé à
comprendre si l’on ne perd pas de vue que le délégué du Grand Orient de France,
payeur de la trahison, était présent et surveillait la manœuvre.
Le docteur Gratzfeld, - tous
mes correspondants sont d’accord pour m’écrire qu’il a une physionomie des moins
sympathiques, - avait la tactique que voici : sous n’importe quel
prétexte, il intervenait dans toute discussion pour attaquer mes Mémoires,
et, plus particulièrement encore, mon volume sur Crispi. Alors même que
personne ne parlait ni de moi ni de mes écrits, il partait à fond de train pour
s’écrier qu’il fallait rejeter mes ouvrages de toute action ou propagande
antimaçonniques ; car « Findel avait traité d’impostures les
allégations quelconques relatives à l’existence d’une Haute-Maçonnerie et d’un
Rite Suprême Palladique. » Ses trois compères se joignaient à lui et se
démenaient comme des enragés, troublant la séance ; plusieurs fois on fut
obligé de les calmer. M. l’abbé Joseph, voyant que le docteur Gratzfeld
s’entêtait à citer toujours le nom de Findel, lui répondit : « Votre
Findel prétend que Cavour et Mazzini ne furent jamais francs-maçons ;
laissez-nous donc tranquilles avec votre Findel ! »
En résumé, tout ce tapage
concluait à la demande d’une grande séance consacrée à examiner, devant tous les
congressistes et la presse la question : « Miss Diana Vaughan
existe-t-elle, oui ou non ? »
On pense si le délégué du
Grand Orient devait rire sous cape et s’applaudir des résultats qui se
préparaient.
Pour en finir, la séance
tant réclamée fut accordée.
D’autre part, la Présidence
générale du Congrès avait demandé à M. l’abbé de Bessonies l’un des
vices-présidents, de faire un rapport sur la question. Ce rapport fut lu à une
réunion intime de quelques-uns des évêques présents à Trente, qui désiraient être
renseignés ; les évêques, très satisfaits et se déclarant convaincus,
émirent l’avis qu’il serait utile que ce rapport fût communiqué officiellement
au Congrès, afin de dissiper une bonne fois les doutes semés chez les Allemands
par les menteuses dénégations de Findel. En même temps, on venait d’apprendre
les incidents de la IVe section, et l’on prenait la résolution de tenir toute
une grande séance pour s’occuper de moi.
Je ne veux critiquer
personne ; les membres du bureau présidentiel crurent bien agir en cela.
Toutefois, ils perdirent de vue qu’ils créaient un précédent fâcheux. Une
assemblée délibérante, convoquée dans le but d’organiser une action universelle
aussi grave que celle qui réunissait à Trente les délégués catholiques des deux
mondes, a autre chose à faire que s’occuper des questions de personnes.
L’amitié qu’on me portait, - et dont je remercie, - m’a valu un trop grand
honneur ; le désir de me défendre a empêché de voir le piège. Même si l’on
avait eu affaire à des adversaires de bonne foi, il valait mieux réserver
l’anéantissement de leurs doutes à une réunion de comité strictement privé, à
une réunion intime, comme celle des évêques. En se renfermant dans les limites
de cette règle, on se conformait aux traditions des grands congrès internationaux.
Je ne rappellerai pas, par
le détail, cette séance, désormais célèbre, du 29 septembre. Divers
comptes-rendus en ont été publiés, la presse ayant été admise à la séance,
tenue dans la salle des assemblées générales. Les orateurs qui prirent la parole
furent : M. l’abbé de Bessonies (lecture de son rapport), Mgr Baumgarten,
M. Léo Taxil, le R. P. Octave, M. Kolher, M. le comte Paganuzzi, M. l’avocat
Respini. S. A. le prince de Lœwenstein, président général du Congrès, proposa
de remercier les différents orateurs, en reconnaissant que le but de
chacun avait été de faire la lumière. M. le commandeur Alliata, président du
Conseil directif général de l’Union antimaçonnique universelle, fit une
déclaration dans ce sens : « Le Conseil, dont j’ai été élu président
et qui a été l’organisateur de ce Congrès, possède dans son sein une Commission
spéciale qui s’occupe de tout ce qui a rapport à Miss Diana Vaughan ; on
peut s’en rapporter avec confiance à cette Commission, composée d’hommes
expérimentés et prudents, et communiquant directement avec le
Saint-Siège. » L’ordre du jour, qui fut voté, a été publié avec deux
rédactions quelque peu différentes ; je donne les deux textes officiels
des actes du Congrès :
« La IVe Section,
reconnaissante envers les orateurs qui ont apporté la lumière dans le cas de la
demoiselle Vaughan, et vu la communication faite par le commandeur Alliata,
président du Comité central antimaçonnique qui déjà a dans son sein une
commission chargée d’étudier le cas susdit, passe à l’ordre du jour. »
(Texte donné par l’Unità Cattolica, de Florence, et d’autres journaux
italiens).
« La IVe Section
remercie chaleureusement les orateurs qui ont parlé en sens divers sur Miss
Diana Vaughan, et, sur la déclaration du commandeur Alliata qu’il existe dans
le Comité de Rome une commission spéciale pour cette question, passe à l’ordre
du jour. » (Texte donné par M. l’abbé de Bessonies et M. le chanoine
Mustel dans la Franc-Maçonnerie démasquée.)
Le docteur Gratzfeld,
remarquons-le bien, ne monta pas à la tribune ; c’était lui, pourtant, qui
avait le plus poussé à la tenue de cette grande séance. Ce fut Mgr Baumgarten,
qui se fit le porte-parole des négateurs allemands ; encore, déclara-t-il
qu’il n’entendait nullement préjuger, mais que, s’occupant de travaux
historiques, en sa qualité d’archivistes à Rome, il désirait purement et
simplement : 1° que l’on produisit l’acte de naissance légal de Miss Diana
Vaughan ; 2° que l’on nommât au Congrès de Tente le couvent où elle a reçu
le baptême et l’Evêque qui a autorisé sa première communion.
Ces deux questions,
également insidieuses, tendaient l’une et l’autre au même but, et les lecteurs
qui suivent avec attention mes écrits reconnaîtront bien vite que seule la
secte avait intérêt à les faire poser en plein Congrès ; car aucun de mes
amis congressistes ne pouvaient y répondre.
Je n’accuse pas Mgr
Baumgarten. Jusqu’à preuve du contraire, je crois qu’il ignorait que la réponse
à l’une ou l’autre de ses questions mettrait la Franc-Maçonnerie sur ma piste.
Mgr Baumgarten me paraît n’avoir posé ces questions que parce qu’elles lui
avaient été soufflées par le docteur Gratzfeld. D’ailleurs, on m’a écrit qu’il
avait regretté d’être intervenu. Une lettre amie m’a été communiquée, où il est
dit : « Mgr Lebruque, évêque de Chicoutimi (Canada), qui a assisté au
Congrès et à qui j’ai eu l’occasion de parler à Rome, est entièrement avec
nous. Il m’a assuré avoir vu Mgr Baumgarten, le soir du 29 septembre, à la
suite de la séance ; Mgr Baumgarten lui a dit qu’il regrettait ce qui
s’était passé et surtout ce qu’il avait dit dans cette séance. Voilà une
confession précieuse et surtout significative ; vous pouvez publier cela
sans crainte, car Mgr l’évêque de Chicoutimi n’est pas un menteur ! »
Sur la question de l’acte de
naissance, j’avais déjà répondu à mes amis. Il y a fort peu de temps que les
citoyens des Etats-Unis se soucient d’avoir des registres d’état-civil, et
encore en un grand nombre d’endroits on n’en est pas là. Du temps de mon père,
le Kentucky brillait au premier rang par sa négligence ; il savait par
tradition de famille, son lieu et sa date de naissance, voilà tout. Se
conformant aux habitudes de son pays, il ne me déclara pas, quand je naquis.
Ceci peut paraître extraordinaire, incroyable aux Français ; c’est ainsi,
pourtant. Pour suppléer aux actes de naissance, quand on en a besoin, l’usage
est de se présenter chez un solicitor : on lui déclare qu’on est Un-Tel,
né tel jour, en telle ville, enfant d’Un-Tel et d’Une-Telle ; on affirme,
et la plupart du temps on ne vous demande même pas un serment ; on paie au
solicitor ses honoraires, il dresse l’acte de déclaration, l’enregistre, le
délivre, et c’est cet acte qui fait foi. Voilà ce que j’avais écrit à mes amis,
et j’ajoutai : « Vous pouvez vous renseigner chez le consul général
des Etats-Unis à Paris ; il vous dira que c’est ainsi. » Si j’étais
une aventurière, il ne m’en coûterait donc pas de m’être munie non pas d’un,
mais de dix certificats de naissance, et chacun différent, si j’en avais eu la fantaisie.
Je n’aurais donc rien prouvé, même avec un acte sincère.
Le R. P. Octave, répondant à
Mgr Baumgarten, donna cette explication ; elle fit sourire le porte-parole
des négateurs allemands.
M. Tardivel, directeur de la
Vérité, de Québec, et président de la IIe Section du Congrès de Trente,
assura que rien n’était plus vrai que ce que j’avais dit. Le bon Dieu vint à
mon aide par lui ; il est du Kentucky, comme ma famille paternelle. Et
voici ce qu’il a publié dans son journal, en relatant cet incident :
« Elle est né à Paris,
d’un père américain et d’une mère française. Sa naissance a peut-être été
inscrite au consulat américain, peut-être aussi ne l’a-t-elle pas été du
tout : car on sait avec quelle négligence ces choses se font ou du moins
se faisaient autrefois aux Etats-Unis. Ainsi, à titre d’exemple, je sais, pour
ma part, par tradition, que je suis né à Covington, dans l’Etat du
Kentucky, le 2 septembre 1851 ; mais s’il plaisait à quelqu’un de nier mon
existence, je ne pourrais pas l’établir par un extrait quelconque des registres
soit de l’état-civil, soit de la paroisse catholique de Covington. Des
recherches que j’ai fait faire, il y a quelques années n’ont abouti à aucun
résultat. Voilà ce qui m’est arrivé, à moi, né de parents catholiques, baptisé
dans une paroisse catholique régulièrement constituée. Et parce que Miss
Vaughan, née d’un père américain et luciférien et d’une mère française et
protestante, qui probablement n’étaient que de passages à Paris (car la famille
paraît avoir vécu surtout près de Louisville, Kentucky), parce que, dis-je,
Miss Vaughan, née dans de telles circonstances, ne peut pas produire un acte de
naissance en bonne et due forme, on ne voudrait pas admettre son
existence ? C’est par trop puéril. Je dis on ; c’est l’abbé
allemand (Mgr Baumgarten) que j’aurais dû dire, car il m’a paru seul de son
avis. On discute encore de l’œuvre de Miss Vaughan ; on y attache plus ou
moins d’importance, selon qu’on l’a plus ou moins étudiée (en effet, je
constate de plus en plus que ceux qui sont contre sont précisément ceux qui
n’ont rien lu) ; mais, après le rapport de M. l’abbé de Bessonies, aucun
homme sensé ne voudrait contester l’existence d’une personne appelée Diana
Vaughan. Comme l’a dit le Père Jésuite Sanna Solaro, de Turin, présent à la réunion :
« Que Miss Diana soit née à Paris, à Londres ou dans la lune, qu’est-ce
que cela fait ? »
Cela ne peut rien faire au
public, en effet ; mais cela importe beaucoup à la secte, aujourd’hui.
Elle sait que je ne suis pas capable d’avoir jamais fait chez un solicitor une
fausse déclaration ; ce qu’elle voudrait connaître, par le seul acte
d’état-civil qui est possible dans mon cas, c’est le nom de famille de ma mère.
Quelques-uns des chefs secrets de la Haute-Maçonnerie ont mieux lu que le
public entre les lignes de certaine correspondance du Palladium Régénéré et
Libre et de certain passage de mes Mémoires ; mon père ayant
laissé échapper autrefois certains mots sur la situation de ma belle-sœur, ces
mots sont revenus à la mémoire d’hommes qui sont aujourd’hui mes ennemis
mortels ; ils ont déchiffré l’énigme, malgré mes précautions de style, et
il ne leur manque plus que le nom. Ce nom, dans la secte, mon oncle seul le
sait : mais sur lui je suis tranquille ; non converti, mais antilemmiste,
il m’a écrit qu’il emporterait ce secret dans la tombe ; il m’aime trop
pour le trahir.
Dire le nom de l’évêque qui
a autorisé ma première communion, laisser circuler dans une lettre le nom de
cet évêque, ce serait donner le fil qui conduirait bientôt au couvent où j’ai
promis de finir mes jours. Or, elles se tiennent par là, les deux questions que
le docteur Gratzfeld fit poser à Trente par Mgr Baumgarten. Je ne puis pas en
dire plus long. Mais j’ai le droit de ne pas voir un simple hasard dans la
position de ces deux questions. M. le chanoine Mustel a eu mille fois raison,
quand il a imprimé son appréciation en ces termes : « La plus
vulgaire prudence interdisait de répondre aux deux questions de Mgr
Baumgarten. » Merci !
L’acte de naissance, le nom
de l’évêque, cela, tels princes de l’Eglise qui m’ont fait l’honneur de
m’écrire ne me le demandent pas. Et cela, le docteur Gratzfeld l’exige.
Pourquoi ?…
Enfin ! Ils étaient
parvenus à leur but, les sectaires !… Que leur importait le vote d’un
ordre du jour remerciant chaleureusement mes amis ! Et les acclamations
qui accueillirent le lendemain M. Léo Taxil à son entrée dans la salle des
assemblées générales, et les applaudissements qui saluèrent à son tour M.
l’abbé de Bessonies lorsqu’il monta à la tribune pour y lire un rapport sur
l’action antimaçonnique en France, interminable salve de bravos avant même
qu’il eût ouvert la bouche, ces acclamations et ces applaudissements étaient
les enthousiastes remerciements du Congrès, reconnaissant à ceux qui avaient
défendu ma cause ; ces ovations étaient significatives, mais elles
importaient peu à la secte. Elle avait ce qu’il lui fallait : le trouble
nécessaire dans la presse catholique allemande, le prétexte indispensable pour
entretenir l’agitation, jusqu’au moment où éclaterait comme une bombe la lettre
promise par le Docteur Bataille.
Et voici les journaux
libéraux, dont le libéralisme est un masque qui cache un maçonnisme honteux,
les voici qui entrent en campagne, donnant de la séance du 29 septembre les
comptes-rendues les plus mensongers. Et la Vœlkszeitung, de Cologne,
s’appuyant triomphalement sur ces mensonges, représente comme un vainqueur son
compère le docteur Gratzfeld ; il n’avait pas vaincu à Trente,
certes ! Mais il méritait bien des félicitations.
Alors, la Volkszeitung
publia le grand article « Miss Diana Vaughan sous sa véritable
forme », dans son numéro du 13 octobre ; il tient toute la première
page, moins les trois quarts de la dernière colonne. Là sont accumulés les plus
énormes mensonges, audacieux, mais habiles, bien faits pour impressionner, mais
échappant au contrôle du public. Je n’existe pas ! et l’on jette au
lecteur le nom que l’agent Moïse Lid-Nazareth avait imprimé dans le Revue
maçonnique du F.˙. Dumonchel ; et l’on imagine le roman complet d’une
comédie, dont le metteur en scène, le Deus ex machina, serait M. Léo
Taxil. Des phrases, des phrases, des phrases ; pas une seule preuve de ce
qui est avancé si odieusement.
Le docteur Bataille avait
commis une faute. Dans un livre tel qu’en écrivent les journalistes
boulevardiers, intitulé Le Geste, il avait introduit un chapitre indigne
d’un chrétien : « Le Geste hiératique ». J’ignorais ce livre, il
est, paraît-il, devenu introuvable, et l’Univers a reconnu qu’il
semblait avoir été retiré du commerce ; peut-être, simplement, l’édition a
été épuisée, et l’éditeur ne l’a plus réimprimé. Un de mes amis a bien voulu
aller lire ce livre à la Bibliothèque Nationale de Paris, afin de m’envoyer son
appréciation. J’avais posé cette question : « Est-ce l’œuvre d’un
libre-penseur militant, comme on l’a dit ; est-ce un ouvrage de combat
contre l’Eglise ? » Il m’a été répondu : « C’est une œuvre
d’artiste sceptique ; le fond est mauvais ; le chapitre du Geste
hiératique est des plus déplorables ; mais ce livre n’a aucun rapport avec
ceux qui publient les écrivains qui font métier de combattre l’Eglise. C’est
l’erreur d’un cerveau troublé, et non l’œuvre d’un libre-penseur militant, ce
n’est pas un ouvrage de combat, je le déclare, en mon âme et conscience, et
quiconque le lira sans parti-pris jugera de même. » Depuis la publication
de ce livre, aujourd’hui devenu introuvable, le docteur Bataille a-t-il reconnu
avoir eu des « heures de défaillance » ? A-t-il marqué son repentir ?
On m’a répondu, d’autre part : « Oui, dans la publication Le
Diable au XIXe siècle, le docteur s’accuse d’avoir été un grand pêcheur,
d’être un chrétien indigne, et enfin d’avoir eu le bonheur de retrouver
sa foi, après les tristes heures de défaillance. Cela est en toutes lettres
dans l’ouvrage. »
Quant à moi, lorsque j’ai eu
à faire part de mon appréciation sur le compte du docteur Bataille - n’ayant
été interrogée par personne sur ces récits d’un témoin, et m’étant réservé le
moment opportun de réduire ses exagérations et de couper les cornes à
quelques-uns de ses diables, mais décidée aussi à mettre en lumière le vrai,
c’est-à-dire ce qui, dans ce grand ouvrage, est la confirmation de choses et de
faits connus des missionnaires et des personnes compétentes ayant étudié à fond
la Franc-Maçonnerie - quant à moi, j’ai maintes foi qualifié familièrement le
docteur Bataille ainsi : « le bon toqué ». Bon, parce qu’il
était bon ; maintenant, il n’est plus lui-même. Toqué, parce que ses
exagérations ne me l’ont pas fait paraître un imposteur, mais incohérent
ramasseur de toutes légendes en cours dans les Triangles[100],
procédant sans examen approfondi, halluciné peut-être en quelque cas, en
quelques autres ne se rendant pas compte du prestige diabolique ; ainsi,
s’il avait été le jouet de l’esprit du mal dans les circonstances que j’ai
racontées au premier chapitre de mes Mémoires, il aurait narré qu’il
avait été transporté vraiment au paradis terrestre et en Oolis. Oui, un peu
toqué, je le répète, et, aujourd’hui, je crois à sa décharge, qu’un grain de
folie est mêlé à sa trahison, malgré les faits qui rendent celle-ci certaine,
indiscutable.
Donc : la Vœlkszeitung,
de Cologne, publia, le 13 octobre, l’article tapageur, qui, pour la grande joie
de la secte, devait faire éclater la bombe Bataille, selon la promesse faite
avant le Congrès au Grand Orient de France et confirmée à Cologne même, le 22
septembre, à un délégué de Findel.
Le journal prussien ne
manquait pas de citer le Geste, le livre introuvable non réimprimé
depuis quatre ans ; il se gardait bien de dire que, depuis cette faute, le
docteur Bataille avait été, à Paris, connu de tous excellent chrétien, revenu à
la foi après ces heures de trouble déplorées, se prodiguant en bonnes œuvres
charitables à sa clinique, vice-président d’une Société des plus catholiques.
Cela, il ne fallait pas l’imprimer, il ne fallait pas le dire non plus que ce
pauvre Geste était tout le bagage littéraire condamnable du malheureux. Et
voilà le docteur Bataille transformé, par les journaux embellisseurs du premier
récit, en auteur de nombreux ouvrages anti-cléricaux, que nul ne cita jamais,
et pour cause ! le voilà proclamé libre-penseur militant, forcené, ayant
trompé les catholiques, impudent, faux témoin, dénoncé par conséquent, au
mépris du monde entier.
[…]
Le numéro de la Vœlkszeitung
parut à Cologne le 13 octobre ; le journal prussien ne se trouve en dépôt
nulle part à Paris, notez-le bien. Le numéro du 13 octobre a donc été envoyé
tout exprès au docteur Bataille ; car il répondit par retour du courrier,
- si même l’article ne lui avait pas été communiqué d’avance ou si la réponse
n’était pas déjà à Cologne quand le numéro du 13 s’y imprimait.
Froidement, sans sourciller,
de la plume la plus tranquille, cet homme qui, trois mois auparavant, était le
vice-président d’une société catholique (La Société des Sciences
psychiques : président, M. l’abbé Brettes, chanoine de Notre-Dame de
Paris) ; cet homme, le docteur Bataille, écrivit la stupéfiante lettre que
voici :
« Paris,
le 14 octobre 1896.
Monsieur le rédacteur en
chef de la Vœlkszeitung,
à Cologne.
Je ne possède
malheureusement pas assez bien la langue allemande pour pouvoir traduire mot à
mot l’article de votre journal : « Miss Diana Vaughan sous sa
véritable forme », et dans lequel mon nom est cité à différentes reprises.
Cependant, je crois avoir compris que vous posez les points suivants :
1° Je serais l’auteur de
l’ouvrage Le Diable au XIXe siècle, sur la Franc-Maçonnerie, signé
« Docteur Bataille ».
2° Un de mes livres, Le
Geste, aurait paru sous mon nom et donnerait très nettement mes opinions
religieuses vraies et mon sentiment à l’égard de la religion catholique, dans
un chapitre : « Le Geste hiératique », opinions qui seraient
diamétralement opposées aux assertions de Bataille dans le Diable au XIXe
siècle.
3° Vous dites que j’ai
quitté ma carrière pour ne plus m’occuper que d’histoires du diable,
anti-maçonniques, et que j’étais associé avec des gens qui se couvrent de mon
nom et de mon argent pour continuer la campagne que j’ai commencée dans le Diable
au XIXe siècle.
Dans des cas pareils, la loi
française nous autorise à répondre et contraint le journal incriminé à une
insertion comprenant le double de l’espace occupé par l’article accusateur.
Je ne sais s’il en est de
même en Allemagne. Je m’adresse donc à votre impartialité.
1° Je ne suis pas l’auteur,
mais simple collaborateur du Diable au XIXe siècle, et je n’ai contribué
qu’à une très petite partie du premier volume. Quand j’eus cessé ma
collaboration, je ne me suis plus occupé de l’œuvre et ne revendiquai donc
aucun droit d’auteur ou autre. Je n’ai jamais écrit une ligne pour la Revue
Mensuelle ou autres brochures ou journaux, parus depuis. Le pseudonyme
« Docteur Bataille » ne m’appartient donc pas.
2° Le volume Le Geste
est bien de moi et renferme mes pensées véritables sur la religion,
particulièrement sur la religion catholique, que j’accable de mon plus complet
mépris.
3° Comme depuis des années je ne collabore en aucune manière, ni
directe, ni indirecte, aux histoires de diableries antimaçonniques, je pense
que vous comprendrez aisément que je ne commandite personne et que je ne suis
pas associé avec personne dans un but pareil. »
La lettre s’arrête là dans
le journal prussien ; son destinataire n’y a inséré ni salutations ni
signature. Ce rédacteur en chef et le docteur parisien sont totalement
étrangers l’un à l’autre ! ils ne se connaissent pas, ils ne se sont
jamais vu !
Cette lettre a été publiée
dans le numéro du 16 octobre de la Vœlkszeitung. La gazette de Cologne
était à tel point certaine de la recevoir, que des clichés d’illustration,
dessinés à nouveau d’après des gravures du Diable au XIXe siècle,
étaient prêts et ont paru tout auprès de la lettre du docteur, pour mieux la
mettre en relief.
Voici encore ce qu’il
importe de faire remarquer : - La Vœlkszeitung avait imprimé, le 13
octobre, que le docteur Bataille était associé aux éditeurs de mes Mémoires,
qu’il était bailleur de fonds des librairies de propagande antimaçonnique. Où
le journal prussien avait-il pris cette belle histoire-là ? Il ne le dit
pas ; je vais vous le dire. Cette mensongère assertion avait paru dans la Revue
Maçonnique du F.˙. Dumonchel, quelques semaines avant les premières
négociations du Grand Orient de France avec le docteur Bataille ; alors,
peut-être, n’osait-on pas encore espérer que le malheureux se vendrait si
facilement. Et peut-être aussi n’aurait-il pas eu cette lamentable chute sans
l’incident du rejet unanime de son rapport dans l’affaire Couédon, rejet qui
blessa son orgueil. Ne serait-ce pas l’orgueil qui a été la principale cause de
la perte de l’infortuné docteur ?… Quoi qu’il en soit, voilà le journal
prussien bien convaincu d’avoir épuisé, pour me nuire, à la source maçonnique.
D’autre part, puisque le voyage du docteur Bataille à Cologne ne peut être nié,
la Vœlkszeitung n’a pu ignorer que ce fait de l’association avec mes
éditeurs n’était pas vrai. On l’a donc inséré, le sachant faux, afin de fournir
au docteur un prétexte de plus pour répondre ; on dissimulait mieux la
connivence ainsi ; on lui offrait en même temps le moyen de traiter avec
mépris ma campagne antimaçonnique, comme si elle était une exploitation
commerciale et jusqu’à une escroquerie. Les journaux hostiles, interprétant les
déclarations du docteur Bataille au gré de leur haine, ont été jusqu’à dire que
les souscriptions ouvertes ici constituaient une escroquerie !
Mais, si une partie de la
presse, prenant à son compte et amplifiant encore les mensonges de la Vœlkszeitung,
a montré jusqu’à ce jour un acharnement invraisemblable, j’ai eu la joie de
douces consolations.
[…]
La secte se croyait alors
victorieuse ; la réussite de sa manœuvre l’enivrait et l’enivre. La lettre
du docteur Bataille ayant paru, le feu ayant été mis aux poudres, il n’y avait
plus à cacher qu’un F.˙. de la rue Cadet avait réussi à s’introduire au
Congrès de Trente. Le délégué du Grand Orient de France fit donc son
compte-rendu.
Et voici la planche :
« Mercredi 21 octobre 1896.
Tenue solennelle à 8 heures
et demie très précises.
Grand Orient de France
R.˙. L.˙.
L’Avant-Garde Maçonnique
(Orient de Paris)
Temple : rue Cadet, 16.
Vénérables : F.˙.
René Renoult, 7, rue de Lille.
Secrétaire : F.˙. Paul
Collignon, 85 rue des Martyrs.
Trésorier : F.˙.
Amouroux, 9, place d’Italie.
Adresse de la Loge :
chez le Vénérable.
Ouverture des Travaux.
Compte-rendu du Convent de
1896, par le F.˙. René Renoult, délégué.
Compte-rendu du Congrès
Antimaçonnique de Tente, par le F.˙. Sapor, Orateur.
Clôture des Travaux. »
Ceux qui ne connaissent rien
des choses maçonniques s’étonnent de ma prudence et la trouve excessive ;
je suis ridicule, en étant défiante. Et voici un Congrès antimaçonnique, une
assemblée qui plus que tout autre devait se garder des francs-maçons ; le
règlement disait dans les termes les plus formels qu’on y pourrait avoir accès
qu’en étant personnellement connu d’un des Comités nationaux de l’Union
Antimaçonnique ou en produisant un certificat de bon catholicisme délivré par
un évêque ; on a donc pris toutes les précautions, et pourtant un
franc-maçon est entré. Je dis un, parce qu’on en connaît un,
aujourd’hui, un qui l’a laissé savoir, qui s’en est allègrement vanté.
Oh ! je ne me livre à
aucune critique. Je suis convaincue que, dans les Comités, chacun à fait son
devoir, et l’intrus me paraît n’avoir pu passer qu’au moyen de la carte d’un
congressiste complice, celui-ci n’éveillant pas le soupçon et pouvant franchir
l’entrée sans avoir à exhiber sa carte.
Encore ce F.˙. Sapor
n’était-il là que pour surveiller la manœuvre ; mais a-t-on déjà oublié
l’histoire ? Ignore-t-on que la secte, poussant l’art de la dissimulation
au plus haut degré, sait glisser ses affidés partout ? Et je le répète, ce
mot : partout.
Ce n’est pas de Rome que
viennent les sourires moqueurs, au sujet de ma défiance. Là, on n’a pas oublié
le procès Fausti-Venanzi, ce drame d’assassinats et de lâchetés, qui fait
pleurer et frémir.
[…]
Voici d’abord une
falsification d’interview, qui, sans aucun doute, n’est pas une manœuvre
maçonnique. Je cueille ceci dans un journal parisien, dont le catholicisme ne
saurait être contesté : la Vérité, journal de MM. Auguste Roussel
et Arthur Loth.
Sous le titre : S.
Em. le Cardinal Parocchi et Miss Diana Vaughan, ce journal a publié, le 14
novembre, une lettre de Rome, signée « Bertrand de Saint-Georges »,
qui a eu bientôt fait le tour de la presse hostile :
« Rome, 11 novembre.
Dans la discussion sur
l’existence de la fameuse Diana Vaughan, il a été question à plusieurs reprises
d’une lettre que S. Em. le Cardinal Parocchi a adressée à cette prétendue
personne. Voulant éclaircir cette question, je me suis rendu ce matin chez Son
Eminence qui m’a reçu avec la courtoisie et l’amabilité habituelles.
Dès que j’eus formulé ma
demande, le Cardinal me répondit avec un fin sourire:
_
Oui, j’ai écrit
une fois à Miss Diana Vaughan, il y a de cela assez longtemps, et voici en
quelles circonstances. Je trouvai un jour dans mon courrier une lettre
renfermant une somme d’argent, qu’on me priait de remettre à Sa Sainteté pour
le Denier de Saint-Pierre. En même temps, cette lettre me chargeait d’une
commission pour le Pape et l’on me priait d’obtenir la bénédiction apostolique.
Cette lettre était signée de Miss Diana Vaughan. Comme de ce temps-là aucun
soupçon ne planait sur cette personnalité, je me fis un devoir de remettre
l’argent au Saint-Père, et je fis aussi la commission. Je répondis alors par
une lettre courtoise, comme on les écrit dans ce cas ; mais cette lettre
n’est nullement une reconnaissance ni de la personne ni des écrits de Diana
Vaughan. Je ne pouvais soupçonner que par cet acte on voulût me tromper. La
réponse fut expédiée à l’adresse indiquée dans la lettre signée par Diana
Vaughan. »
On voit par là
que les mystificateurs ont voulu jouer le Cardinal et obtenir de lui une lettre
qu’ils présenteraient au public comme une approbation.
Le Cardinal a
bien voulu ajouter que, depuis longtemps, il avait son opinion faite sur les livres
publiés sous le nom de Miss Diana, du Dr Bataille et d’autres ; car il
avait lu des ouvrages bien plus sérieux sur la Franc-Maçonnerie et s’était
défié des fables absurdes qu’on débitait sous le nom de Diana Vaughan.
J’ai demandé à
Son Eminence l’autorisation de publier ces explications, et elle me l’a donnée
sans réserves. »
On va voir,
maintenant, qu’il est matériellement impossible que l’Eminentissime
Cardinal-Vicaire ait pu tenir le langage que lui prête M. Bertrand de
Saint-Georges.
On va voir qu’il
ne s’agissait pas d’une lettre quelconque, d’une de ces lettres banales comme
les Cardinaux en reçoivent tant, et auxquelles, forcément, ils ne prêtent
qu’une très superficielle attention.
Tout ce que S.
E. le Cardinal Parocchi a dû dire à M. Bertrand de Saint-Georges, c’est le fait
de la somme d’argent : tout le reste est fantaisie du reporter ; mais
ceci, il ne l’a pu inventer.
Répugnant à me
glorifier du peu de bien que je puis faire, j’avais couvert d’un voile ce don
qui était l’exécution d’un engagement ; mais aujourd’hui, mes intentions
étant perfidement dénaturées par un journaliste hostile, il est nécessaire que
j’expose la réalité du fait.
Je publierai
donc ma lettre à l’Eminentissime Cardinal-Vicaire, et - intégralement, cette
fois - la réponse
dont il m’honora. Je reproduirai ensuite le compte rendu d’une entrevue d’un
autre journaliste catholique avec S. E. le Cardinal Parocchi à mon sujet, et là
on trouvera la véritable pensée et les véritables dires du Cardinal.
Mes lecteurs
savent que chaque jour de ma Neuvaine Eucharistique se termine par une
aumône. Quand l’ouvrage parut, il me restait deux engagements à remplir.
C’est pourquoi j’écrivis la
lettre suivante :
« A Son Eminence le
Cardinal Parocchi, Cardinal-Vicaire, à Rome.
Eminence,
Je vous prie de vouloir bien
agréer l’exemplaire de la Neuvaine Eucharistique que je vous envoie en
même temps que cette lettre. Un autre exemplaire relié est destiné à Votre
Eminence ; malheureusement, à cause de la reliure, il n’est pas encore
prêt, et je n’ai pas voulu remettre à plus tard ma respectueuse communication
de cet opuscule.
Votre Eminence remarquera
que deux jours de cette Neuvaine se terminent par ces offrandes : le
septième jour (page 114), application d’une aumône à une œuvre antimaçonnique
et le neuvième jour (page 142), offrande au Denier de Saint-Pierre.
En acquit de ces deux
promesses, j’ai donc l’honneur de transmettre à Votre Eminence la somme de 500
francs. En effet, j’ai appris par les journaux que Votre Eminence a la
présidence de la commission centrale constituée à Rome pour organiser un
Congrès antimaçonnique international qui doit avoir lieu au prochain printemps.
Je verse donc, par votre intermédiaire 250 francs à l’œuvre d’organisation de
ce Congrès, et je pris respectueusement Votre Eminence de vouloir bien verser
pour moi l’autre moitié de mon envoi au Trésorier du Denier de Saint-Pierre.
Je me recommande
humblement aux bonnes prières de Votre Eminence. Quand le danger sera passé
pour moi et alors que je pourrai quitter quelque temps ma retraite, je compte
venir à Rome incognito et prier Votre Eminence de me faire l’honneur de me
recevoir. Ce jour-là, une fois rendue à Rome, je vous ferai tenir une
lettre vous demandant audience privée dans le plus grand secret et signée d’un
nom d’emprunt pour assurer ma sécurité : la confrontation des écritures
vous donnera alors la preuve de mon identité, nonobstant toutes explications
que Votre Eminence pourra me demander au cours de cette audience.
Daigne Votre Eminence
accueillir avec faveur ce petit livre écrit en vue de la réparation de tant de
crimes, et ne pas oublier dans ses prières la plus indigne des indignes.
Qui se dit,
de Votre Eminence,
la très humble servante en
Jésus, Marie, Joseph.
Diana Vaughan. »
Voici la réponse de l’Eminentissime
Cardinal-Vicaire:
« Rome, le 16 décembre
1895.
Mademoiselle
et chère Fille en N.-S.,
C’est avec une vive mais
bien douce émotion que j’ai reçu votre bonne lettre du 29 novembre, avec l’exemplaire
de la Neuvaine Eucharistique. Tout d’abord, je vous accuse réception de
la somme de 500 francs que vous m’avez envoyée, dont 250 seront appliqués,
selon vos intentions, à l’œuvre d’organisation du prochain Congrès
antimaçonnique. Je me suis fait un plaisir de remettre l’autre moitié entre les
mains de Sa Sainteté, pour le Denier de Saint-Pierre. Elle m’a chargé de vous
en remercier et de vous envoyer, de sa part, une bénédiction toute spéciale.
De ces deux sommes, je vous
envoie ci-joint le reçu relatif à l’Union ; car de l’autre, consignée
directement au Saint-Père, on ne donne pas reçu.
Vous me faites espérer une
visite à Rome, lorsque les circonstances vous permettront de quitter votre
retraite. Je fais des vœux pour que ces circonstances ne se fassent pas trop
attendre. C’est avec le plus grand bonheur que je vous recevrai. Depuis
longtemps, mes sympathies vous sont acquises. Votre conversion est un des plus
magnifiques triomphes de la grâce que je connaisse. Je lis, en ce moment, vos Mémoires
qui sont d’un intérêt palpitant. Je serai donc grandement consolé de pouvoir
vous bénir et vous encourager dans le chemin de la vérité dans lequel vous
venez d’entrer.
En attendant, croyez que je
ne vous oublierai pas dans mes prières, au Saint-Sacrifice spécialement. De
votre côté, ne cessez pas de remercier Notre-Seigneur Jésus-Christ de la grande
miséricorde dont il a usé envers vous et du témoignage éclatant d’amour qu’il
vous a donné.
Maintenant, agréez ma
bénédiction et me croyez
tout vôtre dans le Cœur de
Jésus.
L. M., Card. Vicaire. »
A cette lettre était joint
le reçu de l’Union Antimaçonnique, sur papier à en-tête du Comité central
Exécutif de Rome :
« Ricevute dalle mani
di Sua Eminenza Rma il Sig Cardinale Lucido Mario Parocchi, Vicario Generale di
Sua Santità Leone XIII, lire duecento-cinquanto, inviate dalla Signorina Diana
Vaughan a titolo di offerta al Comitato Centrale Esecutivo del 1° Congresso
Antimassonico Internationale.
Roma, 9 dicembre 1895.
Il Tesoriere Generale:
Pacifico Brattini. »
Sans le faux compte rendu d’interview
de M. Bertrand de Saint-Georges, je n’aurais jamais publié ces documents. Je
me suis résignée à cette production, parce que je ne puis pas tolérer qu’un
journaliste, dans un but des plus méchants, ait osé travestir la vérité comme
il l’a fait.
Il résulte de ces documents
que je remplissais un devoir de conscience, en toute simplicité, lorsque
j’écrivis à S. E. le Cardinal Parocchi ; que je ne sollicitais aucunement
la Bénédiction pontificale, non que je n’en fasse pas grand cas, mais parce que
je m’en crois indigne, très indigne ; que cette Bénédiction m’a été
spontanément envoyée, et j’en fus dans un indicible bonheur ; que cette
marque de sympathie du meilleur des Pères est distincte du remerciement d’une
offrande, d’ailleurs fort modeste, et le reste de la réponse de l’Eminentissime
Cardinal-Vicaire ne laisse pas douter que cette précieuse Bénédiction
s’adressait, non à la donatrice, mais à la convertie ; que je n’étais pas,
aux yeux de S. Em. le Cardinal Parocchi, une correspondante de hasard, mais
qu’il me suivait depuis longtemps dans mes faits et gestes. Mes Mémoires,
auxquels le Cardinal prenait grand intérêt, avaient alors cinq fascicules
publiés, en dehors des trois fascicules du Palladium Régénéré et Libre ;
et avant le Palladium, il n’ignorait pas ma campagne contre Lemmi -
le monde entier
l’ayant connue -, et je ne me lasserai pas de répéter, au sujet de cette campagne, qui
est un fait historique, un événement en divers épisodes ayant duré plusieurs
mois:
« Si ce n’est pas moi
qui ai accompli ces choses, qui est-ce donc? »
C’est parce que
ma personnalité est historiquement établie, que l’Eminentissime
Cardinal-Vicaire accueillit avec joie l’offre de ma visite, en voyage secret à
Rome, aussitôt que la fureur de la secte se serait un peu calmée. Mon volume
sur Crispi, par sa seule annonce, n’était pas pour assoupir les colères ;
on le comprit bien ainsi à Rome, et je ne reçus aucun avis me pressant de
réaliser cette promesse ; au contraire, j’ai toujours été invitée de Rome
à la prudence, et, quand je publiai ce que je savais sur l’assassinat du comte
Luigi Ferrari, la Rivista Antimassonica, organe officiel du Conseil
directif général de l’Union Antimaçonnique universelle, reproduit in extenso
mes révélations, en déclarant qu’elles concordaient avec les renseignements que
l’on avait recueillis en dehors de moi.
Mais ce volume
sur Crispi était nécessaire, dût-il redoubler les fureurs de la Maçonnerie. Et,
après qu’il parut, c’est-à-dire avant le Congrès de Trente, un important
religieux de Rome vint à Paris, chargé d’une communication verbale qu’il tenait
de la bouche de S. E. le Cardinal Parocchi, et cette communication, destinée à
m’être transmise par les voies de sûreté que j’ai adoptées et dont la secte
enrage, comprenait de nouveaux conseils de prudence.
« Que
Mademoiselle Vaughan laisse les colères sectaires s’apaiser ; qu’elle
prenne son temps ; qu’elle juge elle-même du moment opportun. Le
Cardinal-Vicaire la recevra, dans les conditions qu’elle a proposées, et
personne, même au Vicariat, ne saura que c’est elle qui a été reçue. »
Voilà ce qui m’a
été transmis, et la personne qui a eu cette communication ne m’a jamais
trompée. Si la presse hostile contestait ce fait, je publierais les noms et le
reste de la communication ; car on me recommanda autre chose encore.
Et mon intention
était de me rendre à Rome entre la fin de mes Mémoires et mon entrée au
couvent. Mais voilà un voyage assez compromis par tout le tapage de ces
derniers temps. Il est vrai qu’une autre combinaison sera possible, dès que le
calme sera revenu. Je regrette, néanmoins, que M. Bertrand de Saint-Georges
m’ait mise dans la nécessité de publier intégralement mon échange de lettres
avec l’Eminentissime Cardinal-Vicaire ; mais, si j’en avais omis une seule
phrase, on n’eût pas manqué de dire que je cachais précisément ce qui ruinait
ma démonstration.
Or, non plus,
qu’on ne dise pas que je viens de donner purement et simplement l’opinion de S.
E. le Cardinal Parocchi avant le Congrès de Trente et que son opinion, après les
incidents du Congrès, est celle que M. Bertrand de Saint-Georges lui a prêtée.
La production des lettres qu’on vient de lire est une preuve matérielle de la
falsification de l’interview ; il suffit de comparer ces lettres et le
récit du journaliste pour constater que le Cardinal-Vicaire a eu ses paroles
dénaturées.
Pour quiconque
s’est tenu au courant des faits maçonniques depuis quelques années, il est hors
de doute que le complot dont nous voyons aujourd’hui les résultats émane de la
secte. J’en ai fait la démonstration dans le 14e fascicule de mes Mémoires.
Ce ne sont pas des phrases que j’ai apportées au débat, ce sont des faits
précis ; mes défis de démentir n’ont pas été relevés par les intéressés,
car ils ne pouvaient pas l’être : j’étais certaine de ce que j’avançais.
Même, j’aurais
pu aller plus loin sur quelques points ; il m’était, par exemple, facile
d’établir que, dans la connivence du Dr Bataille avec la Koelnische
Volkszeitung, il y avait eu, de la part de ce journal, un « coup de
librairie », voulu et combiné par l’éditeur-propriétaire, heureux des
déclarations du traître. Cet éditeur, qui n’a pas hésité à troubler les
consciences catholiques pour la joie de faire retentir le monde entier du nom
de son journal, a assumé une grave responsabilité. Mais quelle mauvaise action
il a commise ! Et lui, moins que personne, il ne peut nier ce que j’ai
écrit ; et il a conscience, le malheureux, de la déloyauté de sa conduite,
attendu qu’il me suffirait de dire un mot en neuf lettres pour prouver devant
le public qu’il a joué une honteuse comédie. Je l’épargne en vertu de la même
raison qui m’a fait maintenir dans ces pages le nom « docteur
Bataille » ; je ne veux voir que les faits qui intéressent
directement le public, et je laisse ici de côté les questions de famille.
Mais, si le
complot lui-même est maçonnique, il n’en est pas moins vrai que des
journalistes catholiques s’en sont faits les instruments. Et pourquoi ?...
Pour complaire à la secte ? Non ; loin de moi cette pensée !...
Ils ont cru le mensonge que la Maçonnerie soufflait, et, ne connaissant pas le
premier mot de la question, ils n’ont voulu rien examiner. Tranchons net :
pour ces catholiques, d’un parti pris qui est complète cécité, la question
Diana Vaughan est devenue la question Léo Taxil.
C’est là tout le
secret de cet acharnement sans exemple ; il n’y en a pas d’autre. M. Léo
Taxil a le malheur d’être cordialement détesté de la grande majorité de ses
confrères.
Il fut un grand
coupable. Il appartient à une famille des plus catholiques ; il reçut la
meilleure éducation chrétienne ; il vécut ses premières années en pieux
enfant de 1’Eglise. Puis, pris tout à coup d’une sorte de frénésie diabolique,
à la suite de fréquentations d’athées, il devint non pas un de ces impies qui
ne perdent qu’eux-mêmes, mais un acharné ennemi de la religion, un enragé persécuteur,
un fanatique propagandiste du mal, un voleur d’âmes.
Un jour, cependant, il se
convertit. Le Pape le reçut et prononça l’absolution. Par une lettre publique,
il avait désavoué ses mauvais écrits anticléricaux, et, quoiqu’on en dise, ils ne furent
jamais réimprimés. Mais, au bout de quelques années, beaucoup jugèrent que le
Pape avait été trop indulgent, et une hostilité sourde se forma contre M. Léo
Taxil, comme un feu qui couve sous la cendre, comme une lave qui bouillonne et
s’augmente sans cesse au fond du volcan, plus ou moins silencieuse jusqu’au
jour de l’éruption.
J’ai recherché quelles
pouvaient être les causes de cette hostilité ; j’ai étudié, et je crois
qu’une des principales causes est la désapprobation publique de la campagne
antisémitique de M. Drumont. En France, en effet, presque tous les catholiques
militants sont antisémites. Il y a, sans doute, d’autres motifs de cette
animosité latente, qui ne demandait qu’à éclater ; mais ils me paraissent
très secondaires. Le jour où M. Léo Taxil se sépara avec éclat de M. Drumont,
en réprouvant ce qu’il appelait des violences dangereuses, il se mit à dos une
immense multitude de catholiques français. Avait-il raison ou tort ? Ce
n’est point ici ni aujourd’hui qu’il conviendrait de répondre à cette question[101] ;
d’ailleurs, je ne juge pas, je constate.
Je constate le fait, et je
n’hésite pas à dire que cette constatation est une question de chronologie pure
et simple.
Jamais, avant cette époque,
personne n’avait insinué que M. Léo Taxil était un faux converti et qu’il
réimprimait ou faisait réimprimer ses anciens ouvrages impies.
On me l’a écrit, en me
conseillant « de me tenir en garde contre cet homme qui mange à deux
râteliers » (sic). Je me suis livrée à une enquête des plus
sérieuses ; elle m’a prouvé que c’était là une noire calomnie, ne reposant
sur rien, absolument sur rien. Parmi les mauvais livres de M. Taxil, il en est
qui eurent un énorme succès ; je les ai fait rechercher, non pour les
lire, mais pour avoir le cœur net de cette accusation : ce sont précisément
ceux-là qui sont introuvables ; les autres se rencontrent, m’a-t-on
assuré, par-ci par-là, chez les bouquinistes, sur les quais, vieux exemplaires
provenant de ventes particulières après décès, ou soldes d’anciens libraires
qui furent clients de la librairie dite anticléricale. Et cette librairie,
qu’on m’a écrit être gérée à cette heure encore par Mme Taxil, n’existe plus
depuis octobre 1885. J’ai vérifié très minutieusement ; car j’ai horreur
des Janus.
Il n’y a pas
erreur chez ceux qui colportent ces faux bruits ; il y a complète mauvaise
foi. Le quiproquo n’est pas possible. J’ai vu le catalogue de cette librairie
anticléricale : il comporte une soixantaine d’ouvrages, parmi lesquels
ceux de M. Léo Taxil, au nombre d’une vingtaine, figurent à part, d’une façon
tellement distincte qu’elle ne permet aucune méprise. Eh bien, il est certain
que, par le fait de la fermeture de cette librairie, les autres auteurs qui y
furent édités et qui ne se convertirent point, reprirent leur droit -
je parle dans
le sens commercial - et ne se firent pas faute de porter leurs mauvais
livres chez d’autres éditeurs. Or, lorsqu’une de ces réimpressions se produit,
la malveillance ne manque pas de l’attribuer à M. Taxil, quoique l’auteur soit
tout autre que lui. Il y a donc parti pris et mauvaise foi, puisqu’il est
impossible de s’y méprendre.
Quand je sus
bien exactement à quoi m’en tenir, j’écrivis à M. Léo Taxil à ce sujet. il me
répondit: « Si j’étais tel qu’on me représente, rien ne me serait plus
facile que de réimprimer mes anciens ouvrages anticléricaux, tout en
paraissant innocent de cette réédition. Une proposition de ce genre m’a été
faite. On m’a offert de m’entendre avec un libraire étranger, qui ne mettrait
pas son nom sur les couvertures et qui ferait imprimer en Suisse ou en Belgique
où le nom de l’imprimeur n’est pas obligatoire. La marchandise serait
introduite en France par des colporteurs qui en feraient le placement
directement chez les libraires ; l’entrée en douane et la vente seraient
régulières, attendu que la couverture porterait : Edition de Bruxelles,
sans autre indication ; et de cette façon tous mes anciens ouvrages
épuisés pourraient se réimprimer et se vendre. Si, en présence de cette
avalanche, quelque journal catholique s’indignait, je n’aurais qu’à répondre
hypocritement que je n’y puis rien ; car, comment poursuivre chaque petit
libraire en particulier ? le total des frais à faire contre chacun serait
incalculable et au-dessus de la valeur des exemplaires à saisir, puisque la
saisie n’aurait pour objet que de faire mettre cette marchandise au pilon, et
les petits libraires détaillants ne seraient guère condamnés qu’à l’abandon de
leurs exemplaires à mon profit, puisqu’ils pourraient exciper de leur bonne
foi ; en tout cas, dans chaque procès, les honoraires de mon avocat
dépasseraient toujours de beaucoup la faible somme allouée, si une indemnité
m’était accordé pour le préjudice moral. Voilà la réponse toute trouvée, en
déclarant, d’un ton navré, que l’éditeur et l’imprimeur belges ou suisses sont
introuvables ; et, tout en simulant un grand désespoir de ne pouvoir
empêcher un pareil scandale, j’encaisserais en secret mes droits d’auteur chez
l’éditeur, mon complice. Ceci m’ayant été proposé, voilà ce que je pourrais
faire, si j’étais un faux converti, ne croyant ni au ciel ni à l’enfer. »
On voit par là combien ces
accusations sont mal fondées. Il est à remarquer que personne ne vient dire:
« Voilà un
des ouvrages impies de M. Léo Taxil, tout frais réimprimé ; je viens de
l’acheter dans telle librairie. » Non! On se contente de dire, d’un air
très entendu, comme si l’on était sûr du fait: « Vous savez ? Taxil,
quel misérable hypocrite ! Il fait réimprimer en secret ses livres
anticléricaux, et c’est sa femme qui les vend ! »
[…]
La campagne contre
l’existence même de Diana Vaughan est uniquement d’inspiration
maçonnique ; S. E. le Cardinal Parocchi s’est exprimé avec une
merveilleuse sagesse à ce sujet, quand il parla à M. Tardivel. Mais la campagne
spéciale contre M. Léo Taxil est surtout une question de violente hostilité de
la part de ses confrères catholiques français. La lave bouillonnait depuis
longtemps ; les acclamations du Congrès de Trente ont déterminé
l’éruption.
Le but, le
voici : c’est de tuer moralement cet homme, quel que soit le verdict que
rendra la commission romaine. » […]
« J’ajoute :
si l’on adoptait la théorie du R. P. Portalié, il faudrait aller très loin, et
l’on aboutirait bien vite aux conclusions des sceptiques qui déclarent que les
exorcisations ne sont que des comédies. Qu’une possédée, interrogée en latin ou
en grec par un exorciste, réponde en mauvais latin ou en mauvais grec, commette
des fautes contre la syntaxe ; et ils sont nombreux les procès-verbaux
d’exorcismes où le diable ne se montre pas académicien ; faudra-t-il dire
qu’il y a eu supercherie, lors même que le procès-verbal d’exorcisme constate
l’expulsion finale du démon ?
Le R. P.
Portalié s’est donc tout à fait écarté de la question. Bien mieux, dans le cas
qui nous occupe ici, il ne s’agit même pas de savoir si Bitru s’est réellement
manifesté le 18 octobre 1883 à Rome, pour proclamer que Mlle Walder mettrait au
monde, le 29 septembre 1896, une fille qui serait la grand-mère de
l’Anti-Christ ; il s’agit d’examiner si les Palladistes n’ont pas employé
tous les moyens pour accréditer cette légende apadnique.
Ici encore, que l’on
ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas. Je n’enseigne en aucune façon que
l’accouchement annoncé dans les Parfaits Triangles a réellement eu lieu. Vrai
ou simulé, peu importe. Le fait exact est celui-ci : depuis le 29
septembre 1896, le Palladisme élève un enfant du sexe féminin, que l’on affirme
avoir reçu le jour à Jérusalem, que l’on affirme être l’enfant de Sophia-Sapho.
Or, longtemps
avant la campagne de presse contre les révélations sur le Palladisme, et, par
conséquent, antérieurement à la prétendue réalisation de la prophétie
diabolique, j’ai été interrogé sur ce que je pouvais savoir à ce sujet ;
plusieurs personnes pourraient attester ce que je répondis. En outre, dès 1895,
mes amis ont révélé la mission remplie par un groupe de hauts-maçons
américains, venus en cette année-là à Jérusalem dans le but de s’entendre avec
les Palladistes de Terre-Sainte au sujet de l’important événement ; ces
FF.˙. américains se firent photographier en groupe, mêlés à plusieurs
maçons de Jérusalem, notamment l’hôtelier Howard, vénérable d’une Loge de cette
ville, et la photographie fut prise à dessein en un des endroits désignés pour
célébrer la venue de Mlle Walder. Toujours à l’affût de documents et avec cette
habileté qu’il faut bien lui reconnaître et dont la secte enrage, M. de la Rive
réussit, à cette époque même, à se procurer un des exemplaires de la précieuse
photographie. Voilà un fait connu des anti-maçons érudits qui se tinrent au
courant de la question. »
[…]
« Etrange
mutisme. M. Eugène Veuillot garde un complet silence sur ce que j’ai révélé au
sujet de son rédacteur romain ; voir, notamment le fascicule n° 18, pages
548-549. Le grand architecte de l’Univers est gêné de ce que j’ai montré
le franc-maçon qui se cache derrière les mystérieuses trois étoiles, signature
des correspondances de Rome, publiées par le journal de la rue Cassette.
Il faudrait
pourtant répondre, vous, le monsieur qui sommez si bien les autres de
s’expliquer !… J’ai dit et répète que votre rédacteur romain n’est autre
que le F.˙. Jean-Baptiste Vuillaume, l’agent-principal de la maçonnique
Agence Stéfani, notoirement acquise à Nathan et à Lemmi. Votre rédacteur romain
écrit les lettres, qu’il vous envoie, dans l’officine même dont le directeur
est un juif franc-maçon et dont le sous-directeur, franc-maçon comme ses deux
compères, est en outre un prêtre apostat, l’ex-abbé Casalegno. Voilà d’où
sortent vos correspondances de Rome, M. Eugène Veuillot. Je mets les points sur
les i, et vous n’osez pas démentir ; car vous pouvez tromper vos lecteurs
français, mais vous savez bien que personne de Rome ne démentira ce que j’écris
là et qui est de notoriété publique dans la Ville-Sainte.
La Vérité,
de Paris, n’ose pas nier non plus, quand j’arrache le masque de son correspondant
romain, le soi-disant Bertrand de Saint-Georges. Je vais mieux préciser encore.
Ce pseudo Bertrand se nomme, en réalité, Joseph Vetter ; il est de
Molsheim (Alsace) ; il n’a jamais opté pour la France, il ne s’est jamais
fait naturaliser français ; en toute occasion, il se vante d’être
allemand.
Est-il
franc-maçon, comme son collègue Vuillaume ? C’est plus que probable. Il
est familier de l’apostat Casalegno ; ses relations amicales avec les
maçons les plus forcenés sont notoires à Rome. Entre autres, il fréquente
intimement le comte Antonio Mastaï-Ferretti, petit-neveu dégénéré de Pie IX,
lequel est un F.˙. avéré et qui publie contre la Vatican un pamphlet
hebdomadaire d’une rare violence, intitulé l’Intransigente.
En même temps
que, sous le faux-nom de Bertrand de Saint-Georges, il collabore à la Vérité,
de Paris, M. Joseph Vetter est le correspondant de l’Indépendance Belge,
de Bruxelles, - qui n’est précisément pas un journal catholique,
n’est-ce-pas ?
M. Auguste
Roussel voudrait-il avoir la bonté de dire à ses lecteurs si ce que j’avance au
sujet de son correspondant romain n’est pas rigoureusement exact ? »
[…]
« Si l’on
ignore le lieu de naissance de Paul Rosen, par contre tout le monde le sait
juif. Il est juif, et l’on dit même qu’il a été rabbin. Il ne cache pas son
origine israélite, pas plus qu’il ne cache son maçonnisme. Mais il est
converti ! M. Nemours-Godré l’affirme et s’honore de son amitié.
D’ailleurs, Paul
Rosen à un répondant de premier ordre : le R. P. Lescœur, supérieur général
des Oratoriens. La date de la conversion ? Nul de ses amis catholiques ne
peut le dire au juste ; elle se perd, sans doute, dans le nuit des temps.
« M. Rosen est un vieux converti, il y a longtemps et bien longtemps que
nous le connaissons comme catholique » ; tel est le seul
renseignement qu’il est possible d’obtenir. Il est vague ! Mais on nous
donnera la date précise après le 19 avril, n’est-ce-pas ?
Paul Rosen
est dans les meilleurs termes avec le Cardinal Rampolla.[102]
Il montre volontiers des lettres de l’Eminentissime Secrétaire d’Etat du
Saint-Siège. C’est à cette haute protection qu’il doit la Bénédiction
Apostolique qui s’étale à la première page de son volume L’Ennemie Sociale.
[…]
Ce livre avait
été imprimé pour la forme, dans le but d’obtenir, par le Cardinal Rampolla, la
bénédiction officielle de Léon XIII ; il fut tiré à très peu
d’exemplaires, et il en arrêta bientôt la vente. Dès lors, l’ouvrage fut
introuvable ; Rosen se garda bien d’autoriser son éditeur à le réimprimer.
Son but était atteint ;
l’élogieuse approbation du Pape devenait la clef qui lui ouvrait partout les
portes des catholiques ; cela lui suffisait.
Et nous le
voyons alors, pendant sept ans, promenant partout le plan d’un ouvrage, les Kadosch-Kadoschin,
qu’il devait toujours faire incessamment paraître, et qui ne parut jamais. Bon
prétexte pour entrer en conversation et combattre par la parole les révélations
désagréables à la secte. Il va, il vient, il est constamment en voyage, en
France, en Belgique, en Allemagne, en Hollande, en Italie. Qui payait les frais
de ces continuelles pérégrinations ? Mystère.
Cependant, un
jour, il se laissa prendre encore une fois la main dans le sac.
Une lettre qui
lui avait été adressée de Rome fut vue, ayant été prêtée par lui à un de ses amis,
M. Georges Bois. En substance, cette lettre disait : « T.˙.
C.˙. F.˙. Paul Rosen, vous pouvez affirmer que le nom d’un F.˙.
Cresponi ne figure pas sur les registres du Sup.˙. Cons.˙.
d’Italie. » M. Georges Bois montra cette lettre à M. l’abbé de Bessonies,
qui ne put s’empêcher de faire remarquer combien il était étrange qu’un maçon
italien écrivit à Paul Rosen en l’appelant son Très Cher Frère, trois
ans après la Bénédiction Apostolique ; car cette lettre est de 1893. Et
quel était ce maçon qui entretenait correspondance avec Rosen ? M. l’abbé
de Bessonies a retenu le nom et l’a dit à nos amis. Cette lettre était signée Ulisse
Bacci. Or, Ulisse Bacci est le secrétaire particulier de Lemmi !…
Décidément, Paul
Rosen n’a pas de chance avec les lettres. » […]
« La Chaîne d’Union on le sait,
n’avoua jamais le Palladisme ; mais elle publia parfois des notes d’Albert
Pike, qui renseignaient les parfaits initiés sachant lire entre les lignes.
Ainsi, la Masonic Veteran Association, du temps de Pike, servait de couverture
au Sérénissime Grand Collège des Maçons Emérites.
Voici, par
exemple, ce qu’on lit dans la Chaîne d’Union, n° de septembre 1888, page
372 :
« Masonic
Veteran Association of the district of Colombia. – Sous ce titre, un groupe de
Maçons distingués des Etats-Unis d’Amérique a réuni tous les documents
essentiels relatifs à l’Association fondée par eux à Washington, en 1879. A la
suite de l’initiative prise par le F.˙. Albert Pike, un Comité composé des
FF.˙. Albert G. Mackey, Frédérick Webber, William W. Upton, Josiaph Essex,
Robert F. Crowell, Thomas L. Tullock, Goldsboroug Bruff, William M. Ireland et
Richard W. Thompson, s’est occupé de constituer une Association destinée à
grouper les Maçons émérites et à former une phalange d’élite, sorte de bataillon
sacré de l’Ordre dans le district de Colombie. »
Cette petite
note nous donne donc quelques-uns des noms de ces FF.˙. américains que M.
Georges Bois affirmait carrément être des personnages imaginaires. J’ajoute
qu’il n’y a pas erreur du docteur Bataille dans son indication de Charleston
comme siège. Il s’agit, en effet, du siège officiel, à cause du Sanctum Regnum
et du Suprême Conseil établis dans le ville principale de la Caroline du Sud.
Sauf Chambers, Bates et Walder, habitant Charleston, les autres demeuraient à
Washington (district de Colombie), auprès d’Albert Pike qui y avait son
domicile. Voilà pourquoi ces trois noms manquent à la liste, si astucieusement
donnée par la Chaîne d’Union.
Quant au Bulletin
Officiel du Suprême Conseil de Charleston, il ne traite jamais les
questions de Palladisme dans ses numéros ordinaires ; mais il a
constamment des annexes en nombre varié, et les feuilles supplémentaires
donnant la statistique des Triangles sont supprimées des exemplaires destinés
aux imparfaits initiés. Ceux-ci reçoivent donc un numéro de 200 pages, quand il
s’agit du fascicule semestriel, et les chefs palladistes reçoivent un véritable
volume de 300 et même 400 pages. En feuilletant la collection de la Chaîne
d’Union, on trouve quelquefois la mention de ces fascicules
exceptionnels ; mais le F.˙. Hubert, prudent, donne un simple accusé
de réception (voir entre autres, son n° de septembre 1886, page 390).
Mais voici la Renaissance
Symbolique. Le Comité antimaçonnique de Paris a réussi à s’en procurer une
collection, et il en donne des extraits dans la Franc-Maçonnerie démasquée.
On pense bien que cette revue antimaçonnique, rédigée par des prêtres et des
religieux, n’invente pas ses citations ; son comité de rédaction possède
vraiment cette précieuse collection du journal de Maçonnerie occulte.
Or, dans son n°
de novembre 1896, pages 345 et suivantes, l’organe du Comité antimaçonnique de
Paris reproduit quelques passages de la première des Instructions secrètes
d’Albert Pike (celle du 14 juillet 1889), d’après la Renaissance Symbolique,
et l’on peut lire ceci :
« … Nous,
Maître Expert, Chevalier Rose-Croix, Grand Elu Chevalier Kadosch, en la 33e
année de notre G.˙. Maîtrise, conservatrice du Palladium Sacré ;
Assisté des
T.˙. Ill.˙. et T.˙. Eclairés FF.˙.
Al. Mackey, Fred. Webber, Will. Upton, Josiah Essex, Rob. Crowell, Thom.
Tullock, Philéas Walder, golds. Bruff, Will. Ireland et Rich. Thompson, composant le
Sérénis.˙. Grand Collège. »
Il est inutile
de multiplier les citations ; flagrant est le mensonge de la circulaire
confidentielle Georges Bois. Selon toute évidence, M. Bois s’en rapportait
aveuglément à ce que Rosen lui disait. »
[…]
« Dans l’Ennemie
Sociale, Paul Rosen consacrait plus de cent pages (de la page 316 à la page
424) à attaquer tout particulièrement les francs-maçons italiens ; dans ce
livre, Paul Rosen écrivait :
« Nous
avons tenu à mettre en évidence comment s’opère en France, en Belgique et en
Italie ce satanique travail de déchristianisation, froidement résolu dans les Loges
et hypocritement réalisé sous tous les prétextes, sous toutes les formes, sous
toutes les dénominations et toutes les manières, dans toutes les classes de la
société, travail impie qui compte, parmi ses complices les plus bénévoles, les
victimes désignées et prochaines de cette armée ouvrière que la
Franc-Maçonnerie a fini par dépouiller presque complètement de toute croyance
et de tout sens moral…
Le temps est
venu, pour tous les catholiques, de se reconnaître, de se concerter, de se
liguer, pour une action prompte et énergique, contre cette Ennemie commune,
dont le régime est mortel contre la Société chrétienne. Le temps est venu
d’opposer à la Franc-Maçonnerie, à cette coalition de malfaiteurs publics,
l’association étroite de tous les citoyens amis de leur pays et soucieux, à
juste titre, de leur droit de légitime défense de la Société, etc. »
A quatre
reprises et en le nommant en toutes lettres, Rosen prend à partie le F.˙.
Ulisse Bacci dans ce volume béni par le Pape.
Page 342, après
une charge à fond de train contre Lemmi, il dit : « son lieutenant,
le directeur de la Rivista, renchérit. » En note :
« Déclaration du F.˙. Bacci du 11 février 1890 ».
Page 348, citation du même
F.˙. Bacci, pour dénoncer son rôle dans le dépouillement des Œuvres Pies.
Plus loin, Bacci est
qualifié de criminel. – « Voici la déclaration officielle de guerre
active, criminelle au besoin, agressive toujours. » Ces mots précèdent une
citation du secrétaire de Lemmi. En note : « Rivista,
XXI ; déclaration du F.˙. Ulisse Bacci. »
Il n’y a donc pas d’erreur
(page 389).
Enfin, pages 395-396, une
dernière citation du F.˙. Bacci est précédée des lignes que voici :
« Ces crimes, ces attentats, ces violences, qu’ils cherchent à provoquer,
ne paraissent pas inspirer aux chefs de la Franc-Maçonnerie Italienne une
confiance bien illimitée dans le succès final de leur plan de campagne ;
car ils essaient de raisonner la guerre que la Franc-Maçonnerie fait à la
Papauté. » La note relative à la citation est ainsi conçue : « Déclaration
du F.˙. Ulisse Bacci, grand secrétaire du Grand Orient d’Italie, du 15
octobre 1889 ; Rivista, XX. »
Ainsi, voilà un homme qui,
dans un écrit public, traite de malfaiteur et de criminel le F.˙. Ulisse
Bacci ; et ce même F.˙. Ulisse Bacci, écrivant à cet homme une lettre
particulière, l’appelle : Mon Très Cher Frère Paul Rosen !
La publication de l’Ennemie
Sociale a été une farce ; voilà la vérité. »
Le R. P. Wyndham, supérieur des Oblats de
Saint-Charles à Londres, écrit dans le journal catholique the Tablet, du
20 février 1897 :
Monsieur, j’ai reçu d’Amérique une coupure du
Courier Journal de Louisville (Kentucky U. E. A.) du jeudi matin 14
janvier 1897. Il contient un article dont je vous donne l’entête et (quelques
lignes qui pourront intéresser vos lecteurs. L’article n’est pas signé, et
l’auteur m’en est totalement inconnu.
PALLADISME
Une adoratrice de l’archange déchu. - Bruits
sur les étranges doctrines que miss Vaughan a abandonnées. - Son séjour à
Louisville.
L’article publié récemment dans le Courier
Journal au sujet de Diana Vaughan (qui a habité à Louisville et a quitté
les doctrines du Luciférianisme ou Palladisrne pour embrasser le catholicisme)
a fait grand bruit parmi les habitants de Louisville, qui ne connaissent pas
bien les étranges doctrines des Lucifériens…
Un des principaux palladistes de Louisville
disait hier que 3 000 personnes au moins, à Louisville, croyaient au
Palladisme…
« Il y a 500 000 palladistes dans le
pays, disait-il, et quand le père de Diana Vaughan était ici, le Triangle de
Louisville, les Onze-Sept, était le plus célèbre du monde. Phœbé la
Rose, de New-York, occupait le second rang. Quelques parents de miss
Vaughan vivent encore dans cette ville, mais il ne m’est point permis de les
nommer…
…J’ai connu intimement miss Diana Vaughan
pendant sept ou huit ans, la rencontrant dans les Sociétés secrètes en Europe
et à New-York. J’ai eu mes dernières entrevues avec elle à Louisville-Hôtel
(Louisville) et dans une autre localité de ce même Etat (Kentucky) en I894.
Elle est maintenant en France dans un
couvent. »
L’article est trop long pour être reproduit en
entier et le reste parle des doctrines du Luciférianisme.
Je certifie que les extraits ci-dessus sont
conformes à l’original imprimé dans le Courier Journal.
Francis M. Wyndham.
Sainte-Marie des Anges, Bayswater (London W.)
19 février 1897.
On oppose parfois aux défenseurs de miss
Diana Vaughan les affirmations de M. Domenico Margiotta. Il est donc nécessaire
d’établir, une fois pour toutes, ce que valent ces affirmations. Nous voulons
le faire ici, en toute impartialité, mais en toute vérité, en nous appuyant sur
des faits incontestables et des documents sortis de la plume même de M.
Margiotta.
On verra par là que, dans cette question, M.
Margiotta a varié de la façon la plus étrange et s’est contredit avec une
audace sans égale. Nous estimons, cependant, que de l’examen des faits ressort
évidente l’existence de miss Diana Vaughan.
Prenons les choses dès l’origine.
M. Margiotta, habitant Palmi, avait commencé
à envoyer quelques articles et renseignements à l’auteur du Diable au XIXe
siècle. Il correspondait avec M. Léo Taxil et, dès le 25 août 1893, lui
écrivait la lettre suivante, signée Dr Berty, pseudonyme qu’il avait adopté
pour sa correspondance :
« Mon cher ami,
J’ai reçu, le mois dernier, un paquet
recommandé, le 8e fascicule du Diable, accompagné de toutes les autres
livraisons, pour me faire la collection double que j’avais demandée. Je viens de
recevoir également le 9e fascicule où se trouvent les portraits de Juliette
Lamber et de Diana Vaughan ; ce dernier n’est pas bien réussi.
Ma situation est pénible, et je vous assure
que je voudrais bien m’en aller. Si vous pouviez m’accorder votre fraternelle
protection, j’aurais l’intention de me fixer à Paris ; mais, sans une
position assurée, je ne dois pas quitter ma ville, courir après l’incertain.
Pouvez-vous une trouver une place convenable ? Dans ce cas, nous pourrions
travailler ensemble. Tant que je serai forcé de vivre en Italie, je ne puis pas
bouger ; je ne puis pas me dévoiler, je ne puis rien publier, car le poignard
et le poison de Lemmi et de Pessina et Cie sont à craindre, et, non seulement,
je serais mort moralement, mais la vengeance maç.˙. me poursuivrait
partout. Mais, dans une grande ville comme Paris, ou tout passe inaperçu,
entouré de vous et d’autres amis protecteurs, je n’aurais rien à craindre et je
pourrais défier tous ces coquins et lâches qui s’appellent francs-maçons.
La lettre signée Diana, sur laquelle
vous me consultez, est un document précieux ; je crois qu’elle est
vraiment de Diana Vaughan. »
Première et nette affirmation, non destinée à
être publiée, par laquelle M. Margiotta reconnaît l’existence de miss Vaughan, et
déclare qu’il l’a vue, puisque le portrait n’est pas bien réussi.
L’élection de Lemmi a lieu le 20 septembre de
la même année. Miss Vaughan se met à la tête du parti des mécontents, fait
alliance avec les catholiques pour répandre les preuves de l’indignité du
nouveau Pontife de la Maçonnerie universelle et passe quelques jours en
décembre à l’hôtel Mirabeau, où elle voit quelques antimaçons, d’où elle écrit
à M. de la Rive et au P. Sanna Solaro, puis retourne à Londres. De là, elle
part à la fin de janvier pour Hambourg, Berlin, Genève, Turin, Rome et
Florence, jette sa démission à la tête de Lemmi et organise partout la
résistance contre lui.
C’est peu de temps après que le Suprême Conseil Général de Palerme,
constitué contre Lemmi, sur le rapport de M. Margiotta, décerne à miss Vaughan,
le 8 avril, le titre de Membre d’honneur protecteur. M. Margiotta est chargé
d’expédier le décret de la lettre d’envoi qui l’accompagne ; il y joint la
lettre personnelle suivante :
« A.˙. L.˙. G.˙. D.˙.
G.˙. A.˙. D.˙. L’U.˙.
L.˙. U.˙.
F.˙.
Or.˙. de Palmi,
Le XIe jour du IIe mois,
A.˙. Y.˙.
L.˙. 000894.
Très Chère Sœurs Diana
Vaughan,
Maîtresse Templière Souveraine, Grande
Maîtresse du Parfait Triangle Phébé-la-Rose, déléguée Provinciale de New-York, de
Brooklyn, Membre d’Honneur Protecteur du Sup.˙. Cons.˙. Gr.˙.
Or.˙. de Sicile, à l’Or.˙. de Londres.
J’ai la faveur de vous envoyer, Très Chère
Sœur, par ordre supérieur, le décret qui vous nomme Membre d’Honneur Protecteur
du Suprême Conseil Grand-Orient de Sicile, ainsi que la Balustre
d’accompagnement ci-jointe.
Daignez m’en accuser réception, afin que je
puisse annoncer au Suprême Conseil Général que l’agréable mission qu’il m’a
confiée a été accomplie.
Veuillez bien, Très Chère Sœur, prendre en
considération l’ardent désir du Grand-Orient de Sicile, lequel espère en votre
grand cœur de Parfaite Initiée.
Je suis heureux, Très vaillante Sœur Diana,
d’avoir été choisi par le Suprême Conseil Général de Palerme pour faire les
démarches auprès de vous et du légitime successeur de notre regretté F.˙.
le Puissant Général Albert Pike, résidant au Sanctum Regnum de Charleston, afin
que la Fédération maçonnique italienne soit reconnue comme Puissance Maçonnique
régulière pour la juridiction de l’Italie et de ses colonies.
Cet acte rendra furieux l’intrus du P. B.,
l’usurpateur du Souverain Pontificat de la F. M. V., que nous tous travaillons
à démolir, car il ne mérite pas d’occuper le Saint-Siège de notre Dieu de
lumière.
Je suis en train de faire un volume contre
Simon, contre l’indigne qui a divinisé le vol, en imposant aux Grands Triangles
le non d’un voleur, Barabbas, et je prie chaleureusement, Très Chère Sœur,
votre bon cœur de vouloir bien m’envoyer quelques renseignements, afin que mon
volume soit bien documenté.
Dans l’attente d’un mot de vous, Très Chère
et gracieuse Sœur, je suis, par les serments qui nous unissent,
Très Chère Sœur Diana,
Votre affectionné Frère,
D. Margiotta 33.˙. 90.˙.
95.˙. »
Dans son volume sur Adriano Lemmi, M.
Margiotta a publié avec le fac-similé de la lettre de Militello et du décret,
la photographie de l’enveloppe de sa lettre avec les cachets de la poste, que
miss Vaughan voulut bien plus tard lui envoyer sur sa demande. Nouvelle preuve,
et irréfutable celle-là, de sa croyance à l’existence de miss Vaughan comme
haute-maçonne. Preuve aussi d’ailleurs pour tous les esprits non prévenus.
Ce que M. Margiotta ne disait pas dans sa lettre à miss Vaughan, c’est
qu’il avait été à Rome un mois auparavant et avait abjuré devant le Saint Office.
Il a prétendu, plus tard, qu’on l’avait autorisé à ne faire savoir publiquement
sa conversion qu’au moment qu’il jugerait le plus opportun. C’est possible,
mais cela ne lui donnait pas le droit de s’exprimer en vrai palladiste, comme
il le fait dans cette lettre.
Pour nous, et nous croyons être dans le vrai,
M. Margiotta jouait double jeu. D’une part, il parlait à M. Taxil de sa
conversion et s’entendait avec lui pour préparer le livre qu’il voulait écrire.
Aux conseils qu’il demandait, M. Taxil répondait le 31 mars : « Le
volume que je vous conseille de faire aura un grand retentissement et je me
charge d’y collaborer en le rendant des plus intéressants au moyen de
documents. Mettez-vous bien dans la tête que c’est du neuf qu’il faut au public.
Il ne faut rien négliger pour avoir un gros succès. » De l’autre, il
agissait à Palerme, et voici l’explication de sa conduite : M. Margiotta
pousse le Suprême Conseil de Palerme à décerner à miss Vaughan le titre de
Membre d’honneur, rédige le rapport et se fait charger de l’envoi, le tout pour
appuyer auprès de miss Vaughan sa demande de documents sur Lemmi.
Le plan d’ailleurs lui réussit.
Au mois de juin, M. Margiotta arriva à Paris,
et aussitôt il se mit en rapport avec les principaux antimaçons. Là, plusieurs
fois et en présence de témoins, il nous dit connaître miss Diana Vaughan qu’il
avait vue à Naples ; il déclara parfaitement la reconnaître dans le
portrait publié par M. de la Rive dans La femme et l’enfant et nous fit
de miss Vaughan des éloges dont peuvent donner une idée les pages qu’il lui a
consacrées dans son volume sur Lemmi (p. 253 et suiv.). Ce qu’il a écrit en
tête de ces pages nous a été dit et redit par lui en présence de M. Taxil, mais
aussi en son absence et jamais à ce moment il n’exprima la moindre
hésitation et ne révéla la plus petite contrainte exercée sur lui.
« Dans le nombre des écrivains antimaçons
qui ont consacré des pages élogieuses à miss Vaughan, écrit-il, tout en la plaignant
de son erreur, il faut citer au premier rang M. A. C. de la Rive, qui a
longuement parlé d’elle. Il a publié son portrait très ressemblant dans le
livre La femme et l’enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle. Mais il
m’appartient aussi de rendre hommage à cette vaillante femme si noble de cœur,
car nous avons fait ensemble la campagne contre Lemmi, et son amitié, dont elle
m’honore, est pour moi des plus précieuses. »
Aussi personne d’entre nous ne fut-il étonné
de lui voir mettre dans son volume, à la suite de sa démission maçonnique, une
lettre à miss Vaughan.
En voici quelques extraits :
« A miss Diana Vaughan
Ex-Grande Maîtresse du Parfait Triangle
Phébé- la-Rose de New-York.
Ma chère amie,
Dès que vous avez levé l’étendard de la
révolte avec Palacios et Graveson, les maçons italiens antilemmistes ont
constitué une Fédération Nationale des Loges Indépendantes, avec Suprême
Conseil général à Palerme, et nous avons répandu dans toute la péninsule - moi
personnellement, autant qu’il m’a été possible - la Voûte de Protestation du
Comité permanent de Londres, ce document si vibrant d’indignation et si
flétrissant pour l’intrus du palais Borghèse.
[…] Quelle allégresse vous donneriez à toutes
les pieuses âmes qui prient pour vous, qui ont prié pour moi et à qui je dois
l’inoubliable bienfait de ma conversion.
De tout cœur, je vous souhaite, ma bonne et
chère amie, que le vrai Dieu, par vous et par moi ensemble si longtemps
méconnu, daigne faire briller devant vos yeux la lumière pure et éblouissante
de la vérité. Et, dans ce doux espoir, je vous serre bien cordialement la main,
vous priant d’agréer une accolade fraternelle, non plus l’accolade maçonnique,
mais celle qui unit tous les humains à notre divin Maître.
Votre ami sincère et ancien F.˙.,
Professeur Domenico Margiotta. »
On sait le bruit que fit le volume de M.
Margiotta. Lemmi protesta pour la forme, mais se garda bien d’intenter le
procès auquel on le provoquait. Il ne savait que trop, comme M. Goblet
d’Alviella, que miss Vaughan était derrière M. Margiotta. Celui-ci avait porté,
au mois de septembre, un défi au franc-maçon belge en lui annonçant la présence
d’une personne qui lui causerait plus de surprise que de plaisir. Aussi
était-ce avec la plus grande sécurité que M. Margiotta écrivait dans le Peuple
français du 6 novembre :
« Lemmi sait trop bien que les documents
que j’ai publiés en photogravure sont authentiques, et que miss Diana Vaughan,
qui en possède les originaux, avec d’autres plus importants, les produirait
devant le tribunal s’il osait faire appel à la justice. »
Quatre jours après, M. Margiotta écrivait à
miss Vaughan une lettre dans laquelle il lui disait :
« Vous êtes injuste d’être fâchée contre
moi, ma chère amie. Lorsque j’aurai l’honneur de vous revoir ou de vous écrire directement
avec ordre d’éviter les intermédiaires, vous me remercierez de vous avoir mise
au courant de la question et vous serez contente de comprendre tout. »
A cette lettre, miss Vaughan répondit. Ici,
nous avons un témoin. M. l’abbé de Bessonies a, en effet, écrit ce qui suit à
miss Vaughan, et cela a été publié dans la brochure Miss D. Vaughan et M.
Margiotta.
« Je puis confirmer par un détail
curieux ce que vous dites de la lettre reçue par vous à Naples. Chez moi, peu
après le tremblement de terre de Palmi, M. Margiotta se plaignit vivement de
n’avoir pu, jusque-là, correspondre directement avec vous. Il venait, cependant
d’obtenir de le faire, mais pour une seule fois, et me montra votre lettre,
datée de Venise, si je ne me trompe ; elle contenait une enveloppe avec
l’adresse à laquelle il pouvait vous écrire ! Même, si ma mémoire est
fidèle, une particularité me frappa. Voulant vous être agréable, sans doute, il
avait imaginé de vous écrire en anglais, et vous commenciez votre lettre par
quelques phrases d’italien pour répondre à sa politesse, mais vous cessiez
bientôt et continuiez en français. Je comprends maintenant pourquoi il tenait
tant à vous écrire directement. C’était pour solliciter cette modeste somme de
100 000 francs afin de rebâtir son palais. Il a eu le courage de
l’appeler un hôtel dans un de ses livres. (Le Palladisme, p.
162.) »
M. l’abbé de Bessonies ajoute à ces détails
que M. Margiotta lui dit qu’il n’userait pas de cette enveloppe. D’autre part,
il a parfaitement reconnu toute la lettre de miss Vaughan lorsqu’elle l’a
publiée en réponse aux attaques de M. Margiotta.
Voici le texte de cette lettre :
« Venise,
1er décembre 1894.
…Vous vous plaignez, mon cher ami, d’avoir à
m’écrire par intermédiaire. La mesure est générale et je l’ai prise avec de
bonnes raisons. Je ne veux pas avoir, par pays, plus d’un correspondant
catholique ; en outre, le correspondant catholique que j’ai choisi en
France ou dans tout autre pays doit remettre sa lettre à telle personne que je
lui désigne et dont je suis sûre. J’ai des motifs graves pour que ma nouvelle
résidence et mes déplacements demeurent inconnus.
Par exception, cependant, mais pour une
seule fois, je vous autorise à m’écrire directement dans huit jours après
aujourd’hui, si vous avez quelque chose de vraiment important à me faire
savoir.
Votre lettre me parviendra très
exactement ; je vous en accuserai réception, mais point pour entretenir
correspondance.
Nous en resterons là, nullement par défiance
personnelle à votre égard, je vous le maintiens, la mesure est générale et ma
décision très arrêtée.
Vous avez eu grand tort de passer dans le
camp catholique ; car vous aviez de bons amis à Naples et à Palerme. Ils
regrettent vivement votre défection. Cette conversion n’était pas nécessaire pour
écraser Lemmi ; au contraire ! Les catholiques se serviront de vous
et ensuite vous rejetteront ; c’est le parti de l’égoïsme et de
l’ingratitude. Enfin, c’est votre affaire, mais tant pis pour vous.
Votre amie très refroidie,
D. Vaughan. »
Ce que M. l’abbé de Bessonies ne pouvait
soupçonner, c’était le vrai motif qui faisait désirer à M. Margiotta de pouvoir
écrire sans intermédiaire à miss Vaughan. Sans doute, celle-ci écrivit bien
vers la même époque à M. Taxil de se défier de l’italianissime qui le
trahissait ; mais on crut alors à quelque méchanceté sans soupçonner la
vérité. Cette vérité n’a éclaté que par la publication même des lettres de M.
Margiotta faite par miss Vaughan.
Il lui écrivait, en effet, de Paris, le 4 décembre :
« ...Je vous parle en ami très affectionné et très dévoué, et je
vous ouvre mon cœur comme à une sœur et à une amie sincère, pour laquelle j’ai
toujours eu la plus haute estime et une vive admiration.
Je vous remercie bien sincèrement de m’avoir
écrit. Le dernier alinéa de votre aimable lettre m’a fait de la peine : vous
n’avez pas saisi ma pensée. Mais, pour cela, je vous écrirai longuement,
aussitôt que mon esprit sera un peu calme. Je dois vous dire des choses très
intéressantes, même graves ; mais vous ne devez pas me forcer à passer par
l’intermédiaire de M. J... et, quand vous aurez tout appris, vous me
donnerez raison et vous ne me ferez plus de reproches à moi, reproches qui ne
sont pas mérités.
Aussi je vous enverrai toute ma
correspondance avec une personne, et vous verrez alors à qui vos reproches
doivent s’adresser. Je vous expliquerai tout et vous jugerez.
En attendant, je vous serre bien
affectueusement la main et vous prie de me considérer toujours comme votre meilleur
ami.
D. Margiotta. »
Miss Vaughan répond :
« Naples, 16 décembre 1894.
Mon cher ami,
Votre lettre m’est transmise à Naples, où je
suis venue d’abord...
Maintenant, je suis obligée de renoncer à me
rendre en Espagne, je retourne à ma résidence. Vous pourrez m’envoyer à
l’adresse ci-jointe votre lettre d’explications ; mais ;
finissons-en, car vous ne pourrez plus m’en adresser d’autres. Après le 25,
j’aurai quitté Berlin sans donner à personne aucun nouveau nom, ni aucune
adresse pour faire suivre.
[…] J’aime toujours savoir avec qui je
marche. Il m’a importé peu de m’allier contre Lemmi avec les catholiques, qui
ne cachent pas leurs sentiments, eux. Mais croire faire campagne avec un frère
de même opinion et comprendre ensuite qu’il était catholique de cœur, c’est
pénible, pour ne rien dire de plus.
Agréez, je vous prie, mes civilités,
D. Vaughan. »
Et alors la grande confidence dans cette
réponse du soi-disant converti :
« 23 décembre 1894.
Ma chère amie,
…Vous me dites que vous désirez savoir avec
qui vous marchez. Je vous réponds en deux mots : vous marchez toujours
avec l’ancien et loyal ami. Militello est au courant de tout.
Vous avez eu tort de ne pas m’autoriser à
vous écrire après vos démissions. Je vous aurais demandé des conseils. J’avais
plein le dos de Lemmi le coquin et de ceux qui manquent d’énergie ; j’ai
cassé les vitres et j’ai fait tout le bruit que vous savez, afin que
l’attention de tout le monde se tournât vers Lemmi et l’écrasât, ce qui est
arrivé.
C’était le moment d’aller en Italie donner le
coup de grâce à Lemmi par une campagne très active à mener sur les lieux.
L’affaire de la Banque romaine l’a anéanti avec son copain Crispi.
Si j’avais des moyens, je les aurais
entièrement anéantis : nos amis manquent d’énergie : ils ont peur.
Je ne vous ai pas trompé. Je ne pouvais pas
vous dire toute ma pensée par des tiers.
Je vous serre bien cordialement la main.
Votre ami. »
La trahison est flagrante, mais ce n’est pas
elle que nous voulons faire ressortir ici ! Nous voulons seulement faire
constater : 1° qu’on n’écrit pas ainsi à une personne qu’on ne croit pas
exister ; 2° que ces lettres ont bien été reçues par quelqu’un ; 3°
que selon le très simple raisonnement de miss Vaughan, puisque c’est elle qui
les a en sa possession et qui les publie, c’est qu’elle est bien la même que la
haute maçonne connue de Militello et des nombreux francs-maçons italiens,
adversaires de Lemmi.
Dans
son volume sur le Palladisme, M. Margiotta a voulu se justifier des
reproches que miss Vaughan lui adressait pour sa duplicité. Voici sa défense.
Elle prouve une fois de plus sa croyance à l’existence de miss Vaughan.
« Je ne puis passer sous silence que,
dans ce troisième numéro (du Palladisme), il est question de moi. Diana
me lance tous les reproches possibles et imaginables pour n’avoir démissionné publiquement
de la secte qu’au mois de septembre, tandis que ma conversion datait du
mois de mars.
Mais maintenant que Diana est sur le chemin
de Damas, elle comprendra qu’en temps de bataille, il est permis de jouer de
finesse. Si l’on avait su, dans les Loges et dans les Triangles, que j’avais
été ramené à la religion de mon enfance depuis le mois de mars, je n’aurais pas
pu me rendre maître des documents dont j’avais besoin pour écraser la secte
maudite. Aussi, quand j’ai fait mon abjuration devant le Saint Office, j’ai
soumis mes projets au Vénérable Archevêque de Chalcédoine, Commissaire Général
de la Suprême, et j’ai reçu l’autorisation de ne faire savoir publiquement
ma conversion qu’au moment que j’aurais jugé le plus opportun. Et c’est moi
qui ai réussi à me jouer des FF.˙., en agissant de telle sorte qu’ils ne
se sont pas aperçus du profond mépris que je gardais désormais dans mon cœur
contre eux et contre leur infernale doctrine. Plus tard, après la publication
de mon livre sur Adriano Lemmi, j’avais besoin de documents pour combattre le Satanisme
dans un nouvel ouvrage.
Pour les obtenir, il ne fallait certes pas
que je m’adresse aux Satanistes, mais aux Lucifériens, leurs ennemis ;
j’essayai, naïvement, de renouveler mon premier jeu et ai écrit pour cela à
Diana, en faisant miroiter aux yeux de la terrible luciférienne un possible
retour à ses sentiments après l’écrasement complet de Lemmi.
Ce plan a été trouvé très fin et original par
mon excellent ami, l’abbé F..., auquel je l’avais soumis d’avance, et ce que
nous avons ri ce jour-là !... Il disait « Nous allons voir si miss
Diana mordra », mais ni Diana, ni les Palermitains n’ont mordu à
l’hameçon, ce qui fait que je n’ai pu avoir les documents que je désirais.
Il ne me restait que de passer sous de
nouvelles fourches caudines, ce que je n’ai pas voulu (p. 249). »
On sait maintenant pourquoi les Palermitains
ne mordirent pas à l’hameçon. Miss Vaughan leur avait écrit une lettre des plus
vives dans laquelle elle posait comme condition sine qua non de leur
reconnaissance par la fédération des Triangles indépendants, la radiation
définitive de M. Margiotta.
M. Margiotta ne sut pas cette démarche de
miss Vaughan, mais après s’être assurée par elle-même que sa maison de Palmi
était une bicoque fort peu endommagée par le tremblement de terre, elle lui
avait refusé la somme qu’il demandait. De là son dépit, et de là aussi les
calomnies indignes qu’il proféra vers cette époque contre celle dont tant de
fois il nous avait vanté la vertu. C’est en s’adressant à des personnes d’une
honorabilité parfaite et qui en ont témoigné par écrit que M. Margiotta osa
porter atteinte à l’honneur de miss Vaughan en se vantant d’avoir été lui-même
l’objet de ses faveurs. Certes, la calomnie est infâme, mais il n’en est pas
moins vrai que pour l’avoir imaginée, il fallait que M. Margiotta crût à
l’existence de miss Vaughan. Sa méchanceté même l’affirmait : on ne
calomnie pas un mythe, la création d’un cerveau humain.
Cela ne l’empêchait pas, d’ailleurs, après
l’apparition du Palladium régénéré et libre, d’écrire de Grenoble à miss
Vaughan la lettre suivante, en date du 9 mai 1895.
« Grenoble le 9 mai 1895.
Chère Miss,
Voilà trois mois que je suis à Grenoble, j’ai
été très malade à Paris et à Billancourt, à cause du chagrin que j’ai éprouvé
pour les désastres de mon pays.
Ma santé à Grenoble ne va pas non plus !
La poste de Billancourt m’a transmis ici le
premier numéro de votre revue, la maladie m’a empêché de vous écrire avant.
On m’annonce (de Gênes !) que vous venez
de faire paraître le deuxième numéro.
Pourquoi ne me l’envoyez-vous pas ? Je
ne pense pas que vous voulez que je reçoive votre revue par d’autres personnes,
plutôt que par vous directement.
Je produis, dans un ouvrage qui va paraître
bientôt et qui est déjà chez l’imprimeur, tout le premier numéro. Si je
recevais à temps le deuxième, je tâcherais de le reproduire aussi.
L’ami de Gênes qui a parlé du deuxième numéro
m’a dit que j’y suis désigné sous le sobriquet de Matassata et qu’il y a
des mots désagréables à mon adresse ! Je ne crois pas, parce que j’ai été
toujours un bon ami et je ne vous ai jamais adressé des paroles contraires à la
courtoisie, et vous-même vous avez reconnu cela, du moment que vous avez dit
que je vous ai couverte de fleurs. Mes fleurs n’étaient pas pour vous flatter,
mais pour vous dire mon estime et mon amitié.
Quoi qu’il en soit, je vous serre
cordialement la main.
Matassata.
P.-S. : Vous pouvez écrire à mon
véritable nom et à mon adresse, 6, place Notre-Dame. »
Dans le volume lui-même, il écrivait
ceci :
« J’avais déjà enlevé le dernier
chapitre de mon ouvrage en lui donnant pour titre « Réfutation des erreurs du Palladium
régénéré et libre », quand la bonne nouvelle du changement d’opinion de
miss Vaughan m’est parvenue. Aussi m’a-t-il fallu jeter mon travail au panier,
comme manquant de base, puisque la défection de miss Vaughan, qui était la
colonne la plus solide et le plus ferme soutien des Indépendants, amènera
d’elle-même la destruction du Palladisme (p. 226). »
Il consacrait ensuite plus de cent pages à la
reproduction de passages du Palladium et des prières lucifériennes,
ainsi qu’au récit de la conversion de miss Vaughan, et terminait son ouvrage
par un salut qu’il lui adressait dans son pieux asile :
« Pour ma part, je pardonne volontiers à
Diana Vaughan, mon ancienne camarade de lutte contre le fripon Lemmi, les
lignes désagréables qu’elle m’avait adressées dans les numéros 2 et 3 du Palladium
régénéré et libre. Je lui pardonne, parce qu’alors, c’est Lucifer et
Asmodée qui parlaient par sa bouche et qui écrivaient par sa plume. Mais
aujourd’hui que son âme a été éclairée par la lumière céleste, aujourd’hui
qu’elle a trouvé, comme moi, le chemin de Damas, je lui pardonne encore plus
volontiers, parce que la plus grande prérogative des chrétiens est le pardon
des offenses (p.340). »
Mais les échos des calomnies de M. Margiotta
étaient parvenues jusqu’à miss Vaughan ; elle avait questionné ses amis et
su d’eux la vérité. Des témoignages écrits lui furent transmis. Dans le numéro
10 de ses Mémoires, paru en juin, elle protesta avec toute l’indignation
d’une honnête femme, elle rétablit les faits et raconta en quelles
circonstances elle avait vu M. Margiotta à Naples deux fois seulement et en
présence de cinquante personnes. Elle raconta aussi la demande indiscrète des
100 000 francs et le refus qu’elle avait opposé.
C’en était assez pour exaspérer l’Italien.
Dans une lettre véritablement insensée dont nous avons eu entre les mains
l’original, il déclare à M. Taxil que, pour obéir à Mgr Fava, il a écrit à miss
Vaughan une lettre aimable. Cette lettre a été publiée par sa
destinataire ; elle n’a rien de saillant, sinon qu’on y voit clairement
qu’elle a, en effet, été presque dictée à l’auteur. Puis, dans le reste de sa
lettre à M. Taxil, c’est un débordement d’injures et de menaces. Mais le plus
étrange, c’est la thèse qu’il soutient, à savoir qu’il y a deux Diana
Vaughan : une vraie, qu’il a connue en 1889 à Naples, avec laquelle il a
correspondu, qu’il a encensée dans son livre, tout en n’étant « pas flatté
d’avoir été son ami », et une fausse Diana, une aventurière, qui ne ressemble
aucunement à la vraie, qui joue à la conversion et se moque des catholiques.
Voici les passages remarquables de cette
lettre invraisemblable :
« Dans l’article que votre amie Diana a
fait contre moi, elle s’est trahie. Il suffit de la lire pour avoir la
conviction que votre Diana Vaughan n’a pas l’esprit de Dieu avec elle dans
chaque ligne, dans chaque mot, c’est l’esprit d’orgueil, l’esprit de mensonge,
l’esprit de vanité qui domine ; ce ne sont pas des vertus
chrétiennes…
Elle dit qu’elle écrase la tête du reptile en parlant de moi !
Belles paroles d’une convertie au catholicisme romain, adressées à celui qui a
ceint son front d’une auréole d’idéalisme !…
Oui, je soutiens que votre amie Diana
Vaughan, dont on a publié les portraits, ne ressemble aucunement à la Diana
Vaughan que j’ai connue à Naples. C’est vous, et quelque autre personne de
Paris, qui avez vu à l’hôtel Mirabeau une femme qui se faisait appeler Diana
Vaughan et qui vous a reçus princièrement, et que sais-je ? Moi, je ne
l’ai pas vue depuis des années ! Mais la première femme venue peut se
présenter sous un nom d’emprunt… Et que la Diana Vaughan que j’ai connue à
Naples sache que je ne suis pas du tout flatté d’avoir été son ami !
Oui,
la conversion de votre invisible Diana Vaughan laisse tout le monde
perplexe ; car ce n’est pas elle qui a quitté la Franc-Maçonnerie par
dégoût, mais c’est la secte qui l’a flanquée à la porte, et elle, pour bien
pouvoir se venger, s’est jetée dans les rangs des catholiques.
Que
la vraie ou la fausse Diana Vaughan publie la lettre que je lui ai adressée
d’ordre supérieur, et qu’elle profite de cette occasion pour m’adresser des
excuses honorables. »
On se demande si l’on rêve ! Quelles
excuses M. Margiotta attendait-il de miss Vaughan ? Il fut, au contraire,
exécuté magistralement dans un article de miss Vaughan publié dans la Revue
mensuelle et plus tard part en brochure... Pour lui montrer à lui et
surtout au public qu’il n’y avait bien qu’une seule Diana Vaughan, d’abord
haute-maçonne puis convertie, elle publia en fac-similé photographique
quelques-unes des lettres que Margiotta lui avait adressées quand elle était
encore maçonne, lettres qu’on a lues plus haut.
La démonstration était péremptoire, et M.
Margiotta redevint très petit garçon. Il reconnut son erreur (?) et fit ses
excuses.
Voici la lettre qu’il écrivit à miss Vaughan,
de Grenoble, le 14 août 1896 :
« Mademoiselle Diana Vaughan,
Vous et moi, nous venons de traverser une
période d’épreuve dont Dieu nous tiendra compte dans sa justice.
Dans l’Imitation de Jésus-Christ, I. III, ch. XLVI, Dieu dit : «
C’est moi qui connais et qui juge ce qui est secret ; je sais la vérité de
toute chose, qui a fait l’injure et qui la souffre », et saint Luc II, 35, dit
: « Cet événement, je l’ai permis, afin que ce qu’il y a de caché dans beaucoup
de cœurs fût révélé. » Donc, ayons Dieu toujours présent, et laissons là les
contestations et les plaintes.
J’en finis, en reconnaissant mon
erreur : Errare humanum est, et je vois en vous la vraie Diana
Vaughan, l’ex-grande maîtresse luciférienne, l’ex-directrice du Palladium
régénéré et libre.
Tout le trouble était arrivé d’un portrait
peu ressemblant ; je me croyais mystifié, et, en disant ce que je pensais
de vous, je croyais sincèrement rendre service à l’Église. J’ai provoqué la
tempête pour avoir le cœur net.
Je vous prie maintenant de rapprocher ce que
vous avez dit à propos de ma lettre du 11 avril 1894 dans votre Palladium
régénéré et libre du 20 mai 1895, avec ce que vous dites maintenant dans la
Revue mensuelle ; rapprochez encore vos deux jugements de ce que
j’ai franchement dit dans mon Palladisme, p. 247-248, et vous aurez la
preuve que je ne suis pas Janus, mais que j’ai servi loyalement l’Eglise
catholique, comme je continuerai à la servir en l’avenir. Tout cela est une
erreur de votre part, comme j’ai été dans l’erreur de mon côté en ne
reconnaissant pas en vous la vraie Diana Vaughan. Ne discutons donc pas d’autre
question et, par Jeanne d’Arc que vous aimez tant, oublions réciproquement les
injures et marchons la main dans la main pour accomplir notre sainte mission.
Maintenant que je suis rassuré sur votre compte, je vous serre la main comme
auparavant et suis votre frère en Jésus-Christ.
Domenico Margiotta.
P. S. : Par le même courrier, j’écris à
M. Taxil, qui a raison d’être fâché ; je me croyais mystifié, et je
possède plusieurs lettres de personnes qui avaient jeté le doute dans mon
esprit à votre sujet et au sujet de M. Taxil. Donc, je croyais ce que les
autres me disaient. »
On pourrait croire l’affaire terminée et
épuisée l’imagination de M. Margiotta, finis ses avatars. Ce serait bien peu le
connaître.
Le complot maçonnique éclate après le Congrès de Trente, Bataille lance
le pétard que l’on sait. Il se proclame le dernier des fumistes et étale ses
mensonges cyniques dans tous les journaux qui veulent bien les recevoir. Malgré
tout, il n’ose pas toucher à Diana Vaughan. Il lui doit la vie, et ces
choses-là s’oublient difficilement. Il se contente donc de dire qu’il ne s’est
pas occupé de l’affaire Diana Vaughan, il ne nie pas l’existence de la
luciférienne convertie.
M. Margiotta, lui, n’hésite pas. On a dit que
Bataille a reçu une grosse somme pour jeter le désarroi parmi les catholiques.
N’y aurait-il pas là pour lui une source de bénéfices ? Qui sait ?
Et, de sa meilleure plume, il proclame qu’aucune Diana Vaughan n’a jamais
existé, qu’elle est purement et simplement un personnage sorti de toutes pièces
du cerveau de Taxil !!!
Il a déposé ses élucubrations dans la Comédie
politique (n° du 1er et du 8 novembre) et dans une lettre adressée à la France
libre (n° du 13 novembre).
Nous ne pouvons reproduire en entier ces
trois articles, dans lesquels on relève des contradictions flagrantes. Quelques
phrases suffiront à donner une idée de l’audace de ce malheureux.
« La vérité est que je n’avais jamais vu
cette Diana, et pour cause. Plus tard, on faisait abus de ma simplicité, en
disant à qui demandait à ce pitre de Jogand (Taxil) s’il était vrai qu’elle
existât : « Certes, puisque M. Margiotta l’a vue »… J’écrivis
même à l’éditeur de la Revue antimaçonnique funambulesque, que je
reconnaissais l’existence de cette créature. C’était passablement naïf de ma
part, mais conçu dans une pensée de paix et surtout dans le désir d’éviter par
cette condescendance un scandale possible au profit de la
Franc-Maçonnerie ; car je n’en croyais pas un mot, et je n’en avais jamais
rien cru. (Comédie politique, 1er novembre.) »
Comment trouvez-vous l’homme qui tient
Militello au courant de tout, et, qui, dit-il, mentait effrontément pour éviter
un scandale qui aurait profité à la Franc-Maçonnerie ?
Il faut aller jusqu’au bout cependant et
citer ce que la France libre a publié comme une réponse péremptoire au
rapport présenté à Trente par M. l’abbé de Bessonies.
« Oh ! que vous avez raison quand
vous dites que Bataille et Taxil ne sont qu’une même individualité ! Hacks
donna son nom à l’œuvre : le Diable au XIXe siècle, comme j’ai
donné le mien, ainsi que mon allure personnelle à l’Adriano Lemmi.
N’empêche que l’un et l’autre de ces ouvrages sont l’œuvre de Taxil à peu près
exclusive. Ce Taxil est l’idéal du genre inventif : Haute-Maçonnerie,
secrets d’icelle, Diana Vaughan, Sophie Walder, Voûte de protestation,
promesses triangulaires, etc., son cerveau conçoit tout, anime tout ! Tant
pis pour la vérité ! Le malheur est que nombre d’esprits peu éclairés se
laissent prendre à ses grossiers mensonges.
J’ai été de ce nombre, j’ai même servi ses
desseins en publiant dans mon Adriano Lemmi ses documents fabriqués de
toutes pièces et l’existence des êtres imaginaires, sous le fantôme desquels il
distribue aux simples ses produits. Ce ne sera pas le moindre regret de ma
vie… Malgré une apparente dualité,
Taxil et moi, nous n’étions, somme toute, qu’une unité parlant, pensant et
écrivant par la bouche, l’esprit et la plume de l’inventeur de Diana Vaughan.
Un traité m’enchaînait à cet homme, traité
barbare qui m’imposait l’obligation d’accepter sans discussion les pièces,
titres et documents qui devaient entrer dans le corps de l’ouvrage...
C’est dans ces conditions que je dus
transcrire les phases de la prétendue conversion de sa Diana (M. Margiotta
oublie ici que c’est dans le Palladisme écrit à Grenoble, et sans aucun
traité avec M. Taxil, qu’il a raconté la conversion de miss Vaughan), affirmer
même que j’avais vu, de mes yeux vu, à Naples, cette belle âme revenue à Dieu,
lorsque, en vérité, je ne l’avais ni vue ni connue que par les dires de Taxil…
Aujourd’hui, je vois clair : la miss
objet de mes inquiétudes, je l’avais parfaitement vue ; elle n’était autre
que Mme Jogand elle-même, encore une acolyte de Taxil, comme lui se dissimulant
sous le pseudonyme et prêtant et même prodiguant son concours pour l’échange du
mensonge contre les gros sous catholiques...
J’ai mille raisons qui m’autorisent à
affirmer que Taxil et Diana Vaughan ne sont qu’une seule et même individualité
hermaphrodite, comme Jogand et Taxil sont un seul et même individu. »
En voilà assez et trop ! Il était
nécessaire de mettre sous les .yeux de nos lecteurs la suite des lettres et des
affirmations de ce malheureux. Nous défions tout homme sensé et loyal, après
avoir parcouru ces pages, de garder pour M. Margiotta la moindre estime. Nous
défions tout écrivain sincère, qui aura lu cet article, d’invoquer désormais le
témoignage de M. Margiotta dans la question Diana Vaughan !
Gabriel Soulacroix.
Nous empruntons
à la Croix de Marseille (27 décembre 1896) l’article suivant, où une
voie d’outre-tombe vient rendre un témoignage inattendu à la vérité :
« Après la
campagne insensée qu’une notable partie de la presse - maçonnique et catholique
- vient de mener à l’encontre des récentes divulgations antimaçonniques et de
leurs auteurs, campagne qui commence à s’apaiser, il convient que l’opinion
publique, déroutée et ahurie par des affirmations contradictoires et
irraisonnées, par des négations intéressées, se ressaisisse et juge la cause
avec calme et sang-froid.
Ce qui a le plus
contribué à jeter le désarroi dans les esprits, c’est la rétractation de la
part du Dr Hacks, des révélations que contient son livre : Le Diable au
XIXe siècle.
En notre qualité
de concitoyens connaissant bien le Dr Hacks, nous avons peut-être été moins
surpris et par la suite moins désorientés que d’autres par cette volte-face.
D’ailleurs le Dr
Bataille ne dément pas qu’elle ne soit due, ainsi qu’on l’en a accusé, à une somme
d’un peu plus de trente deniers reçue à cet effet du Grand-Orient de France.
Aussi,
croyons-nous, qu’il ne convient pas, malgré la légitime suspicion que jette sur
l’ouvrage la personnalité de l’auteur, d’exclure de notre capital de
révélations antimaçonniques les faits exposés dans Le Diable au XIXe siècle.
Que MM. Les
francs-maçons veuillent bien d’abord, nous en montrer la fausseté.
Or, ils n’ont
même pas essayé de le faire. Et on ne nous fera pas croire que la Maçonnerie
attaquée dans ses œuvres vives, n’eût pas, si elle l’avait pu, immédiatement
fait bonne justice de ces imputations, sans attendre trois ans et plus que
l’accusateur vint se rétracter.
Quelque
imagination que l’on ait, de pareilles choses ne s’inventent pas.
Actuellement
nous sommes à même de prouver que les relations du Dr Hacks avec l’abbé Laugier
ont existé et qu’elles ont bien été telles que l’indique le chapitre II du Diable
au XIXe siècle, auquel nous donnons sur ce point pleine et entière
confirmation.
Dans l’accès
furieux de négation qui a agité récemment la Presse, on a été jusqu’à révoquer
en doute l’existence de l’abbé Laugier. Cette négation paraîtra un peu hardie à
nos concitoyens qui ont connu et approché ce digne prêtre ; mais elle
montre bien jusqu’où peut aller une polémique irraisonnée, conduite par des
gens de parti pris, ne connaissant pas le dernier mot de la question qu’ils
discutent.
L’abbé
Jean-Etienne Laugier n’appartenait pas au diocèse de Marseille par sa
naissance, mais il lui a appartenu par toute sa vie sacerdotale. Né en 1823 à
Seyne, diocèse de Digne, il vint s’établir dans notre ville en 1846. Il fut
fait prêtre en 1854 par Mgr Mazenod. Longtemps maître d’études, puis professeur
au Collège catholique du Sacré-Cœur, il fut nommé successivement vicaire à
Saint-Théodore (1864), aumônier des Dames de Saint-Thomas de Villeneuve (1867),
aumônier de l’hôpital de la Conception (1869), puis vicaire à
Saint-Jean-Baptiste (1878), enfin à Saint-Victor. C’est là que la mort, le 26
avril 1883, vint lui apporter la récompense d’une vie tout entière de piété et
de dévouement.
L’abbé Laugier,
pendant les neufs ans qu’il resta à l’hôpital de la Conception, recevait très
souvent dans le modeste salon de l’aumônerie et même à sa table les étudiants
en médecines internes, chargés du service de malades. Il savait mériter leur
confiance et conquérir leur amitié ; et il usait de l’influence ainsi
acquise pour le bien moral de ces jeunes gens. Chaque soir notamment, les
élèves de garde venaient passer la veillée à l’aumônerie : parmi les plus
assidus, était le docteur Bataille. Le temps était employé tantôt à une anodine
partie de cartes, tantôt à des conversations où les étudiants en médecine
pouvaient librement exposer leurs opinions politiques et religieuses.
L’abbé Laugier
et le Dr Hacks
Un prêtre nous
atteste qu’un soir, lui présent, l’entretien roula sur la question du
surnaturel, divin et diabolique et que le docteur Hacks, prenant part à la
discussion, en niait la possibilité avec la plus sincère conviction. Pour le
convaincre, l’abbé Laugier lui proposa la lecture de l’ouvrage de M. de
Mirville en cinq énormes volumes in-8° : « Les Esprits ».
Bataille rapporta, une dizaine de jours après, cet ouvrage dont la lecture
ébranla fortement ses convictions antérieures. C’est de là sans doute que date
sa vocation d’occultiste.
L’abbé Laugier
était donc dans les meilleurs termes avec Bataille : à tort ou à raison,
il estimait et appréciait en lui une nature un peu exubérante mais ouverte et
franche : il faisait grand cas de son intelligence, qui est incontestable.
A notre
connaissance, il entretint toujours avec lui les meilleures relations.
Projets
d’enquête
Certainement,
l’abbé Laugier a été, dès l’origine, mis au courant par Bataille de ses projets
d’exploration de la Franc-Maçonnerie, et sans doute il les a approuvés et
encouragés.
Une personne
d’une haute respectabilité et honorabilité, qui connaissait intimement l’abbé
Laugier, nous atteste lui avoir entendu dire, à l’époque, « qu’un jeune
médecin, connu de lui, voyageant beaucoup, allait entreprendre à travers le
monde une enquête sur les agissements mystérieux de la Franc-Maçonnerie et des
sectes anti-religieuses ; qu’il en avait référé à ses supérieurs
ecclésiastiques et avait obtenu approbation. »
Il ne cite aucun
nom. Mais lorsque ce témoin lut les premières livraisons du Diable au XIXe
Siècle, il comprit, à n’en pas douter, que Bataille était le jeune docteur
dont lui avait parlé l’abbé Laugier, d’autant plus qu’il connaissait
parfaitement les relations cordiales qui existaient entre eux.
Résultats de
l’enquête
L’abbé Laugier a
été non moins certainement au courant, sinon de tous, du moins des premiers et
des plus importants résultats de l’enquête du docteur Bataille.
La possibilité
et la probabilité qu’il en fut ainsi sont évidentes, puisque l’abbé Laugier ne
mourut qu’en 1883, alors que Hacks naviguait comme médecin à bord des paquebots
des Messageries Maritimes, notamment sur les lignes de la Chine et de l’Inde,
de 1878 à 1881. Sûrement, c’est pendant cette période, comme il l’affirme
lui-même, qu’il accomplit la partie la plus importante de ses investigations.
Que l’abbé
Laugier ait été tenu au courant de l’enquête poursuivie, cela est démontré par
l’attestation suivante, émanant d’un de ses amis, chanoine de notre diocèse.
« Dans les
dernières années de son existence, M. l’abbé Laugier paraissait changé, triste,
préoccupé et, quand un ami en qui il avait confiance lui en demandait le motif,
il répondait : Je suis au courant de complots épouvantables contre l’Eglise
tramés par des sectes ténébreuses ; on me fait connaître les résultats
d’une enquête qui se poursuit actuellement sur la Franc-Maçonnerie ;
malheureusement, je dois garder le secret et ne puis rien divulguer.
Et ce secret
paraît avoir été pour lui un souci, une préoccupation, un véritable fardeau,
dont il ne pouvait se défaire, et trop lourd pour le pauvre prêtre, dont les
forces s’étaient déjà usées au service de Dieu.
Personnellement,
je ne serais nullement étonné que ce secret n’ait été accablant pour lui et n’ait
abrégé ses jours. »
Hors du tombeau
L’abbé Laugier
eut une première attaque, puis quelques mois après, une seconde qui l’enleva.
Sans doute, il
respecta religieusement son secret, de peur que la moindre indiscrétion ne fût
fatale à celui dont il était le confident. Sans doute, il emporta ce secret
dans la tombe.
Mais ne vous
semble-t-il pas que l’abbé Laugier se dresse maintenant dans sa tombe ? Ne
vous semble-t-il pas qu’il se dresse devant vous, docteur Hacks, lui, le bon
prêtre qui vous estimait et vous aimait, venant vous demander compte de votre
trahison ?
Defunctus adhuc
loquitur.
Qu’avez-vous à
répondre ? Répondez-donc, si vous l’osez. Nous vous mettons au défi de la
faire, de nier ce que nous affirmons en son nom.
Nous vous
adressons ce journal sous pli chargé, docteur Hacks ; et nous attendons
votre réponse.
Pour le Comité
Antimaçonnique de Marseille.
Lix. »
Dans cet article, il
critique les articles du Père Portalié, paru dans les « Etudes
Religieuses » de novembre 1896 :
« Le Père Portalié
dit :
« Une conclusion reste
acquise : toute cette littérature sur laquelle repose la fable de Diana
Vaughan est une entreprise exécutée par la libre-pensée au service d’une
spéculation éhontée. Faut-il y voir de plus une manœuvre des Loges pour
déconsidérer la campagne antimaçonnique et dépister les catholiques ? On
l’a cru en Allemagne, mais le mercantilisme suffit à tout expliquer. »
Examinons froidement cette
question de spéculation et de mercantilisme.
La publication du Diable
au XIXe siècle, éditée par Delhomme et Briguet, devait, nécessairement,
dans la pensée de ses auteurs, rapporter des profits : le titre, les
gravures, le prix, 12 francs par volume de 950 pages, tout indique que l’on
voulait faire un « coup de librairie ». Personne ne le conteste. Mais
la spéculation était-elle plus éhontée que les entreprises ordinaires
des éditeurs, des libraires et des écrivains qui vivent de leur plume et de
l’exploitation de leur commerce ? Elle le serait, certes, si au désir de
faire des profits était venue se joindre la duperie. Mais ce dernier point
n’est pas sérieusement établi, quoiqu’on en ait dit, pour ceux qui examinent la
situation sans parti-pris. Le Dr Hacks a dit bien des généralités troublantes,
il a parlé vaguement de fumisteries, il a traité les catholiques d’imbéciles,
il a insulté la religion, etc. ; c’est-à-dire qu’il a tenu exactement le
langage que tiendrait un traître payé pour jeter le doute dans les
esprits ; mais il n’a pas démontré que les récits d’un témoin sont
faux ; il n’a rien spécifié, ou à peu près ; il n’a pas dit que le
palladisme est une chimère et que les triangles n’existent pas.
Voyons maintenant la Revue
Mensuelle, faisant suite au Diable au XIXe siècle. C’est une œuvre
sérieuse, pas du tout faite pour attirer les regards des masses. On n’y trouve
rien qui annonce la spéculation, surtout la spéculation éhontée. Nous ne
croyons pas que les éditeurs fassent plus d’efforts pour la répandre que la
maison Victor Retaux n’en fait pour augmenter la circulation des Etudes.
C’est une entreprise de librairie légitime, et la maison de Delhomme et Briguet
jouit, croyons-nous, d’une bonne réputation. Mais tout cela est réellement à
côté de la question. Il s’agit, pour le moment, des publications qui portent le
nom de Diana Vaughan. Elles sont éditées par M. A. Pierret, 37, rue Etienne
Marcel. On n’a jamais établi le moindre lien entre la maison Delhomme et
Briguet et la maison Pierret. On n’a jamais prouvé que le Dr Hacks-Bataille
possède des intérêts dans la librairie Pierret. Hacks ne le dit pas
lui-même ; il soutient le contraire, et M. Pierret affirme que c’est bien
lui et nul autre qui est le propriétaire de la maison de publication qui porte
son nom. A-t-on établi que M. Pierret est dupeur ? Jamais. Pour ceux qui
le connaissent, c’est évidemment un homme sincère.
Maintenant, les publications
de Diana Vaughan, éditées par Pierret, ont-elles un caractère qui dénote le
désir de faire une spéculation, un coup de librairie ? Si
l’on veut être sincère, il faut nécessairement admettre que c’est tout le
contraire qui est vrai. Le 33e Crispi n’est pas un livre à
sensation, dans le sens populaire du mot ; ce n’est certainement pas
un ouvrage que les masses liront jamais : l’apparence est très sobre, et
c’est un volume trop bourré de documents pour plaire au gros public. C’est tout
juste si une telle publication peut faire ses frais.
Les Mémoires d’une
ex-palladiste ont absolument le même caractère grave et sérieux. Pas la
moindre illustration sensationnelle, point de titres flamboyants, point
de réclames dans les journaux, rien, enfin, qui indique le moindre désir de
faire de l’argent. Le prix, du reste, très élevé, 12 francs pour douze petits fascicules,
indique que l’on n’avait pas l’intention d’atteindre les masses, mais un public
d’élite seulement. Et une petite enquête de deux ou trois heures aurait suffi
pour prouver au P. Portalié que la circulation des Mémoires se chiffre
par centaines et non par milliers, que cette publication ne peut pas faire ses
frais.
Où donc, nous le demandons,
se place la spéculation éhontée, le mercantilisme ?
[…]
« Depuis quatre ans,
que d’activité dépensée en pure perte à poursuivre des chimères, tandis que la
vraie franc-maçonnerie etc. »
Mais qui sont ceux qui ont
préparé et organisé le Congrès de Trente ! Qui sont ceux qui ont créé le
mouvement antimaçonnique actuel ? Qui ? Sinon ceux, précisément, que
le Père Portalié accuse d’avoir dépensé leur activité en pure perte à
poursuivre des chimères ! Ce n’est pas l’Univers, ce n’est pas le Vérité,
de Paris, ce ne sont pas les Etudes religieuses qui ont été les vrais
initiateurs du Congrès de Trente. C’est l’Union antimaçonnique de France, c’est
l’abbé Mustel, c’est l’abbé de Bessonies, c’est le Père Octave, c’est Diana
Vaughan elle même dans ses Mémoires, c’est la Franc-Maçonnerie
démasquée, c’est l’Anti-Maçon, c’est la Revue Mensuelle,
c’est Léo Taxil, c’est M. de la Rive, par ses conférences ; en Italie,
c’est la Civiltà, c’est l’Union antimaçonnique de Rome et la Revista
antimassonica, c’est l’Eco d’Italia, et en Allemagne, c’est
le prince de Lœwenstein, et non point la Vœlkszeitung ; au Canada,
nous pouvons le dire, c’est la Vérité avec ses amis ; enfin,
partout, ce sont ceux que le P. Portalié plaint d’avoir poursuivi des chimères
qui ont créé le mouvement antimaçonnique et rendu possible la tenue du premier
Congrès antimaçonnique international, lequel a fait pousser un cri de rage à la
secte !
On ne voit donc pas quel
bénéfice la secte a retiré ou pourra retirer de cette prétendue mystification.
Toujours des affirmations sans preuves.
[…]
« Ajoutons que le
faussaire des Mémoires n’a pas eu la pudeur de changer son éditeur.
Avant la conversion de Diana, M. Pierret publie le Palladium impie sous
la rubrique Librairie palladiste ; Diana se convertit, et c’est encore M.
Pierret qui édite ses Mémoires et reçoit seul sa correspondance
(Inexactitude notaire pour ceux qui connaissent un peu la question. On peut
parfaitement écrire à miss Vaughan et recevoir des lettres d’elle sans passer
par M. Pierret. Nous le savons par notre expérience personnelle. Nous lui avons
fait parvenir, tout dernièrement, une communication, et nous avons reçu la
réponse à cette communication, sans le moindre recours à M. Pierret.) Mais il
change l’enseigne et vous avez la Librairie antimaçonnique Pierret. On ne dit
pourtant pas que Jeanne d’Arc lui soit apparue, comme à sa cliente. »
En effet, ce serait là un
oubli absolument inexplicable de la part d’un hardi faussaire, assez habile
pour organiser la colossale mystification qui dure depuis quatre ans.
Mais si les choses se sont faites « tout bonnement », sans calcul,
sans arrière-pensée, sans que les intéressés aient même songé qu’on les
accuserait un jour d’être des mystificateurs, alors ce « manque de
pudeur » peut très bien s’expliquer.
Si le R. P. Portalié, au
lieu de se livrer au sarcasme, avait tout simplement ouvert l’Anti-Maçon du
31 octobre, il aurait pu lire un article signé A. Pierret, qui donne la réponse
à son objection. Voici cette réponse :
« Engagé par traité à imprimer le Palladium régénéré - et
transitoirement à l’éditer – je n’étais pas encore éditeur, j’étais imprimeur
seulement - j’ignorais absolument, en engageant ma signature, ce qu’était le Palladium
et aussi ce que miss Vaughan, que je n’avais jamais vue jusqu’alors, avait
l’intention de mettre dans sa publication. Lorsque je vis ce que c’était,
et lorsque je vis chez moi les types bizarres, étranges, qui y affluaient,
je fis part à plusieurs amis et à la directrice elle-même de mon idée arrêtée
de ne pas continuer et de payer le dédit, pourtant considérable. La conversion
survint presque aussitôt - le deuxième numéro du Palladium était déjà
très atténué. - Est-il besoin de dire que j’en fus très heureux. »
Quand on connaît M. Pierret,
cette explication est non seulement très plausible, elle est tout à fait
satisfaisante. Le P. Portalié a le droit de ne pas l’accepter ; mais
avait-il le droit, lui qui se prétend critique impartial, de laisser ignorer à
ses lecteurs cette pièce essentielle du débat ? Il dira peut-être qu’il
l’ignorait lui-même. Mais alors de quel droit se lance-t-il dans la discussion
d’une question dont il ne possède pas tous les éléments ?
Abordons un autre point :
« Dans cette vie (de
Sophie Walder), les daimons et les daimones – car on les distingue par une
égale insulte au bon sens et à la foi – jouent un rôle plus hideux. »
Pourtant, depuis les temps
les plus reculés, les démons, pour tromper et séduire le genre humain, ont
établi cette distinction de sexe. L’antique paganisme était fondé sur cette
distinction.
Sans doute, cette
distinction n’existe pas véritablement, puisque les démons étant, comme les
anges, de purs esprits, ni de sexe, par conséquent. Mais en apparence, et même
très réellement dans un sens, puisque les prestiges diaboliques sont des choses
très réelles, et non point de simples hallucinations, il y a toujours eu des
« daimons et des daimones ».
On dirait vraiment que le P.
Portalié n’a jamais entendu parler des incubes et des succubes !
Autre citation :
« Tout cela n’est que
stupide : ce qui est répugnant et doit révolter tout sens chrétien, c’est
de présenter dans une luciférienne le type de toutes les vertus, une sainte à
faire pâlir les Cécile et les Agnès ; c’est de mettre cette virginité
immaculée que Diana nous vante en elle-même avec une effronterie dégoûtante,
sous la protection… du démon de l’impudicité en personne, d’Asmodée, son amoureux. »
D’abord, nulle part, Mlle
Vaughan ne se vante de sa virginité avec une effronterie dégoûtante –
quel étrange langage sous la plume d’un religieux ! - Elle l’a défendue,
cette virginité, contre une attaque ignoble, et qui peut l’en blâmer ?
Dans ses écrits, elle s’humilie sans cesse, même au sujet de cette virginité
qu’elle déclare n’avoir conservée par aucun mérite personnel.
Dans ses Mémoires,
numéro 12, page 370 et suivantes, on trouve un chapitre effrayant mais plein
d’aperçus profonds sur la malice du démon : Le Figuier maudit. C’est ce
chapitre, entre autres, qui exclut, pour nous, la possibilité d’une imposture.
Il nous paraît inadmissible que l’hypocrisie puisse trouver de tels
accents :
« En moi-même, dans mon
erreur, je trouvais trop rigoureux l’arrêt de Lucifer (qui, d’après Asmodée,
défendait l’union avec ce démon), et je me croyais bien malheureuse de ne
pouvoir obtenir satisfaction à mon orgueil. Pour être sincère jusqu’au bout, je
dois avouer que les séductions répandues sur son visage de faux ange de lumière
avaient fait impression sur mon cœur. Hélas ! mon cœur pécha, commit ce
crime dont aujourd’hui j’ai confusion, honte des hontes : le démon eut mon
affection de jeune fille, mon cœur se donnait à lui. Ah ! maudits soient
les prestiges infernaux ! Oh ! vous qui me lisez, ne vous adonnez
jamais aux œuvres de magie ; ne mettez pas votre âme dans le plus grand
des périls ; que la honte d’une infortunée vous serve d’expérience !
Jamais, jamais ne faites appel aux esprits invisibles, même en croyant que de
telles œuvres sont jeux innocents. Fuyez jusqu’aux tentations de consulter une
table ; le diable est là. »
Est-ce là se vanter
de sa virginité avec une effronterie dégoûtante ?
Ah ! Père Portalié,
vous n’avez pas lu les Mémoires avec un esprit suffisamment débarrassé
du parti-pris.
Où avez-vous trouvé que la
virginité de Diana a été mise sous la protection du démon de
l’impudicité ? Cela n’est ni dit, ni insinué nulle part dans les Mémoires.
Mlle Vaughan dit précisément le contraire. Faisons encore un extrait du
terrible chapitre : Le Figuier maudit, page 372 :
« Enfin, comme ma
répugnance était invincible, je n’hésitai pas, à exiger la suppression du
Pastos dans tout Triangle qui se rallierait au Congrès de Londres. Aujourd’hui je
me demande comment il se peut qu’Asmodée ne me fit aucune opposition à cette
motion ; car, en cela, j’échappais quelque peu à sa domination, somme
toute. Sans doute, il espérait reprendre tout son pouvoir sur moi, par
l’orgueil. Peut-être Jeanne d’Arc, à qui j’avais voué mon admiration, me
protégeait déjà, sans que je pusse le soupçonner ; le fait est que, chaque
fois qu’il m’arriva de m’arracher à l’examen de la question du Figuier
maudit, ce fut à la suite d’une pensée reporté sur la pure et sublime héroïne
d’Orléans. Est-ce à cette mystérieuse protection, insoupçonnée, que je dois la
préservation d’un hymen diabolique ? »
Voyons, Père Portalié, la
virginité de Diana Vaughan est-elle placée sous la protection d’Asmodée ?
Non, il ressort de tout cet
étrange récit, quand on sait lire, que Diana Vaughan a été protégée contre
Asmodée par les puissances célestes ; de même que Sara a été protégée
contre ce même démon de l’impudicité qui, selon la Bible, et comme le fait
remarquer M. de la Rive, s’est montré tellement jaloux qu’il a étranglé les
sept premiers maris de cette femme.
Ce que racontent les Mémoires
au sujet d’Asmodée, n’est pas plus étrange que les démêlés de la fille Raguel
avec ce même démon.
[…]
D’abord, après avoir parlé,
comme on l’a vu, des « récits extravagants de Diana Vaughan », le
Père Portalié mêle à ces récits des récits tirés du Diable au XIXe siècle.
Ensuite, il ne distingue pas entre ce que l’auteur rapporte comme l’ayant vu
lui-même et ce qu’il tient d’un autre. Par exemple, le Père s’amuse beaucoup de
ce que l’on lit dans les Mémoires au sujet du « F.˙.
Minutatim, ainsi nommé parce qu’il se mettait en pièces à volonté ». Il
donne la page des Mémoires où l’on trouve ce récit, ce qui a l’air très
honnête ; mais il a oublié de dire qu’ici Diana ne rapporte pas une chose
qu’elle prétend avoir vue. Elle traduit et analyse un vieux manuscrit !
De même, l’histoire de la table tournante, changée en hideux crocodile,
n’est pas racontée par Bataille en témoin oculaire. Il dit expressément, page 618
du tome I : « Sandeman m’a raconté un incident à la fois bizarre et
fantastique. » On dirait, à lire le Père Portalié, que Bataille avait été
lui-même témoin de la scène.
[…]
« Mais je préfère
montrer que cette fuite est une preuve irréfragable de l’imposture.
Comment ! Diana répète sur tous les tons que les diables en personne
président tous les triangles et y font des révélations les plus mystérieuses,
et puis elle prétend échapper aux palladistes en se dérobant aux regards !
Mais alors tous ces démons et démones, au nombre exact de 44 454 633 (Le
Diable, I, p. 384) tous les légionnaires d’Asmodée, furieux aujourd’hui de
la trahison de Diana, sont donc devenus aveugles ou muets ! Ou bien Diana
Vaughan ne croit pas un mot des révélations diaboliques, du pouvoir merveilleux
de Sophia et des autres ! Mentita est iniquitas sibi. »
Heureusement, pour lui, le
Père Portalié se livre ici à un badinage, d’assez mauvais goût, si vous voulez,
mais à un véritable badinage. Car si ce passage était sérieux et rendait réellement
les doctrines de son auteur, il faudrait accuser l’écrivain des Etudes
d’enseigner implicitement, que dis-je, presque ouvertement, le
manichéisme ! En effet, il suffit de presser un peu cette tirade pour en
faire sortir la plus pure doctrine manichéenne.
Si les démons peuvent
librement faire connaître aux palladistes la retraite de Diana, c’est que, avec
leur chef, Lucifer, ils sont indépendants de Dieu et de ses anges ;
c’est-à-dire qu’il y a double divinité, deux forces à peu près égales, indépendantes
l’une de l’autre, et hostiles. C’est la doctrine manichéenne et luciférienne.
La doctrine catholique,
c’est que Lucifer et ses anges déchus sont entièrement sous la puissance de
Dieu et ne peuvent rien faire contre les hommes, absolument rien, sans que Dieu
le leur permette.
Par conséquent, d’après la
doctrine catholique, Diana Vaughan est parfaitement à l’abri des révélations
des démons si dieu ne leur permet pas de faire connaître la retraite de la
convertie aux palladistes lucifériens.
Donc, tout ce passage du
Père Portalié n’est que du persiflage, puisqu’on ne peut soupçonner un jésuite
de soutenir la doctrine manichéenne.
[…]
Voici enfin le gros
morceau :
« Le document à
sensation dans ce volume (Le 33e Crispi), c’est la grande
prophétie par Bitru en personne, le diable bien connu des lecteurs de Diana
Vaughan. Bitru révèle solennellement, au Triangle romain, le Lotus des
Victoires, que Sophie Walder est son épouse bien-aimée, et que, le 29
septembre 1896, d’elle naîtra une fille qui sera la grand-mère de l’Antéchrist.
Si vous êtes assez impie pour douter, voici, photographié sur l’original, le
texte dicté en latin par Bitru lui-même ; voici, en caractères d’une
fantaisie infernale, sa signature, légalisée en italien par Crispi, Lemmi et autres
grands personnages du Triangle. Seule la traduction française est de Diana.
Tout n’est-il pas prévu
contre le scepticisme ? Tout, excepté un petit point : on a oublié
d’apprendre au diable Bitru son latin et son italien ; les fautes
grossières dont il émaille son style prouvent, avec la dernière évidence, que
le texte français n’a pu être calqué sur le latin, mais au contraire a servi de
thème au latin et à l’italien. Et ce thème a été fait par un ignorant qui,
entre autres perles, oublie la règle Ludovicus rex et écrit me Sophia ;
il traduit naîtra par oriunda est, au lieu de oritura, et en
italien, il ne sait pas même distinguer les articles, et il écrit gli magi
pour i magi. Le plus fort, c’est qu’un des signataires, Augustin Bertani,
oublie qu’il est italien, et au lieu d’écrire Agost. Bertani, il met en
français Aug. Bertani. « Il était si troublé devant
Bitru ! » répond l’auteur avec désinvolture. »
Le Père Portalié, lui, est tellement
aveuglé par le parti pris qu’il n’a pas su lire le document qu’il prétend
examiner en critique impartial. Car c’est à un véritable aveuglement, et non
point au désir de tromper ses lecteurs, qu’il faut, sans doute, attribuer la
falsification de texte qui se trouve dans le passage qu’on vient de lire.
Pour convaincre le diable
Bitru d’ignorance, pour multiplier les « fautes grossières » dont il
aurait émaillé son style, le Père Portalié invoque la règle Ludovicus rex,
et déclare qu’on lit me Sophia. Or, cela est faux, pour appeler les
choses par leur vrai nom.
Voici ce qu’on lit dans le
document en question dont le fac-similé est reproduit par la photogravure à la
page 317 du 33e Crispi :
« Proepotens ille
Sanctusque Bitru adstantubus hic infra scriptis FF.˙. necnon unoquoque
eorum Mago Electo, pronuntiavit me, Sophia-Sapho nomine, à Nostro Divino
Magistro… proprie designatam, etc. »
Voilà ce qu’on lit vraiment
dans le document. Dans cette phrase, il n’y a pas lieu d’appliquer la règle Ludovicus
rex que la règle parum vini Sophia-Sapho nomine est un ablatif,
c’est une phrase incidente, détachée par deux virgules de la phrase principale,
et le tout ne pêche nullement contre les règles de la grammaire latine.
Le Père Portalié supprime la
première virgule et tronque la phrase incidente ! Comme on le voit, il
n’est pas absolument nécessaire d’être en présence de Bitru pour être
troublé !
« Le plus fort, c’est
qu’un des signataires, Augustin Bertani, oublie qu’il est italien, et au
lieu d’écrire Agost. Bertani, il met en français Aug. »
Voyons si c’est bien cela. A
la page 318, Diana Vaughan fait l’observation suivante :
« Et voici qui est
étrange : Bertani devait être fort troublé, ce soir-là ; car il s’est
inscrit Auguste, au lieu d’Augustin. Quand je vis le document, je
fus fort surprise. En effet, Augustin fait Agostino en italien, tandis
qu’Auguste fait Augusto ; et Bertani s’appelle vraiment Augustin,
donc Agostino. Or, il a écrit Aug. Abréviation d’Augusto.
Et c’est bien sa signature, rigoureusement authentique, et très caractéristique
elle est, à ne pas s’y méprendre. Où le pauvre homme avait-il donc la
tête ? »
Comme on le voit, il ne
s’agit nullement d’un homme qui oublie qu’il est italien, puisque l’abréviation
Aug. est aussi italienne qu’Agost. Il y a erreur de nom, mais non
point erreur de nationalité ! Et puisque le faussaire s’est aperçu
de cette erreur, pourquoi ne l’a-t-il pas fait disparaître, tout simplement, au
lieu de la signaler à l’attention du public ?
Restent Oriunda est
et Gli magi. Nous croyons que ce sont là, en effet, deux fautes. Mais la
théologie nous enseigne-t-elle que les démons doivent nécessairement et
toujours respecter les règles de la grammaire ? Nous avons posé la
question à un théologien éminent, et il a éclaté de rire. Les diables, nous
a-t-il dit, ne sont pas des académiciens et ils peuvent très bien commettre des
erreurs de langue, comme ils peuvent tomber dans des erreurs de tous genres. De
plus, il ne faut pas oublier que, selon Diana Vaughan, Bitru n’a fait que dicter
le document. Celui qui tenait la plume était Luigi Revello, couvre-nom d’un
prêtre apostat. »
En janvier 1897, la Franc-Maçonnerie
démasquée, a fait un habile tableau d’erreurs et de mensonges que nous
reproduisons intégralement :
« Notre petite Revue,
ne paraissant que tous les mois, ne saurait être un organe de polémique.
Cependant nous ne pouvons laisser passer, sans les relever, quelques mensonges
et quelques erreurs, trop légèrement admis par les journaux catholiques et
reproduits par la plupart des Semaines religieuses.
Interview de La Vérité
en date du 6 novembre : Tout cela a été une pure
fumisterie. Les catholiques avalèrent tout sans broncher, et la niaiserie de
ces gens est telle, que si je leur disais aujourd’hui que je les ai roulés,
ils refuseraient de me croire et resteraient convaincus que tout ce que j’ai
inventé est la vérité même. Quand a paru l’Encyclique Humanum
genus dirigée contre les francs-maçons alliés du diable, j’ai pensé qu’il
y avait là matière avec la crédulité connue et l’insondable sottise des
catholiques ; il suffisait de trouver un Jules Verne pour donner une
apparence attrayante à ces histoires de brigands ; j’ai été ce Jules
Verne, voilà tout. Je m’entendis avec Léo
Taxil et quelques amis et nous fondâmes de concert le Diable au XIXe
siècle qui eut le succès retentissant que vous savez. Quand je lançais quelque
bourde un peu trop forte telle, par exemple, que l’histoire du serpent qui
écrivait des prophéties avec sa queue sur le dos de Diana Vaughan. Ou l’histoire du diable transformé en jeune fille
pour épouser un franc-maçon, et se changeant le soir en crocodile pour jouer
du piano. (Le Dr Hacks a déclaré ailleurs n’être l’auteur
que du 1er volume du Diable au XIXe siècle ; il se contredit
donc ici formellement.) Au bout de quelque temps, j’ai lâché la baraque et
me suis séparé des ratichons (sic) dont j’avais plein le dos : il
n’y a pas de gens plus embêtant que ces gens-là, voyez-vous. Maintenant j’ai acheté le fonds de ce restaurant à
prix fixe qui marche très bien. Diana Vaughan n’était pas dans mes attributions.
Léo Taxil nous a toujours dit qu’il était son mandataire. |
« Marchons tous unis, la main dans la main,
nous aidant les uns les autres pour et dans le bon combat. Je désire, moi,
rester dans le rang ; en avant et payant de ma personne quand il fallait
imposer la vérité, je dois m’effacer aujourd’hui qu’elle éclate. »
(Lettre du Dr Hacks à M. de la Rive, en date du 1er avril 1894.) L’encyclique Humanum genus est datée du 20
avril 1884. Le Diable au XIXe siècle a commencé en
décembre 1892. Quels amis ! On ne les nomme pas et pour
cause. « En ce qui concerne l’auteur du Diable, votre très humble
serviteur, laissons, si vous le voulez bien, sa personnalité dans l’ombre,
c’est l’œuvre qu’il faut mettre en lumière. » (Même lettre à M. de la Rive.) Parmi eux (les palladistes), deux femmes, Sophia
Walder et Diana Vaughan. On a beaucoup parlé de ces deux prêtresses
lucifériennes, et M. François de Nion raconta le flamboiement, sur l’épaule
nue de Sophia, des prophéties contre le Saint-Siège. (Document communiqué par le Dr Bataille à M. Jules
Bois. Les petites religions de Paris, p. 157.) (Voir le récit fait par Bataille dans le Diable,
etc. p.40 à 42.) Il ne s’agit que de Sophia Walder. Le docteur, comme la Koelnische Volkszeitung
du 16 octobre, fait probablement allusion à la table épousée par un spirite
(2e vol. p.12). Le fait du crocodile jouant du piano est
absolument différent ; il le présente comme ayant eu lieu en l’hiver
1889-1890 et raconté à lui-même par Sandeman (1er vol., p.618). Dans mon rapport à la Société psychique présidée
par le chanoine Brettes. (Même interview de La Vérité du 6 novembre.) Le Dr Hacks a fait partie de la Société des
sciences psychiques dont des prêtres et des religieux composaient la moitié,
depuis sa fondation en 1895 et jusqu’en mai ou juin 1896. Le Dr Hacks n’a-t-il pas simplement épousé la
propriétaire de ce restaurant ? A l’hôtel de miss Vaughan, dans le luxueux salon
d’attente, nous avons la bonne fortune de nous rencontrer avec M. le Dr
Bataille, l’auteur renommé du Diable au XIXe siècle, qui mieux que nous
connaît l’ex-Grande Maîtresse de New-York, l’ayant vue plusieurs fois dans
ses voyages et l’ayant étudiée d’une façon toute spéciale, tant comme médecin
que comme catholique. Le docteur, qui a gardé avec miss Diana des relations
amicales et qui ne cesse de former des vœux pour sa conversion, nous parle
d’elle en ternes émus ; il lui rend visite presque quotidiennement à
chacun de ses séjours à Paris. (Commandeur Lautier, président des avocats de
Saint-Pierre dans l’Echo de Rome du 1er janvier 1894.) |
Domenico Margiotta
Oui,
je soutiens que votre amie Diana Vaughan, dont on a publié les portraits, ne
ressemble aucunement à la Diana Vaughan que j’ai connue à Naples… Et que la
Diana Vaughan que j’ai connue à Naples sache que je ne suis pas du tout flatté
d’avoir été son ami. (Lettre à M. Taxil, 15 juin 1896.) M. Margiotta avait pris soin de corroborer son
dire (de notre collègue) en nous adressant une longue lettre de huit pages,
dans laquelle il avoue n’avoir jamais vu Diana Vaughan. (France libre du 7 novembre.) |
Je pardonne volontiers à Diana Vaughan, mon
ancienne camarade de lutte contre le fripon Lemmi, les lignes désagréables
qu’elle m’avait adressées dans les numéros 2 et 3 du Palladisme régénéré
et libre… Mais aujourd’hui que son âme a été éclairée par la lumière
céleste, aujourd’hui qu’elle a trouvé, comme moi, le chemin de Damas, je lui
pardonne encore plus volontiers. (Le Palladisme, par Domenico Margiotta, p.
339.) A moi même et à plusieurs autres, M. Margiotta
faisait les plus grands éloges de miss Diana Vaughan : il souhaitait sa
conversion et lui écrivait une longue lettre dans la préface du volume sur
Lemmi. (Rapport de M. de Bessonies au Congrès de Trente.) |
Quelques erreurs
Margiotta m’a dit à moi-même, m’a affirmé sur
l’honneur par serment, qu’il n’avait pas écrit lui-même un seul mot de ce
qui, dans son livre, concernait miss Diana Vaughan, que tout avait été écrit
par Léo Taxil : que d’ailleurs il n’avait jamais vu Diana Vaughan. L.G., 25 octobre. Les Mémoires d’une palladiste renferment,
sous prétexte de révélations, des pages qui ne seraient pas déplacées dans le
journal le plus ordurier. (Id.) Ces Mémoires annoncent un nouvel ouvrage de
miss Vaughan : la Restauration du paganisme. Cet ouvrage, est de
telle « nature » - lisez : si malpropre - qu’on ose l’expédier
qu’en paquet recommandé. Et à qui est-il destiné ? On le destine
spécialement aux ecclésiastiques ! (Id.) France libre : On
raconte que les lettres émanant de Diana Vaughan portent unanimement le
timbre du quartier de Paris où habite Léo Taxil. (5 novembre.) Journaux recevant la Correspondance
royaliste : Parmi les mortels privilégiés devant lesquels miss
Diana Vaughan a daigné sortir de son nuage, il y en a trois : pas un de
plus. La vérité est que les Mémoires sous
prétexte de nous initier à l’état d’âme d’une palladiste convertie,
communiquent aux lecteurs le poison des plus dangereuses doctrines. M. X… aborde un partisan très sincère et très
convaincu de miss Diana : Où « se trouve actuellement miss Diana
Vaughan ? _ Aux Etats-Unis, à Boston… » Soixante-douze heures ne
s’étaient pas écoulées que le facteur apportait la réponse. Le Nouvelliste de Lyon : Récit d’une entrevue de deux Parisiens à
Villefranche avec une personne annoncée par Léo Taxil comme Diana Vaughan et
qui est une… personne de mœurs légères. Réponse du Nouvelliste : on aurait cru
que Léo Taxil proposerait, comme réponse décisive, de montrer devant témoins
sa fameuse Diana Vaughan ; pas du tout, il demande qu’on le confronte
avec ceux qui ne l’ont point vue. Alors que toute la presse catholique le met en
demeure de s’expliquer sur ses étranges inventions, lui prétend mettre les
autres en demeure de prouver des faussetés qui éclatent aux yeux de tous. Bataille a déclaré dans une lettre à l’Univers
(25 octobre) qu’il ignorait Diana Vaughan et qu’il était « entièrement
étranger à la question ou affaire Diana Vaughan. » Or, la Revue mensuelle
du même docteur a publié le récit d’un déjeuner où l’on a montré à M. Lautier
une prétendue Diana Vaughan, qu’on n’a plus revue d’ailleurs. On a répandu des photographies d’une Diana
Vaughan ! Etait-ce celle de la Diana du dîner de Paris ou celle de la
Diana de Villefranche ? La Diana de la Marseillaise est-elle la
même que toutes celles dont Léo Taxil a signalé l’existence sur plusieurs
points du monde à la fois et que personne n’a vue ou ne peut déclarer avoir
vue ? Nous savions bien que Diana, d’après ses
inventions, se change à volonté « en table, puis en crocodile ». Ce
crocodile joue du piano. A ces questions : Où est-elle ?
L’avez-vous vue ? Qui l’a vue ? Quand ? Où ? Léo Taxil répond : « Diana Vaughan a été
vue et connue plusieurs années avant l’époque où son nom a été imprimé dans
le Diable au XIXe siècle. » Alors la Diana que le docteur Bataille et Taxil
ont fait voir à M. Lautier depuis, celle qui, en octobre 1895, composait une Marseillaise
« inspirée » sous les regards d’un aumônier et d’une religieuse
inconnue, et celle qu’on a montrée il y a quelques mois à Villefranche
étaient donc de fausses Diana. |
Voir le numéro 25 de l’Anti-maçon : les
Mensonges de M. Margiotta, p.68. D’une ex-palladiste, s. v. p. Continuez, Mademoiselle, par votre plume et votre
piété, malgré les efforts de l’enfer, à fournir des armes pour terrasser
l’ennemi du genre humain. (Lettre de Mgr Villard, secrétaire du cardinal
Parocchi, 19 octobre 1896.) Pour
l’expédition, nous adoptons l’envoi en paquet recommandé, seul moyen sûr de
transmission, quand il s’agit d’ouvrages comme celui-ci, qui est tout
particulièrement exposé à des détournements plus ou moins intéressés. L’ouvrage est si peu envoyé sous enveloppe fermée,
comme on semble l’insinuer, que le prix du port en paquet recommandé
est de 0 fr. 40. Le volume pesant 150 grammes ; le port sous enveloppe
fermée serait de 1 fr. 75 !!! Où donc y a-t-on trouvé que l’ouvrage était
pornographique ? Nous avons rappelé que, pendant des mois, nous
avons correspondu, comme nous correspondons encore, avec miss Diana Vaughan,
que l’échange de nos missives avait lieu par retour du courrier, et que les
réponses aux demandes formulées étaient immédiates, détail important qui
excluait évidemment toute idée de réexpédition de nos plis à une autre
personne, laquelle, à son tour, eut dû et devrait nous renvoyer indirectement
les dites réponses, ce qui eût occasionné un retard dans leurs transmissions. De la Rive, dans France chrétienne, 11 octobre.) Citons quelques-uns de ces témoins. C’est d’abord
un rédacteur du Matin dont deux amis eurent une entrevue avec la
célèbre luciférienne à l’un de ses passages à Paris, et qui relate leur
conversation dans ce journal. Nommons ensuite M. Léo Taxil qui la vit… à un
déjeuner qu’elle lui offrit à l’hôtel Mirabeau, rue de la Paix, en même temps
qu’au Dr Bataille, à M. Lautier, président général des avocats de
Saint-Pierre, et à M. Esnault, dessinateur envoyé par M. de la Rive. Enfin, nous avons le témoignage de l’éditeur des
œuvres de miss Vaughan, M. Pierret, de son frère, de ses ouvriers et de son
apprenti, qui tous, interrogés par moi, m’ont déclaré avoir vu plusieurs fois
cette personne alors qu’elle publiait le Palladisme. (Rapport de M. de Bessonies à Trente, Franc-Maçonnerie
démasquée, p.296.) Continuez, Mademoiselle, par votre plume et par
votre piété, malgré les efforts de l’enfer, à fournir des armes pour
terrasser l’ennemi du genre humain. (Lettre de Mgr Villard, secrétaire du cardinal Parocchi,
19 octobre 1896.) Veut-on savoir la valeur de ce
renseignement ? Les lettres de miss Vaughan nous parviennent deux ou
trois jour après la date à laquelle elles sont écrites. Le monsieur était un
simple farceur. M. le chanoine Mustel, (Revue catholique de Coutances, 6 novembre
1896.) Léo Taxil réclame d’être confronté avec ces deux
Parisiens, c’est de toute justice. On accuse Léo Taxil d’avoir mystifié, il demande
de prouver qu’il n’a rien fait de ce qu’on lui reproche. Ces étranges inventions ! C’est vous qui
dites que ce sont des inventions, il faudrait le prouver. Il ne demande pas qu’on établisse « ses
soi-disant faussetés qui éclatent aux yeux de tous », mais qu’on prouve
le fait précis dont on l’accuse. Dans l’Univers du 27 et non du 25 octobre,
le Dr Bataille n’a pas dit qu’il ignorait Diana Vaughan, il se déclare
étranger à l’affaire. Pour le reste, voir plus loin. Celle de Paris est certifiée ressemblante par MM.
Taxil, Lautier et Esnault qui y assistaient. Quelle Diana de Villefranche ? Vous supposez
prouver ce pourquoi vous refusez la confrontation. Quand donc Taxil a-t-il signalé l’existence de
plusieurs Diana Vaughan ? et l’existence sur plusieurs points du monde à
la fois ? Qu’on nous cite les passages. Que personne n’a vue ! -
Voir plus loin. Où donc a-t-on pris tout cela ??? Voir la réponse à ces questions dans le rapport
présenté à Trente par M. de Bessonies. Ce sera bien en effet la meilleure preuve que ce
n’est pas Taxil qui l’a inventée. C’est en août et non en octobre 1895 que l’Hymne
à Jeanne D’Arc a été composé. Certainement, oui, toutes ces Diana sont la
même personne que celle connue cinq ans auparavant ; il n’y a de fausse
Diana que celle de Villefranche, si elle a été vraiment vue par les deux
Parisiens qui prétendent avoir été trompés par M. Taxil. On refuse justement
de les confronter avec lui. |
(Voir encore l’Anti-maçon
du 5 décembre 1896 et le n° 14 des Mémoires d’une Ex-palladiste,
intitulé : La suprême manœuvre.)
Nous présenterons
aujourd’hui seulement trois lettres publiées par l’Univers, et qui ont
produit le plus d’impression sur le public ; nous étudierons ensuite les
erreurs qui sont le fait de l’Univers lui-même.
Lettre de Mgr l’évêque
d’Edimbourg : Miss Diana Vaughan n’a jamais été en rapports avec
moi, autant que je puis le savoir, ni moi avec elle. Je ne lui ai jamais
donné ma bénédiction…etc. A titre de renseignement, M. Considin me
communiqua les deux numéros du journal de miss Diana Vaughan pour que je
pusse les lire. Je les parcourus et je les retournai à l’Ecossais ci-dessus
désigné, y joignant la remarque que je les avais lus avec intérêt. C’est
littéralement tout. (Univers du 7 novembre.) La fugue de M. Léo
Taxil : A Trente on proposa à M. Taxil de confier les
indications requises sous le sceau de la confession, à l’un des évêques
présents, afin qu’il pût en référer au Saint-Siège. La proposition était si
justifiée, que M. L. Taxil, ne pouvant s’y soustraire, fit mine de
l’accepter. L’évêque désigné pour recevoir ses confidences fut Mgr
Lazzareschi. Séance tenante, car c’était le dernier jour du Congrès,
rendez-vous fut pris pour l’entrevue secrète que M. Léo Taxil devait avoir à
3 heures de l’après-midi avec Mgr Lazzareschi. Celui-ci, en effet, se trouva
prêt à l’heure fixée… mais Léo Taxil ne parut point et on ne l’a plus
revu ! (Correspondance romaine, Univers, 8
novembre.) Lettre de M.
Billiet : Je viens de surprendre (M. Léo Taxil) donnant dans
son journal l’Anti-maçon… un texte complètement faux de
l’article 3 du règlement général voté à Trente Extraits de La Vérité de Paris : Un des opposants les plus méritants a déclaré au
Congrès de Trente qu’il tenait pour vrai les neuf dixième des révélations.
Mais nous ne voulons pas maintenir le dixième, qui est douteux, et, en
conséquence, nous arrêtons la vente de la brochure Les Mystères de l’enfer. Lettre du R. P. Kunzlé (Vérité du 24 octobre.) Le Dr Hacks n’a eu qu’une petite part dans la
personnalité collective du Dr Bataille, et il n’a collaboré qu’au tome 1er
de la publication parue et signée de ce pseudonyme. (Vérité du 28 octobre.) Je n’ai été qu’un collaborateur du début. (Vérité du 31 octobre.) Il y a dans les Mémoires de Diana Vaughan
depuis sa conversion une page, entre bien d’autres, qui aurait dû suffire
pour écarter de « son moulin » tout prêtre et tout catholique.
C’est celle où elle raconte l’apparition du diable Bitru à Crispi. Diana
affirme que ce démon leur a fait part de ses relations avec Sophie Walder, en
leur annonçant que de ces relations-là naîtrait à Jérusalem, le 29 septembre
1896, la grand-mère de l’Antéchrist. A défaut de preuves - et on sait si elles manquent
- celle-là devrait suffire à tout catholique. (Vérité du 7 novembre.) Le rendez-vous (à Trente) avait été fixé pour le
dernier jour du Congrès, à 3 heures de l’après-midi. Au jour et à l’heure convenus, M. Léo Taxil ne se présenta pas. Il avait disparu, et
l’on croit qu’il avait quitté la ville. Correspondance de Rome (Vérité du 9 novembre.) « Pour venir au vrai quant à ces faits
précis, il n’est pas exact de dire qu’ils ne sont pas contestés. Ils ne le
sont pas en effet par les êtres fantastiques dont ils racontent
l’histoire. » Lettre de M. Georges Bois (Vérité du 13 novembre.) « C’est
à Charleston que Diana fit une veillée, quand le diable, qui se montre et
parle tous les vendredis, ainsi que le Dr Bataille s’en est rendu compte en
personne et l’a dit avec force détails. » (Même lettre.) « Je reçus d’un ami du docteur une lettre de
reproches et un document qui m’était, avec toutes sortes de recommandations
précieuses, donné en communication comme un témoignage des informations que
possédait M. Bataille. C’était la photographie d’une lettre signée Diana
Vaughan, et portant à l’angle du papier ses armes parlantes, composées d’un
croissant de lune autour duquel s’enroulait une queue de lion. Je retiens la date de mon anecdote ; c’était
dans l’été de 1893. » Lettre de M. Georges Bois (Vérité du 17 novembre.) « Je me rappelle avoir lu, dans le Bulletin
du Grand-Orient, l’histoire de Diana traitée de mystification à peu près
comme elle l’est partout depuis quelque temps. Il y avait même, je me le
rappelle encore, dans le ton du Bulletin, une nuance ironique d’admiration
pour « l’adroit mystificateur ». Cette expression m’est
restée. » (Même lettre.) « Je termine en félicitant M. Gaston Mery de
sa découverte dans le Rob Roy de Walter Scott. Les trois noms de
Vaughan (le père) de Diana et de Vernon éveillent un autre
souvenir. Ce n’est pas Diana et Vaughan seulement qui se retrouvent dans le Diable. » (Même lettre.) Ceux qui ont lu l’histoire de Diana avant la
conversion savent que les « inspectrices du palladisme »
changeaient de nom périodiquement. Et le dernier que prit Diana fut
justement celui de Vernon. » (Même lettre.) |
Simples
observations : L’Ecossais dont il est question, M. L…, habitant
A…, n’aurait-il pas simplement transmis à miss Diana Vaughan que Monseigneur
avait lu les Mémoires avec intérêt, qu’il voulait bien la bénir ? En attendant de m’occuper d’une lettre d’un
personnage très vénérable et que je respecte infiniment, mais qui a manqué de
mémoire… (Mémoires d’une ex-palladiste, p.444.) L’exemple récent du très vénéré évêque de Périgueux
montre la chose comme très possible, surtout qu’il peut s’être agi seulement
d’une parole dite par bienveillance et non d’une bénédiction par écrit. Démenti formel : Je vais rétablir les faits. J’étais présent, je
suis témoin. Dès la matinée du mercredi 30, nous fûmes convoqués, M. Léo
Taxil, le R.P. Sanna-Solaro et moi à nous trouver le soir à 9 heures, avec
Mgr le prince de Loevenstein au palais épiscopal, pour donner les
renseignements qu’il eût été imprudent de produire en public. J’arrivai le
dernier. M. Léo Taxil avait déjà fourni quelques explications, et, pendant
deux heures, jusqu’à 11 heures du soir, il répondit à toutes les questions
qui lui furent posées. De plus, M. Léo Taxil avait offert publiquement
de faire à un évêque une communication confidentielle dont il avait été
chargé en cas de certaine contestation prévue. L’entrevue entre M. Léo Taxil
et cet évêque eut lieu, comme il avait été convenue avec lui, le 30 au matin,
non pas à 3 heures de l’après-midi, heure de la réunion générale, mais au
soir, entre 9 heures et 11 heures. Pendant ce temps-là, le P. Sanna-Solaro et
moi nous restâmes avec le prince-évêque et le prince de Loevenstein.
L’absence de M. Léo Taxil, et par conséquent l’entrevue dont dl s’agit, ne
fut pas de longue durée. M. Léo Taxil ne quitta Trente que le jeudi soir. (M. l’abbé Mustel, dans la Revue catholique de
Coutances du 13 novembre.) Texte officiel : Un premier texte officiel des Résolutions du
Congrès anti-maçonnique publié à Rome est textuellement le même que
celui donné par l’Anti-maçon du 16 octobre. Un second texte, paru depuis, diffère en ce que le
mot de « national » est remplacé par « central dans chaque
pays ». Où donc est le faux dénoncé par M. Billiet ? Le R. P. Kunzlé ne dit pas qu’il était menacé de
deux procès, l’un intenté par miss Vaughan, l’autre par la Bonifacius
Druckerei pour avoir sans autorisation reproduit d’importantes parties
des Mémoires d’une ex-palladiste. Depuis qu’il déclare qu’il n’a été qu’un
« fumiste », le Dr Hacks est, en toutes choses, cru sur parole. Des témoins affirment qu’il se disait l’auteur
même du Diable au XIXe siècle. Au cours de la publication du second
volume, il a touché chez l’éditeur certaines sommes pendant toute la durée
de la publication. Ce n’est pas dans les Mémoires, mais dans
le volume sur Crispi que le fait est raconté. « Nous n’avons jamais dit que Sophie Walder
sera vraiment la bisaïeule de l’Antéchrist, mais nous prétendons que cette
opinion est répandue parmi les palladistes ; nous disons que, d’après
eux, c’est aujourd’hui, 29 septembre 1896, qu’elle doit donner naissance à la
grand-mère de l’Antéchrist. Nous n’annonçons pas autre chose. Or, hier, je
recevais une lettre d’un prêtre français m’annonçant qu’on lui écrivait de
Jérusalem même que Mlle Sophie Walder venait d’y arriver et était logée dans
un hôtel voisin de la maison des Sœurs de Saint-Vincent de Paul. (Rapport de M. l’abbé de Bessonies au Congrès de
Trente.) Voir le témoignage de M. l’abbé Mustel déjà cité. M. Fromm, rédacteur de la Vérité, présent
au Congrès antimaçonnique, s’est trouvé le lendemain de la clôture du Congrès
à Trente, avec M. Léo Taxil, auprès de Don Carlos. Depuis quand Crispi, Lemmi, Cadorna, etc., etc.,
en Italie, et, en France, Albert Pétrot, Mesureur, Lockroy, le major Desmons
sont-ils des êtres fantastiques ? « cette idole hideuse, voilà le Palladium de
la Franc-Maçonnerie universelle. C’est devant elle - ainsi que l’attestent
les membres du sérénissime Grand Collège - que le dieu Bon se manifeste en
personne une fois par semaine. Cette apparition fait partie de celles dont je
n’ai pas été témoin ; à ce sujet, je ne fais donc que répéter ce qui m’a
été déclaré. » (Le Diable au XIXe siècle, 1er
vol. p.414.) C’est pendant ce séjour à Paris (celui de miss
Vaughan fin décembre) que lui fut notifiée la sentence arbitrale de Ferrari,
rendue dans son différend avec la grande-maîtresse du Lotus de France, Suisse
et Belgique. La lettre de miss Vaughan dont photographie avait été transmise
à Lemmi par l’agent Moïse-Lid-Nazareth, fut reconnue ne pas être de son
écriture quoique écrite sur son papier à lettre, et elle n’avait pas la
portée que l’agent lui attribuait. (Le 33e Lemmi, par M. Margiotta
p.352.) M. Georges Bois n’aurait-il pas confié cette
lettre au moins quelques heures à Moïse-Lid-Nazareth, correspondant d’Ulysse
Bacci, secrétaire du Grand-Orient d’Italie ? Ici nous sommes d’accord. Les catholiques adoptent
les soi-disant découvertes des francs-maçons. Le Bulletin du Grand-Orient d’octobre 1895
a reproduit dans sa partie non officielle un article de l’Alpina,
journal maçonnique suisse, à propos d’absurdes plaisanteries publiées par la Revue
maçonnique. Le cardinal Vaughan, M. Vaughan de l’Intransigeant
et le Vaughan du roman de Tardivel ont-ils aussi emprunté leurs noms à Walter
Scott ? Il est bon d’expliquer que pour leur
correspondance secrète, les inspecteurs généraux et inspectrices générales de
la Haute-Maçonnerie changent de nom chaque trimestre. Voici par exemple les
noms trimestriels de Sophie Walder pendant l’année maçonnique
courante : du 1er mars au 31 mai 1893 : Mme
Stéphan ; - du 1er juin au 31 août 1893 : Mme
Donnal ; - du 1er septembre au 30 novembre 1893 : Mlle
Bloncourt ; - du 1er décembre au 28 février 1894 : Mme
Vernon. A. de la Rive, La Femme et l’Enfant dans la
Maçonnerie universelle, p.691, note. |
Le Congrès avait désigné une commission chargée de se prononcer sur
Diana Vaughan et présidée par un évêque italien, Mgr Luigi Lazzareschi. A la
fin du mois de janvier 1897, la commission déclara n’avoir pu recueillir
« à ce jour aucun argument péremptoire soit pour soit contre l’existence,
la conversion, l’authenticité des écrits de la prétendue Diana Vaughan. »
Taxil écrivit à M. le
chanoine Mustel une lettre, reproduite dans la Revue Catholique de
Coutances, du 19 février 1897 :
« Mon cher Monsieur le
Chanoine,
Comme complément à ce que vous
dites dans votre dernier numéro (page 155, lignes 9 à 12), je vous prie de
vouloir bien publier la déclaration que voici :
Non seulement les anciens
ouvrages contre la religion, que j’ai publiquement rétractés, n’ont jamais été
réimprimés avec mon consentement ; - mais encore je suis convaincu
qu’aucune réimpression clandestine, c’est-à-dire effectuée contre mon gré, n’a
été faite, attendu que, dans le monde de la librairie, on sait bien que je
n’aurais épargné les contrefacteurs.
En 1890, un éditeur de la
rue Saint-Benoît, à Paris, M. Simon, crut pouvoir se permettre de réimprimer un
roman anticlérical intitulé : Par la grâce du Saint-Esprit, écrit
en collaboration avec M. Fernand Laffont, dont il avait eu l’autorisation. Dès
que j’en fus avisé, je fis sommation à l’éditeur d’avoir à mettre sa
marchandise au pilon, et il s’exécuta immédiatement, car j’avais eu soin
d’acheter la part de propriété de mon collaborateur. Voilà un fait des plus
probants, n’est-ce pas ?
En voici un autre, plus
probant encore : - Au lendemain même de ma conversion, MM. Firmin et
Cabirou, imprimeurs à Montpellier, se trouvaient avoir exécuté depuis quelques
semaines, pour le compte de la Librairie Anticléricale, un important tirage
d’un autre roman impie écrit en collaboration avec M. Jules Fréval et intitulé Tous
des Tartufes ! Les feuilles tirées, qui allaient être brochées,
formaient un total de mille kilos, si j’ai bonne mémoire. Or, j’étais alors
créancier de MM. Firmin et Cabirou pour une somme de 3 000 francs, dans le compte
courant que j’avais avec ces messieurs. Pour empêcher la mise en vente des
mauvais livres, je fis l’achat de tout le stock contre l’abandon de ma créance,
et ces mille kilos de marchandise anticléricale furent mis au pilon. Le fait
doit être à la connaissance de Mgr l’Evêque de Montpellier, à qui je vous prie
d’envoyer le numéro de votre Revue contenant ma lettre.
Si M. Eugène Veuillot ou
n’importe qui peut produire quelque exemplaire de mes anciens livres impies,
imprimé depuis ma rétractation (23 juillet 1885), je lui en offre, moi, mille
francs par ouvrage, qu’il s’agisse d’un volume ou d’une simple brochure.
Seulement, vous pouvez en être sûr, ce nouveau défi ne sera pas relevé, car, à
l’Univers, on sait parfaitement à quoi s’en tenir.
Veuillez agréer, mon cher
monsieur le Chanoine, l’expression de mes sentiments bien respectueux et
dévoués.
Léo Taxil. »
Elle promettait, dès qu’on
lui aurait fourni une garantie que la plus élémentaire justice imposait, de se
trouver inopinément en une ville d’Italie (de son choix) ou une ville voisine
de la frontière italienne.
« Là, ajoutait-elle, je
ferai savoir ma présence immédiatement, d’une manière publique, de telle sorte
que dès lors, l’horreur même d’un crime soudain constituera ma sécurité ;
et je suis convaincue que, pendant les quelques jours de vie publique
nécessaires aux constatations de mon cas, il ne sera pas touché à un cheveu de
ma tête. Alors, je ferai appel aux amis catholiques sûrs, pour m’accompagner à
Rome. Dans la ville sainte, je donnerai, toujours publiquement, mon adresse,
afin que chacun, s’il le désire, puisse se convaincre, par une visite, que je
ne suis pas un être imaginaire. Exhibition sera faite de mes preuves, parmi
lesquelles : les papiers de famille que j’ai, relatifs à Thomas Vaughan,
dit Philalèthe, mon ancêtre ; les principales pièces authentiques, depuis
James Vaughan, de Boston, jusqu’à mon père, réserve faite de ce qui concerne ma
mère, ceci ne devant être communiqué qu’au Souverain Pontife ; la
collection complète de mes reçus maçonniques, divers diplômes ; la
correspondance de Goblet d’Alviella avec mon père ; les certificats
relatifs à mes conférences triangulaires ; les principales de mes lettres
reçues de Charleston, Calcutta, Berlin, Naples, etc., lettres de
Haute-maçonnerie et de maçonnerie avouée, dûment timbrées et sur papier des
divers suprêmes conseils, notamment les réponses pour et contre se rapportant à
la voûte de protestation contre l’élection de Lemmi ; les reproductions
photographiques des principales pages du Livre Apadno ; quelques
notes d’hôtel, que j’ai retrouvées, en assez grand nombre pour prouver mes
voyages aux plus incrédules ; les originaux des lettres du comte Luigi
Ferrari, dont j’ai parlé, ainsi que divers documents à moi envoyés par d’autres
maçons italiens ; lettres d’Albert Pike, de Liliana Pike, des deux Mackey,
de Frédéric Hobbs, de Bovio, d’Ettore Ferrari, de Cornélius Herz, de Sandeman,
de Findel, du Ruchonnet, de Caïn Larocque, du Dr Venzolasca (pseudonyme de
Bataille, au temps de son palladisme), de Charles Floquet, d’Ulysse Bacci,
etc. ; un curieux rapport du Souverain Directoire administratif de Berlin,
sur la question Naundorff[104] ;
le texte complet de la Haute Voûte dogmatique d’Albert Pike, du 14 juillet
1889, etc., etc. - Sur les questions relatives à ma conversion elle-même,
réserve faite de la désignation du couvent, je répondrai à tout ecclésiastique,
aux ecclésiastiques seuls ; et, quant au couvent, je ne le nommerai qu’au
Souverain Pontife si j’obtiens une audience particulière. Au surplus, si les
membres ecclésiastiques du Conseil Directif général de l’Union antimaçonnique
veulent désigner quatre personnes sûres, auxquelles j’adjoindrai un de mes amis
français, nous irons ensemble chez Lemmi et chez Nathan, et j’ai de quoi
obliger ceux-ci à reconnaître, devant témoin, qu’ils me connaissent bien !
Mon retour sera assuré de
Rome à Paris, avec escorte de deux ou trois amis catholiques ; à Paris, je
me charge fort bien de disparaître de nouveau.
Cet engagement de me
manifester publiquement, avec toutes mes preuves, n’est pas pris, d’une façon
exclusive, pour le cas où la Commission romaine donnera les garanties que j’ai
expliquées plus haut ; mais si ces garanties sont réalisées, mon
intervention, personnelle se produira sous le contrôle de la Commission
romaine.
Dans le cas, qui me paraît
improbable, où ces garanties seraient refusées, je me manifesterai quand
même, mais en France seulement, et non en Italie. »
Après le refus des garanties
qu’elle avait demandées pour se manifester sous le contrôle de la commission,
Diana Vaughan, selon qu’elle s’y était engagée, prit immédiatement ses mesures
pour se manifester quand même. Ce fut dans le numéro de février qu’elle
précisa sa résolution, fixant jour par jour l’itinéraire qu’elle devait suivre.
La première manifestation aurait lieu à Paris, le jour du 19 avril.[105]
En fixant cette date et le
lieu où on allait pouvoir enfin la trouver, Diana Vaughan ne se doutait pas
qu’elle signait l’arrêt de sa disparition.
Voici les dernières phrases
de Diana Vaughan :
« On croit
m’embarrasser, parce que mon père, ayant commis une faute grave, l’aggrava,
croyant la cacher, en se conformant sur le sol français aux usages du
Kentucky ; on oublie que, précisément, à cause de cela, il a fallu
multiplier les formalités, lors de la succession de ma mère ; ce n’est pas
un acte d’identité qui m’a été nécessaire, c’est une montagne de papiers légaux
que j’ai dû présenter et que j’ai encore. On m’oblige à révéler des choses
pénibles. Soit ! J’accepte tout, pour le triomphe de la vérité.
Faudrait-il dire le nom de ma mère, je le dirais, et l’on constaterait qu’il
n’est pas le premier nom venu. Cela brisera peut-être l’un de mes plus
chers projets ; mais il ne sera pas dit que j’aurai reculé. D’ailleurs, ma
vocation religieuse… hélas ! la perspective de dépendre de quelque
MacDonald ou Lazzareschi l’a quelque peu ébranlée. »[106]
Voici le texte du discours
prononcé le 19 avril 1897 a la salle de la Société de Géographie et tiré du
journal Le Frondeur, hebdomadaire, numéro du 25 avril 1897 :
« Mes
révérends pères, mesdames, messieurs,
Il importe, tout d’abord,
d’adresser des remerciements à ceux de mes confrères de la presse catholique,
qui - entreprenant
tout a coup, il y a six ou sept mois, une campagne d’attaques retentissantes -
ont produit un merveilleux
résultat, celui que nous constatons dès ce soir, et que l’on constatera mieux
encore demain : l’éclat tout à fait exceptionnel de la manifestation de
la vérité dans une question, dont la solution aurait pu peut-être, sans eux,
passer absolument inaperçue.
A ces chers confrères, donc,
mes premières félicitations ! Et, dans un instant, ils vont comprendre
combien ces remerciements sont sincères et justifiés...
Maintenant, je m’adresse aux
catholiques.
Je leur dis : -
Quand vous avez
su que le docteur Bataille, se disant dévoué à la cause catholique, avait passé
onze années de sa vie à explorer les antres les plus ténébreux des sociétés
secrètes, Loges et Arrière-Loges, et même Triangles lucifériens, vous l’avez
carrément approuvé, vous avez trouvé sa conduite admirable. Il a reçu une
véritable pluie de félicitations. Des articles élogieux, il en a eu même dans
les journaux du parti qui, aujourd’hui, n’ont pas assez de foudres pour
pulvériser Miss Diana Vaughan, la traitant tantôt de mythe et tantôt
d’aventurière et de tireuse de cartes.
On peut revenir à présent
sur ces acclamations qui ont accueilli le docteur Bataille ; mais elles
n’en ont pas moins eu lieu, et elles ont été éclatantes, illustres théologiens,
éloquents prédicateurs, éminents prélats l’ont complimenté à qui mieux mieux.
Et je ne dis pas qu’ils avaient tort.
Je constate
purement et simplement.
Et cette
constatation a pour but de me permettre de dire tout aussitôt :
« Ne vous
fâchez pas, mes Révérends Pères, mais riez de bon cœur, en apprenant
aujourd’hui que ce qui s’est passé, c’est exactement le contraire de ce que
vous avez cru. Il n’y a pas eu, le moins du monde, un catholique se dévouant et
explorant sous un faux nez la Haute-Maçonnerie du Palladisme. Mais, par contre,
il y a eu un libre-penseur qui, pour son édification personnelle, nullement par
hostilité, est venu flâner dans votre camp, non pas durant onze années, mais
douze : et... c’est votre serviteur. »
Pas le moindre complot
maçonnique dans cette histoire, et je vais vous le prouver tout à l’heure. Il
faut laisser à Homère chantant les exploits d’Ulysse, l’aventure du légendaire
cheval de bois ; ce terrible cheval n’a rien à voir dans le cas présent.
L’histoire d’aujourd’hui est beaucoup moins compliquée.
Un beau jour,
votre serviteur s’est dit que, étant parti trop jeune pour l’irréligion et
peut-être avec beaucoup trop de fougue, il pouvait fort bien ne pas avoir le
sentiment exact de la situation ; et alors, n’agissant pour le compte de
personne, voulant rectifier sa manière de voir, s’il y avait lieu, ne confiant
d’abord sa résolution à qui que ce fût, il pensa avoir trouvé le moyen de mieux
connaître, de mieux se rendre compte, pour sa propre satisfaction.
Ajoutez à cela,
si vous voulez, un fond de fumisterie dans le caractère ; -
on n’est pas
impunément fils de Marseille ! - Oui, ajoutez ce délicieux
plaisir, que la plupart ignorent, mais qui est bien réel, allez ! Cette
joie intime que l’on éprouve à jouer un bon tour à un adversaire, sans méchanceté,
pour s’amuser, pour rire un brin...
D’abord, j’étais
venu curieux, un peu à l’aventure, - mais en me proposant, bien
entendu, de me retirer, une fois l’expérience faite. -
Puis, le doux
plaisir de la fumisterie prenant le dessus, dominant tout, je m’attardai dans
le camp catholique, développant de plus en plus mon plan de mystification à la
fois amusante et instructive, et lui donnant des proportions toujours plus
vastes, au gré des événements.
C’est ainsi que j’en arrivai
a m’assurer deux collaborateurs, deux, pas davantage : l’un, un ancien
camarade d’enfance, que je mystifiai lui-même tout d’abord et à qui je donnai
le pseudonyme de Dr Bataille ; l’autre, Miss Diana Vaughan, protestante française,
plutôt libre-penseuse, dactylographe de son état et représentante d’une des
fabriques de machines à écrire des Etats-Unis. L’un et l’autre étaient
nécessaires pour assurer le succès du dernier épisode de cette joyeuse
fumisterie, que les journaux américains appellent « la plus grande
mystification des temps modernes ».
Ce dernier épisode, qui
devait naturellement se clore en avril, mois de la gaîté, mois des farces, -
et n’oublions
pas que la mystification débuta également en avril, le 23 avril 1885, -
ce dernier
épisode est le seul qui ait à être expliqué aujourd’hui, et encore à grands
traits seulement ; car, s’il fallait raconter tout, en montrant le
dessous des cartes depuis le commencement de l’aventure, nous en aurions pour
plusieurs jours. Ce poisson d’avril a été une gigantesque baleine.
Toutefois, il importe
d’éclairer le point de départ par quelques rayons d’une douce lumière.
Parmi les adages de l’art
culinaire, on cite souvent celui-ci : « On devient cuisinier, mais on
naît rôtisseur ». La perfection dans la science de rôtir ne s’apprend
pas. Il en est, je crois, de même pour la fumisterie ; on naît fumiste.
Voici quelques aveux sur mes
débuts dans cette noble carrière :
D’abord, dans ma ville
natale. Personne n’a oublié, à Marseille, la fameuse histoire de la dévastation
de la rade par une bande de requins. De plusieurs localités de la côte,
arrivaient des lettres de pêcheurs, narrant comment ils avaient échappé aux
plus terribles dangers. La panique se mit parmi les baigneurs, et les
établissements de bains de mer, depuis les Catalans jusqu’à la plage du Prado,
furent désertés pendant plusieurs semaines : La Commission municipale
s’émut ; le maire émit l’avis, très judicieux, que ces requins, fléau de
la rade, étaient vraisemblablement venus de Corse à la suite d’un navire qui
avait sans doute jeté à l’eau quelque cargaison avariée de viandes fumées. La
Commission municipale vota une adresse au général Espivent de la Villeboisnet, -
on était alors
sous le régime de l’état de siège, - lui demandant de mettre à sa
disposition une compagnie, armée de chassepots, pour une expédition sur un
remorqueur. Le brave général, ne demandant qu’à être agréable aux
administrateurs qu’il avait lui-même choisis pour la chère et bonne ville où je
reçus le jour, le général Espivent, aujourd’hui sénateur, accorda donc cent
hommes, bien armés, avec ample provision de cartouches. Le navire libérateur
quitta le port, salué par les bravos du maire et de ses adjoints ; la rade
fut explorée dans tous les sens, mais le remorqueur s’en revient
bredouille ; pas plus de requins qu’il n’y en a ici ! Une enquête
ultérieure démontra que les lettres de plaintes émanant de divers pêcheurs de
la côte étaient toutes absolument fantaisistes. Dans les localités où ces
lettres avaient été mises à la poste, ces pêcheurs-là n’existaient pas ;
et, en rassemblant ces lettres, on remarqua qu’elles paraissaient avoir été
écrites par la même main. L’auteur de la mystification ne fut pas découvert.
Vous le voyez devant vous. C’était en 1873 ; j’avais alors dix-neuf ans.
J’espère que le général
Espivent me pardonnera d’avoir, par un bateau, compromis un moment son prestige
aux yeux de la population. Il avait supprimé la Marotte, journal des fous.
L’affaire des requins fut, n’est-ce pas? Une très inoffensive vengeance.
Quelques années plus tard,
j’étais à Genève, pour me soustraire à quelques condamnations de presse. La Fronde,
puis le Frondeur avaient succédé à la Marotte.
Un beau jour, le monde
savant fut ravi d’apprendre une merveilleuse découverte. Peut-être quelqu’un,
dans cet auditoire, se rappellera le fait : il s’agit de la ville
sous-lacustre que l’on apercevait, disait-on, assez confusément, au fond du lac
Léman, entre Nyon et Coppet. Des correspondances furent envoyées à tous les
coins de l’Europe, tenant les journaux au courant des prétendues fouilles. Une
explication très scientifique était donnée en s’appuyant sur les
Commentaires de Jules César : cette ville avait dû être bâtie à
l’époque de la conquête romaine, en ce temps où le lac était si étroit que le
Rhône le traversait sans y mêler ses eaux. Bref, la découverte fit partout
grand bruit, - partout, excepté en Suisse, bien entendu. Les habitants de Nyon et de
Coppet ne furent pas peu étonnés de l’arrivée de quelque touriste, de temps en
temps, qui demandait à voir la ville sous-lacustre. Les bateliers de l’endroit
finirent par se décider à conduire sur le lac les touristes trop insistants.
On répandait de l’huile sur l’eau, pour mieux voir ; et, en effet, il y en
eut qui distinguèrent quelque chose... des restants de rues assez bien
alignées, des carrefours, que sais-je ? Un archéologue polonais, qui avait
fait le voyage, s’en retourna satisfait et publia un rapport, dans lequel il
affirmait avoir très bien distingué un restant de place publique, avec quelque
chose d’informe qui pourrait bien être un restant de statue
équestre. Un Institut délégua deux de ses membres ; mais ceux-ci, dès leur
arrivée, s’abouchèrent avec les autorités, et, ayant appris ainsi que la ville
sous-lacustre était une pure fumisterie, s’en retournèrent comme ils étaient venus
et ne virent rien, hélas! La ville sous-lacustre ne survécut pas à cette
démarche scientifique.
Le père de la ville
sous-lacustre du Léman, qui est ici présent, eut un précieux auxiliaire, pour
la propagation de la légende, en la personne d’un de ses compagnons d’exil, -
est-il besoin
de dire que c’est un Marseillais aussi, - mon confrère et ami Henri
Chabrier, acclimaté aujourd’hui comme moi sur les bords de la Seine.
Ces deux anecdotes, entre
cent que je pourrais citer, sont rapportées afin d’établir que le goût de votre
serviteur pour la grande et joyeuse fumisterie remonte à plus de douze ans.
J’arrive donc à la plus
grandiose fumisterie de mon existence, à celle qui prend fin aujourd’hui, et
qui sera évidemment la dernière ; car, après celle-là, je me demande quel
confrère, même de la presse d’Islande ou de Patagonie, accueillerait, sous ma
recommandation ou sous celle d’un de ses amis, la confidence de n’importe quel
événement extraordinaire!...
On comprendra sans peine qu’il
n’était guère commode, avec le formidable bagage de mes écrits irréligieux,
d’être reçu dans le giron de l’Eglise, sans une méfiance encore plus
formidable. Il me fallait, cependant, arriver là et être accueilli, pour
pouvoir, quand les méfiances seraient complètement dissipées, au moins en haut
lieu, organiser et diriger la phénoménale mystification de la diablerie
contemporaine.
Pour atteindre le résultat
que je m’étais proposé, il était nécessaire, indispensable de ne confier mon
secret à personne, absolument à personne, pas même à mes plus intimes amis,
pas même à ma femme, du moins dans les premiers temps. Mieux valait passer pour
être devenu fou aux yeux de ceux qui m’approchaient. La moindre indiscrétion
pouvait faire tout manquer. Et je jouais gros jeu ; car j’avais affaire à
forte partie. L’hostilité des uns, la contrariété chagrine et agacée des autres
furent, au contraire, mes meilleurs atouts, puisque, -
ce qui était
immanquable - je fus mis en étroite observation pendant les premières années.
Pourtant, quelques menus
détails frapperont mes anciens amis, si je les leur rappelle.
Ainsi, après la publication
de ma lettre par laquelle je rétractais tous mes ouvrages irréligieux, les
groupes parisiens de la Ligue anticléricale se réunirent en assemblée générale
pour voter mon expulsion. On fut surpris de m’y voir arriver ; les
ligueurs n’en revenaient pas, et en vérité ma présence était incompréhensible,
puisque je ne venais pas braver ceux dont je m’étais séparé et que je ne dis
pas un mot non plus pour tenter de les entraîner avec moi, comme l’aurait fait
un converti dans son ardeur de néophyte. Non! je vins à cette séance, sous
prétexte de faire mes adieux, - et il y avait alors trois mois que j’avais donné ma
démission ! - mais en réalité pour chercher et trouver l’occasion de placer un mot
que je pourrais rappeler quand le moment serait venu.
En grande majorité, ces
ligueurs anticléricaux étaient mes amis. Il y en avait qui pleuraient ;
moi-même, j’étais ému... Je vous assure que je ne me séparais pas d’eux sans
ennui. Enfin, prenez-le comme vous voudrez. Quoique ému, je gardais mon
sang-froid au milieu d’une vraie tempête ; reportez-vous aux journaux du
temps.
Pour clôturer la séance, le
président mit aux voix l’ordre du jour suivant, qui fut voté à
l’unanimité :
« Considérant que le
nommé Gabriel Jogand-Pagès, dit Léo Taxil, l’un des fondateurs de la Ligue
anticléricale, a renié tous les principes qu’il avait défendus, a trahi la
libre-pensée et tous ses co-antireligionnaires ;
Les ligueurs présents à la
réunion du 27 juillet 1885, sans s’arrêter aux mobiles qui ont dicté au nommé
Léo Taxil son infâme conduite, l’expulsent de la Ligue anticléricale comme
traître et renégat. »
Je protestai alors contre un
mot, un seul mot, de cet ordre du jour.
Il y a, sans doute, dans la
salle, des anciens amis qui prirent part à cette réunion de juillet 1885. Je
leur rappelle les termes de ma protestation.
Je dis ceci, de la voix la
plus paisible :
« _
Mes amis,
j’accepte cet ordre du jour, sauf un mot... »
Le président m’interrompit
pour s’écrier :
« _
En vérité,
c’est trop d’audace ! »
Je continuai, sans me
troubler :
« _
Vous avez le
droit de dire que je suis un renégat, puisque je viens de faire
publier, il y a quatre jours, une lettre dans laquelle je rétracte, je renie
expressément tous mes écrits contre la religion. Mais je vous demande de biffer
le mot de traître, qui ne s’applique aucunement à mon cas ; il n’y
a pas l’ombre d’une trahison dans ce que je fais aujourd’hui. Ce que je vous
dis là, vous ne pouvez pas le comprendre en ce
moment ; mais vous le comprendrez plus tard. »
Je me gardais bien d’appuyer
outre mesure sur cette dernière phrase ; car il ne fallait pas laisser
soupçonner mon secret. Mais je la dis assez nettement pour qu’elle pût rester
dans les mémoires, tout en prêtant à diverses interprétations.
Et, quand j’eus l’occasion
de publier un compte rendu de cette séance, j’eus grand soin d’omettre cette
déclaration ; en effet, elle eût pu donner l’éveil.
Second fait. Entre le jour
d’avril où je vins faire à un prêtre la confidence de ma conversion et le jour
de la séance de mon expulsion de la libre-pensée, se tint à Rome un congrès
anticlérical, dont j’avais été un des organisateurs. Rien ne m’était plus
facile que de le désorganiser et de le faire échouer complètement. Ce congrès
eut lieu dans les premiers jours de juin. Tous les ligueurs savent que,
jusqu’au bout, je me suis employé de toutes mes forces à la réussite ;
seule, la mort de Victor Hugo, qui survint à ce moment-là, détourna l’attention
publique de ce congrès.
Plus tard, quand on apprit
que j’avais revu des prêtres dès le mois d’avril, on dit, on imprima que, sous
le couvert de ce congrès, j’étais allé à Rome négocier ma trahison, que j’avais
été reçu en secret au Vatican ; on a même inséré dans ma biographie que
j’avais reçu une forte somme ; on a dit « un million ».
J’ai laissé dire ; car
tout ceci m’importait peu, et je riais en moi-même.
Mais aujourd’hui j’ai le
droit de dire qu’il en fut tout autrement. Parmi les invitations distribuées
pour cette conférence, se trouve celle d’un ancien ami, qui effectua avec moi
ce voyage, qui m’accompagna partout, qui ne me lâcha pas d’une semelle. Il est
ici, et il ne me démentira pas. M’a-t-il quitté une seconde ? Me suis-je
absenté de sa compagnie pour faire une démarche suspecte quelconque :
Non !
Ce n’est pas tout. Au cours
de ce même voyage, en retournant vers la France, nous nous arrêtâmes à Gênes.
Je tenais à rendre visite à quelqu’un, avec qui j’étais lié d’amitié : le
général Canzio-Garibaldi, le gendre de Garibaldi.
Dans cette visite, je fus
accompagné par l’ami dont il vient d’être question, et un autre, qui vit
encore, était avec nous : M. le docteur Baudon qui, récemment, a été élu
député de Beauvais.
Tous les deux peuvent certifier
ceci : c’est que, au cours de cette visite, je me retirai un moment à part
avec Canzio. Et Canzio pourra, à son tour, certifier que je lui dis :
« _
Mon cher
Canzio, j’ai à vous déclarer, sous le sceau du secret, que dans peu de temps je
vais faire une rupture complète et publique. Ne vous étonnez de rien, et
continuez-moi de cœur votre confiance. »
A lui aussi, je n’insistai
pas, et même plus tard je craignis de lui en avoir trop dit.
Canzio, pendant deux ou
trois ans, m’envoya sa carte de visite au jour de l’an, malgré notre rupture.
Puis, il jugea sans doute que la chose durait trop ; il se lassa, et il ne
me donna plus signe de vie.
Enfin, un de mes anciens
collaborateurs qui m’aimait beaucoup continua, malgré tout, à me fréquenter. Il
est mort : c’est Alfred Paulon, qui fut conseiller prud’homme. Je sais que
le résultat de son observation perspicace et constante fut qu’on était
mystifié par moi.
Paulon, mon ancien
collaborateur, qui continua à me fréquenter, avait une manière de me défendre,
qui me gêna souvent.
Voici en quels termes il
parlait de moi à ses amis :
« Léo est
incompréhensible. D’abord, j’ai cru qu’il était devenu fou ; mais, quand
j’ai renoué avec lui, j’ai constaté qu’il jouit au contraire de tout son bon
sens. Je n’y comprends rien : il y a quelque chose qui me dit qu’il est
toujours de cœur et d’esprit avec nous ; je le sens. Je ne lui parle
jamais des questions religieuses, parce que je vois qu’il ne veut pas se
laisser deviner ; mais, j’en mettrais ma main au feu, il n’agit pas pour
les cléricaux; un jour ou l’autre, on aura quelque grosse surprise. »
Alfred Paulon ne peut me
rendre le témoignage de ses observations ; mais il les communiqua à de
nombreux amis. Et, s’il en a dans la salle, je leur demande :
« Est-il vrai qu’en parlant de moi, Paulon s’exprimait ainsi ? »
Voix diverses. -
C’est vrai!
C’est vrai!
Maintenant, arrivons à la
mystification elle-même, à cette mystification à la fois amusante et
instructive.
En haut lieu, on ne s’en
rapporta pas au brave homme de vicaire, un prêtre à l’âme simple, qui avait eu
la première confidence du coup de grâce que j’avais reçu, comme Saul sur le
chemin de Damas.
« Ce bloc enfariné ne me dit
rien qui vaille », pensait-on parmi les gros bonnets de l’Eglise.
Il fut donc décidé, au
lendemain de ma lettre de rétractation, que l’on me ferait faire une bonne
petite retraite chez les révérends pères jésuites, et l’on choisit un des plus
experts dans l’art de retourner et scruter une âme. Le choix ne se fit pas du
premier coup. On me fit attendre une bonne semaine le grand scrutateur qui
m’était destiné.
Un ancien aumônier militaire
devenu jésuite, un malin entre les malins ! Son appréciation allait avoir
un grand poids.
Ah! ce fut une rude partie
que nous avons jouée là tous deux !... J’en ai encore mal à la tête,
quand j’y songe... Le cher directeur me fit pratiquer, entre autres choses, les
Exercices spirituels de saint Ignace. Je ne pensais guère à ces
exercices ; mais il me fallait du moins parcourir les pages, afin d’avoir
l’air de m’être plongé dans ces extraordinaires méditations. Ce n’était pas le
moment de me laisser prendre en faute.
C’est ma confession générale
qui m’a fait gagner la bataille. Cette confession générale ne dura pas moins de
trois jours. J’avais gardé pour la fin un coup foudroyant.
Je disais tout, ceci et
cela, et encore autre chose : mais mon partner comprenait qu’il y
avait néanmoins un gros péché, très gros, très gros, qui était dur à avouer, un
péché plus pénible à dire que l’aveu de mille et mille impiétés.
Enfin, il fallut bien se
décider à le faire sortir, ce monstrueux péché-là.
Vous, mesdames et messieurs,
je ne veux pas vous faire autant attendre : mon gros péché était un crime,
mais un crime de premier ordre, un assassinat des mieux conditionnés. Je
n’avais pas égorgé toute une famille, non! Mais sans être un Tropmann ni un
Dumolard, la guillotine m’était due sans contestation, si j’avais été
découvert.
J’avais eu soin de
rechercher quelques disparitions signalées par les journaux trois années auparavant,
et sur l’une d’elles j’avais bâti un petit roman ; mais mon révérend père
ne voulut pas me le laisser exposer dans tous les détails. Il m’avait jugé
capable des plus horribles sacrilèges, et là-dessus je lui avais causé
d’agréables étonnements ; quant à avoir un assassin agenouillé auprès de
lui, il ne s’y attendait pas du tout.
Lorsque les premiers mots de
l’aveu tombèrent de mes lèvres, le révérend père eut un ressaut en arrière,
très significatif. Ah! il comprenait, maintenant, mon embarras, mes
difficultés, ma façon de traîner en longueur certains péchés moins
encombrants... Et ce que j’étais honteux en confessant mon crime!... Non
seulement honteux, mais troublé, épouvanté... Il y avait une veuve dans cette
affaire ; le révérend père me fit promettre de faire à la veuve de ma
victime une rente par une voie détournée, fort ingénieuse, ma foi... Il ne
voulut connaître aucun nom ; mais ce qui l’intéressait, c’était de savoir
si j’avais été meurtrier avec ou sans préméditation...
Après de longues
hésitations et en m’affaissant sous le poids de la honte, j’avouai la préméditation,
un vrai guet-apens.
Il est de mon
devoir de rendre hommage à ce révérend père jésuite. Je n’ai jamais été
inquiété par les magistrats. Ma fumisterie m’a donc permis de mettre à
l’épreuve le secret de la confession. Si je raconte un jour tout au long
l’histoire de ces douze années, je le ferai, comme aujourd’hui, avec la plus
stricte impartialité, et, avec calme, moi, Monsieur l’abbé Garnier !
Ce que je
retiens pour l’instant, c’est le fait de ma première victoire, comme entrée en
campagne. Si quelqu’un avait osé dire au révérend père que je n’étais pas le
plus sérieux des convertis, il aurait été rabroué d’importance.
Il n’entrait pas
dans mon plan de me hâter pour aller voir le Souverain Pontife.
Certes, mon aveu
d’assassinat avait eu un magnifique succès ; mais le directeur de ma
retraite à Clamart en gardait le secret pour lui. Il n’avait pu, évidemment,
que dire au chef hiérarchique qui lui avait confié le mandat de fouiller les
profondeurs de mon âme :
« _ Léo
Taxil ?... Je réponds de lui ! »
Les méfiances du
Vatican étant écartées, comment me rendre agréable? Car, pour amener la
mystification au maximum que je rêvais et que j’eus l’indicible joie
d’atteindre, il me fallait réaliser quelqu’un des points du programme de
l’Eglise les plus chers au Saint-Siège.
Cette partie de mon plan
avait été arrêtée dès le début, dès ma première résolution de me rendre un
compte exact du catholicisme.
Le Souverain
Pontife s’était signalé, un an auparavant, par l’Encyclique Humanum Genus,
et cette encyclique répondait à une idée bien arrêtée des catholiques
militants. Gambetta avait dit : « Le Cléricalisme, voilà
l’ennemi ! » L’Eglise, d’autre, part, disait : « L’ennemi,
c’est la Franc-Maçonnerie! »
Dauber sur les francs-maçons
était donc le meilleur moyen de préparer les voies à la colossale fumisterie
dont je savourais d’avance tout le suave bonheur.[107]
Dans les premiers temps, les
francs-maçons se sont indignés ; ils ne prévoyaient pas que la
conclusion, patiemment préparée, serait un universel éclat de rire. Ils me
croyaient vraiment enrôlé pour tout de bon. On disait, on répétait que c’était
là une façon de me venger de la radiation de ma Loge, radiation qui datait de
1881 et dont toute l’histoire, nullement à mon déshonneur, est bien
connue : petite querelle soulevée par deux hommes aujourd’hui disparus, et
disparus dans des conditions lamentables.
Non! je ne me vengeais pas,
je m’amusais ; et si l’on examine aujourd’hui les dessous de cette
campagne, on reconnaîtra, même chez les francs-maçons qui m’ont été le plus
hostiles, que je n’ai porté préjudice à personne.
Je dirai même que j’ai rendu
service à la Maçonnerie française. Je veux dire que ma publication des
rituels n’a pas été étrangère, certainement, aux réformes qui ont supprimé des
pratiques surannées, devenues ridicules aux yeux de tous maçons amis du progrès.
Mais laissons cela, et
résumons les faits. Mon but étant de créer de toutes pièces la diablerie
contemporaine, - ce qui est autrement fort que la ville sous-lacustre du Léman, -
il fallait
procéder par ordre, il fallait poser des jalons, il fallait pondre et couver
l’œuf d’où naîtrait le Palladisme. Une fumisterie de cette taille ne se
fabrique pas en un jour.
J’avais constaté, dès les
premiers temps de ma conversion, que chez un certain nombre de catholiques, on
est convaincu que le nom de « Grand Architecte de l’Univers », adopté
par la Franc-Maçonnerie pour désigner l’Etre suprême sans se prononcer dans le
sens particulier d’aucune religion, on est convaincu, dis-je, que ce nom sert
en réalité à voiler habilement messire Lucifer ou Satan, le diable !
On cite, par-ci, par-là,
quelques anecdotes où le diable a fait tout à coup une apparition dans une Loge
maçonnique et a présidé la séance. Cela est admis chez les catholiques.
Plus qu’on ne le croit, il y
a de braves gens qui s’imaginent que les lois de la nature sont parfois
bouleversées par des esprits bons ou mauvais, et même par de simples mortels.
Moi-même, j’ai eu la stupéfaction de m’entendre demander d’opérer un miracle.
Un bon chanoine de Fribourg,
tombant chez moi comme une bombe, me dit, textuellement :
« _
Ah !
Monsieur Taxil, vous êtes un saint, vous ! Pour que Dieu vous ait retiré
d’un abîme si profond, il faut que vous ayez une montagne de grâces sur la
tête ! (Sic). Dès que j’ai appris votre conversion, j’ai pris le
train et me voici. Il faut qu’à mon retour je puisse dire non seulement que je
vous ai vu, mais que vous avez opéré un miracle devant moi. »
Je ne m’attendais pas à une
pareille requête :
« _
Un
miracle ! Répondis-je ; je ne vous comprends pas, monsieur le
chanoine.
« _ Oui, un miracle,
répétait-il, n’importe lequel, afin que je puisse en rendre
témoignage !... Le miracle que vous voudrez !... Que
sais-je ?... Tenez, par exemple... Cette chaise.., changez-la en canne, en
parapluie... »
J’étais fixé. Je me refusai
doucement à accomplir un tel prodige. Et mon chanoine repartit pour Fribourg,
en disant que, si je ne faisais pas de miracles, c’était par humilité.
Quelques mois plus tard, il
m’envoyait un immense fromage de Gruyère, sur la croûte duquel il avait gravé
au couteau des inscriptions pieuses, des hiéroglyphes d’un mysticisme échevelé,
- un
fromage excellent, d’ailleurs, qui n’arrivait jamais à sa fin, et que j’ai
mangé avec infiniment de respect.
Mes premiers livres sur la
Franc-Maçonnerie furent donc un méli-mélo de rituels, avec de petits ajoutés
qui n’avaient l’air de rien, avec des interprétations en apparence anodines[108] ;
chaque fois qu’un passage était obscur, je l’éclairais dans le sens agréable
aux catholiques qui voient en messire Lucifer le suprême grand-maître des
francs-maçons. Mais cela était à peine indiqué. J’aplanissais d’abord et tout
doucement le terrain, sauf à labourer ensuite et à jeter la semence
mystificatrice qui devait si bien germer.
Après deux années de ce
travail préparatoire, je me rendis à Rome.
Reçu d’abord par le Cardinal
Rampolla et le Cardinal Parocchi, j’eus le bonheur de les entendre, l’un et
l’autre, me dire que mes livres étaient parfaits. Ah! oui, ils dévoilaient
très exactement ce qu’on savait fort bien au Vatican, et c’était vraiment
heureux qu’un converti publiât ces fameux rituels.
Le Cardinal Rampolla me
donnait du « mon cher » gros comme le bras. Et comme il regrettait
que je n’eusse jamais été qu’un simple Apprenti en Maçonnerie ! Mais du
moment que j’avais réussi à avoir les rituels, rien n’était plus légitime que
leur reproduction. Il y reconnaissait tout ce qu’il avait lu dans les documents
que le Saint-Siège possède, disait-il ; il reconnaissait tout, même ce
qui, par mon fait, avait la même valeur que les requins de Marseille ou la
ville sous-lacustre.
Quant au Cardinal Parocchi,
ce qui l’intéressait plus particulièrement, c’était la question des Sœurs
Maçonnes ; à lui aussi, mes précieuses révélations n’apprenaient rien.
J’étais venu à Rome à
l’improviste, ignorant qu’il fallait s’y prendre assez longtemps à l’avance
pour obtenir une audience particulière du Souverain Pontife ; mais j’eus
l’agréable surprise de ne point attendre, et le Saint-Père me reçut pendant
trois quarts d’heure.
Pour gagner cette nouvelle
partie, j’avais pris mes précautions lors de la soirée que je passai d’abord en
tête à tête avec le Cardinal Secrétaire d’Etat. Il est évident que c’est lui
qui avait été chargé de m’étudier au préalable. Or, l’impression que j’avais
tenu à lui donner était celle d’un cerveau quelque peu exalté, -
sans aller
toutefois au degré du bon chanoine de Fribourg.
Le rapport verbal que le
Cardinal Rampolla dut faire au Saint-Père me valut l’accueil que je désirais.
Dès mon admission sous la
bannière de l’Eglise, je m’étais bien convaincu d’une vérité : c’est que
l’on ne saurait être un bon auteur, si l’on ne se met pas dans la peau du
personnage qu’on représente, si l’on ne croit pas -
du moins
momentanément - que c’est arrivé. Au théâtre, si l’on joue une scène de désespoir, il
ne faut pas simuler les larmes : le cabotin essuie avec son mouchoir des
yeux secs ; l’artiste pleure réellement.
C’est pourquoi, pendant
toute la matinée qui précéda ma réception, je me pénétrai de la situation,
d’une façon si complète que j’étais prêt à tout, que j’étais incapable de
broncher en dépit de toute surprise.
Quand le Pape me
demanda :
« _
Mon fils, que
désirez-vous? »
Je lui répondis:
« _
Saint-Père,
mourir à vos pieds, là, en ce moment !... Ce serait mon plus grand
bonheur. »
Léon XIII daigna me dire, en
souriant, que ma vie était fort utile encore pour les combats de la foi. Et il
aborda la question de la Franc-Maçonnerie. Il avait tous mes nouveaux ouvrages
dans sa bibliothèque particulière ; il les avait lus d’un bout à l’autre,
et il insista sur la direction satanique de la secte.
N’ayant été qu’Apprenti,
j’avais un grand mérite à avoir compris que « le diable est là ».
Et le Souverain
Pontife appuyait sur ce mot le diable avec une intonation qu’il m’est
facile de rendre. Il me semble que je l’entends encore, me répétant :
« Le diable ! le diable ! »
Quand je partis, j’avais
acquis la certitude que mon plan pourrait être mis à exécution jusqu’au bout.
L’important était, de ne plus me mettre en avant personnellement, quand le
fruit serait mûr.
L’arbre du luciférianisme
contemporain commençait à croître. Je lui donnai tous mes soins pendant
quelques années encore... Enfin, je refis un de mes livres, en y introduisant
un rituel palladique, censément obtenu en communication, et de ma belle
fabrication, de la première ligne à la dernière.
Cette fois, le Palladisme ou
Haute-Maçonnerie luciférienne avait vu le jour.
Le nouveau livre eut les
plus enthousiastes approbations, y compris celles de toutes les revues rédigées
par les Pères de la Compagnie de Jésus.
Alors, l’heure était venue
de m’effacer ; sans quoi, la plus fantastique fumisterie des temps
modernes eût échoué piteusement.
Je me mis en quête du
premier collaborateur nécessaire. Il fallait quelqu’un ayant beaucoup voyagé et
pouvant raconter une mystérieuse enquête dans les Triangles lucifériens, dans
les antres de ce Palladisme présenté comme dirigeant secrètement toutes les
Loges et Arrière-Loges du monde entier.
Justement, un ancien
camarade de collège, que je retrouvai à Paris, avait été médecin de la marine.
Je ne le mis aucunement, au
début, dans la confidence de la mystification. Je lui fis lire les divers
livres d’auteurs qui s’étaient emballés à la suite de mes mirifiques
révélations. Le plus extraordinaire de ces ouvrages est celui d’un évêque
jésuite, Mgr Meurin, évêque de Port-Louis (île Maurice), qui vint me voir à
Paris et me consulta. On pense s’il fut bien renseigné !...
Cet excellent Mgr Meurin,
érudit orientaliste, ne saurait mieux être comparé qu’à l’archéologue polonais
qui avait si bien distingué un restant de statue équestre au milieu d’un
restant de place publique de ma ville sous-lacustre.
Partant de cette idée bien
arrêtée que les francs-maçons adorent le diable, et convaincu de l’existence du
Palladisme, il a découvert les choses les plus extraordinaires au fond des mots
hébreux qui servent de mots de passe, etc., dans les innombrables grades des
rites maçonniques. Cordons, tabliers, accessoires rituels, il a tout
scruté ; il a examiné jusqu’aux moindres broderies figurant sur
la plus insignifiante pièce d’étoffe ayant appartenu à un franc-maçon et, avec
la meilleure bonne foi du monde, il a trouvé mon palladisme partout.
Je me rappellerai toujours,
comme des plus joyeuses heures de ma vie, celles où il me lisait son manuscrit.
Son gros volume, La Franc-Maçonnerie synagogue de Satan, m’a servi
admirablement à convaincre mon ami le docteur qu’il y avait, en toute vérité,
un sens secret luciférien à tout le symbolisme maçonnique.
Au fond, le docteur s’en
moquait comme d’une guigne. Mais il avait réellement étudié le spiritisme, en
amateur curieux ; il savait qu’il existe, de par le monde, quelques
croyants aux manifestations surnaturelles, aux fantômes, aux revenants, aux
loups-garous, etc. Il savait que, dans les petits groupes d’occultistes,
d’aimables fumistes font voir des spectres aux braves gens trop oublieux de
Robert Houdin. Mais il ignorait que, dans la franc-maçonnerie, on se livrât à
de semblables opérations ; il ignorait qu’il y eût un rite spécial
d’occultisme luciférien et maçonnique ; il ignorait le Palladisme et
ses triangles, les Mages Elus et les Maîtresses Templières, et toute cette
étonnante organisation suprême que j’avais imaginée et dont Mgr Meurin et d’autres produisaient la
scientifique confirmation.
Dans mon livre Y a-t-il
des femmes dans la franc-maçonnerie? j’avais campé le personnage d’une
grande-maîtresse de ce Palladisme, une Sophia-Sapho, dont j’avais donné
seulement l’initiale du prétendu vrai nom un W. A mon ami le docteur, je dis le
nom tout entier en confidence. Il crut à l’existence de Sophie Walder.
Entendons-nous bien. A cause
des livres tels que celui de Mgr Meurin, le docteur crut au Palladisme et aux
divers personnages qui commençaient déjà à apparaître, héros de ma
mystification. Mais je ne tentai pas le moins du monde de lui faire croire à la
réalité des manifestations surnaturelles qu’il s’agissait de raconter.
En définitive, voici comment
je fis appel au concours du docteur mon ami.
« _ Veux-tu
collaborer à un ouvrage sur le Palladisme ?... Moi, je connais la question
à fond ; mais publier des rituels n’offre pas le même intérêt que raconter
des aventures en qualité de témoin, surtout si ces aventures sont abracadabrantes...
En outre, pour attendrir le mieux les bonnes âmes, il faut que le narrateur
soit lui-même un héros ; non pas un palladiste convaincu mais un zélé
catholique ayant pris le masque luciférien pour faire cette ténébreuse enquête
au péril de sa vie... Je te donne un pseudonyme ; car nous dirons que,
pour toutes sortes de raisons, l’auteur ne peut pas livrer son nom à la
publicité : par exemple, il lui reste à faire encore une enquête chez les
nihilistes... Tu ne te feras connaître que d’un petit groupe
d’ecclésiastiques ; cela suffira... Tu vas me remettre l’itinéraire de tes
voyages, et moi, d’après cela, je te bâtirai un canevas, sur lequel tu n’auras
qu’à broder ; au surplus, je recopierai ton manuscrit, afin de corriger,
de retrancher et surtout d’ajouter...
A toi la partie médicale, la
description des villes, et un certain nombre de récits. Quant à moi, je me charge
de la partie technique du Palladisme, des renseignements sur tous les
personnages que nous allons faire défiler, du plus grand nombre d’épisodes
complémentaires... En somme, j’ai besoin de ta collaboration
pour la valeur de trente à quarante livraisons... Maintenant sois sans
inquiétude au sujet des démentis... Ainsi que tu as pu t’en rendre compte par
les ouvrages que je t’ai donnés à lire, les palladistes se composent de deux
éléments : quelques déséquilibrés qui croient réellement que Lucifer est le
Dieu-Bon et que son culte doit demeurer secret pendant un certain nombre
d’années, et des intrigants qui se servent de ces déséquilibrés, excellents
sujets pour leurs expériences de spiritisme occulte... Ni les uns ni les autres
ne pourront protester publiquement, puisque la première condition d’être du Palladisme
est le secret le plus rigoureux; d’ailleurs protesteraient-ils, leurs
dénégations seraient sans effet, attendu qu’elles paraîtraient
intéressées. »
Mon ami le
docteur accepta, et, afin de l’entretenir dans cette pensée que ce Palladisme
existait bien, malgré la fumisterie des faits merveilleux attribués par nous à
ses Triangles, je lui fis recevoir quelques lettres de Sophie Walder ;
Sophie s’indignait de ce qu’il prétendait la connaître.
Le docteur me rapportait
fidèlement ces lettres.
A la troisième ou quatrième
qu’il reçut, il me dit:
« _
J’ai bien peur
que cette femme-là nous fasse un esclandre et démontre par A plus B que ce que
nous débitons à son sujet n’est que de la pure blague. »
Je lui répondis:
« _
Tranquillise-toi.
Elle proteste pour la forme ; au fond ; cela l’amuse de lire qu’elle
a le don de passer à travers les murs et qu’elle possède un serpent qui, avec
le bout de sa queue, lui écrit des prophéties dans le dos. Je me suis fait
mettre en rapport avec elle ; je lui ai été présenté ; c’est une
bonne fille. Elle est une palladiste fumiste ; elle rit à se tordre de
tout cela... Veux-tu que je te présente à elle ? »
Comment donc ?...
Ah ! il était heureux de lier connaissance avec Sophie Walder !...
Quelques jours après, j’envoie à mon ami une lettre de la grande-maîtresse
palladiste ; elle consentait à sa présentation. Nous prenons rendez-vous
chez moi, et de là nous devions aller trouver Sophia-Sapho, qui nous invitait
même à dîner... Mon ami m’arrive en grande tenue de cérémonie comme
s’il avait été invité à l’Elysée. Je lui montre la table servie chez
moi, et, cette fois, je lui raconte tout, ou, du moins, à peu près tout.
Sophie Walder, un mythe!...
Le Palladisme, ma plus belle création, n’existant que sur le papier et dans
quelques milliers de cerveaux !... Il n’en revenait pas... Il me fallut
lui donner des preuves... Quand il fut convaincu, il trouva que la
mystification n’en était que plus drôle, et il me continua son concours.
Parmi les choses que
j’oubliais de lui dire, il en est une qu’il apprendra par cette
conférence : pourquoi je lui avais fait prendre le pseudonyme de Dr
Bataille. - C’était censément pour mieux marquer le caractère d’attaque, la guerre
au Palladisme. Mais la vraie raison pour moi, la raison intime du dilettante
fumiste était celle-ci : un de mes anciens amis, aujourd’hui défunt, fut
un fumiste hors ligne : c’est l’illustre Sapeck, prince de la fumisterie
au quartier latin ; je le faisais revivre en quelque sorte, sans qu’on y
prît garde. Sapeck, en effet, s’appelait de son vrai nom : Bataille.
Mais mon ami le docteur ne
suffisait pas à la réalisation de mon plan. Le Diable au XIXe siècle,
dans mon projet, devait préparer l’entrée en scène d’une grande-maîtresse
luciférienne qui se convertirait.
L’ouvrage que j’avais signé,
avait présenté Sophia-Sapho, mais sous les couleurs les plus noires. Je m’étais
attaché à la rendre aussi antipathique que possible aux catholiques :
c’était le type accompli de la diablesse incarnée, se vautrant dans le
sacrilège, une vraie satanisante, telle qu’on en voit dans les romans de
Huysmans.
Sophia-Sapho, ou Mlle Sophie
Walder, n’était là que pour servir de repoussoir à une autre
luciférienne, mais celle-ci sympathique, une angélique créature vivant dans cet
enfer palladiste par le hasard de sa naissance ; et celle-ci, je réservais
à l’ouvrage signé Bataille le soin de la faire connaître au public catholique.
Or, comme cette luciférienne
exceptionnelle devait se convertir à un moment donné, il fallait bien avoir
quelqu’un en chair et on os, en cas de quelque présentation indispensable.
Peu de temps avant de
retrouver mon camarade d’enfance, le docteur, les nécessités de ma profession
m’avaient fait rencontrer une copiste dactylographe, qui était une des
représentantes pour l’Europe d’une des grandes fabriques de machines à écrire
des Etats-Unis. J’eus à lui donner à recopier bon nombre de manuscrits à cette
époque. Je vis une femme intelligente, active, voyageant parfois pour ses
affaires ; avec cela, d’humeur enjouée, et d’une élégante simplicité,
comme en général dans nos familles protestantes ; on sait que luthériennes
et calvinistes, tout en proscrivant le luxe dans leur toilette, font néanmoins
quelques concessions à la mode. Sa famille est française, père et mère
français, mais décédés ; l’origine américaine ne remonte qu’au bisaïeul.
Malgré la similitude de nom, elle n’a aucun lieu de parenté avec Ernest
Vaughan, l’ex-administrateur de l’Intransigeant, il y a pas mal de
Vaughan français, et, en Angleterre et aux Etats-Unis, les Vaughan sont innombrables.
Je dois dire cela, attendu qu’aujourd’hui on pourrait croire que M. Ernest
Vaughan, avec qui j’ai eu autrefois quelques relations et dont le beau-frère
est toujours resté l’un de mes meilleurs amis, on pourrait croire, dis-je que
M. Ernest Vaughan a été plus ou moins indirectement complice de ma
mystification. Il importe donc d’empêcher tout quiproquo ; Mlle Diana
Vaughan n’est à aucun degré sa parente ; l’homonymie n’est là qu’un pur
hasard.
Mais je ne pouvais mieux
tomber. Personne, mieux que Mlle Vaughan n’était apte à me seconder. Toute la
question était : accepterait-elle ?
Je ne lui fis
pas la proposition à brûle-pourpoint. Je l’étudiai d’abord. Je l’intéressai peu
à peu à la diablerie, dont elle s’amusa beaucoup. Elle est, je l’ai dit, plutôt
libre-penseuse que protestante ; aussi était-elle stupéfaite de constater
qu’en ce siècle de progrès il y a encore des personnes qui croient sérieusement
à toutes les balivernes du moyen âge.
Ma première
ouverture à Mlle Vaughan fut au sujet des lettres de Sophie Walder. Elle
consentit à les faire faire par une de ses amies. J’ai eu la preuve, par là,
que les femmes sont bien moins bavardes qu’on ne le dit, et que, si leur péché
mignon est d’être curieuses, par contre on peut compter sur leur discrétion.
L’amie de Mlle Vaughan ne se vanta jamais à personne d’avoir écrit les lettres
Sophie Walder. Au surplus, ces lettres ne furent pas nombreuses.
Enfin, je
décidai Mlle Vaughan à devenir ma complice pour le succès final de ma
mystification. Je fis avec elle un forfait : 150 francs par mois, pour la
copie des manuscrits en dactylographie, aussi bien que pour les lettres à
recopier à la main. Il va sans dire qu’en cas de voyage indispensable elle sera
défrayée de toutes dépenses ; mais elle n’accepta jamais une somme
quelconque, à titre de cadeau. En réalité, elle s’amusait énormément de cette
joyeuse fumisterie ; elle y prenait goût ; correspondre avec des
Evêques, des Cardinaux, recevoir des lettres du secrétaire particulier du
Souverain Pontife, leur raconter des contes à dormir debout, renseigner le
Vatican sur les noirs complots des lucifériens, tout cela la mettait dans
une gaîté inexprimable, il me remerciait de l’avoir associée à cette
mystification colossale, et, si elle avait eu cette grande fortune que nous lui
attribuâmes pour augmenter son prestige, non seulement elle n’aurait jamais
accepté le prix convenu pour sa collaboration, mais même elle en aurait, de bon
cœur, payé tous les frais.
C’est elle qui
nous fit connaître, afin de diminuer les dépenses, l’existence des agences de
poste privée. Elle avait eu l’occasion de recourir à l’une d’elles, à Londres,
et nous l’indiqua. C’est elle aussi qui m’indiqua l’Alibi-Office, de New
York.
Le Diable au
XIXe siècle fut donc écrit principalement pour accréditer Mlle
Vaughan, à qui je destinai dès lors le grand rôle dans la mystification. Si
elle s’était appelée Campbell ou Thompson, nous aurions donné à notre
luciférienne sympathique le nom de Miss Campbell ou celui de Miss Thompson.
Nous nous bornâmes à la faire américaine elle-même, sauf naissance accidentelle
à Paris. Nous plaçâmes sa famille au Kentucky. Ceci nous permît de rendre notre
personnage intéressant au possible, en multipliant à son sujet des phénomènes
extraordinaires que nul ne pouvait contrôler. Un autre motif, c’est que nous
avions placé aux Etats-Unis, à Charleston, le centre du Palladisme, en lui
donnant pour fondateur feu le général Albert Pike, grand-maître du Rite
Ecossais dans la Caroline du Sud. Ce franc-maçon célèbre, doué d’une vaste
érudition, avait été une des hautes lumières de l’ordre ; nous en fîmes le
premier pape luciférien, chef-suprême de tous les francs-maçons du globe,
conférant régulièrement chaque vendredi, à trois heures de l’après-midi, avec
messire Lucifer en personne.
Le plus curieux
de l’affaire, c’est qu’il y a des francs-maçons qui sont montés d’eux-mêmes
dans mon bateau, sans y être sollicités le moins du monde ; et ce bateau
du Palladisme a été un vrai cuirassé auprès du remorqueur que je fis, pour mes
débuts, envoyer à la chasse aux requins dans la rade de Marseille.
Avec le concours
du docteur Bataille, le cuirassé est devenu toute une escadre ; et quand
Miss Diana Vaughan a été mon auxiliaire, l’escadre s’est transformée en flotte.
Oui, nous avons
vu des journaux maçonniques, comme la Renaissance Symbolique, avaler une
circulaire dogmatique dans le sens de l’occultisme luciférien, une circulaire
du 14 juillet 1889, écrite par moi-même à Paris, et révélée comme ayant été
apportée de Charleston en Europe par Miss Diana Vaughan de la part d’Albert
Pike, son auteur.
Quand j’ai nommé Adriano
Lemmi, deuxième successeur d’Albert Pike au souverain pontificat luciférien, -
car ce n’est pas au palais
Borghèse, mais dans mon bureau, qu’il a été élu pape des francs-maçons, -
quand cette
élection imaginaire a été connue, des maçons italiens, parmi lesquels un député
du Parlement, ont cru que c’était sérieux. Ils ont été vexés d’apprendre, par
les indiscrétions de la presse profane, que Lemmi faisait le cachottier avec
eux, qu’il les tenait à l’écart de ce fameux Palladisme dont on parlait déjà
dans le monde entier. Ils se réunirent en Congrès à Palerme, constituèrent en
Sicile, à Naples et à Florence trois Suprêmes Conseils indépendants, et ils
nommèrent Miss Vaughan membre d’honneur et protectrice de leur fédération.
Un auxiliaire
inattendu mais qui ne fut aucunement complice, quoi qu’il en ait dit -
c’est M.
Margiotta, franc-maçon de Palmi, en Calabre. Il s’enrôla en mystifié, le fut
plus que tous les autres ; et, ce qui est amusant au possible, c’est qu’il
nous raconta qu’il avait connu la grande-maîtresse palladiste, lors d’un de ses
voyages en Italie. Il est vrai que je l’avais amené doucement à me faire cette
confidence. Je lui avais mis dans la tête que ce voyage avait eu lieu ;
j’avais créé autour de lui une atmosphère de Palladisme[109] ;
je l’avais fait rencontrer à Rome avec un chambellan de Léon XIII que j’avais
fait dîner avec Miss Diana quelque temps auparavant. Puis, j’avais glissé que
Miss Vaughan, lors de son prétendu voyage de 1889 où elle apporta en Europe la
soi-disant circulaire dogmatique d’Albert Pike, avait reçu, en deux soirées, à
Naples, à l’hôtel Victoria, de nombreux francs-maçons par groupes. Je savais
que M. Margiotta, qui est poète, avait dédié à Bovio un volume de vers, et
j’avais eu soin de dire que les francs-maçons présentés à Miss Vaughan en 1889
l’avaient été par Bovio et par Cosma Panunzi. J’ajoutai que ces frères à qui
elle avait offert le thé, étaient si nombreux, qu’elle ne se rappelait ni leurs
noms ni leurs physionomies. M. Margiotta risqua donc, timidement d’abord
quelques allusions à cette ancienne rencontre ; puis, voyant que ça avait
l’air de prendre, constatant que Miss Diana ne le démentait pas, il y alla
carrément. Il alla même beaucoup trop loin. - Plus tard, quand je jugeai
qu’il fallait empêcher la mystification, devinée en Allemagne, de crouler dans
le silence d’une Commission, quand je m’entendis avec le docteur pour sonner
l’hallali de l’affolement des Cardinaux mystifiés, quand Bataille et moi, toujours d’accord, nous
fîmes mine de tirer à boulets rouges l’un contre l’autre, M. Margiotta, ayant
ouvert enfin les yeux, craignit le ridicule et préféra se déclarer complice plutôt
qu’aveugle engagé volontaire dans notre flotte.
Mais il ne convient pas que
nous paraissions plus nombreux que nous l’étions en réalité. Trois nous
étions, et c’est assez. Les éditeurs eux-mêmes ont été mystifiés dans les
grands prix. Ils n’ont pas, d’ailleurs, à s’en plaindre : d’abord parce
que nos merveilleuses révélations leur ont valu les plus encourageantes félicitations
épiscopales, sans compter celles des graves théologiens que notre crocodile
jouant du piano et les voyages de Mlle Vaughan dans diverses planètes
n’étonnèrent même pas ; ensuite, parce que cette triple collaboration leur
a permis de donner au public deux ouvrages qui peuvent rivaliser avec les Mille
et Une Nuits, qui ont été dévorées avec délices, et qu’on lira longtemps
encore, non plus par conviction peut-être, mais par curiosité.
Il n’est pas banal, en
effet, d’avoir fait admettre, en notre XIXe siècle, nos mirifiques histoires.
Cependant, je me demande
jusqu’à quel point les hauts approbateurs du Palladisme dévoilé auraient le
droit de se fâcher aujourd’hui. Quand on s’aperçoit qu’on a été mystifié, le
mieux est de rire avec la galerie. Oui, Monsieur l’abbé Garnier ! et, en
vous fâchant, vous ferez rire davantage de vous.
Les mystifiés du Palladisme
peuvent se diviser en deux catégories :
Ceux qui ont été de bonne
foi, entièrement de bonne foi. Ceux-ci ont été victimes de leur science
théologique et de leurs études acharnées de tout ce qui touche à la
Franc-Maçonnerie. Il m’a fallu me plonger jusqu’au cou dans ces deux sciences
pour imaginer tout et tout de façon à ne pas leur faire découvrir la
supercherie. Croit-on, par exemple, qu’il était aisé d’en faire accroire à M.
de la Rive, qui est l’enquête incarnée, qui fouille au microscope les moindres
riens et qui rendait des points à nos meilleurs juges d’instruction ? Il
peut se vanter de m’avoir donné du mal !... Tout mon Palladisme avait été
solidement bâti, quant à la partie maçonnique proprement dite puisque des
francs-maçons - des « trente-troisièmes », s’il vous plaît ! -
n’ont pas jugé
que l’édifice était un vain mirage et ont demandé à entrer. L’impossibilité du
Palladisme ne crève les yeux que par le surnaturel dont nous l’avons rempli.
Or, ces diableries ne pouvaient mettre en garde ceux qui ne croient pas aux
diableries racontées dans d’autres livres, dans des livres de piété. Asmodée
transportant Miss Diana Vaughan au paradis terrestre n’est pas plus
extraordinaire que messire Satan transportant Jésus-Christ lui-même sur une
montagne du sommet de laquelle il lui montra tous les royaumes de a terre...
qui est ronde! - On a la foi, ou on ne l’a pas.
Mais, en dehors
de cette première catégorie de mystifiés, il y en a une seconde, et chez
ceux-là il n’y a pas eu mystification absolue. Les bons abbés et religieux qui
ont admiré en Miss Diana Vaughan une Sœur maçonne luciférienne convertie ont le
droit de croire qu’il existe de ces maçonnes-là. Ils n’en ont jamais vu, jamais
rencontré ; mais c’est qu’il n’y en a pas dans leur diocèse, peuvent-ils
se dire. A Rome, il n’en est plus de même ; à Rome, tous les
renseignements sont centralisés ; à Rome, on ne peut pas ignorer qu’il n’y
a pas d’autres maçonnes que les épouses, filles ou sœurs de francs-maçons,
admises aux banquets, aux fêtes ouvertes, ou même se réunissant elles-mêmes à
part, très honnêtement, en sociétés particulières uniquement composées
d’éléments féminins, comme cela a lieu aux Etats-Unis pour les Sœurs à
l’Etoile d’Orient ou les Dames de la Révolution.
Avec un peu de réflexion, il
est aisé de comprendre que, s’il existait des Sœurs maçonnes telles que les
anti-maçons se les imaginent, il y aurait eu des conversions et des aveux depuis
le temps ! L’empressement avec lequel on a accueilli à Rome la prétendue
conversion de Miss Vaughan est significatif. Pensez donc que Mgr Lazzareschi,
délégué du Saint-Siège auprès du Comité central de l’Union anti-maçonnique, fit
célébrer un Triduum d’actions de grâces à l’église du Sacré-cœur de Rome !
L’Hymne à Jeanne d’Arc, composé censément par Miss
Diana, paroles et musique, a été exécuté aux fêtes anti-maçonniques du Comité
romain ; cette musique, devenue presque une musique sacrée, on l’a entendue
en grande solennité dans les basiliques de la Ville Sainte. C’est l’air de la
Seringue Philharmonique, gaudriole musicale qu’un compositeur de mes amis, chef
d’orchestre du Sultan Abdul-Aziz, composa pour les divertissements du sérail.
Cet enthousiasme romain doit
donner à réfléchir. Je rappellerai deux faits caractéristiques. Sous la
signature « Docteur Bataille », j’ai raconté et sous la signature « Miss
Vaughan » j’ai confirmé que le temple maçonnique de Charleston contient un
labyrinthe au centre duquel est la chapelle de Lucifer... (Interruptions).
J’ai donc raconté qu’au
temple maçonnique de Charleston l’une des salles, triangulaire de forme,
appelée Sanctum Regnum, a pour principal ornement la monstrueuse statue
du Baphomet, à laquelle les hauts-maçons rendent un culte ; qu’une autre
salle possède une statue d’Eva qui s’anime quand une Maîtresse Templière est
particulièrement agréable à maître Satan, et que cette statue devient alors la
démone Astarté, vivante un moment, pour donner un baiser à la Maîtresse
Templière privilégiée. J’ai publié le prétendu plan de cet immeuble
maçonnique ; ce plan, c’est moi-même qui l’avais dessiné. Or, Mgr
Northrop, évêque catholique de Charleston, a fait le voyage à Rome tout exprès
pour certifier au Souverain Pontife que ces écrits étaient de la plus haute
fantaisie. On ignorerait ce voyage, si Mgr Northrop ne s’était pas laissé
interviewer en route. On a su ainsi ce qu’il venait dire au Pape. Il venait
dire : « Il est faux, absolument faux que les francs-maçons de Charleston
soient les chefs d’un rite suprême luciférien. Je connais tout particulièrement
les principaux d’entre eux ; ce sont des protestants animés des
meilleures intentions ; pas un seul ne songe à se livrer à des pratiques
d’occultisme. Leur temple, je l’ai visité[110] ;
aucune de ces salles indiquées par le Docteur Bataille et Miss Vaughan ne s’y
trouve. Ce plan est une plaisanterie. » Mgr Northrop, en revenant de Rome,
n’a plus protesté; il a gardé désormais le silence. Miss Diana Vaughan, au
contraire, a répliqué à l’interview de Mgr Northrop ; elle a dit que
l’évêque de Charleston était lui-même franc-maçon, et elle a reçu la
bénédiction du Pape.
Plan
du local de Charleston dans le Diable au XIXe siècle, page 297.
Second fait. Sous les signatures
Bataille et Vaughan, j’ai raconté et confirmé qu’à Gibraltar, sous la
forteresse anglaise, se trouvaient d’immenses ateliers secrets, dans lesquels
des hommes monstres fabriquaient tous les instruments usités dans les
cérémonies du Palladisme, et Miss Diana Vaughan, interrogée à ce
sujet par de hauts dignitaires ecclésiastiques de Rome, s’est amusée à leur
répondre, de sa plus belle plume, que rien n’est plus vrai et que les forges de
ces mystérieux ateliers de Gibraltar sont alimentés par le feu même de l’enfer.
Mgr le Vicaire Apostolique de Gibraltar a écrit, d’autre part, qu’il
confirmait, lui, ce qu’il s’était vu dans la nécessité de déclarer à diverses
personnes ; savoir, que l’histoire de ces ateliers secrets était une audacieuse
invention, ne reposant sur rien, absolument rien, et qu’il était indigné de
voir créer de telles légendes. Le Vatican n’a pas publié la lettre du Vicaire
Apostolique de Gibraltar, et Miss Vaughan a reçu la bénédiction du Pape.
Faut-il rappeler
quelques-unes des lettres d’approbation que Miss Vaughan a reçues ! (Interruptions).
Comment ! Vous osez
nier !... Eh bien, en voici une, de lettre d’approbation, et elle
compte !... Elle est du Cardinal Parocchi, Vicaire de Sa Sainteté ;
elle est datée du 16 décembre 1895 :
« Mademoiselle
et chère Fille en N.-S.,
C’est avec une vive mais
bien douce émotion que j’ai reçu votre bonne lettre du 29 novembre, avec
l’exemplaire de la Neuvaine Eucharistique... Sa Sainteté m’a chargé de
vous envoyer, de sa part, une bénédiction toute spéciale...
Depuis longtemps, mes
sympathies vous sont acquises. Votre conversion est un des plus magnifiques
triomphes de la grâce que je connaisse. Je lis, en ce moment, vos Mémoires,
qui sont d’un intérêt palpitant...
En attendant, croyez que je
ne vous oublierai pas dans mes prières, au Saint-Sacrifice spécialement. De
votre côté, ne cessez pas de remercier Notre-Seigneur Jésus-Christ de la grande
miséricorde dont Il a usé envers vous et du témoignage éclatant d’amour qu’il
vous a donné.
Maintenant, agréez ma
bénédiction et me croyez
Tout vôtre dans le cœur de
Jésus.
L.-M.
cardinal-vicaire. »
Voici une autre lettre, sur
papier officiel du Conseil directif général de l’Union antimaçonnique,
c’est-à-dire du plus haut comité d’action contre la Franc-Maçonnerie, comité
constitué par le Pape lui-même, comité qui a à sa tête un représentant officiel
du Saint-Siège, Mgr Lazzareschi. Ecoutez :
« Rome, 27 mai 1896,
Mademoiselle,
Monseigneur Vincenzo Sardi,
qui est un des secrétaires particuliers du Saint-Père, m’a chargé de vous
écrire, par ordre de Sa Sainteté elle-même.
Je dois vous dire aussi que
Sa Sainteté a lu avec grand plaisir votre Neuvaine Eucharistique.
M. le Commandeur Alliata a
eu une entrevue avec le Cardinal-Vicaire, sur la véracité de votre conversion.
Son Eminence est convaincue ; mais Elle a manifesté à notre président
qu’Elle ne peut en témoigner publiquement. « Je ne puis trahir les secrets
du Saint-Office » ; c’est ce que Son Eminence a répondu à M. le
Commandeur Alliata.
Je suis tout à vous, très
dévoué en Notre-Seigneur,
Rodolfo Verzichi,
Secrétaire général. »
Le secrétaire particulier de
Léon XIII, ce même Monseigneur Vincenzo Sardi dont il vient d’être question,
écrit a son tour, entre autres choses :
« Rome, 11juillet 1896.
Mademoiselle,
Je me hâte de vous exprimer
les remerciements qui vous sont dus pour l’envoi de votre dernier volume sur
Crispi... »
Il s’agit d’un livre, où,
sous la signature de Miss Diana Vaughan, j’ai raconté que Crispi avait un pacte
avec un diable nommé Haborym, que Crispi avait assisté en 1885 à une séance
palladique dans laquelle un diable nommé Bitru, présentant Sophie Walder à un
certain nombre d’hommes politiques italiens, leur avait annoncé que ladite
Sophie mettrait au monde, le 19 septembre 1896, une fille qui serait la
grand-mère de l’Antéchrist. J’avais envoyé ce livre au Vatican. Le secrétaire
particulier du Pape remerciait donc et ajoutait :
« Continuez,
Mademoiselle, continuez à écrire et à démasquer l’inique secte ! La
Providence a permis, pour cela même, que vous lui ayez appartenu pendant si
longtemps...
Je me recommande de tout
cœur à vos prières, et avec une parfaite estime je me déclare votre très
dévoué,
Mgr Vincenzo Sardi. »
La Civiltà Cattolica,
la plus importante de toutes les revues catholiques du monde, l’organe officiel
du Général des jésuites, revue publiée à Rome, publiait ces lignes dans son
numéro de septembre 1896 :
« Nous voulons nous
donner au moins une fois le plaisir de bénir publiquement les noms des
valeureux champions qui sont entrés les premiers dans la glorieuse arène, parmi
lesquels la noble Miss Diana Vaughan.
Miss Diana Vaughan, appelée
de la profondeur des ténèbres à la lumière de Dieu, préparée par la Providence
divine, armée de la science et de l’expérience personnelle, se tourne vers
l’Eglise pour la servir, et paraît inépuisable dans ses précieuses
publications, qui n’ont pas leurs pareilles pour l’exactitude et l’utilité. »
On ne considérait pas
seulement Miss Vaughan comme une héroïque polémiste, dans l’entourage du
Souverain Pontife ; on la mettait sur le même pied que les Saints. Quand
elle commença à être attaquée, le secrétaire du Cardinal Parocchi lui écrivit
de Rome, le 19 octobre 1896 :
« Continuez,
Mademoiselle, par votre plume et par votre piété, malgré les efforts de
l’enfer, à fournir des armes pour terrasser l’ennemi du genre humain. Tous les
Saints ont vu leurs œuvres combattues ; il n’est donc pas étonnant que la vôtre
ne soit pas épargnée...
Veuillez agréer,
Mademoiselle, mes plus vifs sentiments d’admiration et de respect.
A. Villard,
Prélat de la Maison de Sa
Sainteté,
Secrétaire de S. E le
Cardinal Parocchi. »
Ces lettres, vous savez
bien, messieurs les journalistes catholiques, qu’elles ont été réellement
envoyées à Mademoiselle Vaughan. Il est possible que vous en soyez gênés
aujourd’hui ; mais ce sont des documents historiques ; ils n’ont pas
été fabriqués, ceux-là, et leurs éminents auteurs ne les renieront pas.
Et non seulement ils
patronnaient cette mystification ; mais ils poussaient leur
correspondante, la croyant une tête exaltée, à entrer dans leur jeu pour la
préparation de leurs miracles.
Le temps me manque
aujourd’hui ; néanmoins, je veux vous faire connaître un fait dans cet
ordre d’idées. Tout le monde sait que, d’après la légende catholique, lorsque
Jeanne d’Arc eut été brûlée, le bourreau fut stupéfait de constater que, seul,
le cœur de l’héroïne n’avait pas été consumé ; en vain, jeta-t-il encore
de la poix enflammée et du soufre, le cœur ne put brûler. Alors, sur
l’injonction des ordonnateurs du supplice, le cœur de Jeanne fut jeté à la
Seine. Maintenant, le clergé français demande la canonisation de Jeanne
d’Arc ; mais c’est Rome qui canonise, et Rome est en Italie. Le clergé
français a déjà trouvé une relique de celle qu’il supplicia : c’est une
côte carbonisée. En Italie, on se prépare à avoir mieux que cela. Une tertiaire
est entretenue dans l’idée extraordinaire que c’est elle qui retrouvera le cœur
de Jeanne d’Arc ; un ange le lui apportera, sans doute. Cette tertiaire
ultra-mystique l’a écrit à Mlle Vaughan, et c’est le secrétaire même du Cardinal-Vicaire
qui a recommandé à Mademoiselle Vaughan de correspondre avec cette pieuse
personne, d’échanger avec elle ses impressions sur les faits surnaturels
relatifs à Jeanne d’Arc. Il est facile de comprendre ce que cela veut dire.
Soyez-en certain : un jour, un ange apportera le cœur, pas en France, mais
en Italie, de même que des anges ont apporté à Lorette, la maison de Nazareth.
Jeanne d’Arc sera canonisée, et tous les pèlerins français qui viendront en
Italie ne manqueront pas de rendre visite au couvent italien, possesseur du
cœur miraculeusement retrouvé ; et ces visites seront fructueuses,
n’est-ce pas ? Miss Vaughan a donc vu pleuvoir chez elle les faveurs des
princes de l’Eglise.
Les maçons de
France, d’Italie, d’Angleterre riaient sous cape, et ceux-ci avaient raison.
Par contre, un maçon allemand, Findel, s’est fâché tout rouge et a fulminé une
brochure, fort bien faite. Grand émoi. Cette brochure fut comme un pavé dans
la mare aux grenouilles.
Il s’agissait de
prendre une résolution énergique. Findel compromettait le succès final de ma
mystification : sa grande erreur fut de croire que c’était un coup monté
par les jésuites. - Infortunés jésuites ! je leur avais envoyé un fragment de la
queue de Moloch, comme pièce de conviction du Palladisme !
Au Vatican, on
s’inquiéta. On passa d’un extrême à l’autre ; on s’affola. On se demanda
si l’on n’était pas en présence d’une fumisterie qui éclaterait contre l’Eglise
au lieu de la servir. On nomma une Commission d’enquête qui fonctionna en
secret pour savoir exactement à quoi s’en tenir.
Dès lors, le
danger devenant grand, mon œuvre était en péril, et je ne voulus pas échouer au
port. Le péril, c’était le silence ; c’était l’étranglement de la
mystification dans les oubliettes de la Commission romaine ; c’était
l’interdiction aux journaux catholiques de souffler mot.
Mon ami le
docteur alla à Cologne ; de là, il me fit connaître la situation. Et je
partis pour le Congrès de Trente prévenu, bien prévenu. A mon retour, la
première personne que je vis fut mon ami. Je lui fis part de mes craintes d’un
étranglement dans le silence.
Alors, nous
convînmes de tout ce qui a été écrit et fait. Si les rédacteurs de l’Univers
en doutent, je puis leur dire quels sont les passages qu’ils ont supprimés dans
les lettres du Docteur Bataille. C’est moi qui, de cette façon, ai attisé leur
feu ; car il fallait que la presse du monde entier fût mise au courant de
cette grande et bizarre aventure. Et un bon laps de temps était nécessaire pour
que le tapage des catholiques furieux, la polémique avec les partisans de Miss
Diana Vaughan pussent attirer l’attention de la grande presse, de la presse qui
marche avec le progrès et qui compte par millions ses lecteurs. Avant de
terminer, je dois un salut à un fumiste inconnu, à un perspicace confrère
américain. Entre fumistes, on se comprend d’un bout à l’autre du monde, sans avoir
besoin d’échanger des lettres, sans recourir même au téléphone. Salut donc au
cher citoyen du Kentucky qui a eu l’aimable pensée de nous aider sans aucune
entente, qui a confirmé au Courrier-Journal de Louisville les
révélations de Miss Diana Vaughan, qui a certifié à qui a voulu l’entendre
qu’il avait connu la chère Miss intimement pendant sept à huit ans et qu’il
l’avait souvent rencontrée dans les diverses sociétés secrètes d’Europe et
d’Amérique…, où elle n’a jamais mis les pieds.
Mesdames, Messieurs,
On vous avait annoncé que le
Palladisme serait terrassé aujourd’hui. Mieux que cela, il est anéanti ;
il n’y en a plus. Je m’étais accusé d’un assassinat imaginaire, dans ma
confession générale au père jésuite de Clamart. Eh bien, à vous, je fais l’aveu
d’un autre crime. J’ai commis un infanticide. Le Palladisme, maintenant, est
mort et bien mort. Son père vient de l’assassiner. »
(Un tumulte indescriptible accueille cette conclusion.
Les uns rient de plus belle et applaudissent le conférencier ; les
catholiques crient, sifflent. L’abbé Garnier monte sur une chaise et veut
haranguer l’assistance ; mais il en est empêché par les huées ;
plusieurs auditeurs entonnent la chanson comique de Meusy : O Sacré-Cœur
de Jésus !)
Les carmélites de Lisieux partagent l’enthousiasme de
la plupart des catholiques de France pour l’étonnante conversion de Diana
Vaughan. Thérèse s’y intéresse d’autant plus qu’elle s’est produite par
l’intercession de Jeanne d’Arc. Aussi décide-t-elle, en accord avec ses
novices, de composer une saynète sur la conversion de celle que la presse
catholique salue comme une « nouvelle Jeanne d’Arc ». On la jouera le
21 juin pour la fête de mère Marie de Gonzague, réélue prieure le 21 mars
précédent. Thérèse donne à sa pièce un titre significatif : Le Triomphe de
l’humilité, en vue de rappeler à ses sœurs que l’arme essentielle à employer
contre Satan, c’est l’humilité. Mère Agnès suggère à Thérèse de composer
quelques vers à l’intention de la convertie. L’inspiration ne vient pas et mère
Agnès se contente d’envoyer à Diana Vaughan une photographie que Céline a prise
l’année précédente, où l’on voit Thérèse et sa sœur dans les rôles respectifs
de Jeanne d’Arc et de sainte Catherine. Ce « tableau » ne pourra que
plaire à la « nouvelle Jeanne d’Arc » qui a besoin d’être encouragée
dans sa vocation.
Thérèse accompagne l’envoi de quelques lignes. La
lettre et le tableau ne sont pas envoyés directement à Diana Vaughan, car elle
est obligée de se cacher pour éviter les représailles des membres de son
ancienne secte. On les envoie à son correspondant, Léo Taxil.
Durant la séance du 19 avril 1897, le public avait
sous les yeux une photographie projetée sur un grand écran. Elle représentait
Jeanne d’Arc enchaînée dans sa prison et consolée par sainte Catherine. C’était
la photo qu’il avait reçue de Lisieux l’année précédente.
Thérèse apprit la mystification par la presse. Elle
apprenait que Léo Taxil s’était servi de sa photo pour se moquer du culte des
chrétiens envers Jeanne d’Arc. Elle déchira en miettes la lettre de
remerciements de Diana Vaughan que Léo Taxil lui a fait parvenir en juillet
1896 en réponse à la sienne, et s’en va la jeter à la fumière du jardin.
Après 1897, Léo Taxil
s’assagit et, fortune faite, se retire à Sceaux (Seine) au n° 5 de la rue
Florian. Définitivement coupé des milieux maçonniques et catholiques, il
réédite en soixante-sept fascicules la Bible amusante complétée par les
citations textuelles de l’Ecriture et les réfutations opposées par Voltaire,
Fréret, etc. (1897-1898) et, au début du siècle, sous le pseudonyme de Prosper
Manin, les fascicules du Journal d’un valet de chambre ; La Dame
au loup noir (1901) et L’Amant des veuves (1902), de même Notes
et croquis du pays noir. Nos bons jésuites (1902) et Marchands de chair
humaine (1904) puis, sous le pseudonyme de Jeanne Savarin, un guide de la
ménagère qui se veut une « mise en garde contre les fraudes de
l’alimentation et des moyens pratiques de reconnaître toutes les
tromperies » ; L’art de bien acheter (1904) de même qu’un
livre de recettes : La bonne cuisine dans la famille (1905) et
enfin, un ouvrage documentaire sur L’enclave de Monaco (1905), avant de
s’éteindre à Sceaux le 31 mars 1907 dans l’indifférence générale[112].
Voici ce qu’écrit Bernard
Muracciole :
« Mais la saga
taxilienne n’est pas finie pour autant. A la fin de l’été 1897 paraît à
Toulouse un opuscule sous le nom de l’Abbé de la Tour de Noë : « La
Vérité sur Miss Diana Vaughan, la sainte et Taxil, le Tartuffe ». Dans
cette brochure, l’Abbé de la Tour s’en prend à Taxil et le somme de révéler la
cachette de Diana.
Bien sûr, lecteur avisé,
vous avez deviné que, sous les noms de Ricoux-Bataille, Viator, Dr Bataille,
Louis Nemours-Godré, Diana Vaughan, l’Abbé de la Tour de Noë et de tant
d’autres encore, se cache « l’ami »
Taxil.[113] »
Or, cela est faux, puisque
l’abbé de la Tour de Noé a bel et bien existé. Pour preuve, voici ci-dessous la
liste des livres qu’a écrit cet abbé. Bien-sûr, on pourrait nous dire que Taxil
a « emprunté » le nom de cet abbé, mais cela ne tient pas debout car
la famille de l’abbé aurait vite fait de protester contre cet emprunt.
En fait, c’est Eugen Weber
qui, dans son livre Satan franc-maçon, en voulant trop prouver sa
théorie de la mystification, annonce sans preuve que la brochure La Vérité
sur Miss Diana Vaughan, la sainte et Taxil, le Tartuffe est en fait
écrit par Taxil. Depuis, tous les auteurs qui s’intéressent à cette question
reprendront cette assertion de Weber sans chercher à vérifier. Pourtant un
simple passage à la Bibliothèque Nationale de France aurait suffit.
Voici quelques ouvrages de
l’Abbé Gabriel Marie Eugène de La Tour de Noé, que la Bibliothèque Nationale de
France conserve (il s’agit toujours du même personnage, comme l’indique le nom
et l’adresse de l’auteur sur chaque livre) :
_Opuscule sur les biens
du clergé en général, sur le domaine et la puissance temporelle du pape,
1855.
_Une réponse à M.
Volusien Pagès : réfutation d’une réfutation de M. Renan, 1863.
_Le Sacerdoce, ou la
Solution définitive des quatre problèmes capitaux : tous les chefs de la
religion vraie, d’Adam à Pierre II ; le dernier mot de l’histoire sur les
grands faits de l’humanité ; la solution de la question romaine par le
transfert du pape à Jérusalem ; la fin du monde en 1921, 1868.
_Pétition. Les cinq milliards
pour le roi de Prusse, 20 mars 1871.
_Projet de réorganisation
de l’armée française de terre et de mer, 1871.
_L’Avenir de la France,
1871.
_La Fin du monde en 1921,
4e éd. 1871, 6e éd. 1872, 11e éd. 1885.
_Henri V est-il près
d’arriver ? Oui !, 1871.
_Mort de Pie IX et
avènement de Henri V, 1874.
_Henri V est impossible,
2e éd. 1874.
_Arrêt de mort, lettre à
sa mère inventaire du tribunal criminel, du martyr l’abbé Gabriel François de
La Tour de Noé, 1er janvier 1872.
_La Fin du monde après
les dix papes futurs, de « Ignis ardens à Petrus secundus », 20e
édition, 1893.[114]
_Histoire des hommes
illustres de la famille de La Tour de Noé, 1875, 2e éd. 1882, 6e
éd. 1896.
_La Vérité sur miss Diana
Vaughan la sainte et Taxil le tartufe, 8 mai 1897.
Excusez du peu…
Voici maintenant des
extraits de cette brochure de l’abbé La Tour de Noé, brochure[115]
qu’apparemment on a voulu discréditer, peut-être parce que justement, elle dit
la vérité ? :
« Diana Vaughan
existait quand le cafard italien, ayant nom Margiotta, la supplia de lui prêter
cent mille francs pour relever son château de Palmi, qu’un tremblement de terre
venait de renverser, château qui n’était qu’une vieille masure, estimée deux ou
trois mille livres italiennes. Plus tard, il voulut obtenir son cœur, sa main,
mais surtout sa dot. Elle évinça l’indiscret solliciteur. Pour se venger de ce
double refus, il affirma l’existence non seulement d’une, mais de deux
Diana : l’une en Amérique, se moquant des catholiques ; l’autre en
Europe, qui avait subi l’épreuve du Pastos, dont n’importe qui avait été
l’exécuteur officiel et simiesque. Cette atroce calomnie fit verser
d’abondantes larmes à la plus chaste des palladistes !
Elle existait, quand le
Comité permanent de la Fédération Palladiste Indépendante la désavoua, en 1895,
pour avoir publié trois numéros d’une revue mensuelle, qu’elle avait fondée à
Paris sous le titre : Le Palladium régénéré et libre, s’appuyant
sur un des votes du Convent de Londres de 1894. Le Comité lui reprochait
d’avoir abusé de la confiance qu’il lui avait accordée.
Elle existait, quand, en
1893, elle envoyait sa carte et sa photographie à M. de la Rive ; qu’elle
lui écrivait de Londres, de l’hôtel Mirabeau, de Paris, où elle est
enregistrée ; plus tard de Berlin et autres lieux ; quand M. de la
Rive lui répondait de Reims à Hambourg, Genève et ailleurs.
Elle existait, quand, le 19
octobre 1896, Mgr Villard, prélat de la Maison de Sa Sainteté, lui écrivait de
Rome : « J’avais des preuves matérielles et psychologiques non
seulement de votre existence, mais encore de votre conversion.
Elle existait, lorsque Mgr
Fava, évêque de Grenoble, écrivait, le 7 janvier 1897, à un religieux
d’Italie : « Miss Diana Vaughan vit, écrit, a fait sa première
communion, et les catholiques ont été mystifiés par Nathan, Findel, etc.
Attendez patiemment et vous verrez la vérité triompher. »
[En effet, p. 541 des Mémoires,
nous lisons : « La Revue Catholique de Coutances publie une
lettre reçue récemment de Mgr Fava par un religieux français, habitant
l’Italie. Ce religieux avait écrit à l’Evêque de Grenoble à la suite de la
publication, par la France Libre, des lettres (tronquées) de M. Léo
Taxil à M. Margiotta et de la correspondance romaine de l’Univers du 22
décembre. M. le chanoine Mustel dit qu’il convient de noter ces circonstances à
cause de l’intérêt spécial qu’en reçoit la réponse de Mgr l’Evêque de
Grenoble :
« Evêché de Grenoble Grenoble,
7 janvier 1897.
Mon Révérend Père,
Miss Diana Vaughan vit, écrit, a fait sa première communion, et les catholiques
ont été mystifiés par Nathan, Findel, etc.
Attendez patiemment et vous
verrez la vérité triompher.
Tout vôtre en N.-S.
Amand-Joseph, Evêque de
Grenoble. »[116]]
Elle existait, quand un
Evêque suffragant de Toulouse affirmait, pendant une retraite ecclésiastique,
devant trois cent prêtres, « qu’il avait vu et causé dans un couvent avec
Miss Diana Vaughan. » Il est vrai qu’on m’a dit que ce prélat exprimait la
crainte d’avoir été trompé sur l’identité de la personne qu’on lui présenta
avec la vraie Vaughan. Je ne partage pas la frayeur de Sa Grandeur.
Elle existait, lorsque, le
30 septembre 1895, elle m’annonce par une lettre que j’ai gagné à sa loterie le
cordon rituel de sœur Palladium Indépendant, qui équivaut à l’insigne de
Maîtresse souveraine Templière[117].
C’est un baudrier superbe, cadeau précieux que je prétends tenir de la main la
plus pure des Palladistes et non de l’abatis malpropre de Taxil, dont la main
s’ouvre toujours pour recevoir et jamais pour donner. […]
Elle existait, quand le
juif, ex-rabbin, franc-maçon et tartuffe, Moïse Lid-Nazareth, se faisant nommer
Rosen, se présenta chez son éditeur et lui offrit dix mille francs pour
qu’il le conduisit auprès d’elle. Ce traître espérait pouvoir découvrir ainsi
son secret domicile et vendre avec bénéfice cette connaissance tant souhaitée
au Grand-Orient de France.
Elle existait, lorsqu’elle
dénonça la condamnation d’Adriano Lemmi, grand-maître de la franc-maçonnerie
italienne, par le tribunal de Marseille pour cause d’escroquerie. A la suite de
son élection frauduleuse du 20 septembre 1893, elle créa le schisme de la
maçonnerie italienne. Plusieurs de ses membres se séparèrent de lui et
fondèrent des Conseils suprêmes dissidents. Elle l’accusa de puiser à pleines
mains dans la caisse de la Société qu’alimentait alors seulement le troupeau
des moutons galeux de la péninsule appauvrie. L’agitation créée par elle fut
énorme. Les revues spéciales, les journaux des deux hémisphères élevèrent tous
ces faits à la hauteur d’une notoriété universelle. Quel est l’insensé qui
osera soutenir que tout ce bruit n’eût pas pour auteur la vaillante
Vaughan ?
Elle existait, quand elle
révélait au monde que lorsque le descendant des anciens propriétaires du palais
Borghèse put et voulut rentrer dans le splendide immeuble de ses illustres
aïeux, qu’habitait Lemmi pour braver le Vatican, il découvrit dans une pièce
obscure un sanctuaire consacré à Satan.
Telles sont les raisons
indiscutables qui prouvent l’existence de Diana Vaughan.
Depuis des longues années
déjà, elle est rentrée en possession de la célébrité, la presse enregistre
chacune de ses démarches. Nul ne proteste et ne s’inscrit en faux contre une
seule. Le silence universel, en présence de ces fraudes solennelles, demeure
inadmissible.
La présence de l’Univers
et du Monde ne me surprend pas ; ils font bon accueil aux négateurs
de l’existence de Diana. Tous les mots proférés par eux sont paroles
d’Evangile. Quand ils disent qu’ils ont menti pour affirmer qu’elle a vécu, ils
croient à la sincérité de leur confession ; dans leur enthousiasme, ils
s’écrient : Habemus confitentem reum. Partout cependant celui qui
ment une fois est jugé capable de mentir cent. Pour ces deux feuilles
prévenues, tout adversaire de Miss ne saurait récidiver. Ce parti-pris ne peut
m’étonner.
Naturellement, la Vérité
opine dans ce sens.
La Libre Parole elle-même annonce la fin
de la fumisterie Vaughan. Ce qui pour cette gazette incomparable est la fin
de la fumisterie Vaughan n’est pour moi que le commencement de la
hideuse fumisterie Taxil.
Nous voici arrivés au soir
mémorable de la célèbre Conférence du 19 avril. Les invités sont triés un à un,
en pleine lumière du soleil, comme des grains de mil pour semence. On y appelle
quelques douzaines d’agents bien conduits sur lesquels on peut compter, des
hommes sûrs envoyés par les loges, des moines pacifiques, des prêtres naïfs,
des représentants de la presse calmes, des conservateurs lâches, n’osant pas
marcher sur un crachat de peur de s’y noyer, des bourgeois timides, des badauds
inoffensifs, et, peut-être, blotti dans un coin, quelque Franc-Maçon
fréquentant les loges, non par conviction, mais par ambition, pour monter ou
remonter aux plus hautes fonctions, où il a fait aussi bonne figure que
quiconque. En présence d’une pareille assemblée l’impudent conférencier ne
risque pas d’entendre une voix lui crier : « Tais-toi ; ce n’est
pas toi que nous voulons, mais Diana Vaughan ; ignoble blagueur, tu mens
quand tu nous dis que tu as menti ; » qu’un bras vigoureux vienne lui
cingler de coups de cravache sa figure patibulaire, lui arracher sa barbe de
bouc puant, et un poltron révolté lui démolir avec sa canne, qu’on lui a fait
laisser à la porte, sa face d’arlequin, que tous les auditeurs furieux
choisissent ses joues velues pour socle d’un monticule de crachats.
De la voix étrange du plus
sans gène fumiste de son époque, il va, non débiter, car il perdrait le fil,
mais lire son boniment sacrilège, blasphématoire, cynique, qu’il a écrit sur
son bureau de billets de mille, gagnés par des mensonges payés d’avance.
Ennemi de Pierret, qui
connaît la vrai Diana Vaughan, il insiste, pour que l’on confie à Delhomme la
publication des Mémoires d’une ex-palladiste, dont il se proclame
l’auteur. Il fallait, dans ce cas, lui donner rendez-vous par billet doux, du
coût de 90 centimes, chez le juge de paix de son canton, pour le faire
condamner à lui restituer le manuscrit de son œuvre. Il n’ose, car il
sait qu’il ne peut prendre son bien là où se trouve celui d’un autre et non le
sien.
Et maintenant, misérable Taxil,
dis-moi : « Qu’as-tu fait de Diana Vaughan, que ta feinte amitié,
qu’elle croyait sincère, a perdue ? »
Nous avons promis de faire un travail de
révision portant sur les publications antimaçonniques parues depuis douze ans.
Ce travail pourra être long sans doute, mais il ne sera pas sans intérêt. Nous
le commençons dans ce numéro et devons à nos lecteurs quelques explications
préliminaires sur la méthode que nous comptons employer.
Léo Taxil a trompé le public catholique :
c’est un fait certain. Dans quelle mesure a-t-il été mystificateur ? Ceci
est plus difficile à dire.
Il faut reconnaître en effet que, selon
l’expression très juste de M. Tardivel « ses adversaires l’avaient à plusieurs
reprises dénoncé, mais c’est lui-même qui s’est démasqué ».
La Commission chargée par le Congrès de
Trente d’examiner la question avait formellement reconnu dans son verdict
qu’aucune preuve péremptoire n’avait été donnée établissant une mystification.
Il est donc nécessaire d’étudier de plus près
que jamais tout ce qui a été écrit sur le Palladisme et la Haute-Maçonnerie
afin de faire la part exacte du vrai et du faux.
Nous nous mettons à cette tâche avec le seul
souci de la vérité, n’hésitant pas à reconnaître que nous nous sommes trompés
ou que nous avons été trompés sur tel ou tel point, mais aussi nous efforçant
d’établir le vrai et de dénoncer le faux par des preuves indiscutables.
Nous ne suivrons pas de plan tracé d’avance,
mais nous nous contenterons de publier nos recherches ou celles de nos amis sur
des sujets particuliers, en donnant un titre et un numéro d’ordre à chaque
article pour pouvoir y renvoyer ensuite plus facilement.
La Rédaction.
Quelques jours après la conférence du 19
avril, M. Huysmans, interrogé sur ces questions, répondit dans un journal par
une lettre d’ou nous extrayons les passages suivants :
« Quant à la question satanique, elle
n’est nullement atteinte par les palinodies de ce méridional ; ses
pseudo-révélations ne changent rien à l’affaire.
Le satanisme n’en sévit pas moins à l’heure
actuelle.
D’autre part, le Luciférianisme peut être
accepté tant qu’il ne sera pas démontré que les renseignements donnés à son
sujet par Mgr Meurin, archevêque de Port-Louis, dans son volume La
Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, sont inexacts.
J’ajoute que ce sont ces informations qui ont
servi de base au volume de Taxil et consorts sur Le diable au XIXe siècle ;
mais ces mercantis les ont si singulièrement travesties, les ont noyées dans
des détails si ridicules, que l’on peut se demander s’ils n’étaient pas payés
pour détruire l’effet que les documents de Mgr Meurin pouvaient
produire. »[119]
Dans cette lettre, M. Huysmans répète ce
qu’il écrivait déjà en 1895 dans sa préface au livre de M. Jules Bois : Le
Satanisme et la Magie. Voici le passage :
« Tout le monde sait que le domaine du
Déchu, sur cette terre, se divise en deux camps :
L’un, celui du Palladisme, de la Haute Maçonnerie,
des Lucifériens, qui englobe le vieux et le nouveau monde, qui possède un
anti-pape, une curie, un collège de cardinaux, qui est, en quelque sorte, une
parodie de la cour du Vatican.
Le général Pike fut, pendant quelques années,
le vicaire du Très Bas, le pontife installé dans la Rome infernale, à
Charleston ; celui là est mort ; maintenant c’est Adriano Lemmi, un
filou condamné pour vol en France, qui est le saint-père noir. Il ne réside
plus comme ses prédécesseurs en Amérique, mais bien à Rome.
De nombreux renseignements ont été fournis
sur le Palladisme. Les plus sûrs, ceux auxquels on peut se reporter, sans
crainte de se perdre dans des divagations singulièrement louches et dans des
histoires à dormir debout, sont ceux qui nous ont été donnés par Mgr Meurin,
archevêque évêque de Port-Louis, en un livre approuvé par Léon XIII et qui
porte ce titre : La Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan. (p.
XVI). »
Il importe donc de savoir où Mgr Meurin a
puisé ses renseignements sur le Luciférianisme ou Palladisme, puisque M.
Huysmans emploie indifféremment l’un ou l’autre de ces noms. Nous avons
justement publié dans La Franc-Maçonnerie démasquée (juillet 1895) un
article qui se trouve maintenant d’une actualité saisissante et dont nous
croyons utile de reproduire ici une partie :
« L’organisation du Palladisme date de
1870, et cependant le secret fut si bien gardé, que, pendant trente ans le nom
même en fut ignoré du monde catholique.
M. Léo Taxil, dans son ouvrage : Y a-t-il
des femmes dans la Franc-Maçonnerie ? publié au mois d’août 1891,
parla le premier du Rite palladique réformé nouveau, dû à l’impulsion du
général Albert Pike et de John Taylor. Il racontait la fondation à Paris de la
Loge-Mère le Lotus en 1881 et des Loges Saint-Jacques en 1884 et Saint-Julien
en 1889 (p. 208 et 235) et appelait Albert Pike le pape des Francs-Maçons (p.
273). C’est dans ce même ouvrage que M. Léo Taxil publiait les rituels pour la
réception de l’Elue palladique et pour la Maîtresse templière ; il donnait
également une des formules d’évocation en usage dans le Palladisme, formule
tirée de l’appendice du Rituel du Palladisme nouveau et réformé.
Quelques mois plus tard, paraissait un
ouvrage de M. Adolphe Ricoux, ayant pour titre : L’existence des Loges de
femmes affirmée par Mgr Fava, évêque de Grenoble, et par Léo Taxil. Recherches
à ce sujet.
Il contenait entre autres pièces un article
de la Gazette du Midi du 13 août 1891, indiquant de nouveau l’existence
du Rite Palladique Réformé Nouveau, signalant le soi-disant transport du
Baphomet des Templiers à Charleston, et déclarant que, dans cette ville,
siégeait le chef dogmatique, l’antipape secret (p. 38). L’auteur lui-même, dans
un chapitre intitulé Le Pape des Francs-Maçons, indiquait le résultat de
ses propres recherches et signalait le grand dépositaire des traditions
sacrées, qui est en quelque sorte le Grand Lama de la secte, le chef
dogmatique, l’antipape secret, et qui est connu des chefs des Suprêmes
Conseils, Grandes Loges et Grands-Orients, sous le titre de Souverain Pontife
de la Franc-Maçonnerie universelle, résidant à Charleston (p. 65).
En 1893, Mgr Meurin, dans son bel
ouvrage : La Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, se contenta de
reproduire les affirmations de M. Adolphe Ricoux sur le Suprême Chef et
Empereur Pape de toute la Franc-Maçonnerie et sur le Satanisme et le Palladisme
(p.456 à 459).
Dans ces conditions, sur ce point spécial du
Palladisme, le livre de Mgr Meurin, si profond d’ailleurs et si précieux par
d’autres côtés, n’a de valeur que celle de l’ouvrage de M. Adolphe Ricoux.
Il était donc nécessaire de savoir exactement
l’autorité de ce dernier auteur. Nous avons été trouver l’éditeur du livre
signé de ce nom, et il nous a déclaré très loyalement que le nom d’Adolphe
Ricoux n’était qu’un pseudonyme de Léo Taxil.
C’est donc sur les soi-disant révélations de
cet imposteur que s’est uniquement appuyé Mgr Meurin dans cette question du
palladisme.[120]
On s’étonnera peut-être que nous n’ayons pas
plus tôt découvert cette fourberie. Cela tient à une autre ruse de ce
misérable, ruse qu’il importe de dévoiler ici.
Dans la Revue mensuelle ont paru de
savants articles sur les Sociétés secrètes musulmanes. Elles étaient signées
Ad. Ricoux. Ayant demandé à Léo Taxil quel était l’auteur qui signait sous ce
nom, il nous répondit que c’était un religieux missionnaire en Afrique. Il
était d’ailleurs évident que ces études étaient écrites par un homme versé dans
la connaissance de ces questions très spéciales. Il était dès lors à croire
pour nous que ce même écrivain était l’auteur du volume L’existence des
Loges de femmes.
Nous avons depuis interrogé l’éditeur de la Revue
mensuelle et il nous a appris qu’en effet l’auteur de ces Etudes sur les
Sociétés secrètes musulmanes était bien un religieux missionnaire dont il nous
a donné le nom. Ce religieux ayant demandé que son nom ne parût pas, ce fut Léo
Taxil, alors secrétaire de la Revue mensuelle, qui proposa ce nom d’Ad.
Ricoux dont il s’était déjà servi. La confusion, dès lors, était facile à créer
dans l’esprit de ceux qui voulaient se rendre compte des choses.[121]
Aussi sommes-nous très décidés, dans La
Franc-Maçonnerie démasquée, à ne jamais analyser, et à plus forte raison,
recommander un ouvrage antimaçonnique paru sous un pseudonyme, sans qu’on nous
en ait fait connaître, sous le secret s’il est nécessaire, le véritable auteur.
Gabriel Soulacroix.
Puisqu’un travail de révision de l’œuvre
taxilienne (1885-1897) s’impose, apportons quelques pierres à l’édifice que les
antimaçons se sont promis, dès le premier jour, d’élever contre l’œuvre néfaste
du maître mystificateur Taxil.
Dans
cette œuvre, il y a beaucoup d’emprunts, les uns faits à des sources sérieuses,
les autres à des sources douteuses. En faisant un peu de lumière dans ce chaos,
nous verrons que la mystification est plus apparente que réelle, les documents
employés étant vrais pour la plupart.
Aujourd’hui, nous nous bornerons à examiner le
Diable au XIXe siècle, œuvre du Dr Bataille (Dr Hacks et Taxil)[122].
I.) Gravures. Et d’abord, bon nombre des
illustrations de l’ouvrage ne sont pas originales. Ce sont les
suivantes :
Tome Ier, p. 89, Le Baphomet. - Cf. Eliphas
Lévi, Rituel, frontispice.
Pages 89 et 329, Signature de Baal Zéboub. -
Cf. E. Lévi, Rituel, p. 251.
Page 201 , L’ombre fixée au mur. - Cf. E.
Lévi, Dogme, p. 109.
Page 209, Tableau palladique du Christ crucifié. - Cf. Cours de
Maçonnerie pratique, t. II, frontispice.
Page 313, Urne palladique : chérubin à
quatre têtes et Baal Zéboub. - Cf. E. Lévi, Dogme, p. 353 et Rituel,
p. 279.
Page 337, La divinité double. - Cf. E. Lévi, Dogme
frontispice.
Page 409, Instruments de Magie palladique. -
Cf. E. Lévi, Rituel, p. 109.
Page 409, Le trident de Paracelse. - Cf. E.
Lévi, Rituel p. 74.
Page 477, Lettres de l’alphabet des Mages
dans le diplôme de maîtresse Templière. - Cf. Christian, Histoire de la
Magie, p.177.
Page 477, Même diplôme : le triomphe d’Astarté.
- Cf. E. Lévi, Rituel, p. 387.
Page 477, Même diplôme : le
Saint-Sépulcre. Cf. Description de la chambre noire au grade de Kadosch, dans
le Rituel officiel.
Page 477, id. : Serpent d’Eden (au Tau). -
Cf. E. Lévi, Clef des Grands Mystères, p. 443.
Page 496, Le pentagramme. - Cf. E. Lévi, Rituel, p. 105.
Page 849, Moloch. - Cf. Dict. infernal de
C. de Plangy, p. 470.
Page 865, Belphégor et Mammon. - Cf. C. de P., id., p. 89 et 439.
Page 873, Asmodée et Adramelech. - Cf. C. de
P., id., p. 55 et 8.
Page
889, Behemoth. Cf. C. de P., id., page 86.
Page 897, Abizor, Boël, Alocer. - Cf. C. de
P., id., p. 3, 71, 22.
Page 905, Orobas, Buer, Léchies, Amducias. -
Cf. C. de P., p. 510, 123, 403, 24.
Page 913, Haborym, Zaëbos. - Cf. C. de P., p.
317, 711.
Page 921, Andras, Abraxax, Eurynome, Amon. -
Cf. C. de P., p. 32, 4, 254, 28.
Tome II, p. 57, Cagliostro. - Cf. Temple
de Satan, par S. de Guaita, p. 301.
Page 265, Portrait dit de S. de Guaita. C’est
on réalité celui de Saint-Yves d’Alveydre. - Cf. S. de Guaita, Temple de
Satan, p. 13.
Enfin, un certain nombre de portraits sont
empruntés au Cours de Maçonnerie pratique (2e édit., II, p. 237).
Ce sont ceux des membres du Suprême Conseil
du 33e degré pour la Suisse. Leurs noms suivent :
Baud, II, 513 ; Odio, II, 457 ;
Pierre, II, 503 ; Amberny, II, 489 ; Duchesne, II, 513 ;
Guiffrey, II, 497 ; Besançon, II, 441 ; Crémieux, II, 409 ;
Lebatteux, II, 497 ; Ruchonnet, I, 129 ; Paschoud, II, 473 ;
Riboli, I, 129 ; Pappaërt, II, 505 ; Cluydts, II, 489 ; Dr Lévi,
II, 409 ; Dulon, II, 473 ; Sandeman, I, 529 ; Hamilton, II,
44l ; Montagu, II,457.
II.) Texte. - Le Diable au XIXe siècle est
composé, semble t’il, avec des ciseaux, tellement les coupures y abondent.
Tome Ier, p. 32, Toxicologie des occultistes.
- Cf. E. Lévi, Dogme, 345.
Page 37,. Signification du G. - Cf. E. Lévi, Rituel,
103.
Pages 84 à 88, Consécration des quatre
éléments. - Cf. E. Lévi, Rituel, p. 82-92.
Pages 135 à 139, Expérience d’anabiose par un
fakir. - Cf. Dr Gibier, Analyse des choses, p. 168 à 175.
Page 154, Formule magique Hémen-Etan. - Cf.
E. Lévi, Rituel, p. 249.
Page 215, Description du Baphomet. - Cf. E.
Lévi, Rituel, 89 p. 228.
Page 216, Signe de croix gnostique. - Cf. E.
Lévi, Rituel, p. 93.
Pages 343 et 344, Prophéties relatives à
l’empereur Maximilien et à sa femme, prêtées à Sophia Walder. Cf. Christian, loc.
cit., p. 558-559.
Page 367, Liste des Maçons Emérites (sauf
trois). - Cf. Chaîne d’Union, Septembre 1888, p. 372.
Pages 481-48282, Composition de la Manna di san
Nicola di Ban. - Cf. E. Lévi, Dogme, p. 347.
Page 493, Description du Trident de
Paracelse. - Cf. E. Lévi, Rituel, p. 74.
Page 498, Consécration du Pentagramme. - Cf.
E. Lévi, Rituel, p. 100.
Page 663. Les tics dans l’hystérie. -Cf. Le
Geste, par Hacks, p. 468.
Page 746-750, Aventure du Saint-Marcan. - Cf.
Migne, Dict. d’Occultisme, Il, p. 687 à 691.
Tome II, p. 35-37, Mlle Lenormand. - Cf.
Migne, loc. cit. p. 996-999.
Page 30, Le diable dans le Tarot - Cf. Papus,
le Tarot, p. 170.
Pages 54-55, Les songes. - Cf. Ragon, Maçonnerie
occulte, p. 473-474.
Page 64, Oracle de la tête sanglante. - Cf.
E. Lévi, Rituel, p. 254.
Pages 131-137, L’évocation magique. - Cf. E.
Lévi, Rituel, p. 189-208.
Page 179, Expériences de Crookes. - Cf.
Crookes, Recherches sur les phénomènes du spiritualisme, appendice, p.
18-19.
De la p. 181 à la p. 204, Taxil [sic…] étudie
la vie de Hume d’après l’ouvrage de ce dernier, intitulé : Recherches
sur ma vie Surnaturelle (1864). Il faut s’y reporter aux pages
suivantes : 2-4, 7-11, 14, 15, 18-19, 22-23, 25-28, 29, 32, 24, 37, 53,
69, 78-80, 85, 93-94, 101, 106, 128-129, 130-131, 137-138, 134, 135-136,
141-142, 180-181, 303-304, 307-308.
Pages 218-222, Evocation d’Apollonius de
Tyane. - Cf. E. Lévi, Dogme, p. 281-288.
Pages 243 à 245, Miroirs magiques. - Cf. Du
Potet, Magie Dévoilée, p. 106 à 114 et 140.
Page 254, Un procédé d’envoûtement au XIVe
siècle. - Cf. de Rochas, L’Envoûtement, p. 9.
Pages 317 à 322, Le presbytère de Cideville hanté. - Cf. E. De
Merville, Des Esprits et de leurs manifestations, p. 337-351.
De la page 512 à la page 518, Taxil [sic…] fait différents emprunts à
l’ouvrage de A. WeiIl intitulé Ma jeunesse (1888). Il faut s’y reporter
aux pages suivantes : 8, 12, 16, 25, 26, 60, 61, 62, 63, 69, 551, 75, 76, 77,
83, 93, 101, 104, 107, 108, 134, 135, 149, 174, 175, 225, 618, 454, 274, 499,
266, 518.
Pages 625-629, Discours initiatique pour une réception martiniste. -
Cf. S. De Guaita, Au seuil du mystère, 3e édit., p. 151-159.
Pages 743-744, Une visite à L. Grange. - Cf.
J. Bois, Les Petites Religions, p. 105-115.
Page 878, Tableau du rituel Pike pour les
évocations de daimons. - Cf. E. Lévi, Rituel, 124.
Pages 880-882, Nuctéméron d’Apollonius de
Tyane. - Cf. E. Lévi, Rituel, 412.
Les noms des diables, leurs attributions, les
légions auxquelles ils commandent, tout cela a été puisé dans les dictionnaires
de Migne et de C. de Plancy. Plusieurs génies du Nuctéméron ont été également
transformés en diables par Taxil. (Cf. E. Lévi, Rituel, 416-427.)
Terminons cet aride rapprochement par une
petite étude des coups de canon. Ceux-ci ne sont pas une pure invention
de Taxil, ainsi qu’on pourrait le croire.
Et d’abord, que sont les coups de
canon ? Papus va nous l’apprendre :
« Canon (Coup de), terme de Franc-Maçonnerie
pour désigner une des cinq actions d’éclat qui constituent les buts secrets de
l’ordre. » (Petit Glossaire des principaux termes techniques d’occultisme,
par Papus et Chaboseau, p. 7.)
Le premier auteur, à notre connaissance, qui
fasse mention des coups de canon, est le Profane, auteur du Cours de
Maçonnerie pratique. Voici le passage qui les vise (t. 1er, 1885, p. 446-
447) :
« Le 1er coup de canon et la 1re
concentration eurent lieu quand Luther se mit à la tête de la révolte de
l’intelligence contre la Forme.
Le 2e coup de canon et la 2e
concentration eurent lieu quand l’affirmation que tout gouvernement humain
tient son autorité du peuple, et seulement du peuple, se produisit en Amérique.
Le 3e coup de canon et la 3e
concentration eurent lieu quand la proclamation de la doctrine de Liberté,
Egalité et Fraternité eut lieu en France.
Le 4e et le 5e coup de canon et la 4e
et 5e concentration n’ont pas encore eu lieu. A la 5e concentration succédera
le règne du Saint Empire, c’est à dire le règne de la Raison, de la Vérité et
de la Justice. »
Qu’on ne dise pas que ceci est un document
apocryphe. L’auteur (le Profane) nous donne en effet comme sources authentiques
les Rituels du 32e degré de Ragon (1860), D. Anghera (1874), Pike
(1880), le Rituel manuscrit n° 867 de la collection du Grand-Orient de France,
enfin El Triple Triangulo, par A. V. de Castro (1884).
Quoi qu’il en soit, ce passage du Cours de
Maçonnerie pratique fut jugé assez intéressant et suggestif par Léo Taxil
pour être reproduit intégralement peu après dans les Frères Trois Points
(t. II, vers 1886, p. 290).
Puis Papus lui-même se risqua à reproduire le
même extrait dans son Traité méthodique des sciences occultes (1891, p.
708). Chose importante à noter, le Grand Maître du Martinisme admet comme
certaine cette doctrine des coups de canon, car il la transcrit sans
commentaires et même il y revient en deux endroits lorsqu’il dit :
Page 689 : « Dans l’initiation à l’un
des plus hauts grades maçonniques, on apprend en effet au récipiendaire que le Protestantisme
est une des victoires (coups de canon) remportées par la Franc-Maçonnerie sur
la papauté », et p. 704 :
« Signalons en passant la victoire remportée
par le gnosticisme sur la Papauté et la Royauté par la réussite de deux
nouvelles tentatives maçonniques : L’indépendance de l’Amérique et
la Révolution française. »
Ces deux citations appartiennent à M. Papus
en toute propriété.
Lorsque Taxil conçut le plan de sa fumisterie
gigantesque, il reprit les coups de canon et en arrangea la signification à sa
manière :
Signification des coups de
canon
D’après le diable et les œuvres de D.
Vaughan |
|
I. Protestantisme. |
Luther brûle les bulles du pape à Wittemberg (10 décembre 1520). |
II. Indépendance de l’Amérique. |
Mort de Louis XVI (21 janvier 1793). |
III. Révolution française. |
Abolition du pouvoir temporel du pape (20 septembre 1870). |
IV. ? |
Abolition du pouvoir spirituel (29 mars 1996). |
V. Règne du Saint Empire |
Triomphe de Lucifer (29 mars 1999). |
Relisant dans le volume de M. Jules
Bois : Les petites religions de Paris, le chapitre intitulé les
LUCIFERIENS, un de nos amis lut avec surprise ces lignes (p. 157) d’une
interview du Dr Bataille par l’auteur : « On a beaucoup parlé de ces deux
prêtresses lucifériennes (Sophie Walder et Diana Vaughan), et M. François de
Nion raconta le flamboiement, sur l’épaule nue de Sophia, des prophéties contre
le Saint-Siège. » (Cf. Le Diable au XIXe siècle, p. 40-42.)
De l’aveu de Taxil, Sophie Walder étant un
mythe, il était assez singulier de voir le Dr Hacks abritant ses calembredaines
derrière l’autorité d’un nom aussi connu que celui de M. le comte de Nion. Ceci
appelait une rectification. Notre ami la sollicita. Avec une obligeance dont
nous ne saurions trop le remercier, M. de Nion voulut bien envoyer aussitôt
cette réponse qui renferme toute une appréciation de la question Taxil.
Henri D’Oger.
« Neuilly-sur-Seine, 22 juin 1897.
Monsieur,
J’ignorais totalement l’interview du docteur
Bataille que vous voulez bien me signaler et le propos qu’il m’y prêtait.
Cependant il devait faire allusion à un article publié dans le Figaro
(vers juillet ou août 1894) et dans lequel, reproduisant le récit de la
brochure : Le diable au XIXe siècle, je demandais formellement qu’un
membre autorisé du clergé voulût bien nous dire ce qu’il pensait de ces révélations
si surprenantes. J’étais d’autant plus en droit d’adresser cette question à
qui de droit que c’était un religieux du caractère le plus sérieux, homme
de parole, de savoir et d’érudition, qui m’avait conseillé la lecture de ce
feuilleton et semblait considérer comme très authentiques et très admissibles
les faits racontés par le docteur Bataille.
Je reçus à la suite de cet article une
quantité considérable de lettres parmi lesquelles une attira mon attention :
elle était de tournure ecclésiastique, assez mystérieuse, et me disait qu’on ne
répondrait pas à ma question mais qu’on se préoccupait de ces révélations dans
les hautes sphères du clergé et qu’elles étaient l’objet d’un examen
approfondi. Peut-être cette lettre était-elle de M. Léo Taxil lui-même.
J’ai tenu aussi entre les mains une lettre de
Diana Vaughan ; elle m’était communiquée par un M. de la Rive, auteur d’un
ouvrage sur la Franc-Maçonnerie : le monogramme représentait un croissant
de lune entouré d’une queue de lion et piqué d’une rose crucifère, avec la
devise : Me jubente cauda leonis loquitur.
Vous voyez donc, Monsieur, que si vous avez
été mystifié, d’autres le furent également ; pourtant cette affaire
demeure encore pour moi mystérieuse et je me demande le moment où il faut
croire M. Léo Taxil quand il ment ou quand il dément. Jamais serait peut-être
la sagesse, et, je ne sais pourquoi, un doute me reste qu’au milieu du fatras
de mensonges de son Diable ne se soient glissées quelques parcelles de
vérité qu’on voudrait rattraper maintenant que l’effet d’argent est obtenu.
Si le Diable au XIXe siècle est
inventé d’un bout à l’autre, M. L. Taxil est l’imagination la plus féconde de
ce siècle, et il serait intéressant pour ceux qui comme vous, Monsieur, ont le
goût de chercher la vérité, de relire aujourd’hui ces pages bien habiles, si
elles sont inventées, pour un homme d’un esprit assez grossier comme doit
l’être, j’imagine, l’auteur des Amours de Pie IX ou autres ordures dont
je ne veux même pas rappeler le titre.
Voilà une voie, elle est intéressante ;
… mais j’ai l’air d’un mystifié endurci.
Agréez, Monsieur, avec mes remerciements pour
votre lettre, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
François de Nion. »
Nous avions cru trouver une preuve
authentique de l’existence du Palladisme dans la découverte faite par nous de Triangles
maçonniques signalés dans des publications émanant de la secte.
On trouve, en effet, dans les Annuaires du
Grand-Orient de ces dernières années la mention suivante au sujet du
Grand-Orient espagnol (Annuaire 1893, p. 322) :
« GRAND-ORIENT ESPAGNOL
SUPR.˙. CONS.˙. POUR L’ESPAGNE ET
POSSESSIONS
(Fondé le 24 mai 1889.)
(114 Loges et 42 at.˙. sup.˙., 5 Loges de
dames, 35 Triangles.) »
Voilà, pensions-nous, un aveu précieux : on aura par inattention laissé
échapper cette note signalant des triangles qui ne peuvent être que des
triangles palladiques et lucifériens. » Jamais, en effet, cette expression de
triangle n’avait été trouvée dans les ouvrages ou rituels maçonniques.
Cependant, le numéro d’août-septembre 1893 du
Bulletin officiel du Grand-Orient y fit ensuite une allusion qui ne
laissa pas que de nous étonner. Voici, en effet, ce que nous écrivions à ce
sujet dans la Franc-Maçonnerie démasquée de janvier 1896 :
« A signaler d’abord ce passage :
Notons au Congrès du Midi les vœux relatifs à
l’inopportunité de l’admission des femmes dans la Franc-Maçonnerie, à la
suppression du franc de propagande, à la création de triangles maç.˙.,
à la division de la France maçonnique en six régions (p. 165).
Nous avons souligné l’expression triangles
maç.˙., ne sachant aucunement de quoi il s’agit. Evidemment, ce ne
peut être de chapeaux, ni de cartes d’invitation, quoique ces deux sortes
d’objets portent le nom de triangles dans l’argot maçonnique. D’autre part,
nous ne pouvons croire qu’il s’agisse de triangles palladiques ; on
n’aurait pas été assez naïf pour imprimer cela dans le Bulletin officiel. »
La solution de ce problème se trouve dans le
Compte-rendu du Convent de 1896. Il y a été en effet longuement question de ces
triangles maçonniques. Voici le passage le plus saillant de la
discussion :
« Le F.˙. Crescent,
rapporteur. - Vœu tendant à la création de triangles maç.˙., c’est
un vœu qui a été très étudié par les LL.˙. du Midi. Le F.˙. Audibert
a demandé à venir lui-même défendre ce projet.
Le F.˙. Audibert. - Parmi les
moyens de propagande employés par la Mac.˙., les LL.˙. du Midi ont
pensé que la constitution des triangles maç.˙. était une des mesures les
meilleures. La constitution des triangles maç.˙. consiste en ceci :
Vous savez que, dans les LL.˙. des
départements, il y a beaucoup de membres forains qui, par le fait de la
situation de leur résidence, n’ont pas les facilités convenables pour assister
d’une façon régulière aux séances de leurs At.˙. De là quelques
négligences, et, dans les petits centres, des disparitions de ces membres
correspondants.
Pour maintenir l’adhésion des membres des
communes et en augmenter le nombre, nous avons pensé que, lorsqu’il y aurait
trois membres de l’At.˙. dans une commune, on pourrait les constituer en
triangle ; à ces triangles seraient communiqués les divers travaux de
l’At.˙., et on solliciterait d’eux l’examen des travaux à l’ordre du jour
des At.˙., de manière à leur donner quelque intérêt. On pourrait, en
autre, se tenir constamment en relations avec ces triangles, aller les visiter,
faire des conférences et augmenter ainsi le nombre des adhérents dans les
communes.
Nous avons, à l’heure actuelle, des foyers
maç.˙. dans des villes importantes. Quand un F.˙. se trouve isolé,
qu’il ne suit pas d’une façon régulière les séances de son At.˙., il
hésite à se mettre en avant, étant regardé comme une exception dans sa commune.
Le jour où il sera relié à son At.˙. d’une façon sérieuse, continuelle, il
sera plus fort, il aura plus souvent la visite des membres de son O.˙. et
il pourra faire une propagande plus active et journalière.
Dans mon département, nous éprouvons le
besoin d’avoir un certain nombre de FF.˙. de l’extérieur, parce que cela
nous fait connaître dans les petits milieux ; c’est pourquoi nous avons
pensé que le moyen que nous préconisons serait excellent.
Il ne risque en rien de diminuer l’autorité
de l’At.˙. et il aurait l’avantage de donner de l’activité à des
FF.˙. qui sont absolument inactifs, bien que faisant partie d’un
At.˙. ; il faut absolument les tenir au courant de ce qui se passe et
c’est pourquoi, MM.˙. FF.˙., j’insiste pour que vous votiez cette
organisation et que tout au moins vous la soumettiez à l’étude des LL.˙.
Le F.˙. Dequaire, président. -
Vous avez entendu, M.˙. FF.˙., l’exposé qui vient de vous être fait
de la question des triangles maç.˙., j’ajoute que ces triangles existent
en Espagne et qu’ils rendent de grands services (p. 297). »
D’autre part, dans le Bulletin mensuel de la
Maçonnerie mixte : Le droit humain, numéro de février-mars 1897,
nous trouvons quelques renseignements qui complètent les précédents sur ce
point :
« Notre S.˙. Blanche Maradet nous a
communiqué des documents intéressants sur la femme dans la Franc-Mac.˙. en
Espagne.
Il résulte des renseignements recueillis par
notre S.˙., lors d’un voyage qu’elle fit en Espagne, que le Gr.˙.
Or.˙. espagnol admet la femme à l’init.˙. mac.˙. au même titre
que l’homme.
Le Gr.˙. Or.˙. espagnol a, dans son
organisation maç.˙., ce qu’il appelle des TTr.˙. Partout où il n’est
pas possible de constituer de L.˙., faute de MM.˙. en nombre
suffisant, on forme un Tr.˙.
Le Tr.˙. n’exige que trois MM.˙.
qui reçoivent les pouvoirs suffisants de la Puiss.˙. Sup.˙. pour
initier des AApp.˙., des CComp.˙. et même des MMaît.˙., afin de
former par la suite une L.˙. régulièrement constituée.
Ce modus faciendi est très rationnel
et constitue un puissant moyen de développement maç.˙. qui pourrait, s’il
était adopté en France, rendre à l’Ordre les plus grands services.
La Revista massonica nous donne de son
côté l’historique de la formation à l’Or.˙. de Buenos-Ayres, d’un
Tr.˙. qui prit comme titre distinctif la date même de sa formation :
« 8 de Marzo 1895 ». Elle nous montre le développement rapide de ce Tr.˙.
qui, le 4octobre l896, a été constitué en L.˙. régulière, au Temp.˙.
de la rue Victoria. Puis elle nous fait assister à l’installation solen.˙.
par les délégués de la Puiss.˙. Sup.˙., les Vice-Gr.˙.
Mait.˙. Juan Aguirra, Americo Alvarez et Juan Dayley, ministre de la
Justice (p. 18). »
Le chercheur.
Vraiment, le Dr Papus nous a habillés, dans
l’Initiation de juillet 1897, en mystifiés tellement naïfs qu’il est
indispensable de remettre les choses au point, en revenant un peu sur ses
dires.
Pas davantage que lui-même d’ailleurs, nous n’éprouvons le besoin
d’injurier ni de calomnier personne ; nous voulons simplement poser
quelques questions comme celles-ci : puisque d’infortunés catholiques, à
l’esprit obscurci par toutes les Ténèbres de la Superstition (style
connu !) ont mérité d’être tournés en ridicule par le Président du Suprême
Conseil de l’Ordre martiniste, quelles foudres réserve-t-il pour deux de ses
frères (et non des moindres) qui semblent, eux aussi, avoir pris de bonnes
places à bord de la frégate taxilienne ?
Il est bien regrettable que, sans avertir ses
lecteurs par des points suspensifs, comme il l’a fait quelques lignes plus
loin, M. Papus ait omis dans sa longue citation de la Conférence Taxil un
passage réellement capital. Nous le reproduisons ci-dessous pour compléter sur
un point de détail sa magistrale analyse, vraiment déparée par cette
suppression toute fortuite et bien naturelle, car qui ne sut se borner, ne sut
jamais... citer !
Entre ces mots : ... Lucifer en personne :
Quand j’ai nommé Adriano Lemmi… (Voir Initiation, juillet 97, p.
9.), Léo Taxil avait dit en effet :
« Le plus curieux de l’affaire, c’est qu’il y
a des francs-maçons qui sont montés d’eux-mêmes dans mon bateau, sans y être
sollicités le moins du monde et...
…Oui, nous avons vu des journaux maçonniques
comme la Renaissance symbolique avaler une circulaire dogmatique dans le
sens de l’occultisme luciférien, une circulaire du 14 juillet 1889 écrite par
moi-même à Paris, et révélée comme ayant été apportée de Charleston en Europe
par miss Diana Vaughan, de la part d’Albert Pike son auteur. » A quels
Fr.˙. était-il fait allusion ? De prime abord, je laisse de côté le
commandeur Margiotta et les Fr.˙. M.˙. Italiens qui, paraît-il, ont
trouvé l’édifice palladiste si admirablement construit au point de vue
maçonnique, qu’ils demandèrent à pénétrer sous son toit. Passons.
En revanche, arrêtons-nous à deux
personnalités de la plus considérable importance, tant au point de vue
maçonnique qu’au point de vue martiniste, et qui paraissent (à première vue du
moins) s’être laissé prendre aux pièges de Taxil.
Puisque mystifiés nous sommes - et nous
l’avouons sans la plus petite honte, - disons tout net que c’est pour nous une
fort douce consolation que de l’être en la docte et distinguée compagnie du
Fr.˙. Bertrand S.˙. I.˙. 30e.˙., ancien Directeur de la
savante revue la Renaissance symbolique, adjoint au maire du XVIIIe
arrondissement à Paris, et du Dr Blitz, Royale-Arche (Rite d’York), Délégué du
Suprême Conseil de l’Ordre Martiniste pour les Etats-Unis d’Amérique avec
résidence à Nevada (Missouri), membre de la Rose-Croix Kabbalistique,
secrétaire général de l’Union Idéaliste Universelle, principale organisateur du
Congrès des Religions à l’Exposition Universelle de Chicago.
On voit qu’il s’agit là d’hommes d’une
science profonde, d’une haute valeur intellectuelle et connaissant à fond les
questions maçonniques.
Et ils ont cru à la Haute-Maçonnerie de
Charleston !
Et ils ont cru au Palladisme !
Et ils ont cru aux femmes dans la
Maçonnerie !
Nous ne tirerons de là qu’une conclusion : si
d’aussi éminents F.˙. M.˙. se sont laissé prendre, qu’on veuille donc
accorder (pour commencer) des circonstances largement atténuantes aux
catholiques qui, à leur tour, ont pu être dupes. Le petit tableau ci-dessous
résume très simplement la question :
Eliphas
Lévi (Dogme) 1855 |
Ricoux-Taxil (Pseudo-Pike) (L’Existence
des Loges de femmes…) 1891 |
Renaissance
Symbolique N° 12-25 nov. 1892 Article signé S.˙. J.˙. |
Dr
Blitz (Morning-Star) 4 mars 1896 |
Pour parvenir au Sanctum Regnum, c’est-à-dire à la science et
à la puissance des mages, quatre choses sont indispensables : une
intelligence éclairée par l’étude, une audace que rien n’arrête, une volonté
que rien ne brise et une discrétion que rien ne puisse corrompre ou enivrer. Savoir,
Oser, Vouloir, Se taire. Voilà les quatre formes symboliques du Sphinx (Dogme,
p. 118.) Toi donc qui veut être initié, es-tu savant comme Faust ? Es-tu
impassible comme Job ?… N’acceptes-tu le plaisir que quand tu le veux et ne le veux-tu que
quand tu le dois ? (Dogme, p. 118.) Celui-là seul peut vraiment posséder la volupté de l’amour qui a
vaincu l’amour de la volupté. Pouvoir user et s’abstenir, c’est pouvoir deux
fois. La femme t’enchaîne par tes désirs : sois maître de tes désirs et
tu enchaînera la femme. (Dogme, p. 119) |
Pour parvenir au Sanctuaire de notre Dieu, quatre qualités sont
indispensables : 1° une intelligence éclairée par l’étude ; 2° une
audace que rien n’arrête ; 3° une volonté que rien ne brise ; 4°
une discrétion que rien ne puisse corrompre ou enivrer. Savoir, Oser,
Vouloir, Se taire. Voilà les quatre verbes du mage qui sont écrits dans
les quatre formes symboliques du Sphinx (p. 83.) A la science de Faust le vrai maçon joindra l’impassibilité de Job… Il n’acceptera le plaisir que lorsqu’il le voudra, et il ne le voudra
que lorsqu’il le devra. (p. 83). Nous recommandons très instamment de multiplier les Loges d’Adoption.
Elles sont indispensables pour former des maçons bien maîtres d’eux-mêmes… Le
vrai maçon… arrive à la perfection… en employant son zèle dans les Loges
d’Adoption, à se soumettre aux épreuves naturelles. Le commerce avec la femme
commune à tous ses Frères lui fait une cuirasse contre les passions qui
égarent le cœur. Celui-là seul peut vraiment posséder la volupté de l’amour
qui a vaincu par l’usage fréquent l’amour de la volupté. Pouvoir à volonté,
user et s’abstenir, c’est pouvoir deux fois. La femme t’enchaîne par tes
désirs, disons-nous à l’adepte ; eh bien ! use des femmes souvent
et sans passion : tu deviendras ainsi maître de tes désirs et tu
enchaîneras la femme. (p. 83-84) |
Pour parvenir au delà du seuil du Sanctuaire, quatre qualités sont
indispensables : 1° une intelligence éclairée par l’étude ; 2° une
audace que rien n’arrête ; 3° une volonté que rien ne brise ; 4°
une discrétion que rien ne puisse corrompre ou enivrer. Savoir, Oser,
Vouloir, Se taire. Voilà les quatre verbes du véritable mage initié, qui sont
hiéroglyphiquement écrits dans les quatre formes symboliques du
« Sphinx » (p. 6.) A la science de Faust, le vrai maçon joindra l’impassibilité de Job… Il n’acceptera le plaisir que lorsqu’il le voudra, et il ne le voudra
que lorsqu’il le devra. (Ici des points suspensifs, dans la Ren. Symb.
Et la note en italique : Nous ne croyons pas devoir communiquer le passage suivant des instructions secrètes, car il concerne certaines épreuves d’un caractère exceptionnel ; elles sont destinées à cuirasser le cœur des adeptes contre les passions qui égarent la raison. Leur connaissance donne seule le pouvoir de maîtriser les désirs. Pouvoir à volonté user et s’abstenir c’est être doublement puissant…(p. 7) |
… Dans la maçonnerie gnostique, où la divine Sophie était honorée par
les deux sexes, et où la tradition des Temples antiques était continuée, il
se trouve des prêtresses, bien des siècles avant qu’un docteur chrétien ait
soulevé la grave question de savoir si la femme est pourvue d’une âme. Dans
la Maç.˙. du 30e, les femmes sont certainement admises,
non dans les aréopages des A.˙. et des A.˙. S.˙. R.˙.
mais dans les réunions androgynes qui illustrent les sublimes mystères du
Kadosch pratiqués par le beau rite palladique dont le rituel fut réformé
par l’éminent initié et illustre F.˙. Albert Pike. Les
rites d’adoption sont très nombreux, spécialement en Europe, et nous pouvons
dire que c’est dans les loges androgynes que la Maç.˙. trouvera la clé
des mystères de son Ordre. Nous ne parlons pas ici de la Maç.˙. adoptive
( ?) du F.˙. Morris, cet « Ordre de l’Etoile Orientale »
dont les mystères sont simplement un impôt perçu sur les veuves et filles de
maçons… |
Nous devons ajouter que la confrontation de
ces divers documents nous a été bien facile, grâce aux intéressants travaux
publiés dans la Franc-Maçonnerie Démasquée de 1896 et dans la France
chrétienne du 15 avril 1897, où, à la veille de la conférence Taxil, notre
collaborateur Henry d’Oger sut découvrir de si singulières ressemblances entre
le texte de Pike (selon Ricoux) et les œuvres d’E. Lévi ! Il n’y a
évidemment pas le moindre doute à avoir : le document attribué a Pike dans la
brochure Les Loges de femmes, etc.… est bien une mosaïque fabriquée avec
art à l’aide de phrases empruntées à Eliphas.[123]
C’était fort astucieux, car Pike était réputé comme un occultiste des plus
savants, ainsi que M. Solutore Zola le confirma au commencement d’avril dernier
par une lettre adressée à M. de la Rive et publiée dans la France chrétienne
du 30 avril.
Au début, nous pouvions donc croire que c’était
le brave général en personne qui avait pillé les ouvrages du grand adepte E.
Lévi, pour rédiger sa soi-disant Instruction Secrète. Eh bien ! Pour que
le Fr.˙. Bertrand S.˙. I.˙. ait été la chercher dans une
brochure d’allure catholique, pour qu’il l’ait complaisamment émondée de tout
ce qu’il voyait de trop éclatant comme lumière maçonnique (de peur d’éblouir
ses lecteurs, maçons imparfaits initiés), ne fallait-il pas que lui, 30e degré
et versé à fond dans la mystique des enfants de la Veuve y eût reconnu la pure
et vraie doctrine, la pensée occulte de ses maîtres ?
Oui, le F.˙. Bertrand a été mystifié, en
ce sens qu’il a pris la compilation Ricoux-Taxil pour l’œuvre originale de
Pike. Mais après ? Le fait brutal subsiste : un Kadosch des plus en vue,
un véritable Docteur parmi les Hauts-Gradés, a reconnu formellement dans les
doctrines prêtées par Taxil à Pike, touchant le rôle des femmes dans certains
Ateliers, les doctrines réelles et véritables de la Maçonnerie.[124]
Les coupures faites par le Fr.˙. Bertrand
et sa note en italique ne prouvent-elles pas jusqu’à l’évidence que, pour le
Fr.˙. Bertrand comme pour le Fr.˙. Blitz, les femmes ont dans la
Haute-Maçonnerie des fonctions secrètes d’une importance capitale, et cela sans
doute pour ces délicates épreuves, si discrètement effleurées par la Renaissance
symbolique ?
D’autre part, la grande place occupée dans le
mouvement idéaliste contemporain par le Dr Blitz est attestée par le rôle
considérable qu’il joue dans les divers et nombreux groupements, tant
occultistes que maçonniques, auxquels il est affilié ; d’ou l’énorme portée
qu’il faut reconnaître à son article publié fin 1895 dans le Morning Star
(ce journal est d’ailleurs à la tête des publications occultistes en Amérique).
Aussi, le Voile d’Isis s’empressa de reproduire intégralement cette
étude intitulée Le martinisme et la Franc-Maçonnerie dans son numéro du
4 mars 1896, montrant par cette insertion sans commentaires la parfaite
communion d’idées des adeptes français avec leurs Frères d’Outre-Atlantique en
général et avec le Dr Blitz en particulier.
Ajoutons que ce dernier, grâce à sa situation
en Amérique, était mieux que personne à même de ne parler qu’à bon escient du
général A. Pike, cette grande figure de la Maçonnerie et de l’Occultisme. Aussi,
quand il nous cite le général Pike comme le réformateur du rite palladique, ce
doit être en toute connaissance de cause. Prenons donc la liberté de conclure
qu’il existe peut-être bien quelque part un rite palladique, si mince
soit-il ! Sinon, à qui se fier désormais !
Il est parfaitement authentique qu’une
certaine Société du Palladium a pris naissance au XVIIIe siècle : les
Francs-Maçons, nés malins, et avaient même attribué la paternité à Fénelon, qui
se trouve ainsi, comme fondateur d’un Ordre maçonnique, en concurrence
anticipée avec Léo Taxil !
Voici la note que Clavel a consacrée à ce
groupement (Hist. Pitt. de la F.-M., 1843, p. 390) :
« Palladium (Société du) : Institution fondée à Douai et dont on
attribue à Fénelon les Statuts et les rites. »
Est-ce
de cette Maçonnerie particulière, restaurée et remise sur pied aux Etats-Unis,
par Albert Pike, qu’aura voulu parler le Dr Blitz ?[125]
Même dans cette hypothèse où nous écartons nettement l’idée d’un Rite
Palladique, supérieur à tous les Rites du globe, la question du passage de
Blitz, concernant la maçonnerie féminine demeure entière : qu’on n’oublie
pas que c’est en parlant de leurs SS.˙. Maçonnes qu’on excite chez les
vertueux maçons l’ire la plus indignée et la plus frénétique !
Or, trop de documents irrécusables existent,
qui convainquent absolument la Maçonnerie de multiples scandales féminins au
XVIIIe siècle et au commencement du XIXe : aussi bien, l’on nierait
vainement aujourd’hui et les Sœurs Fendeuses et les Mopses, par exemple, pour
ne cueillir que ces deux variétés de fleurs dans les parterres maçonniques. Et
les Félicitaires, et les Chevalières de l’Ancre et les Nymphes de la Rose, et
les Philochoréites, ou Amants et Amantes du Plaisir ! (Voir Clavel, Histoire
Pitt. de la Franc-maçonnerie, 1843, p. 111 à 118), où nous trouvons cette
phrase significative :
« Vers 1730 fut instituée la
Franc-Maçonnerie des femmes. On ignore quel en fut l’inventeur ; mais elle
fit sa première apparition en France et c’est bien évidemment un produit de
l’esprit Français ; elle ne fut reconnue et sanctionnée par le corps
administratif de la Maçonnerie, qu’en l’année 1774. »
O Puritains de la rue Cadet, ces Sœurs
Maçonnes aux vocables dépourvus d’austérité, ne sont pas des entités
imaginaires ! Les bibliothèques publiques et privées regorgent des
documents des plus édifiants à leur endroit. Voici, par exemple, quelques mots
fort suggestifs du F.˙. Thory (Bibliothèque maçonnique, 1ère
livraison, t. Ier, p. 26, Paris, 1819).
« Le nommé Lacorne, maître à danser, ayant eu
l’occasion de se rendre agréable au comte de Clermont (élu grand-maître le 14
décembre 1743), en l’aidant dans quelques réunions secrètes, destinées à
initier des femmes, en obtint le titre de son substitut particulier. »
C’était par ces fréquentes initiations
féminines que Lacorne — l’une des bêtes noires du Dr Papus (et ceci dit au très
grand honneur de ce dernier) préludait à son rôle de protagoniste du grand
Orient de France !
Les mêmes scandales se produisent-ils
aujourd’hui dans les Loges ? Sans vouloir rien préjuger, les dénégations
maçonniques sur ces sujets si scabreux à tous égards nous semblent bien
suspectes, après les singulières réticences du F.˙. Bertrand, comme après
les affirmations du Dr Blitz, Haut-Gradé dans un Rite Régulier des plus
puissants en Angleterre et en Amérique. Certains maçons très compétents
prétendent que la Maçonnerie féminine, tout en existant encore aujourd’hui à
l’étranger, aurait disparu de France : ne serait-il pas bizarre qu’elle ait
précisément cessé de vivre dans son pays natal, où elle répondait si bien
(selon le F.˙. Clavel) aux allures françaises ?
Quoi qu’il en soit, nous devons, pour finir,
nous borner à poser ici quelques points d’interrogation :
1° En ce qui concerne la Maçonnerie féminine actuelle,
qui devons-nous croire : M. Blitz, Royale-Arche et Supérieur Inconnu, ou M.
Taxil, aujourd’hui conférencier anticlérical ?
2° Comment un Chevalier-Kadosch de
l’expérience et de la valeur du F.˙. Bertrand Sr.˙. I.˙., versé
dans l’ésotérisme de toutes les doctrines antiques qui ont pour aboutissant
final la Maçonnerie, aurait-il pu en venir à considérer comme authentiques des
documents fabriqués, si ces documents ne reflétaient pas fidèlement les idées
de derrière la tête des Hauts-Gradés ses Frères ?
Continuant nos questions indiscrètes, nous
demanderons à M. Papus pourquoi il n’a pas analysé le passage de la Conférence
Taxil, cité plus haut, passage qui intéressait si directement certains de ses
Frères S.˙. I.˙. ?
Et cette enquête des Centres Initiatiques
qui, d’après lui, aurait dévoilé, dès 1895, la non-existence de Diana
Vaughan ?
En tous cas, cette fameuse enquête n’a pas
révélé la non-existence du Palladisme (question absolument connexe), puisque,
postérieurement à elle, le Dr Blitz a parlé du Rite Palladique comme d’un rite
parfaitement restauré et vivant. Et pourtant, voici Taxil qui déclare être à la
fois le père et l’assassin dudit Palladisme !
Encore une fois, qui croire ? Et, pour
nous résumer d’un mot, dans quelle mesure les FF.˙. Bertrand et Blitz
S.˙. I.˙. ont-ils été mystifiés ?
Jean Memor.
Dans un précédent travail, nous avons étudié un Dr Bataille compilateur
et plagiaire[126].
Nous nous proposons maintenant de le montrer s’inspirant des ouvrages
d’occultisme et de Franc-Maçonnerie, et s’assimilant leurs récits ou leurs
doctrines au point de faire illusion aux occultistes et aux maçons eux-mêmes.
Nous n’aurons pas la cruauté de rouvrir au
flanc du F.˙. Bertrand une blessure mal fermée, mais, à l’appui de ce que
nous avançons ci-dessus, on nous permettra bien de citer cette appréciation du Diable
au XIXe siècle par le martiniste Saturninus :
« Ouvrage mal composé, il est vrai, mais
bourré de faits et de citations irréfutables au sujet du palladisme luciférien
» (Voile
d’Isis, 5 juin 1895), et cette autre du théosophe Dr Pascal :
« Ceux qui connaissent les possibilités
de la magie cérémonielle ne douteront pas un instant que la plupart des
phénomènes racontés par certains transfuges palladistes ne soient exacts dans
le fond sinon dans les détails. » (Lotus Bleu, 27 juillet 1896, p.
220.)
C’est ainsi qu’on a pu voir, dans un touchant
accord, les traditions rivales, occidentale et orientale, représentées par deux
de leurs plus illustres adeptes, faire trêve un instant à leurs querelles de
prééminence et se tendre fraternellement la main par-dessus la tête du Dr
Bataille…
Mais, sans plus de préambule, cueillons de
nouveaux faits dans le Diable au XIXe siècle et, pour chacun d’eux,
cherchons ses répondants autorisés.
1. On nous dit :
Le principe fondamental du Gnosticisme était
la divinité double. C’est exactement la thèse de l’occultisme moderne. Les
francs-maçons se vouent à la glorification du Gnosticisme. (Diable, I,
p. 38.)
Or, écoutez sur ce point capital l’abbé
Barruel (Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme, Hambourg, t.
II, p. 230). Etudiant un ouvrage de Kabbale qui venait d’être imprimé, le Télescope
de Zoroastre, il y vit ceci :
« Le Jéhovah des Loges cabalistiques
n’est plus le Dieu Grand-Tout, c’est tout à la fois le Dieu Sizamoro et
le Dieu Sénamira. Au premier, vient se joindre le génie Sallak et
au second le génie Sokak. Lisez ces mots fameux dans la Cabale, en sens
inverse, continue Barruel, vous trouverez Oromasis ou le Dieu bon, et Arimanes,
le Dieu méchant; vous trouverez ensuite Kallas et Kakos, deux
mots à peu près correctement empruntés du grec, dont le premier signifie bon et
le second mauvais. »
Ne trouvons-nous pas là le Dieu bon et le
Dieu mauvais des Palladistes ?
Et qu’on ne croie pas que l’abbé Barruel
exclue les martinistes de la secte des francs-maçons cabalistes. Ecoutons-le
encore :
« On pourra s’étonner, dit-il, de me
voir comprendre dans cette classe nos francs-maçons martinistes… J’ignore
l’origine, de ce M. de Saint-Martin qui leur laissa son nom ; mais je
défie que, sous un extérieur de probité et sous un ton dévotieux, emmiellé,
mystique, ou trouve plus d’hypocrisie que dans cet avorton de l’esclave
Curbique. J’ai vu des hommes qu’il avait séduits… tous m’ont parlé de son grand
respect pour Jésus-Christ, pour l’Evangile, pour les gouvernements. Je prends,
moi, sa doctrine et son grand objet dans ses productions, dans celle qui a fait
l’Apocalypse de ses adeptes, dans son fameux ouvrage Des erreurs et de la
vérité… Que le héros de ce code, le fameux Saint-Martin, se montre à
découvert et aussi hypocrite que son maître, il ne sera plus que le vil copiste
des inepties de l’esclave hérésiarque, plus généralement connu sous le nom de
Manès... Qu’on imagine d’abord un Etre Premier, Unique, Universel,
sa cause à lui-même et source de tout principe. Dans cet être universel, on
croira avoir vu le Dieu Grand-Tout encore, le vrai Panthéisme. C’est bien là l’Etre
premier des martinistes (Des erreurs et de la vérité, IIe partie, p.
140) ; mais, de ce Dieu Grand-Tout, ils font le double Dieu, ou bien les
deux grands principes, l’un bon, l’autre mauvais. Celui-là (le bon principe),
quoique produit par le premier être (le Grand-Tout), tient cependant de
lui-même toute sa puissance et toute sa valeur. Il est infiniment bon, il ne
peut que le bien. Il produit un nouvel être (le principe mauvais), de même
substance que lui, bon d’abord comme lui, mais qui devient infiniment méchant
et ne peut que le mal. Le Dieu ou le Principe Bon, quoique tenant de soi toute
sa puissance, ne pouvait former ni ce monde ni aucun être corporel sans les
moyens du Dieu méchant. L’un agit, l’autre réagit ; leurs combats forment
le monde, et les corps sortent de ces combats du Dieu ou du Principe Bon, du
Dieu ou du Principe Mauvais... L’homme existait sans corps dans ces temps
antiques. Et cet état était bien préférable à celui où il se trouve
actuellement. Par l’abus de sa liberté, il s’écarta du centre où le bon
principe l’avait placé ; alors, il eut un corps, et ce moment fut celui de
sa première chute. Mais, dans sa chute même, il conserva sa dignité. Il est
encore de la même essence que le Dieu Bon… Dans le système du martiniste, Dieu,
le démon et l’homme ne sont que des êtres d’une même nature, d’une seule et
même essence et d’une même espèce... Il y a cependant entre l’homme et le
mauvais principe une différence assez remarquable ; car le démon, principe
séparé du Dieu Bon, n’y reviendra jamais, au lieu que l’homme redeviendra un
jour tout ce qu’il fut avant les germes et les temps. « Il s’égara
d’abord, en allant de quatre à neuf ; il se retrouvera en revenant de neuf
à quatre. » (Barruel, Mémoires pour servir... II, p. 233-236.)
Nous voguons là en plein Gnosticisme. On comprend
maintenant pourquoi, dans le décret du Synode rétablissant la Gnose en France,
il est dit, art. 4 : « Tout Pneumatique, Parfait ou Supérieur Inconnu, peut
faire la fraction du pain » (l’un des sacrements gnostiques), et l’on
conçoit aussi comment le Dr Bataille a pu être amené à considérer le Dr Papus,
président du Suprême Conseil de l’Ordre martiniste, comme un type « de
possession raisonnante ». (Diable, II, p. 635.)
2. On trouve dans le Diable au XIXe siècle
un certain nombre d’épisodes qui semblent inspirés par le souvenir de rites
maçonniques déjà connus. Nous nous contentons de rappeler ces épisodes en
indiquant ce qui a pu en donner l’idée aux auteurs.
Mac-Benac ou le temple de la pourriture. (Diable,
I, p. 71.) - Mac-Benac, traduit par : la chair quitte les os, est un mot
consacré au rite de maître, M. B. N.
Dans la parodie de la messe à Calcutta (I, p.
125), nous voyons l’officiant, se lavant les mains dans du plomb fondu, -
comparer la cérémonie des mains dans le bain de mercure au 33e degré de
l’Ecossisme.
Au temple du feu, on jette un chat vivant
dans une fournaise ardente (I, p. 147) ; - aux agapes de Rose-Croix, on
jette au feu la tête et les pieds de l’agneau rôti.
On a lu la description de la chaîne magique
du sabbat palladique indien (I, p. 154) ; - on connaît la chaîne d’union
que forment les maçons à la fin des agapes ou en Loge, pour porter des santés
ou recevoir le mot de semestre. (Desornes et Bescle, Dictionnaire
d’occultisme, p. 124.)
D’ailleurs, la chaîne magique existe réellement.
Elle fait partie de certains rites occultes, et Stanislas de Guaita parle de
son « efficacité pour le rappel à la vie » (S. de Guaita, Clé de la Magie
noire, 1897, p. 582 et 798.) ; enfin, dans le temple de la San-Ho-Heï,
les assistants essayent d’animer un squelette articulé (I, p. 276), - souvenir
peut-être du squelette dont le bras armé d’un poignard menace le récipiendaire
au 33e degré de l’Ecossisme.
3. Au cours de la cérémonie, le Grand Sage du
temple de Tong-Ka-Dou procède à l’exorcisme de l’eau contenue dans une vasque
de pierre. Il cherche, mais en vain, à soulever sur cette mer en miniature une
véritable tempête. (Diable, I, p. 282.)
On peut rapprocher de cet intermède le récit
suivant que nous empruntons à l’Analyse des choses, l’ouvrage si
documenté du Dr Gibier, l’occultiste bien connu :
« On peut, avec certains sujets
hypnotisables, faire l’expérience suivante que j’appellerai expérience d’Horace
Pelletier… Si on place un, ou mieux, plusieurs sujets sensitifs la main
au-dessus d’un vase contenant de l’eau, en leur donnant l’ordre (suggestion) de
faire mouvoir le liquide comme s’il bouillait et sans le toucher, on peut, avec
de la patience et du temps, voir l’eau se plisser d’abord, puis se mouvoir par
place, puis bouillonner même jusqu’au point de sortir du récipient pour se
répandre au dehors. C’est un phénomène que les fakirs de l’Inde déterminent
couramment par leur seule présence ou par la simple « imposition des mains »
au-dessus du liquide. (Analyse de choses, 1890, p. 125.)
4. Le Dr Bataille nous donne plus loin un
tableau d’ensemble de l’organisation de la Haute-Maçonnerie Universelle.
Celle-ci a à sa tête un Souverain Pontife, assisté d’un grand Collège de maçons
émérites composé de dix membres. C’est le Directoire dogmatique. Il exerce sa
suprématie, à l’aide des directoires exécutif et administratif, sur les
directoires centraux. (Diable, I, p. 367.) Ceux-ci, à leur tour,
commandent à 33 Mères-Loges du Lotus qui, elles-mêmes, régissent 77 Provinces
Triangulaires. (Diable, II, p. 756.)
Cette organisation nous rappelle par
plusieurs points celle de l’Illuminisme de Weishaupt. Cette Société secrète
avait à sa tête un chef, « général de tout l’Illuminisme », qui présidait un
tribunal suprême appelé Aréopage, composé de douze pairs de l’Ordre. Au-dessous
de l’Aréopage, on trouvait les Directoires Nationaux, puis les Provinciaux…
« L’Aréopage est le centre de
communication pour tous les adeptes répandus sur la surface de la terre, comme
chaque Directoire national l’est pour tous les adeptes de son empire, comme
tout Provincial l’est pour les districts de sa province, comme tout supérieur
local l’est pour toutes les Loges de son district, comme tout Maître Minerval
l’est pour les élèves de son académie, tout Vénérable pour son antre maçonnique
et enfin comme tout Frère Insinuant et Enrôleur l’est pour ses novices et ses
candidats. » (Barruel, Mémoires pour servir… III, p. 274-277.)
5. Le Dr Bataille consacre ensuite un long
chapitre à la description d’une fabrique d’instruments de magie palladiste à
Gibraltar. (Diable, I, p. 481 à 547.)
L’idée de ce chapitre ne lui serait-elle pas
venue en lisant dans la Magie pratique de Papus ce suggestif
passage :
« Le Groupe (indépendant d’études
ésotériques) possède à Paris un laboratoire de magie pratique qu’il a mis à la
disposition des membres spécialement chargés de cette étude... Nous avons en
province un autre laboratoire où existe une fonderie et des machines-outils, ce
qui nous permet de faire fabriquer en correspondance planétaire tous les objets
métalliques dont nous pourrions avoir besoin. (Papus, Traité élémentaire de
magie pratique, 1893, p. 473.)
6. L’auteur nous entretient plus loin de
l’obsession protectrice et nous parle assez longuement à ce propos de l’amour
que le démon Asmodée avait voué, d’après lui, à miss Diana Vaughan. (Diable,
I, p. 710 à 720.)
Nous allons voir que cette conception n’est pas aussi déraisonnable
qu’elle le parait de prime abord et que, en tout cas, les occultistes ne
pourraient que difficilement la répudier.
Ces messieurs qui, on le sait, nient à tout propos l’existence des
démons du catholicisme, admettent parfaitement l’existence d’êtres invisibles
habitant le plan astral et qui répondent parfaitement, trait pour trait, à ces
diables qu’ils raillent si agréablement. C’est du moins ce qui découle des
enseignements des occultistes les plus en renom : Papus, S. de Guaita, etc.…
De ces êtres, les uns sont appelés élémentals
ou démons mortels. (Papus, Magie pratique, p. 400.) Ces élémentals, on
nous les montre n’obéissant qu’à qui les dompte. (Papus, loc. cit., p.
401.) Bien mieux, on nous les dessine. (Papus, loc. cit., p. 403, 406.)
Ces dessins ont été obtenus dans un cas à
l’aide d’un sujet placé devant un miroir magique en charbon qui s’est contenté
de « suivre rapidement le contour des formes » et, dans un autre cas, à l’aide
d’un ami de M. Papus qui, subitement, au cours d’une conversation, « eut la
perception subite d’êtres et de formes étranges pendant quatre ou cinq minutes.
C’est alors qu’il fit ces dessins en calquant, dit-il, exactement sa vision. »
(Papus, Magie pratique, p. 405.)
M. Papus convient lui-même qu’il y a «
concordance de ces dessins avec les figures soi-disant diaboliques des vieux
grimoires ». (Papus, loc. cit., p. 405.) Nous ajouterons, nous, que les
descriptions et illustrations de M. Papus confirment parfaitement l’exactitude
des figures de démons données par le Dr Bataille dans le Diable au XIXe
siècle (I, p. 849 à 953), figures d’ailleurs copiées dans le Dictionnaire
infernal de Collin de Plancy, ainsi que nous l’avons établi dans un
précédent article. Les occultistes admettent encore l’existence en astral de
larves ou lémures. Ce sont, dit Papus, des « entités particulières que l’être
humain, dans certaines conditions d’irritabilité nerveuse, génère dans son
atmosphère astrale sous l’influence d’une grande peur, d’un remords, d’une
haine violente ». (Papus, loc. cit., p. 421.) Les occultistes enseignent
que des larves peuvent déterminer des cas d’obsession, de possession,
d’aliénation mentale chez certaines personnes. (Papus, Magie pratique,
p. 421, et S. de Guaita, Clé de la magie noire, p. 184 et 177.) Ils nous
apprennent encore comment ces larves « deviennent, à l’issue de la terrestre
existence, les tortionnaires de l’âme ». (S. de Guaita, loc. cit., p.
184.)
Enfin, le plan astral serait encore habité
par des « mirages errants, des élémentaires, des ombres, des mauvais Daimones,
des concepts vitalisés (élémentals artificiels des Théosophes), des puissances
collectives fusionnelles (ou Eggrégores), des dominations théurgiques (ou faux
dieux), des âmes humaines en instance d’incarnation, des âmes glorifiées et des
anges célestes accomplissant une mission ». (S. de Guaita, loc. cit.,
p. 197.)
Mais revenons à Asmodée. Le Dr Bataille, en nous
le montrant animé d’une affection jalouse pour sa fiancée, est resté
parfaitement dans la tradition occulte. Voici, en effet, ce que nous dit S. de
Guaita au sujet des élémentals :
« Ils ne sont pas, dit-il, incapables
d’affection, et, qui plus est, de dévouement. Pareils à l’éléphant ou au chien,
ils poussent parfois jusqu’au fanatisme l’amour que tel ou tel leur a inspiré,
souvent à son insu. » (S. de Guaita, Clé de la magie noire, p.
201.)
7. Un épisode qui a fait couler beaucoup
d’encre et qui nous a valu bien des railleries de la part des sceptiques est
celui de la traversée d’un mur blindé d’acier par Sophie Walder, en réunion
palladique. (Diable, II, p. 823 à 831.)
Pourtant les occultistes admettent
parfaitement la possibilité de tels phénomènes. Voici, en effet, ce qu’on lit
dans la Clé de la magie noire, œuvre de S. de Guaita (p. 430) :
« Des témoins dignes de foi affirment
avoir vu le médium Dunglas home, en chair et en os, se fondre et disparaître au
seuil d’une porte close. Quelques instants après, ils relevaient le téméraire
expérimentateur de l’autre côté de la porte, profondément évanoui, mais sans
une égratignure, ni même une ecchymose. »
8. On nous parle encore, dans l’étrange
compilation du Diable au XIXe siècle (II, p. 838), d’un don de
transformations successives qui aurait été particulier à Sophie. On nous la
montre prenant tour à tour, au cours d’une expérience, les traits de Luther,
Voltaire, Garibaldi, etc.… Ailleurs, nous la voyons recevoir un bouquet que lui
offre galamment une grosse branche d’arbre (p. 835).
Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher
de ce récit les lignes suivantes empruntées à la Clé de la magie noire
(S. de Guaita, p. 192), où l’auteur nous entretient « du médium qui s’efforce
de produire en public des fantômes astraux ».
Son vouloir, dit-il, étant apte à modifier
l’aspect de ces coagulats (il s’agit ici de larves), il sait, pour peu
qu’entraîné convenablement, les revêtir de toutes les formes qu’il arrête en
son imagination. Faire apparaître une main, un pied, une tête, l’apparence d’un
animal, ou même celle d’objets de toute autre nature, tels qu’un meuble, une
carafe, un bouquet, tout cela, pour certains médiums extraordinaires, n’est
qu’un jeu.
9. Le Dr Bataille nous narre ensuite une
apparition de miss Vaughan, qu’il aurait obtenue à l’aide de certains rites
magiques, bien que son amie fût alors à Moscou et lui à Paris. (Diable,
II, p. 863.) Or, M. Papus nous conte gravement de son côté le cas assez
analogue d’une dame qui, étant à Paris, grâce à un effort violent de volonté,
réussit à apparaître dans une ville de l’Amérique du Sud à l’un de ses amis.
(Papus, Magie pratique, p. 475.)
10. Plus loin, le Dr Bataille nous donne la «
fable apadnique de la création ». Rappelons que, d’après cette légende, Adam
aurait été fait par Adonaï, Dieu-Mauvais, d’un peu de boue, à l’état de brute.
Cette brute aurait reçu ultérieurement de Lucifer, Dieu-Bon, l’intelligence, le
sexe et aussi une compagne. (Diable, II, p. 888-893.)
Or, cette narration n’est autre chose que
l’adaptation du récit gnostique de la création :
« Le Démiurge, non pas Dieu lui-même,
créa le monde. Ce Démiurge, mauvais ouvrier au service de la Sophia, nous
fabriqua à sa propre image trop peu belle. Mais Sophia eut pitié ; par sa
volonté, une larme d’elle et du ciel habita notre argile. » (Jules Bois, Les
Petites Religions de Paris, 1894, p. 176.)
Rappelons que ce Démiurge est identifié au
Jéhovah des Juifs, au Dieu des catholiques, par les Gnostiques.
11. Le Dr Bataille s’occupe ensuite assez
longuement de la « recherche de l’homunculus » (II, p. 893-896).
Le lecteur aurait tort de croire que ces
idées moyen-âgeuses auxquelles Paracelse surtout fit un sort, aient été
laissées dans un complet oubli par nos occultistes modernes. Qu’on lise plutôt
ce passage court mais suggestif : « Non contents de poursuivre dans nos
laboratoires la transmutation des individualités chimiques, nous voulons encore
trouver la formule de vie, composer des cellules, de la matière « organique »
déjà évoluée... Il faut enfin déterminer la synthèse de l’Animal
Primordial : protoplasme ou potentialité des Espèces ! » Or, qui
s’exprime ainsi ? C’est l’Hyperchimie (septembre 1897, p. 11),
organe de MM. Jollivet-Castelot, Sédir, Papus, Barlet, Baraduc, etc.
12. Enfin, le Dr Bataille nous donne, d’après
l’Apadno, la généalogie de l’Antéchrist. Ce dernier a pour trisaïeul Philéas
Walder ; pour bisaïeul, le daimon Bitru, et pour grand-père le daimon
Décarabia. (Diable, II, p. 928.)
On peut rapprocher ces données de cette note
que nous empruntons aux Oracles de Michel de Nostredame, par A. Le
Pelletier (t. I, p. 294).
« Indépendant du grand Antéchrist final,
Nostradamus en compte trois qu’il distingue entre eux par les noms de premier,
deuxième et troisième Antéchrist, lesquels pourraient être, non seulement les
précurseurs, mais encore les ancêtres paternels du dernier. »
M. l’abbé Mustel constatait naguère dans son
excellente Revue catholique de Coutances qu’à part la trame, évidemment
romanesque, du Diable au XIXe siècle, tout dans cet ouvrage semblait
bien puisé aux meilleures sources.
Nous croyons pouvoir ajouter aujourd’hui que,
même dans la fantaisie la plus échevelée qui a présidé à la fabrication de
cette trame, le Dr Bataille est resté fidèle à son principe de s’inspirer
toujours des documents les plus autorisés. C’est en se montrant aussi ferré sur
la mystique diabolique que sur la mystique divine, c’est en s’imprégnant des
enseignements maçonniques, que la collectivité ou le couple qui s’abrite
derrière le pseudonyme de Dr Bataille a pu en imposer, non seulement aux
catholiques, mais encore à bon nombre de francs-maçons et d’occultistes.
Henry d’Oger
Au Congrès national catholique du mois de
décembre dernier, dans la section consacrée à la lutte contre la
Franc-Maçonnerie, il a été reconnu qu’il était indispensable de procéder à une
critique sévère de tous les ouvrages publiés depuis 1885 contre la
Franc-Maçonnerie. Nous avons promis de continuer le travail déjà commencé sur
ce point, et la Franc-Maçonnerie démasquée a publié un certain nombre
d’études à ce sujet (voir les numéros de juillet, août, septembre 1897,
janvier, mai 1898).
Aujourd’hui nous avons le devoir d’étudier,
sans parti pris et documents en mains, un auteur fort discuté sans doute parmi
les antimaçons, mais dont les ouvrages font encore autorité pour beaucoup de
catholiques.
Il semble en effet à de judicieux esprits que
M. Paul Rosen, ancien franc-maçon de haut grade, était mieux qualifié que
personne pour révéler les secrets de la secte ; de plus, les deux volumes
parus sous son nom sont tout remplis de citations de livres maçonniques
authentiques, et contiennent de nombreuses et minutieuses références
bibliographiques. Dans ces conditions, l’auteur et les ouvrages paraissent
donner de sérieuses garanties.
Nous allons démontrer, croyons-nous, qu’il
n’en est rien, et que désormais aucun écrivain ne pourra s’appuyer sur
l’autorité de M. Paul Rosen, ni emprunter quoi que ce soit à ses livres.
Pour procéder méthodiquement, nous étudierons
en M. Paul Rosen le franc-maçon d’autrefois, le converti d’aujourd’hui, le
fournisseur de documents et l’auteur.
M. Paul Rosen a été franc-maçon. Voilà sans doute une constatation qui peut
sembler inutile. Il a même été franc-maçon très haut gradé, et non pas, comme
Léo Taxil, simple apprenti. Voilà qui est généralement admis.
M. Paul Rosen a fait à cet égard les
déclarations les plus catégoriques, et nous devons les mettre sous les yeux de
nos lecteurs. Le volume Satan et Cie publié en 1888, porte comme
sous-titre : Association universelle pour la destruction de l’ordre social,
révélations complètes et définitives de tous les secrets de la Franc-Maçonnerie
par le Très Illustre Souverain Grand Inspecteur Général du 33e et dernier degré
de la Franc-Maçonnerie, Paul Rosen. Le volume L’Ennemie sociale, paru en
1890, porte également : par le Très Illustre Souverain Grand Inspecteur
Général du 33e et dernier degré de la Franc-Maçonnerie, Paul Rosen.
Voilà pour la Maçonnerie officielle ;
mais, chose curieuse, ce même Paul Rosen, qui n’a cessé de déclarer que les
catholiques étaient trompés par Bataille, Taxil, etc., qui l’écrivait, nous a
appris M. Papus, dans la Gazette du High-Life (numéro du 22 avril 1894),
et qui s’en vantait encore dans une lettre au Peuple français (4 mai
1897), disant : « Dès l’apparition de ces Mémoires (de Diana
Vaughan), je n’ai cessé d’avertir les catholiques de la fourberie de Léo Taxil,
que j’aurais percée à jour, s’ils m’avaient écouté », ce même Paul Rosen s’est
proclamé lui-même palladiste.
Voici sur ce point un témoignage irrécusable.
Dans les Mémoires d’une ex-palladiste (n° 22), avait paru la déclaration
suivante de M. van Term :
« Je soussigné, déclare savoir d’une
manière absolument certaine que M. Paul Rosen a visité, en mai 1895, la ville
de Maëstricht. Du reste, il visita la hollande, à peu près à chaque printemps,
dans la dernière demi-douzaine d’années. En 1895, dans un voyage à Maëstricht,
il eut un entretien avec un ecclésiastique, auquel s’en joignit bientôt un
second. M. Rosen, lorsque le premier de ces ecclésiastiques lui demanda : Est-ce
que vous êtes Moïse Lid Nazareth ? répondit en tirant sa barbe : Oui,
c’était nom, mais avant ma conversion.
M. Rosen se souviendra bien de cette
entrevue. On y parla aussi du meurtre rituel. C’était un vendredi.
S’il veut nier, la justice hollandaise est
là ; il peut la saisir d’une plainte. - Jac. P. van Term. - Plantageney
67, à Rotterdam. »
Or, le nom de Moïse Lid Nazareth était celui
sous lequel les auteurs du Diable au XIXe siècle et les Mémoires déclaraient
M. Paul Rosen qualifié comme palladiste. On pouvait faire une objection, après
les déclarations de Léo Taxil. Peut-être la lettre de M. van Term était-elle apocryphe.
M. de la Rive voulut en avoir le cœur net. Il écrivit à M. van Term et voici la
réponse qu’il en reçut et qu’il a publiée dans la France chrétienne (31
mai 1897) :
« Rotterdam, le 11 mai 1897.
Monsieur,
En réponse à votre honorée du 9 de ce mois,
j’ai l’honneur de vous communiquer ce qui suit :
Oui, les Mémoires ont à peu près
exactement reproduit le témoignage que je leur avais adressé sur le compte de
Paul Rosen, c’est-à-dire qu’on a ajouté dans les dernières lignes le mot « mais
». J’avais donné la réponse de M. Rosen ainsi : « Oui, c’était mon
nom avant ma conversion ». Pour le reste, le texte est exact. Paul Rosen a
avoué avoir été palladiste et avoir porté alors le nom « Moïse Lid
Nazareth ». Il a raconté plusieurs scènes palladistes à d’autres Jésuites,
déclarant en avoir été témoin… Agréez…, votre serviteur in Christo, van
Term. »
Voilà déjà, on nous l’avouera, une chose
singulière et bien faite pour nous mettre en défiance. D’un côté, le palladisme
n’existe pas, déclare M. Rosen ; de l’autre, il a été palladiste et a
porté le nom de Moïse Lid Nazareth.
Admettons, pour l’instant, que M. Paul Rosen
se soit vanté en cette occurrence en voulant se donner une qualité qu’il
n’avait pas et paraître plus instruit, plus initié qu’il ne l’est réellement.
Revenons donc à la Maçonnerie ordinaire.
Là, du moins, M. Paul Rosen a-t-il donné la
preuve de sa haute initiation, de son arrivée aux grades supérieurs ? Nous
ne savons rien de semblable. Nulle part, à notre connaissance, M. Paul Rosen,
ni dans ses livres, ni dans ses lettres aux journaux, n’a établi avec preuves
et diplômes à l’appui qu’il ait été vraiment ce qu’il se proclame :
Souverain Grand Inspecteur Général du 33e degré. La chose n’aurait cependant
pas été superflue.
On demandait toujours l’acte de naissance, la
date et le lieu de naissance de Diana Vaughan. Nous croyons ne pas nous tromper
en affirmant que M. Paul Rosen n’a montré à aucun de ceux qui ont eu affaire à
lui son acte de naissance. Pourquoi ce mystère ?
Par contre, si M. Paul Rosen n’a pas donné la
preuve de son affiliation a la Franc-Maçonnerie, on en a publié une assez
curieuse. C’est une planche du chapitre écossais numéro 236 : Le phare
des hospitaliers de Saint-Ouen en date du 2 février 1886, qui porte deux
fois le nom de M. Rosen, d’abord parmi les officiers du Chapitre : Rosen
M.˙. des C.˙. maître des cérémonies, et ensuite dans la liste des
membres actifs : Rosen, 9, rue Chape. Cette planche a été donnée en entier dans
la France chrétienne (31 mai 1897).
Mais ce que M. Rosen passe volontiers sous
silence, ce que personne n’a dit jusqu’ici, et ce que nous voulons faire
connaître publiquement, ce sont ses aventures maçonniques. M. Paul Rosen, en
effet, a été mis à la porte de la Maçonnerie écossaise, parce qu’il avait été
refusé auparavant par une Loge du Grand-Orient
Voici nos preuves :
On lit dans le Mémorandum du Suprême
Conseil du Rite Ecossais ancien et accepté, n° 90, 1er trimestre 1886, p.
6 :
« A la suite d’une communication faite
par les garants d’amitié du G.˙. O.˙. de France, et après l’enquête à
laquelle elle a donné lieu de la part de la Commission hebdomadaire,
Le Sup.˙. Cons.˙. rend le décret
suivant :
DECRET. - Le Sup.˙. Cons.˙. de
France,
Sur l’avis de sa Commission hebdomadaire, en sa
séance du 15 janvier dernier,
Considérant que l’affiliation du F.˙.
Rosen à la R.˙. L.˙. n° 135 les Hospitaliers de Saint-Ouen a
été faite d’une façon irrégulière et en contradiction avec les articles 47, 330
et 340 des Règl.˙. gén.˙. qui ont été méconnus ;
Que, par suite, l’admission du F.˙.
Rosen dans le Souv.˙. Chap.˙. n° 236, le Phare des Hospitaliers de
Saint-Ouen, est également irrégulière et faite en violation de l’article
220 des Règl.˙. gén.˙. ;
Considérant, en outre, que le F.˙. Rosen
avait déjà été refusé par un Atel.˙. du G.˙. O.˙. de
France ;
Décrète :
ARTICLE PREMIER. - L’affiliation du F.˙.
Rosen à la R.˙. L.˙. n° 135 et son admission au Souv.˙.
Chap.˙. n° 236 sont déclarées nulles et non avenues.
ART. 2. - Le Gr.˙. Secrét.˙.
gén.˙. est chargé de notifier le présent décret à la R.˙. L.˙.
n° 135 les Hospitaliers de Saint-Ouen et au Souv.˙. Chap.˙. n°
236 le Phare des Hospitaliers de Saint-Ouen. »
Voilà bien une exécution en règle. On a pu
remarquer cependant que la planche que nous citions tout a l’heure est
justement du 2 février 1886, alors que ce décret fut rendu en sa séance du 27
janvier. C’est que l’exécuté avait de chauds amis parmi ses Frères, et nous
trouvons la trace de leurs réclamations.
A la séance du Suprême Conseil du 26 mai, nous
lisons :
« Supplique de la R.˙. L.˙. n°
135 les Hospitaliers de Saint-Ouen au sujet du décret rendu par le
Sup.˙. Cons.˙. dans l’affaire de l’affiliation Rosen.
Il sera répondu ultérieurement à cet
Atel.˙. » (Mémorandum du n° 91, p. 8).
En même temps, une décision désagréable pour
la Loge dut être prise, sans que le Mémorandum en ait gardé trace, car,
dans la séance du 23 juin, nous voyons :
« Lecture de deux pl.˙. émanant de la
R.˙. L.˙. n° 135, les Hospitaliers de Saint-Ouen, pl.˙.
relatives à l’affaire de l’affiliation Rosen. Il sera répondu par le Gr.˙.
Secr.˙. gén.˙., qu’en présence des explications données, le
Sup.˙. Cons.˙. consent à annuler la décision prise dans sa tenue du
26 mai dernier, mais que l’impossibilité est maintenue par la R.˙.
L.˙. n° 135, les Hospitaliers de Saint-Ouen, de procéder à
l’affiliation du F.˙. Rosen. » (Mémorandum, n° 91, p. 31.)
On était tenace dans cette Loge, mais le
Suprême Conseil ne l’est pas moins, et la question est définitivement close par
cette note de la séance du 24 juillet :
« Pl.˙. de la R.˙. L.˙.
n° 135, les Hospitaliers de Saint-Ouen. Le Sup.˙. Cons.˙. s’en
réfère au décret rendu le 27 janvier 1886, et rappelle à l’exécution rigoureuse
des règl.˙. gén.˙. » (Mémorandum, n° 92, p. 3.)
M. Paul Rosen n’appartient donc pas au
Suprême Conseil ; pas plus au Grand-Orient. Qu’est-il donc comme
maçon ? Et que devient son titre ronflant d’Illustre Souverain Grand
Inspecteur général du 33e degré ? Le Suprême Conseil l’appelle F.˙.
Rosen tout court, et lui refuse l’affiliation, non seulement à un Chapitre de
Rose-Croix, mais même à une modeste Loge de Maîtres.
Nous apprenons en même temps qu’il a été
refusé par un atelier du Grand-Orient. Pourquoi ?
Ici le mystère est plus difficile à percer.
Il n’y a guère que des on-dit. M. Paul Rosen aurait eu en mains un diplôme de
la Loge Le Temple des familles, sans qu’on sut s’il en était vraiment le
titulaire, et son séjour à Constantinople n’aurait pas été étranger au refus
d’admission qu’il aurait essuyé de la part du Grand-Orient.
Voilà en tout cas, un singulier maçon, et
dont l’autorité laisse fort à désirer.
Voyons si le converti est plus digne de
créance.
M. Paul Rosen, juif d’origine - il ne s’en
cache pas, - s’est, prétend-il, converti au catholicisme et a été baptisé.
A quand remonte cette conversion et ce
baptême ? Nul ne le sait. Des personnes éminemment respectables déclarent
que M. Rosen s’est présenté à elles, il y a une vingtaine d’années, comme
Polonais et déjà catholique. Quant à avoir montré un acte de baptême à l’appui
de son affirmation, nous croyons que M. Rosen ne l’a jamais fait. Il a
cependant été sommé de présenter cette pièce par M. de la Rive dans l’article
de la France chrétienne que nous avons déjà cité, mais il n’a pas
répondu à cette mise en demeure.
Voilà donc M. Rosen dans le cas tant reproché à Diana Vaughan : ni
acte de naissance, ni acte de baptême.
M. Paul Rosen n’est cependant pas un mythe,
et puisqu’il nous faut un document écrit, indiquant une date certaine de sa conversion
et de sa lutte contre la Franc-Maçonnerie, nous avons le traité passé entre M.
le chanoine Brettes et lui, traité en date du 14 janvier 1882. Ce traité nous
est livré dans « l’attendu » d’un jugement du 9 août 1889, rendu par
la première Chambre du Tribunal civil de la Seine, dans l’affaire Letouzé et
Ané.
« Attendu qu’il est intervenu, le 14
janvier 1882, entre Paul Rosen et l’abbé Brettes, un acte sous signatures
privées qui sera enregistré, et aux termes duquel Rosen vendait à l’abbé
Brettes une bibliothèque maçonnique de 600 volumes, moyennant le prix de 5 500
francs ; que, par le même acte, Rosen s’engageait à prêter son concours
actif pour tous renseignements et secrets nécessaires, et ainsi à rendre aussi
complet que possible l’ouvrage que l’abbé Brettes s’engageait à faire contre la
Franc-Maçonnerie, ouvrage dont les frais et bénéfices devaient être partagés
par moitié entre Rosen et l’abbé Brettes. »
En 1882, M. Rosen a donc rompu avec les
Loges ; s’il ne l’a pas été plus tôt, il est du moins maintenant tout à
fait converti. On va en juger par les citations suivantes :
En 1884, la Chaîne d’union, dans son
numéro de février, p. 75, publiait la note suivante :
« Notre F.˙. Rosen, qui nous sait
amateur de vieux et bons livres, a bien voulu nous offrir : Les Crimes des
empereurs d’Allemagne, depuis Lothaire Ier jusqu’à Léopold II, avec 5
gravures, édition de 1795. »
Cette même année 1884, le Bulletin
maçonnique de la Grande Loge symbolique publiait les comptes rendus
suivants de diverses tenues de la Grande Loge :
« Séance du 10 mars. - Le F.˙. Paul
Rosen a proposé à la Commission exécutive une collection importante de
documents mac.˙. susceptibles de constituer la base d’une bibliothèque
mac.˙. de la Grande Loge. Les FF.˙. Vinson et. Taillebois demandent
la prise en considération ; les FF.˙. Dreyfus et Blois proposent le
renvoi à la Commission des finances qui est adopté (avril 1884, p. 2). - Séance
du 21 avril. Le F.˙. Vinson donne quelques explications au sujet de la
bibliothèque Maç.˙. offerte par le F.˙. Rosen ; il a reconnu que
cette bibliothèque contenait un grand nombre d’ouvrages intéressants sur la
maç.˙. Il en propose l’achat. Après une discussion à laquelle prennent
part plusieurs FF.˙., il est décidé que l’examen de la question sera remis
à la Com.˙. des fin.˙. et que le F.˙. Vinson sera spécialement
adjoint à cette Comm.˙. Le F.˙. Dreyfus, président de la Com.˙.
des fin.˙., absent, sera informé de cette décision, afin qu’il soit statué
au plus tôt (juin 1884, p. 67). - Séance du 9 juin. Le F.˙. Sarcia donne
un rapport verbal de la Commission des finances sur le projet d’achat d’une
bibliothèque ; la Chambre des députés vote contre (juin 1884, p.
100). »
On aura sans doute trouvé trop élevées les
prétentions du F.˙. Rosen au sujet du paiement. Mais quel singulier
converti !
En 1886, nous l’avons vu tout à l’heure, le
F.˙. Paul Rosen est affilié à la Loge les Hospitaliers de Saint-Ouen
et au Chapitre le Phare des Hospitaliers de Saint-Ouen, et nous avons
assisté aux démarches réitérées de ses FF.˙. pour le garder au milieu
d’eux.
En 1887, du 8 janvier au 30 avril, le journal
le Franc-maçon, paraissant à Lyon, publia l’annonce suivante :
« Avis aux maçons : A vendre, en
tout ou par parties, 450 ouvrages, environ 500 volumes, par les auteurs
maçonniques les plus célèbres des XVIIIe et XIXe siècles. Ecrire à M. Rosen,
rue Chappe, 9, Paris, pour recevoir renseignements et catalogue. »
La même année, la Chaîne d’Union
publiait, dans son numéro de novembre (p. 463 à 467), une longue lettre de M. Rosen
à propos des Sœurs maçonnes de Léo Taxil. Cette lettre, qui commençait
ainsi :
« T.˙. C.˙. F.˙.
Hubert, »
et qui contenait, entre autres choses, ces
lignes :
« Léo Taxil a tout simplement fait
traduire en latin de cuisine les pages 206 à 213 du premier volume de l’ouvrage
Maçonnerie pratique paru en 1885-1886, au sujet duquel le F.˙.
Albert Pike nous a adressé une magnifique série de remarquables correspondances
parues dans les numéros de juillet à novembre 1886 de la Chaîne d’Union, »
et se terminait très maçonniquement par ces
mots :
« Recevez, T.˙. C.˙. F.˙.
Hubert, mes salutations fr.˙. et empressées,
Paul Rosen. »
On verra tout à l’heure la raison de cette
citation.
Depuis cette époque, M. Rosen n’a pas cessé
ses rapports avec les francs-maçons, et cela même après la publication de ses
deux ouvrages.
C’est ainsi qu’en 1890 le F.˙. John
Yarker lui envoyait son volume Criticisms of Eminent Masons, etc. (voir France
chrétienne, 31 mai 1897, p. 240). C’est ainsi qu’il correspondait, en 1893,
avec le F.˙. Ulysse Bacci, secrétaire du Grand-Orient d’Italie. C’est
ainsi qu’il inspirait en 1895, nous en avons les preuves morales, deux articles
de la Revue maçonnique signés X. de Monthénin. Enfin, cette année même
1898, la Revue maçonnique d’abord (janvier), puis l’Initiation
(avril-mai), publiaient, la première en simple encartage, la seconde sur sa
couverture, le catalogue de la bibliothèque maçonnique qu’offrait de vendre M.
Paul Rosen.
De tout cela nous pouvons conclure que si M.
Paul Rosen n’a pas été le maçon de haut grade qu’il prétend, il n’est pas non
plus un converti sincère.
C’est à la lumière de cette constatation,
qu’après avoir étudié l’homme, nous allons examiner son œuvre.
Avant d’être auteur, M. Rosen a d’abord été
fournisseur de documents maçonniques. Nous employons ce terme au lieu de
collaborateur, on va voir pourquoi.
M. Rosen, nous l’avons constaté, a eu souvent
une bibliothèque maçonnique à vendre, et, de fait, il en a vendu
plusieurs ; nous connaissons pertinemment quelques-unes des personnes qui
en ont acheté. M. Rosen, soit en parcourant les étalages des bouquinistes, soit
en s’abouchant avec des francs maçons plus amis de l’argent que du secret, a pu
se procurer bien des ouvrages ; il les revend, les écrivains en tirent
parti. En cela, rien que de très naturel et de très légitime. Les ouvrages sont
authentiques, les auteurs en font des citations exactes : tout est pour le
mieux. Ainsi ont fait, pour ne citer que ceux-la : M. le chanoine Brettes,
M. Georges Bois, M. de la Rive. Tous trois ont eu à leur disposition des
ouvrages maçonniques procurés par M. Rosen, et en ont tiré parti.
Mais on conçoit, après ce que nous avons dit
plus haut, que là doit s’arrêter, sous peine d’être fortement suspect, le rôle
de M. Rosen comme fournisseur de documents.
Si M. Rosen fournit à un auteur un document
soi-disant secret, manuscrit, n’ayant d’authenticité et d’autorité que celles
que lui donnerait la qualité de haut maçon et de converti sincère du fournisseur,
halte-là ! Or, cela a été le cas de deux des auteurs que nous venons de
citer.
M. le chanoine Brettes, en publiant l’ouvrage
auquel le jugement que nous avons relaté fait allusion : Cours de
maçonnerie pratique, enseignement supérieur de la Franc-Maçonnerie (rite
écossais ancien et accepté) par le très puissant Souverain Grand Commandeur
d’un des Suprêmes Conseils confédérés à Lausanne 1875, édition sacrée
s’adressant exclusivement aux maçons réguliers, publiée par un profane
(1885), a cru M. Rosen « un des plus doctes écrivains de la secte » (T.
Ier, p. 7) ; il lui a laissé dire « trente ans de labeurs maçonniques
non interrompus pendant lesquels nous avons pris part et présidé les travaux
d’ateliers de tous les grades en Amérique, en Angleterre, en Belgique, en
Espagne, en France, en Hollande et en Italie, nous ont permis de réunir les
précieux matériaux maçonniques que nous offrons assemblés ici. » (T. Ier, p.
4.) Plus loin, il déclare authentique le rituel du 33e degré, qu’il publie en
s’appuyant sur ceci : « l’autorité personnelle et la compétence de
l’auteur mettent ses affirmations au-dessus de toute controverse, et ces
affirmations sont écrites entièrement de la main de l’auteur lui-même » (T. II.
p. 2), et enfin il a été jusqu’à croire M. Rosen affirmant qu’il avait pris
part au Convent de Lausanne en 1875 : « donnons le texte in-extenso du
compte rendu officiel du grand Couvent de Lausanne, dont l’auteur des
révélations qu’on vient de lire partageait les travaux » (T. II, p. 235).
Dans ces conditions, nous devons a priori
suspecter tout ce rituel du 33e degré écrit par M. Rosen, et qui comprend la
première partie du second volume (de la page 5 à la page 235) et la soi-disant
communication du pouvoir dirigeant de l’Ecossisme en octobre 1885, la fameuse D.˙.
M.˙. J.˙. quand même (p. 416 à 418), dont la Franc-Maçonnerie
démasquée s’est déjà occupée longuement.
De même, M. Georges Bois, dans son ouvrage,
fort bien fait d’ailleurs, Maçonnerie nouvelle du Grand-Orient de France,
dossier politique et rituels réformés (1892), a cru à l’autorité et a la
sincérité de M. Rosen, et s’est appuyé sur elles pour publier deux documents
qu’on ne pourra désormais citer : une partie de ce même rituel de 33e
degré (de la page 376 à 387) et une instruction qui aurait été donnée au
général Garibaldi, lors de son initiation maçonnique par le grand maître
Anghéra en 1860, et qui aurait été relevée par M. Rosen lui-même sur le propre
cahier rituel dont se servit Anghéra (de la page 389 à la page 400).
Voilà donc trois documents que désormais les
écrivains catholiques devront s’abstenir de citer ; nous les rappelons
encore, et voudrions pouvoir être lus par tous :
Le rituel du 33e degré,
Le D.˙. M.˙. S.˙. quand même,
L’instruction à Garibaldi.
On va voir, par l’examen des livres publiés
sous le nom de M. Paul Rosen, le cas qu’il faut faire des citations d’ouvrages
maçonniques dont ils sont remplis.
Le premier ouvrage paru sous le nom de M.
Paul Rosen avait pour titre, nous l’avons dit, Satan et Cie.
De ce livre nous parlerons peu, car il ne
contient de vraiment neuf que 70 pages environ sur 408, et quelques planches.
Tout le reste est purement et simplement la reproduction du Cours de
Maçonnerie pratique, à tel point qu’il y eut procès pour plagiat, et que le
pauvre M. Rosen fut condamné, pour s’être copié lui-même, par le jugement du 9
août 1889 dont nous avons cité un passage.
Relevons cependant, pour donner une idée du crédit à accorder à cet
ouvrage, quelques-unes des contradictions les plus choquantes :
On lit (p. 25) que le médecin Dalcho ayant
guéri Stephen Morin, reçut de lui en reconnaissance le titre d’empereur, et, p.
82, on voit que ce même Dalcho fut initié en réalité par Franken.
On nous présente (p. 16) Ramsay comme «
créateur des grades maçonniques aux trois premiers degrés », et ailleurs (p.
93, 94, 96), on nous dit, ce qui, d’ailleurs, est conforme au texte de l’Orthodoxie
maçonnique de Ragon, que ces mêmes grades d’Apprenti, Compagnon et Maître
furent tous trois composés en 1646, 1648, 1649, par Elie Ashmole.
Puis, c’est l’histoire des Templiers qui, à
la page 73, sont initiés au gnosticisme primitif par les « sofis (savants) de
la Perse », et qui, à la page 84, sont initiés au même gnosticisme par «
Théoclet, chef d’une secte de chrétiens-joannites ».
Ailleurs (p. 95), la colonne J. est blanche
et représente le principe créateur, puis, quelques pages plus loin (p. 116),
cette même colonne J devient noire et symbolise le principe passif.
Plus loin, on nous dit (p. 242) que le
Convent de Lausanne de septembre 1875 a été constitué par la réunion de
vingt-deux Suprêmes Conseils du rite Ecossais, alors que le compte rendu dudit
Convent ne nous parle que de huit Suprêmes Conseils représentés à Lausanne. (Cours
de Maçonnerie pratique, II, p. 288-290.)
Enfin, M. Rosen nous donne (p. 330-332) une
liste de quarante-trois degrés maçonniques conférés, le 22 septembre 1762, à
Stephen Morin qui doit les répandre eu Amérique, et, p. 334 bis, cette même
liste ne comprend plus que vingt-cinq degrés…
Satan et Cie ne pouvant plus être vendu
après le jugement du tribunal, M. Paul Rosen ne voulut pas que son nom cessât
de paraître sur la couverture d’un ouvrage, et il publia en 1890 l’Ennemie
Sociale.
Dans ce livre, M. Rosen publie sur deux
colonnes l’instruction donnée au général Garibaldi et celle donnée au prince de
Galles. Il prétend avoir pris copie de la première, sur l’exemplaire même que
le Grand-Maître Anghera lut à cette occasion, et de la seconde sur le manuscrit
unique qui existe dans les archives du Suprême Conseil d’Angleterre. On sait
désormais la croyance que méritent de telles affirmations.
Mais ce qui, pour nous, achève de rendre
impossible une citation quelconque des ouvrages de M. Rosen, c’est la manière
dont il fait lui-même ses citations. Dans ce dernier ouvrage, en effet, il les
a multipliées, et avec un luxe d’indications qui semble une garantie de
sincérité. Or, il n’en est rien.
Nous avons voulu vérifier, parmi ces
citations, celles particulièrement nombreuses qui constituent comme le tissu du
chapitre : L’Exploitation de la Franc-maçonnerie en France (de la page
90 à la page 147), et voici ce que nous avons constaté : le plus grand
nombre de ces citations faites entre guillemets ne sont aucunement textuelles,
elles sont généralement conformes au sens, mais modifient le texte et parfois
le dénaturent. Nous allons en donner des exemples.
Disons d’abord que, chose bizarre, M. Paul
Rosen ne cite pas sous leur nom si connu la Chaîne d’Union et le Bulletin
du Grand-Orient, mais appelle la première : journal de la Maçonnerie
universelle, et le second journal officiel de la Maçonnerie française.
Pourquoi ? Nous l’ignorons.
Parmi les citations faites de la Chaîne
d’Union, celles des pages 91, 92, 98, 99, 105, 107, 117, 123, 125, 132,
138, 141 sont inexactes comme texte, soit par des additions, soit par des
changements ou omissions de mots, soit par un bouleversement des phrases. Les
indications des références sont inexactes aux pages 96 et 136.
Voici un exemple de la manière dont les
textes se transforment sous la plume de M. Rosen :
Texte Rosen |
Texte « Chaîne d’Union » |
Le F.˙. Tiersot a déclaré, en mars 1875, dans la Loge la Parfaite
Egalité de Paris, que : « L’instruction doit être laïque et non cléricale. L’esprit
clérical est antidémocratique, antinational, antisocial, antiscientifique,
antihumain et antimoral. Il est antidémocratique, parce que, pour lui, la Société se compose
de deux classes, ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Il est antinational, car, pour lui, l’autorité vient d’une puissance
étrangère à l’homme, et la vérité ne peut être vérité que sur le mot d’ordre
de Rome. Il est antisocial, car il enseigne des peines perpétuelles, qui sont
le contraire de l’idée de justice, pivot de toute société. Il est antiscientifique, parce qu’il s’oppose, en vertu de son
origine et de sa doctrine, à tout progrès du savoir de l’homme. Il est antihumain et antimoral par ses préférences pour le célibat,
qui perturbe les natures en les isolant des conditions sociales, qui sont la
garantie sanitaire des esprits et des corps. » (p.122.) |
L’instruction doit être laïque et non cléricale. L’esprit clérical
est antidémocratique, antinational, antisocial et antiscientifique. Pour lui la société se compose de deux classes, ceux qui commandent
et ceux qui obéissent, voilà en quoi il est opposé à la démocratie. Avec le
cléricalisme, l’autorité vient d’une puissance étrangère à l’homme ; la
vérité par voie de transmission est le
privilège de certains individus, et ceux-ci vont prendre en toutes choses
leur mot d’ordre à Rome. Voilà en quoi le cléricalisme est antinational. Il
est antiscientifique, car son antique conception de la formation du monde est
en contradiction absolue avec les données de la science et les recherches de
l’esprit humain éclairé. Le savoir de l’homme ne pourra pas faire un pas sans
que le cléricalisme, obligé à cela par son origine et sa doctrine, ne
s’oppose à ses progrès. Le cléricalisme est antisocial. Les peines
perpétuelles qui sont dans sa foi sont précisément le contraire de l’idée de
justice, pivot indispensable de toute société qui veut vivre, durer et
prospérer. Le cléricalisme est même anti-humain ; il est fatalement
antimoral par ses préférences pour le célibat qui perturbe certaines natures
en les isolants des conditions sociales qui sont la garantie sanitaire des
esprits et des corps. (1875, p.394.) |
Singulière manière de citer
littéralement, mais nous trouverons plus fort encore !
Signalons aussi les citations du Mémorandum
du Suprême Conseil, p. 94, du Congrès universel de la Franc-Maçonnerie
en 1889, p. 119, des Comptes rendus des travaux de la Maçonnerie du Nord,
p. 140 et 144, qui sont aussi mutilées et bouleversés. De plus, les indications
des pages 119 et 120 contiennent des erreurs de références, les textes cités
étant aux pages 145 et 137, et non aux pages 45 et 37.
Les citations du Bulletin maçonnique ne
sont pas mieux faites, les indications de références données aux pages 116,
123, 129, 132, 136 et 144, sont fausses. Les textes des pages 91, 123, 126,
142, sont cités inexactement et arrangés, comme celui dont nous venons de
donner un exemple.
Enfin, M. Rosen ne respecte pas davantage le Bulletin
du Grand-Orient. Voici quelques spécimens de sa manière d’accommoder les
textes :
Texte Rosen |
Texte du Bulletin du G.˙.-O.˙. |
Le but de la Franc-Maçonnerie, vous le connaissez tous, mes Frères. Mais pour que la liberté règne parmi nous, il faut nous inspirer d’un
sentiment d’obéissance au chef choisi parmi nous. Cherchons donc une ligne, que vous trouverez, j’en suis certain, et
qui nous conduira au but que nous poursuivons. (p. 93.) S’il est nécessaire de faire connaître au public français les grands
principes au nom desquels nous agissons, il faut conserver caché, bien
entendu, ce qui doit rester dans nos temples au point de vue de la
concentration de nos forces. (p. 94.) Il faut que nous nous imprégnions bien de ce principe, qu’en
Maçonnerie il ne faut que des hommes d’action, des hommes résolus à tous. Pourquoi résolus à tout ? (p. 105.) |
Nous sommes tous des frères ici, mais il faut, pour que la liberté
règne parmi nous, que l’on suive les impulsions de quelqu’un. Cherchons donc une ligne, que vous trouverez, j’en suis certain, et
qui nous conduise au but que nous poursuivons. (1884, p. 579.) Il est nécessaire de dire partout ce que nous voulons, ce que nous
désirons, et c’est ainsi que nous répondrons à toutes les accusations
d’évêques et du Pape ; nous ferons connaître au public français, en
conservant, bien entendu, ce qui doit rester dans nos tenues, dans nos
temples, au point de vue de la concentration de nos forces ; nous ferons
connaître, dis-je, quels sont les grands principes qui nous dominent, quels
sont les grands principes au nom desquels nous agissons. (1886, p. 550.) Je crois qu’il faut que nous nous imprégnions bien de ce
principe ; il ne faut que des hommes résolus pour créer quelque chose de
durable. (1887, p. 629.) |
Voila, certes, de la mauvaise
foi évidente ! Faire dire : résolus à tout, quand il y a
simplement résolus, et avoir encore l’audace d’ajouter : « Pourquoi
résolus à tout ? »
Nous croyons devoir arrêter là nos citations
: après cette dernière, la cause paraîtra entendue à tout lecteur impartial. Ne
craignons pas, cependant, de signaler ad abundantiam juris que les
citations du Bulletin du Gr.˙.-Or.˙., faites aux pages 91, 93, 94,
104, 105, 107, 108, 109, 130, 139, sont également modifiées, transformées,
bouleversées ; la référence de la page 96 est fausse, et la citation de la
page 116 est faite de la soudure de deux passages pris à trois pages de
distance !
Nous pouvons donc donner, comme conclusion,
cette simple affirmation que nous voulions établir et que nous croyons avoir
solidement prouvée aucun écrivain sérieux ne peut désormais s’appuyer sur
l’autorité de M. Paul Rosen, ni emprunter quoi que ce soit à ses livres.
Gabriel Soulacroix.
Depuis le mois dernier, nous avons eu
quelques renseignements nouveaux sur M. Paul Rosen. Nous croyons devoir les
consigner ici.
1° C’est à la fin de 1864 que M. Rosen aurait
quitté la Franc-Maçonnerie, soit qu’il ait donné sa démission forcée, soit
qu’on lui ait refusé de le reconnaître pour maçon. En tout cas, à cette époque,
il était si peu maçon de haut grade qu’il lançait l’anathème contre les hauts
grades auxquels il reprochait leur caractère éminemment chrétien. Il n’était
donc même pas rose-croix alors. Comment le serait-il devenu depuis ?
Il est piquant d’apprendre que M. Rosen maçon
trouvait les hauts grades trop chrétiens, alors que M. Rosen converti les
déclare éminemment sataniques.
2° Si M. Rosen n’a donné à personne
communication de son acte de naissance, il a du moins montré son acte de
baptême. Nous en avons reçu un témoignage autorisé. Mais là encore M. Rosen est
convaincu de singulières contradictions. Qu’on en juge !
On nous avait appris que M. Rosen avait été
baptisé à Paris en l’église Notre-Dame des Champs, le 6 octobre 1866, et
s’était marié à l’église Saint-Eugène, le 30 juillet 1872. Nous avons vérifié
et voici ce que nous avons trouvé.
L’acte de baptême porte qu’a été baptisé le 6
octobre 1866, Marie-Paul-Emmanuel, né le 15 juin 1839, fils de Salomon Rosen,
israélite, et de Rosalie Kohn, demeurant à Varsovie, Pologne. L’acte de mariage
indique le mariage de Paul Rosen, commerçant, 29, boulevard de Strasbourg, fils
majeur de Salomon Rosen et de Sara Camil, tous deux décédés. De sorte qu’à six
ans d’intervalle, M. Paul Rosen a changé de mère ! On avouera que la chose
n’est pas banale.[127]
Ajoutons que la signature de M. Rosen sur son
acte de mariage prouve que ce n’est pas lui qui écrit et même signe
habituellement ses lettres.
3° M. Paul Rosen continue à parcourir les
différents diocèses cherchant une subvention pour publier un ouvrage
antimaçonnique sur les Kadosch-kadoschim.
Gabriel Soulacroix.
« Tout d’abord je dois prévoir
une objection et y répondre. Quelques lecteurs pourraient penser que la
divulgation des secrets, qui font l’objet de ce chapitre, sera bientôt de nul
effet, la Maçonnerie n’ayant qu’à changer ses mots de passe, mots sacrés,
signes, attouchements, etc., dès la publication de cet ouvrage. Qu’on se
rassure donc : cette divulgation gênera considérablement les Maçons ;
mais nul Grand Orient ou Suprême Conseil ne pourra y remédier. En effet, il ne
faut pas perdre de vue que ces mots, signes et attouchements secrets sont
établis depuis la création de la Franc-Maçonnerie et communs à toutes les Loges
et à tous les Chapitres et Aréopages du monde entier. Si, pour la satisfaction
personnelle de leurs membres, les Ateliers maçonniques de notre pays se permettaient
de changer quelques-uns de ces secrets convenus et arrêtés entre tous les
Ateliers du globe, tous rapports seraient rompus entre les Loges et
Arrière-Loges de ce pays et celles des autres nations. Au surplus, non
seulement chaque mot, signe, attouchement, etc., a sa raison d’être
particulière et sa signification expresse ; mais encore tous ces secrets
se tiennent les uns aux autres, et leur ensemble constitue une véritable
organisation, une harmonie immuable. »
(Les Mystères de la Franc-Maçonnerie, Léo Taxil, page 176.)
Voici la thèse officielle[128] :
« En règle générale, il
ne fait aucun doute qu’il s’agit de mystifications. La trame de toute
l’histoire est fausse, de nombreux détails sont faux, et il est certain que les
ouvrages et les revues ont été publiés dans l’intention de nuire. Sur un plan
particulier, en revanche, on ne peut pas dire que tout ce que contient cette
littérature est faux. Il était impossible de noircir plus de dix mille pages
sans utiliser de multiples sources, donc sans tomber, même sans le
vouloir, sur des documents et épisodes authentiques. Il se peut également que
certains épisodes vrais - que les conspirateurs préféraient faire croire faux -
ont été mêlés à
d’autres, d’une fausseté évidente, pour brouiller les pistes de futurs
chercheurs. Avec Taxil, « Diana » et « Bataille », on doit en fait se comporter
comme avec n’importe quel faux témoin d’un procès pénal ordinaire. Son témoignage
ne peut pas être utilisé. Mais si certains des faits rapportés par le faux
témoin sont aussi rapportés par d’autres témoins crédibles, ou bien ressortent
de documents dont l’authenticité peut être établie, le fait qu’ils aient été
rapportés aussi par le faux témoin ne prouve pas leur fausseté. Naturellement,
il est pénible de suivre cette méthode. Elle implique d’une part que l’on cesse
(à la différence d’un certain antimaçonnisme) d’utiliser les livres de Taxil
comme sources[129] ;
de l’autre, elle exige que l’on cesse d’éliminer trop vite comme faux (à
l’instar de certains apologistes de la franc-maçonnerie) tout élément que l’on
trouve aussi chez Taxil, avant de vérifier s’il ne peut pas, par hasard, être
confirmé par des sources indépendantes et plus fiables. »
[…]
« Ici, Taxil, comme à
son habitude, exagère, mais ce n’est pas lui qui a inventé l’épisode paradoxal
d’un groupe de maçons particulièrement anticléricaux qui envoient le 20
septembre 1894, sans qu’on leur ait rien demandé, une « tiare de
Lucifer » comme cadeau au supposé « antipape » Lemmi, qui fut vraisemblablement
le premier surpris de recevoir un tel présent. Il semble que du
point de vue matériel également, le succès de Taxil -
qui était ruiné
au moment de sa prétendue conversion au catholicisme -
ait été
satisfaisant. Il ne faut pas pour autant exagérer, ni prendre pour argent
comptant la conférence à la Société de Géographie, prononcée par un menteur
patenté ; il ne faut pas croire non plus que l’opération de Taxil avait eu
un succès total. Le plus retentissant mensonge de la conférence du 19 avril
1897 consiste en effet dans la thèse qui veut que Taxil, dès le début, aurait
prévu le moment où il jetterait le masque. Au contraire, comme Waite le
souligne très opportunément, « il n’y a pas de raison de penser que Léo Taxil
aurait démasqué son imposture, sauf si elle avait cessé d’être rentable ou si
sa position était devenue insoutenable : il ne faut pas le croire plus
génial qu’un normal escroc particulièrement expert ».
Waite estime,
sans doute à juste titre, que Taxil a été contraint d’avouer sa mystification
par trois séries de facteurs : la démolition systématique de ses mensonges par
certains auteurs maçonniques qui s’étaient donné la peine de les étudier de
près[130],
Waite lui-même et l’historien allemand Joseph Gottfried Findel
(1828-1905) ; les attaques de représentants autorisés du monde catholique
comme les jésuites de la revue Etudes, la presse catholique anglaise et
allemande et Mgr Delassus (que l’on ne pouvait pas disqualifier facilement
comme crypto-maçons, manœuvre qui avait en revanche réussi avec Rosen) ;
enfin, la défection de Hacks et de Margiotta, qui n’avait pas du tout été
programmée ni voulue par Taxil. Dès lors, la manœuvre ne pouvant plus se
poursuivre, Taxil trouva une manière brillante, à défaut d’être honorable, de
s’en sortir. »
A propos de savoir si Diana
Vaughan a existé ou pas :
« C’est une des
questions qui, en l’état actuel de la documentation, ne peuvent pas avoir de
réponse absolument sûre. Comme nous l’avons vu, Waite et Clarin de la Rive
étaient d’accord, depuis des bords opposés, pour estimer que l’histoire de la
dactylo parisienne n’était pas crédible.
Accorder foi à l’histoire de
Diana Vaughan en général, c’est croire à l’existence d’un Palladisme luciférien
dans les années 1870-1890, qui peut au contraire être exclue pour de bonnes
raisons.[131]
Enfin, Diana Vaughan s’occupe sans cesse de Sophie Walder et de son père ;
or, il n’y a pas la plus petite trace d’une « autorité générale » (ni même d’un
dirigeant local) de l’Église mormone dans les années comprises entre 1860 et
1900, à Salt Lake City ou dans les missions européennes, qui réponde au nom de
Walder. Ceci est le résultat d’une enquête que j’ai
personnellement menée dans les archives de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, à Salt
Lake City (Utah). »[132]
A propos de savoir si Taxil
s’est vraiment converti :
« Taxil,
personnellement, l’a nié jusqu’à sa mort. Il est mort en libre-penseur
convaincu et impénitent. Il est impossible de sonder les reins et les cœurs
mais j’ai personnellement tendance à croire que Taxil ne s’est jamais converti,
malgré l’opinion contraire de l’abbé Fesch et d’autres ecclésiastiques. On a
retrouvé des documents compromettants pour la sincérité de Taxil antérieurs aux
dates des prétendues « rechutes » qui suivirent la conversion.[133] »
Pour nous, ATHIRSATA, nous
croyons qu’en règle général, il vaut mieux croire Léo Taxil que la
Franc-Maçonnerie. Prenons cet exemple :
« Y a-t-il des femmes
dans la franc-maçonnerie ? » A l’époque, au Grand-Orient, on nie tout
en bloc. Le conseil de l’Ordre déclare, dans un communiqué, que la constitution
de l’obédience ne prévoit pas l’initiation des femmes. Le Comité antimaçonnique
crie à la duplicité et afin de convaincre de mensonge les francs-maçons il
redouble d’efforts. Les preuves continuent à s’accumuler sous forme de morceaux
choisis de convocations, procès-verbaux de travaux de loges et passages de
bulletins. Les exemples abondent. Parmi d’autres, Le Bulletin officiel du
Suprême Conseil de France, dans son numéro d’août 1893, publie la notice
nécrologique d’une certaine « sœur Letellier ». Et après ça, c’est
Léo Taxil et Abel Clarin de la Rive qui inventent…
Remarquons tout d’abord que
Léo Taxil site souvent ses sources. Ainsi page 2 de son livre Les mystères
de la Franc-Maçonnerie, nous lisons :
« La Franc-Maçonnerie a
des livres à elle, dans lesquels sont exposées ses pratiques et ses
doctrines ; mais ces livres ne sont vendus que chez des libraires
spéciaux. » En note : « La plus importante de ces librairies, en
France, est située, à Paris, 37, rue Jean-Jacques Rousseau. On peut
vérifier ; on reconnaîtra ainsi la parfaite exactitude de ce que
j’avance. »
Autre exemple page
180 du même livre :
« Dans mon volume
intitulé Le Culte du Grand Architecte, j’ai donné les noms et adresses
de toutes les loges de France, avec les jours et heures des réunions et les
noms et adresses des Vénérables. »
Léo Taxil donne toujours une
bibliographie :
« Manuel Général
Maçonnique du Grand Orient de France.
Instructions secrètes pour
la conduite des Chapitres, par le Frère de la Jonquière, 33e ; manuscrit portant
le n° 43 de la collection de la Grande Loge d’Edimbourg.
Rituel de chevalier
Rose-Croix du Rite Ecossais Ancien Accepté.
Rituel des Loges Chapitrales
de l’Obédience du Grand-Orient de France, pour les Travaux des chevaliers
Rose-Croix.
Rituel du Grade de
Rose-Croix,
par le Frère Ragon, 33e.
Tuileur Général, édition
sacrée. Cet
ouvrage, qui est tenu des plus secrets et n’est même pas remis aux Rose-Croix
(il faut être Kadosch pour pouvoir se le faire délivrer par le Grand-Orient ou
le Suprême Conseil).
Manuel Général de la
Franc-Maçonnerie,(édition de 1884), connu des Frères Trois-Points sous le nom de
« Manuel Teissier ».
Rituel moral et dogmatique
de la Franc-Maçonnerie (imprimé en 1881).
La Maçonnerie Occulte,
Manuel de l’initiation hermétique, par Ragon, 33e, président de l’Aréopage
les Trinosophes, à l’Or.˙. de Paris. (Paris, 1853).
Rituel de Haute-Magie, qui date de 1861, par le
F.˙. Constant (de l’Or.˙. de Paris, prêtre apostat).
Rituel du Grand Elu
Chevalier Kadosch, 30e degré de la Franc-Maçonnerie Ecossaise.
Rituel des Souverains Grands
Inspecteurs Généraux, par le F.˙. Pike, Grand Maître du Rite Ecossais aux Etats-Unis.
Les Maçons de Cythère.
Etc. »
Comme exemple de mystification
et mensonge, Bernard Muracciole nous cite un extrait du livre de Léo
Taxil : Les Mystères de la Franc-Maçonnerie : « Là
dessus, il (le Vénérable) embrasse trois fois l’Initié, d’abord sur la joue
droite, ensuite sur la joue gauche, enfin sur la bouche. Quand le Vénérable a
le défaut de saliver ou d’avoir l’haleine infectée, on avouera que le triple
baiser fraternel est fièrement dégoûtant. Et, bon gré mal gré, il faut y
passer. Pouah ! » (page 59).
Commentaire de Bernard Muracciole : « Bien entendu, ce
baiser… à la russe est une pure invention de notre mystificateur ».
Rappelons tout d’abord cette
phrase page 52 du livre de Léo Taxil : Les Mystères de la
Franc-Maçonnerie :
« Il y a même des loges
qui ne se contentent pas des épreuves réglementaires et qui trouvent à ajouter
au Rituel ».
Le baiser fraternel
s’effectue lors de la réception au grade d’apprenti. Les rituels d’apprenti
sont connus des anti-maçons. Quand Léo Taxil écrivit son livre, personne parmi
les anti-maçons ou les francs-maçons n’a fait la moindre critique sur ce triple
baiser sur la bouche. Il n’y avait donc rien d’inventé. Cela se pratiquait à
l’époque.
Jean-Pierre Bayard,
franc-maçon, auteur de nombreux ouvrages sur la Franc-Maçonnerie, les
Rose-Croix, l’ésotérisme, l’art, symbolisme, etc., est un maître incontesté, un
véritable chercheur et écrivain prolifique. Or voici deux articles de lui dans
sa Grande Encyclopédie maçonnique des Symboles[134] :
ACCOLADE FRATERNELLE (P. 16) :
Triple embrassade rituelle pratiquée
tant au Compagnonnage que dans les divers groupes maçonniques ; les pays
anglo-saxons ne la pratique pas.
Il a été épilogué sur la
prépondérance à donner à la joue droite ou gauche : ce baiser de paix suit
principalement le rythme ternaire, le troisième baiser étant donné sur le front
au RER. L’accolade Martiniste s’effectue par quatre baisers. Le baiser
fraternel clôturait les travaux en loge a été remplacé par la chaîne d’union.
L’accolade était réservée au
nouvel initié et son origine paraît se trouver dans l’accolade
chevaleresque : l’adoubement, administré avec le plat de l’épée, était
suivi d’un léger embrassement comme la remise d’une décoration s’accompagne
d’un baiser rituel.
Actuellement, principalement
en France, l’accolade fraternelle devient une manière de s’aborder.
BAISER ET BAISER SUR LA BOUCHE (P. 52) :
Par le souffle qui est
sacré, on communie tant par le corps que par l’esprit, en exprimant sa
fidélité, le respect à une cause, à un être ; c’est la transmission
initiatique de la Connaissance. Cet échange du bouche à bouche peut
aussi bien exprimer une émotion érotique, une extase mystique, une harmonie
intérieure, une solidarité collective (comme le baiser lors du sacre royal),
c’est là un signe d’alliance ou d’investiture. Samuel embrasse Saül après lui
avoir répandu l’huile sacrée sur la tête. Le vassal est tenu de baiser la main
de son seigneur et la femme du vassal est admise à le baiser sur la
bouche ; Georges Lanoê-Villène ajoute que si le seigneur est absent, le
baiser est donné au verrou de la porte en signe de foi et d’hommage, et qu’il
en est pris acte. Le baise-main est un signe de respect, comme Jethro le fait
en embrassant la main de Moïse (Exode XVIII, 7).
La Belle au bois dormant
attend un baiser pour se réveiller, revenir à la vie : ce baiser est le
verbe, le Souffle créateur ; c’est une transmission de pouvoir de vie, le
pneuma. Dans de nombreux contes le héros pour boire à la fontaine - source de
vie - doit embrasser une repoussante gardienne, ou un dragon, qui se métamorphose
en une admirable princesse. Cette interprétation mystique figure dans le
Cantique des Cantiques (I, 1) et d’après une source rabbinique Moïse fut
soustrait à la mort par le baiser de Dieu.
En Maçonnerie et dans le
Compagnonnage on pratique l’accolade ou baiser de paix, un triple baiser. Dans
le Compagnonnage, le baiser rituel sur la bouche est dit « coup de
bédane ».
On aurait aimé de la part de
Muracciole d’autres exemples caractéristiques d’inventions dans ce livre de Léo
Taxil, mais hélas, comme d’habitude, lorsque l’on critique un auteur
anti-maçonnique, on se garde bien de citer les « nombreux erreurs et
rajouts » qui pourtant, d’après Muracciole, « il en est ainsi toutes
les dix lignes ».
A un moment, Taxil dans son
livre Les Sœurs maçonnes, décrit la cérémonie d’un rite de la maçonnerie
androgyne : le Rite des Mopses.
Voici un extrait :
« Le Frère Inspecteur s’approche de la récipiendaire et lui demande
brusquement si elle accepte d’embrasser le derrière d’un chien mopse ou
celui du Grand Maître, à son choix. »
Pure invention de Léo
Taxil ? Non, car il a puisé cela aux meilleures sources. Voilà pour
confirmer des photocopies extraites du Manuel complet de la Maçonnerie
d’Adoption ou Maçonnerie des Dames, de J.-M. Ragon[135].
Page 46 et 47 de son livre,
Bernard Muracciole, veut nous faire rire en nous faisant croire à une
mystification un passage du livre de Léo Taxil sur les sœurs
francs-maçonnes :
« Taxil nous dévoile,
entre autres secrets, à la fin de cet ouvrage, « La Clef des Symboles sacrés
de la Franc-Maçonnerie » :
« Cette instruction
mystérieuse, réservée aux membres des hauts grades, est tellement abominable
que j’ai dû, pour éviter le danger de sa publication en langue vulgaire, la
traduire en latin et ne la mettre ainsi qu’à la portée des personnes ayant fait
des études spéciales. »
Suivent ainsi huit pages, en
« latin de cuisine », dans lesquelles même le moins latinisant des
lecteurs peut entrevoir la luxure abjecte émanant de ces symboles :
« Dicunt etiam litteram
G significare Geomatriam, eo quod l’Etoile Flamboyante geometrico modo depingit
copulativam actionem. Et sic : vir incubans, reipsa, membrum prominens in
medio corporis intendit ; procubans mulier, contra, concavo sinu
patet ; et coïtus, implicationem virilium cum genitalibus mulieris
afferens, depingit stellam quinque acuminibus… (…) Attamen, le Compagnon jam
conoscit vocabula Booz et Jakin, dum l’Apprenti unum solum ex his noscit. Jakin
id est phallus ; Booz id est uterus. (…) Initiatio ad gradum Maître signum
dat copulationis ipsius, ejusque operas et effectuum.
La Maçonne, in secundo
gradu, conoscit l’Arbre du Milieu et le Maçon, in tertio gradu, conoscit la
Chambre du Milieu, et ex hoc dicitur la Loge.
Secundus gradus tertio
junctus explanat copulationem ; nam l’Arbre du Milieu est phallus, et la
Chambre du Milieu est uterus. (…)
Phallo in uterum ingresso,
utrumque semen corrumpitur ; ad corruptio nihil aliud est quam
mors ».
Léo Taxil affirme dans son
livre qu’il n’a rien inventé. Certains diront que c’est une affirmation
gratuite. Pourquoi pas. Mais alors pourquoi aucun franc-maçon n’a-t-il pas
démontré la fausseté de ce qu’écrit Léo Taxil, en publiant des rituels réservés
aux hauts-gradés ?
Bernard Murraciole nous fait d’ailleurs un aveu de taille page 63 de son
livre : « Il est extrêmement curieux de remarquer que parmi les
personnalités vivant à l’époque du « Diable » et traînées dans la
boue par le docteur Bataille, très peu d’entre elles se manifestèrent et
protestèrent. »
Et voici sa réponse :
« Les personnalités vilipendées ne songèrent sans doute pas un instant à
se compromettre avec ces hurluberlus en répondant à leurs élucubrations. »
Oui, bien-sûr…
Il ajoute plus loin :
« Ce genre de plaisanterie conduira quand même certains Frères crédules,
s’estimant grugés par leurs instances supérieures, à démissionner. »
Lors d’une émission
radiophonique, Bernard Muracciole affirme cependant que 80 % de ce qu’il y a
écrit dans les ouvrages de Léo Taxil est vrai.
Pour en revenir au passage
en latin de cuisine de Taxil à propos des sœurs, voici tout d’abord un passage
du livre d’Abel Clarin de la Rive : La Femme et l’Enfant dans la
Franc-Maçonnerie universelle, page 566 à 570 :
« La Chaîne d’Union
(novembre 1887, p. 465, 466 et 467) insérait les documents suivants :
« A propos du
livre : « Les Sœurs maçonnes » par Léo Taxil :
Je reçois la lettre suivante
qui sera lue avec intérêt pour les curieux renseignements qu’elle
renferme :
T.˙. C.˙.
F.˙. Hubert,
Dans le dernier numéro
octobre 1887, de votre très estimable journal La Chaîne d’Union, vous
appelez l’attention de vos lecteurs (page 400) sur la savante étude historique
parue dans le numéro 29 du Bulletin du Suprême Conseil de Belgique, où
se trouve indiquée la source à laquelle Léo Taxil a puisé des éléments de son ouvrage
Les Sœurs Maçonnes et vous en donne un extrait aux pages 436 à 439 dudit
numéro d’octobre.
Je suis en mesure de
compléter les révélations du savant rédacteur du Bulletin du Suprême Conseil
de Belgique et, puisque vous jugez intéressants pour vos lecteurs les
renseignements sur ce point concret d’histoire littéraire contemporaine, je
vous autorise à publier ma lettre, si vous le jugez utile.
Léo Taxil a divisé en deux
parties bien distinctes les matériaux dont il s’est servi pour composer son
livre Les Sœurs Maçonnes.
Il a étudié d’abord la Franc-Maçonnerie féminine dans sa période
d’éclatante prospérité à la fin du siècle et a puisé de merveilleux
renseignements dans certains ouvrages secrets qu’il est seul à posséder au
monde.
Vous dire par quel étrange
concours de circonstances Léo Taxil est parvenu au suprême bonheur d’entrer en
possession de ces livres serait sortir du sujet de cette lettre.
Il suffira de vous faire
connaître les titres complets des ouvrages anciens dont Léo Taxil s’est servi.
Les voici :
_ Critique sur la
Franche-Maçonnerie avec une table générale des matières, 77e
édition, 30 volumes sur beau papier. La Haye, 1784.
_ Apologie pour les
francs-maçons. Editions in-8°, faite sur in-4°, 333 volumes, Londres, 1803.
_ Jugement rendu contre
la Société dite des Francs-Maçons dans un Conseil de soixante-douze douzaines
de docteurs, sur la déclaration de trois témoins, 7 vol., Paris, 1796.
_ Cours de
Franc-Maçonnerie, par un R. P. Capucin. Onzième édition, renfermant
12 009 planches en taille-douce, 37 vol., Bruxelles, 1756.
_ Nouvelles calomnies
contre l’ordre des Francs-Maçons, par le R. P. Libam, 690 volumes, 9e
édition, Paris, 1807.
_ Commentaires sur la
Société impie des Francs-Maçons. Ouvrage où l’on prouve par 40 440
arguments et des passages tirés de Saint Bernard, que ladite Société est
illégitime. Par une troupe de docteurs en théologie. 1101 vol. in-fol., La
Haye, 1803.
_ Les Francs-Maçons
convaincus de tous les crimes possibles. Superbe édition ornée de 30 cartes
enluminées, 22 vol., in-4°, distribués gratis aux dépens des auteurs associés.
_ Les
quatre-vingt-dix-huit mille preuves contre la pureté du principe de la
Franc-Maçonnerie, Londres, 1798.
Léo Taxil s’est ensuite occupé de la Franc-Maçonnerie de nos jours, et
en a révélé tous les secrets les plus intimes dans les pages 377 à 383 de son
livre.
Quelques maçons sachant que
Léo Taxil a été reçu Apprenti Maçon le 21 février 1881 et a été expulsé de la
Maçonnerie, pour indignité (Paul Rosen insinue que Léo Taxil a été expulsé de la
Secte pour indignité maçonnique. Or Léo Taxil a raconté tout au long dans son
premier volume des Frères-Trois-Points, au chapitre intitulé « Mes Démêlés
avec le Grand-Orient », l’histoire de son procès en loge. Cette affaire
est archi-connue et ne laisse aucun jour défavorable sur le converti de 1885.
Le Grand-Orient ne pouvait supporter son indépendance ; Léo Taxil, au
cours d’une période électorale législative, avait posé sa candidature contre
celle d’un Vénérable désigné par la Franc-Maçonnerie ; il avait démontré
publiquement le gâtisme de Victor Hugo et de quelques vieilles barbes en
honneur dans la secte ; il avait écrit des inscriptions moqueuses sur la
tête de mort placées dans un cabinet des réflexions de l’hôtel de la rue Cadet.
Les griefs de la Maçonnerie contre lui étaient tous de la même valeur.
L’exclusion prononcée contre Léo Taxil par ses ex-collègues du temple d’Hiram
ne peut donc que lui faire le plus grand honneur.
Ce qui est autrement
difficile à expliquer, c’est comment Paul Rosen a pu s’y prendre pour n’avoir
pas été exclu, par un procès en loge, à la suite de ses publications où il
viole, sur un certains nombres de points, son serment de discrétion. Nous ne
lui reprochons certes pas les quelques révélations qu’il a bien voulu faire ;
mais nous nous étonnons qu’elles n’aient pas été frappées d’anathème par le
Grand-Orient, comme l’ont été celles d’Andrieux[136]
et celles de Léo Taxil.)
Léo Taxil, dont la
profession de plagiaire a été établie par arrêté de la Chambre correctionnelle
de la Cour d’Appel du 25 juillet 1881, continue à l’exercer (Paul Rosen fait
allusion à un procès en contrefaçon que les héritiers d’un M. Auguste Roussel
(Dit Roussel, de Mery) intentèrent à Léo Taxil en 1891, c’est-à-dire quatre ans
avant la conversion de ce dernier. Léo Taxil, confondant cet auteur avec
Auguste Roussel (le publiciste catholique, qui dirige aujourd’hui La Vérité)
avait cru jouer un tour à celui-ci en reproduisant des poésies anticléricales
de son homonyme. Le tribunal correctionnel et la cour d’appel, croyant que Léo
Taxil avait voulu faire illégitimement œuvre de spéculation, le condamnèrent,
en effet, comme contrefacteur, non seulement à des dommages-intérêts, mais
encore à une forte amende. Or, en rappelant cette condamnation, Paul Rosen est d’une
insigne mauvaise foi, puisqu’elle n’a pas été définitive et qu’en cassation Léo
Taxil fut entièrement libéré de la peine d’abord prononcée, si bien que les
héritiers de Roussel de Mery, reconnurent publiquement la complète bonne foi de
leur adversaire et l’autorisèrent à continuer la publication des œuvres dont il
s’agit. Paul Rosen ne pouvait ignorer cela lorsqu’il écrivit dans La Chaîne
d’Union, en novembre 1887, la lettre ci-dessus : en effet, toute
l’affaire avait été expliquée par Léo Taxil, avec pièces et documents probants
à l’appui, dans le premier volume les Frères-Trois-Points, paru en
octobre 1885.
Bien mieux, nous avons cru
devoir soumettre à Léo Taxil l’épreuve de notre reproduction de cette lettre de
Paul Rosen, ainsi que celle de cette présente note, destinée à éclairer la
religion du public, et Léo Taxil a mis aussitôt sous nos yeux son casier
judiciaire, délivré par le greffe du Tribunal de 1re Instance de
Marseille (sa ville natale) ; or, ce document, certifié par le greffier
conforme au Relevé des bulletins individuels de condamnations classés au
casier, pose NEANT, est visé par le procureur de la République, et est daté du
5 septembre 1891 ; ce qui prouve péremptoirement que la condamnation de 1881,
que Paul Rosen est si heureux de reprocher à Léo Taxil, avait été réellement
annulée en Cour de Cassation.) Mais se rappelant que « le latin dans ses
mots brave l’honnêteté », il a tout simplement fait traduire en latin de
cuisine les pages 206 à 213 du premier volume de l’ouvrage Maçonnerie
pratique paru en 1885-86, au sujet duquel l’illustre F.˙. Albert Pike
vous a adressé une magnifique série de remarquables correspondances dans les
numéros de juillet à novembre 1886 de La Chaîne d’Union.
Pour donner un semblant de
vraisemblance personnelle à ses mirifiques révélations, Léo Taxil donne un
catalogue des ouvrages qu’il a consultés.
Parmi ces ouvrages, il
cite :
_ Les Rituels
d’Andreas Viriato de Castro.
_ Le Séphar Debarim
du F.˙. Albert Pike.
_ Les Legenda Magistralia
du même Ill.˙. Fr.˙..
_ Les Instructions secrètes du vicomte de la Jonquière.
Eh bien Léo Taxil trompe son
public.
Il a tiré son livre des
ouvrages que j’ai cités, mais il n’a jamais lu ni même vu les ouvrages qu’il
cite et parmi lesquels j’ai relevé ceux qui précèdent.
Donc Léo Taxil ment quand il
ne plagie pas.
Recevez, T.˙. C.˙.
F.˙. Hubert, mes salutations f.˙. et empressées.
Paul Rosen. »
Tout cela nous semble très
singulier !
D’une part, il est
réellement difficile, sinon impossible, de s’expliquer comment Paul Rosen,
converti au catholicisme plus de dix années auparavant, si ses protestations
sont sincères, a pu apposer son nom au bas de ce libelle. De l’autre, un procès
a prouvé que Paul Rosen a fourni à l’auteur de la Maçonnerie Pratique,
parue en 1885-86, tous les renseignements utiles.[137]
Et cet ouvrage motivait, l’envoi, à La Chaîne d’Union, d’une magnifique
série de remarquables correspondances de l’illustre F.˙. Albert
Pike » ! Par conséquent, Paul Rosen, encore 33e degré,
pour les Francs-Maçons, au mois de novembre 1887 défendait, dans une de leurs
Revues, la Secte contre laquelle il avait donné des armes terribles depuis
1882 !!
Paul Rosen jouait-il double
jeu ? Qui trahissait-il ?
Voici, en effet, un bien
singulier Attendu, que nous extrayons d’un jugement rendu, le 9 août 1889, par
la première Chambre du Tribunal Civil de la Seine, dans un procès de Paul Rosen
contre Letouzé et Ané :
« Attendu qu’il est
intervenu, le quatorze janvier mil huit cent quatre-vingt-deux, entre Paul
Rosen et l’abbé Brettes un acte sous signatures privées qui sera enregistré, et
aux termes duquel Rosen vendait à l’abbé Brettes une bibliothèque maçonnique de
six cents volumes, moyennant le prix de cinq mille cinq cents francs ; que
par le même acte, Rosen s’engageait à prêter son concours actif pour tous
renseignements et SECRETS nécessaires, et ainsi à rendre aussi complet que
possible l’ouvrage que l’abbé Brettes s’engageait à faire contre la
franc-maçonnerie, ouvrage dont les frais et bénéfices devaient être partagés
par moitié entre Rosen et l’abbé Brettes. »
Donc Paul Rosen, le 14
janvier 1882, passait bien un acte par lequel il prenait l’engagement de livrer
des SECRETS MACONNIQUES contres espèces.
Quel joli métier !
Ce n’est pas comme
catholique qu’il agissait, puisqu’il ne disait pas tout et la facilité de dire
tout (démontrée par l’aisance avec laquelle il obtient des bibliothèques
maçonniques, comprenant jusqu’à six cents volumes !) prouve surabondamment
qu’il se tait volontairement sur ce qu’il ne dit pas. Et Paul Rosen, qui fait
cela, au moins depuis 1882, peut signer en novembre 1887, comme Maçon, la
lettre publiée par La Chaîne d’Union.
Nos lecteurs apprécieront. »
Après cet article d’Abel Clarin de la Rive, revenons maintenant sur
l’origine du texte de Taxil dévoilant « les secrets les plus
intimes ». Admettons que le texte de Léo Taxil est en fait, comme nous
l’écrit Rosen, une traduction en latin de cuisine d’un texte du Cours de
Maçonnerie Pratique, à propos de l’explication de la Chambre du Milieu.[138]
Léo Taxil n’aurait donc rien inventé. La seule question qui se pose réellement
est de savoir si l’extrait du Cours de Maçonnerie pratique dit vrai.
Cela sera facile pour nous puisque le texte du Cours de Maçonnerie pratique
est inondé de notes bibliographiques. Il nous suffira donc de vérifier si les
passages des livres mis en notes de bas de pages confirment vraiment ce que dit
le texte.
Voici donc tout d’abord le
texte (avec les notes de bas de pages) du Cours de Maçonnerie pratique,
pages 206 à 213 :
« Explication secrète
du Rituel. – La Chambre du Milieu
[Il faut croire, pour leur
honneur, que pas un maître sur mille ne sait ce qu’il fait quand il travaille
en loge. Il importe donc que les Maçons soient éclairés, et que tous les
honnêtes gens sachent à quoi s’en tenir.]
Le Temple étant l’emblème du
Corps humain, la Chambre du Milieu, nom de la Loge des Maîtres parce que c’est
là que les mystères les plus intimes de la Franc-Maçonnerie sont célébrés,
représente la Matrice, l’Utérus, à l’intérieur duquel s’accomplissent les
labeurs de la reproduction des êtres.
(Orthodoxie Maçonnique,
par J. M. Ragon, p. 368. Paris.
Dictionnaire Maçonnique, édité par J. Brianchon, p.
50, Paris, 1825.)
Les deux parties que le rideau
sombre, qui coupe en deux la loge suivant la longueur, sépare, représentent,
celle du côté de l’Occident, sombre et éclairée par une seule lumière, le
séjour de la mort, de la semence, de la graine non fécondée, l’ovaire, et celle
du côté de l’Orient, resplendissante de lumière, la graine fécondée par
l’accomplissement de l’acte de la génération et absorbée par la matrice.
(Cours oral de
Franc-Maçonnerie symbolique, par Henri Cauchois, grand orateur du Grand
Orient de France, p. 140, Paris, 1863.
Le Rameau d’or d’Eleusis, par Joseph Etienne
Marconnis, grand Hiérophante du Rite de Misraim, p. 181, Paris.)
Le Respectable Maître seul a
le maillet, les deux surveillants ont chacun un rouleau de carton de 9 pouces
de circonférence sur 18 pouces de longueur. Ces rouleaux représentent le membrum
virile.
(Histoire pittoresque de
la Franc-Maçonnerie, par J. B. T. Clavel, p. 43, Paris, 1844.)
Au milieu de la Loge se
trouve un matelas, ou un cercueil, ou une fosse, qui symbolisent toujours le
lit, le Pastos des Anciens, où s’accomplissent les mystères de la
génération humaine.
(Lexicon of Freemasonry,
par Albert-Georges Mackey, grand secrétaire du Suprême Conseil pour la
juridiction Sud des Etats-Unis, p. 59 et 241, Londres, 1873.)
Ce matelas, ce cercueil et
cette fosse représentent aussi l’Arche de Noé, et l’Arche sainte de l’Ancien
Testament. Car ces deux Arches ne sont que des symboles du lieu où s’accomplit
la génération des êtres.
(The Book of the Lodge,
par Georges Olivier, grand commandeur du Suprême Conseil d’Angleterre, p. 45,
Londres, 1867.
Cours oral de
Franc-Maçonnerie symbolique, par Henri Cauchois, grand orateur du Grand Orient de France, p. 61,
63, 66, Paris, 1863.)
Entre l’autel et le cercueil
se trouve le trace de la Loge de Maître, dont voici la description :
Le fond du tableau est
rempli par les représentations de la mort d’Osiris, de Balder et d’Hiram,
légendes qui forment la base des mystères Egyptiens, des mystères Scandinaviens
et des mystères Franc-Maçonniques modernes.
(Histoire pittoresque de
la Franc-Maçonnerie, par J. B. T. Clavel, p. 76, Paris, 1844.)
Le fronton semi-circulaire
représente le ciel étoilé avec le Christ-Soleil, entouré des signes du
Zodiaque, et se tenant à l’Ordre d’Apprenti, tel qu’il est représenté sur la
porte de droite de l’église Saint-Denis.
(Ibid.)
Ce fronton s’appuie sur deux
colonnes, la colonne B, symbole du membrum virile et la colonne I, symbole du
genitalia mulieris.
(Ibid.)
Aux côté de ce Christ-Soleil
se trouvent un cep de vigne et une gerbe de blé, allusion aux paroles :
« mangez, ceci est mon Corps ; buvez, ceci est mon Sang ».
(Histoire pittoresque de
la Franc-Maçonnerie, par J. B. T. Clavel, p. 76, Paris, 1844.)
Sur les marches du portique
sont représentées Vénus, la veuve d’Adonis, emblème du soleil à droite,
et Isis, la veuve d’Osiris, autre emblème du soleil, à gauche. Elles
représentent la Nature et la Loge, Veuves du Soleil et d’Hiram. Vénus
est représentée se tenant à l’Ordre d’Apprenti ; car d’après Macrobius,
c’est la posture qu’elle adopta en apprenant la mort d’Adonis.
(The History of
Initiation, par Georges Olivier, souverain grand commandeur du Suprême
Conseil d’Angleterre, p. 133 et 134, Londres, 1841.)
Sur la partie inférieure du
tableau, et sortant du même tronc, sont représentées trois branches, l’une
d’acacia, emblème initiatique de la Franc-Maçonnerie, l’autre de chêne, emblème
initiatique des Gaulois et des Scandinaves, et la troisième de figuier, emblème
initiatique des Syriens et des Orientaux.
(Lexicon of Freemasonry,
par Albert-Georges Mackey, grand secrétaire du Suprême Conseil pour la
Juridiction Sud des Etats-Unis, p. 105 et 231, Londres, 1873.)
cela signifie que tous les
mystères sont issus d’un seul et même tronc, reposent sur une base unique,
celle des mystères de l’Inde, dont voici l’exposé succinct :
Tiphon mit à mort Osiris en
l’enfermant dans un cercueil. Il coupa ensuite son cadavre en plusieurs
morceaux et les jeta dans le Nil. La veuve d’Osiris, Isis, se mit à la recherche
de ces morceaux, et les retrouva tous, excepté le membrum virile. C’est
en commémoration de cette perte que l’adoration du Phallus fut
instituée ; car lui seul rend possible la reproduction, la conservation
des êtres.
(Lexicon of freemasonry,
par Albert-Georges Mackey, grand secrétaire du Suprême Conseil pour la
Juridiction Sud des Etats-Unis, p. 249, Londres, 1873.
History of Initiation, par Georges Olivier, grand
commandeur du Suprême Conseil d’Angleterre, p. 127, Londres, 1841.
Signs and Symbols, par Georges Olivier,
Londres, 1857.
The Traditions of Freemasonry,
par A. T. C. Pearson, grand maître des Templiers des Etats-Unis, New-York,
1870.
The Ahiman Rezon, on Rituals of Freemasonry,
New-York, 1873.)
Les Francs-Maçons retrouvent
ce Phallus dans le grade de Maître, sous la désignation de la parole qui est Mahabone.
Isis le retrouva dans son Genitalia suivant les uns, dans Horus, dont
elle devint enceinte, suivant les autres. La Loge, la Veuve de la
Franc-Maçonnerie, le retrouve dans le nouvel initié, dont on la suppose
enceinte, fécondée.
(The History of Initiation, par Georges Olivier, p. 32, 118, 122,
127, 133, 134, 137, 139, 141, 144, 147, 149, 154, 157, 168, 172, 180, 185, 188,
etc., Londres, 1841.
Lexicon of Freemasonry, par Albert-Georges Mackey,
p. 15, 43, 49, 54, 67, 68, 69, 71, 349, 365, 26, 36, 50, 105, 231, etc.,
Londres, 1873.)
Voici comment cette
fécondation est supposée avoir lieu.
Dans la première partie de
l’initiation, la semence de la graine non fécondée est inerte et morte. Le
Candidat qui porte en lui cette semence inerte, car il est un mâle puisqu’il
porte sur sa poitrine le Compas emblème du membrum virile, est étendu
sur le matelas, ou dans le cercueil, ou dans la fosse, emblème du lit, du Patos
des mystères de la génération.
(Lexicon of Freemasonry,
p. 341.)
Ni le second, ni le premier
surveillants ne peuvent le rendre à l’activité, à la vie. Seul le Respectable
Maître, qui porte sur sa poitrine l’Equerre symbole du Genitalia mulieris,
donne à cette semence l’activité et la vie, en se penchant, lui qui représente
le mâle, et s’enlaçant avec lui par les cinq points de la perfection.
(The Mysteries of Freemasonry, par Richard Carlile, p. 64,
Londres.
Bibliotheca Masonica o Instraçao completa do Franc-Maçon Libre e aceito, vol. II, Paris, 1840.
Rituel développé des 2e et
3e grades symboliques, par Charassin, Paris, 1844.)
La semence est fécondée par l’union du mâle et de la
femelle, et la Loge devient enceinte du Candidat, qu’elle met au monde neuf
mois plus tard, comme Maître Parfait, le 4e degré et le
suivant de l’Ecossisme, pour l’obtention duquel il est prescrit que neuf mois
pleins doivent être écoulés depuis la date où l’aspirant reçut le grade de
Maître Maçon.
(Tableau des grades
écossais suivant l’ordre général décrété par le Suprême Conseil du 33e
degré, par le comte de Grasse-Tilly, daté du 22 décembre 1804.)
En résumé, la véritable
pratique Maçonnique pour les trois premiers degrés doit se baser exclusivement
sur ceci :
Que l’Apprenti, Bohaz,
personnification d’Osiris ou de Bacchus, venant chercher la Vérité dans la
Loge, trouve qu’il est un Dieu-mâle et incomplet pour la génération des
êtres ;
(Lexicon of Freemasonry,
p. 249.)
Que le Compagnon, Jackin,
personnification d’Isis ou de Vénus, est le Dieu-femelle qui complète le
Dieu-mâle et rend possible la génération des êtres ;
(History of Initiation, p. 128.
Signs and symbols, par Georges Olivier.)
Que le Maître Mahabone
ou Mac Benac est le Dieu hermaphrodite complet, fils de Loth et de sa
fille, fils du soleil et de la terre.
(The Tradition of
Freemasonry.)
Et cela parce que:
1° Tout est formé par voie
de Génération, et non par voie de création qui n’est que la
simple induction de la Génération.
(La Maçonnerie considérée comme le résultat des Religions Egyptienne,
Juive et Chrétienne, par Moïse Reghellini de Scio, Paris, 1833, Vol. I, p.
364.
Speculative Freemasonry, par Jean Yarker, grand maître du rite Ancien et
Primitif, p. 27, Londres, 1872.)
2° La corruption ou destruction suit la génération dans toutes
ses œuvres.
(Ibid.)
3° La régénération rétablit, sous d’autres formes, les effets de la
destruction.
(Ibid.)
La formule systématique des trois premiers degrés de la
Franc-Maçonnerie est donc la suivante :
L’homme incomplet, le Profane, par l’initiation dans la
Franc-Maçonnerie, devient Bohaz ;
Se complète avec Jackin dans la Loge, et rétablit sa divinité
corrompue en Mahabone.
(Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie, par J. B. T.
Clavel, p. 49, Paris.
Lexicon of Freemasonry, p. 229.
La Maçonnerie considérée
comme le résultat des Religions Egyptienne, Juive et chrétienne, vol I, p. 364.
Speculative Freemasonry, p. 16 et
suiv.) »
N’ayant pas tous les
ouvrages cités en main, mais en ayant les principaux, voici donc les citations
qui nous intéressent :
Dans Histoire
pittoresque de la Franc-Maçonnerie, de F.-T.-B. Clavel, Paris, 1844,
(réédition mars 1987, par les éditions Henri Veyrier), page 43 :
« Cette cérémonie
achevée, le vénérable se saisit du rouleau mystique, qui, de même que le
phallus des anciens, dont il se rapproche par la forme, est un emblème de la
vie, et fait ouvrir le cercueil. »
Page 75 :
« Les deux colonnes
(Jakin et Boaz) qui supportent le fronton figurent les deux phallus,
générateurs, l’un de la lumière, de la vie et du bien, l’autre, des ténèbres,
de la mort et du mal, qui entretiennent l’équilibre du monde. Les pommes de
grenade qui les surmontent sont l’emblème du ctéis, ou de l’organe
féminin, qui reçoit et féconde le germe bon ou mauvais qu’y dépose l’un des
deux principes. L’ensemble de chaque colonne et de son chapiteau représente,
sous forme d’hiéroglyphe, à l’exemple du lingam des Indiens, la nature active
et passive. »
Dans Orthodoxie maçonnique,
de Ragon, p. 368-369 :
« D. _ L’auriez-vous
découvert ?
R. _ Loin de moi l’orgueil
de le croire ; mais nous expliquons, par le quartenaire et la monade,
ce que le grand Architecte en a laissé deviner aux hommes. Le quartenaire
figure le mouvement, qui est la cause ; la fermentation, qui est le
moyen ; la putréfaction, qui est l’effet ; la mort et
la vie, qui sont les résultats. En joignant au quaternaire la monade,
qui est la matière ou sujet, nous figurons les cinq éléments de
la génération, dont les opérations sont exprimées symboliquement dans la
chambre du milieu, qui, en ce sens, est la matrice où s’accomplit le mystère
de la reproduction des êtres.
[…]
D. – Quel est le but des
cérémonies retraçant le mouvement des astres, les vicissitudes des saisons et
les opérations de la nature ?
R. – De rendre hommage au
Grand Architecte en célébrant les merveilles de sa puissance et de sa sagesse,
et d’inculquer dans le cœur des initiés, par ces représentations, l’amour, la
vénération et la reconnaissance qui lui sont dus. »
Et enfin dans le Lexicon
of freemasonry, p. 59 :
« COCK : The ancients made the cock a symbol of courage and consecrated
him to Mars, Pallas and Bellona, deities of war. As an emblem of this quality,
he is used in the jewel of the Captain General of an Encampment of Knights Templars.
Rhigelline, however, gives a different explanation of this symbol. He says that
the cock was the emblem of the sun and of life, and that as the ancient
Christians allegorically deplored the death of the solar orb in Christ, the
cock recalled its life and resurrection. The cock, we know, was a symbol among
the early Christians, and is repeatedly to be found on the tombs in the
catacombs of
Hence I am, on further reflection, induced the believe that we should
give a Christian interpretation to the jewel of a Knight Templar, as symbolic
of the resurrection.
Page 241 :
« PASTOS : The pastos was a chest or close cell in the pagan mysteries
(among the Druids, an excavated stone), in which the aspirant was for some time
placed to commemorate the mystical death of god. This constituted the symbolic
death, which was common to all the mysteries. In the Arkite rites the pastos
represented the ark in which Noah was confined was confined. We may refer it to
the coffin among Masonic emblems.
PHALLUS : The phallus was the wooden image of the membrum virile,
which being affixed to a pole, formed a part of most of the pagan mysteries,
and was worshipped as the emblem of the male generative principle. The phallic
worship was first established in
From
Toutes ces citations
confirment bien ce qu’exprime le Cours de Maçonnerie pratique, et donc
confirment bien ce que met Taxil dans les Sœurs maçonnes.
Sur le « burlesque de
certaine description » que Taxil fait de certaines cérémonies maçonniques,
nous lisons par exemple page 77 des Mystères de la Franc-Maçonnerie :
« La description de ce
cérémonial, absolument grotesque, pourrait paraître inventée à plaisir. Les
simagrées imaginées par le Frère Hubert sont tellement enfantines qu’elles
confinent à l’invraisemblance. Aussi, ai-je le devoir de citer le Frère Hubert
lui-même. Son journal, La Chaîne d’Union, organe de la Maçonnerie
Universelle, paraît à Paris sous forme de revue mensuelle. On le trouve à
la Bibliothèque Nationale. Le Frère Hubert, dans le numéro de juillet 1867, a
pris la peine de publier le rituel suivi pour la radiation des Maçons mauvais
payeur. Au surplus, l’ex-Vénérable des Amis de l’Honneur Français est
bien portant et son journal paraît encore. Il se gardera bien de nier ce
cérémonial qu’il considère comme admirable, puisqu’il en est le créateur, et
que les Loges pratiquent avec respect, comme émanant d’un des plus hauts
fonctionnaires du Grand Orient de France. En tous cas, on peut consulter, à la
Bibliothèque Nationale, le numéro du journal maçonnique officiel que je viens
d’indiquer. »
Enfin, n’oublions pas ce
qu’a dit Taxil lors de la journée du 19 avril 1897 :
« Je dirai même que j’ai rendu service à la Maçonnerie française.
Je veux dire que ma publication des rituels n’a pas été étrangère,
certainement, aux réformes qui ont supprimé des pratiques surannées,
devenues ridicules aux yeux de tous maçons amis du progrès. »
Maintenant, il faut voir quels furent les résultats des révélations de
Taxil.
Dans Les Sœurs maçonnes,
Léo Taxil écrit à la page 9 :
« La publication de mes
deux derniers ouvrages, Les Frères Trois-Points et Le Culte du Grand
Architecte, a jeté le désarroi dans nos loges. Quelques démissions se sont
produites. D’autre part, des mauvais plaisants, mettant à profit mes
renseignements, se sont amusés à aller à des réunions maçonniques. Aussi,
grande est la colère chez les Enfants de la Veuve.
Le principal organe de la
secte, la Chaîne d’Union, constatant avec épouvante que les adorateurs
du Grand Architecte ne se trouvent plus en sûreté dans leurs temples, publiait,
en tête de son numéro de février 1886, la note suivante :
« Depuis quelque temps,
des publications et des indiscrétions malsaines peuvent faciliter l’entrée de
nos réunions à des personnes qui sont étrangères à notre Institution. Le vrai
moyen de ne pas s’exposer à recevoir dans nos loges d’indignes personnages,
n’est point de se contenter du tuilage, du mot de semestre, etc., etc., toutes
choses qui peuvent être divulguées, mais d’exiger des Visiteurs non connus qui
se présentent, l’exeat de leur loge, ou la dernière quittance des
cotisations acquittées, et enfin leur signature, pour la comparer avec le ne
varietur de leur diplôme. Nos honorables ennemis auront beau puiser alors dans
les divulgations de Léo Taxil et tutti quanti, ils en seront pour leur
frais et toute leur honte bue ; leurs dignes acolytes resteront à la porte
de nos temples. »
Ainsi, ce qui met en rage
les odieux sectaires, ce n’est pas qu’on raconte leurs infamies, c’est qu’on
fournisse au public le moyen de pénétrer dans leurs antres et d’assister à
leurs abominables mystères. »
Dans L’Eglise et les
Francs-Maçons dans la tourmente, page 78, Michel Jarrige nous montre que
les révélations des auteurs anti-maçons obligent les francs-maçons à se montrer
plus prudent :
« Le Grand Orient se
résout à prendre des précautions au plus haut niveau. Le convent de 1890 met à
son ordre du jour deux propositions qui ont trait à la nécessité d’empêcher les
fuites. D’abord, en décidant d’interdire la publication des comptes rendus de
séance dans la presse. Ensuite, en stipulant que toute parution dans des
journaux maçonniques ne pourra se faire qu’après obtention du visa des
instances dirigeantes et autorisation des personnes concernées. Le Bulletin
du Grand Orient de France répercute sans tarder les décisions prises. Son
ton devient plus que réservé. Dans les articles on remplace noms propres et
intitulés rituéliques par des points de suspension.
Plus rigoureux encore, le
« congrès » des loges du Sud-Est décide, en 1892, que rien, absolument
rien, de ses travaux ne sera communiqué à la presse. Exemple draconien que le
grand convent de 1893 se plaît à suivre. Et, à l’inverse de ce qui se passait
les années précédentes, aucun compte rendu des séances ne filtre dans les
journaux amis pourtant si prolixes d’ordinaire sur le sujet. Ce silence
inhabituel plonge les anti-maçons dans un abîme de perplexité. Une enquête,
rondement menée, révèle qu’une circulaire du GO avait attiré, peu de temps
auparavant, l’attention des loges sur les inconvénients découlant de
l’inobservation de la loi du silence et sur la nécessité de réactiver ladite
loi, seule parade jugée efficace contre les indiscrétions. La lettre des
convents des instances dirigeantes avait été suivie d’un décret enjoignant aux
délégués au convent de signer l’engagement de ne souffler mot à quiconque de ce
qu’ils verraient ou entendraient pendant les travaux. En ce retour drastique au
respect du silence gisait l’explication du mutisme surprenant des francs-maçons
et de leurs sympathisants.
Mais le résultat n’est guère
probant. Les anti-maçons continuent de se procurer des renseignements. Aussi le
conseil de l’Ordre resserre-t-il encore un peu plus son dispositif de
protection. En 1895, les francs-maçons eux-mêmes ne peuvent plus s’abonner au
bulletin de l’obédience sans avoir obtenu le visa de leur vénérable. Et l’année
suivante, le dépôt légal à la Bibliothèque nationale du « Compte rendu de
l’Assemblée générale du Grand Orient de France » cesse d’être assuré. En
outre, garantie supplémentaire, chaque exemplaire de ce volume annuel reçoit un
numéro de manière à pourvoir repérer l’auteur des fuites. »
Robert Freke Gould est considéré comme « the foremost Masonic
Historian of the World » par l’Official Bulletin of the Supreme Council
of the 33d Degree, for the southern jurisdiction of the
Son « Histoire
abrégée de la Franc-Maçonnerie » a été éditée de nombreuses fois dans
le monde. Une édition de 1996 est assez curieuse. Dans l’édition faite par J.
de Bonnot (86-Ligugé : Impr. Aubin), des illustrations sont extraites du
livre : Les Mystères de la Franc-Maçonnerie de Léo Taxil. Dans
cet ouvrage de J. de Bonnot, il n’est pas marqué d’où viennent ces
illustrations. Ces illustrations ne sont pas celles des éditions originales de
l’Histoire abrégeé de la Franc-Maçonnerie. C’est bien J. de Bonnot qui prend des illustrations chez Taxil. Comme
quoi, ce qu’a écrit Léo Taxil (et les dessins qui illustrent ses écrits) n’est pas considéré comme totalement
faux par les francs-maçons eux-mêmes.
Et voici maintenant quelques
citations sur Taxil :
Dans l’article sur Taxil de la Grande encyclopédie maçonnique des
symboles, page 455 :
« Léo Taxil a
habilement mêlé aux faits imaginaires délirants, aux pires extravagances d’un
« rite palladique », DES RITUELS AUTHENTIQUES FORT BIEN
PRESENTES. »
Le Grand Secrétaire du Grand
Orient de Hollande, le F.˙. Moens, le 22 août 1904, a déclaré au Congrès
Maçonnique international de Bruxelles :
« Qui compare l’œuvre
de Léo Taxil… aux rituels publiés et en vente partout du F.˙. Ragon et de
tant d’autres écrivains, doit admettre que le contenu principal des rites de
tous les grades y est décrit avec une grande précision. » (Compte rendu
officiel du Congrès, à Berne, chez Büchler, 1905, page 92.)
A propos du livre
de Taxil : Les Mystères de la Franc-Maçonnerie, selon Albert L.
Caillet (Ingénieur et adepte des sciences psychiques, auteur notamment du
célèbre Manuel bibliographique des sciences psychiques et occultes, en 3
vol, Paris, Dorbon, 1912), « rien de plus complet n'a été écrit sur la
Franc-Maçonnerie ».
Nous conclurons avec
Hiram :
« Taxil a divulgué et
vulgarisé trop de réels secrets, jusque-là inaccessibles aux profanes, pour
n’avoir pas encouru très souvent l’anathème des maîtres secrets du Temple. […]
Sa turpitude morale,
primordiale et finale, n’a rien à voir avec l’étendue de ses
connaissances ; et il faudrait être aveuglé par le parti-pris pour nier
qu’il fut parfaitement au courant de la question maçonnique, alors que pendant douze
ans de son existence, il l’a traitée dans ses écrits sans rencontrer parmi les
Fr.˙. un contradicteur pouvant le convaincre d’ignorance ou d’erreur.
S’ils avaient pu le faire, croyez-vous qu’ils y auraient manqué ? »
Massimo Introvigne écrit
page 224 : « Mgr Jouin n’était guère enclin à sympathiser avec Diana
Vaughan - quelle qu’elle fût - au début de son activité maçonnique. En effet, il
était convaincu du rôle décisif joué par le judaïsme derrière la
franc-maçonnerie, rôle que la littérature de l’entourage de Taxil niait. Par la
suite, une étude plus approfondie de documents de l’époque l’amena à croire
qu’une Diana Vaughan avait probablement existé. »
Or, s’il est vrai que Léo
Taxil croyait peu au rôle joué par les juifs dans la franc-maçonnerie (d’où ses
polémiques avec Drumont), le docteur Bataille y croyait fermement. Un chapitre
entier est d’ailleurs consacré au rôle des juifs dans Le Diable au XIXe.
Beaucoup de passages de ce chapitre
feraient d’ailleurs passer les ouvrages de Drumont pour des ouvrages
modérés.
Dans Le Diable au XIXe,
au chapitre sur les juifs dans la Franc-maçonnerie, le docteur Bataille
consacre plusieurs dizaines de pages sur les Fils de l’Alliance (ou
Bnaï-Bérith). En voici un extrait :
« Cette organisation prospérait, se développait, mais n’avait pas
la direction de la secte ; ce fut Albert Pike, nous le savons, qui, en
s’unissant à Mazzini, en 1870, après la prise de Rome par Cadorna, créa la
haute-maçonnerie directrice, pratiquant le Palladisme. Mais les deux grands
chefs internationaux avaient à compter avec les Bnaï-Bérith ; ceux-ci
avaient atteint le nombre de 18 000 dans l’Amérique du Nord. En Europe, il y
avait bien aussi quelques loges juives ; celle de Hambourg, surtout,
exerçait une réelle influence.
C’est alors que Pike, obligé
de ménager les israélites, mais ne voulant pas leur fournir les moyens
d’absorber le Palladisme, conçut le projet de faire reconnaître les loges
juives par la haute-maçonnerie, et, par conséquent, de tenir leur confédération
sous une sorte de dépendance du Suprême Directoire Dogmatique de Charleston,
tout en lui garantissant son autonomie et en lui facilitant même l’extension
par un nouveau mode de fonctionnement.
On était en 1874. Parmi les juifs les plus élevés en grade et les plus
importants dans la maçonnerie, se trouvait le F.˙. Armand Lévy. […]
Le F.˙. Armand Lévy fut
l’intermédiaire entre la juiverie maçonnique et le chef du Palladisme, ainsi
qu’en témoigne l’acte de Concordat qui servit de base à la nouvelle
organisation.
« Le Suprême Directoire Dogmatique de la Franc-Maçonnerie
Universelle, est-il dit dans cet acte, reconnaîtra les Loges Israélites, telles
qu’elles existent déjà dans les principaux pays. Sera instituée une
confédération générale, dans laquelle se fondront les Ateliers américains,
anglais et allemands du régime des Bnaï-Bérith. Le siège central de la
Confédération sera établi à Hambourg, et le Corps souverain prendra le titre de
Souverain Conseil Patriarcal.
Les Loges Israélites
conserveront leur autonomie et ne relèveront que du Souverain Conseil
Patriarcal de Hambourg. Pour en faire partie, il ne sera pas nécessaire
d’appartenir à l’un des rites maçonniques officiels. Le secret de l’existence
de la Confédération devra âtre rigoureusement gardé par les membres de la
Haute-Maçonnerie à qui le Suprême Directoire Dogmatique jugera utile de le
faire connaître.
Le Souverain Conseil
Patriarcal de Hambourg, ni aucune des Loges de son obédience ne figureront
jamais sur les états annuels du Souverain Directoire Administratif ; mais
le Souverain Conseil Patriarcal enverra directement au Suprême Directoire
Dogmatique une contribution représentant le 10 pour 100 des cotisations
personnelles des membres des Loges Israélites, soit le quart de la perception
centralisé à Hambourg au profit de la propagande générale de la Confédération,
sans que le Trésor de Charleston ait à établir jamais un impôt supplémentaire
sur les droits d’initiation.
Les rituels de la
Confédération seront rédigés par une commission nommée au sein de la Loge
Israélites n°1 de New-York et soumis à l’examen du Souverain Conseil
Patriarcal, élu par les délégations des Loges Israélites actuellement existantes.
En cas de tempérament (sic) à introduire dans la rédaction, les
modifications, additions ou suppressions seront discutées dans les chefs-lieux
de correspondance. En outre, les rituels ne seront définitifs que lorsqu’ils
auront reçu l’approbation du Suprême Directoire Dogmatique.
L’initiation dans les Loges
Israélites ne sera pas graduée ; le Maçon appartenant à d’autres rites ou
le profane admis recevra la consécration pleine et entière en une seule et même
tenue, après avoir satisfait aux épreuves. Toutefois, les affiliés aux loges
Israélites qui n’appartiendront pas aux rites maçonniques officiels, recevront
du Patriarche-président de l’Atelier, en séances de comité, une instruction
orale leur faisant connaître l’enseignement des trois grades symboliques ;
mais les mots sacrés et de passe, ni les signes de reconnaissance propres à ces
trois grades, ne pourront leur être communiqués.
Aucun frère Maçon des rites
officiels, mais n’étant pas israélite, ne pourra exiger l’entrée d’une loge
Israélite, quel que soit son grade. Seuls, les Mages Elus, 3e degré
masculin du Rite Suprême, appartenant au Parfait Triangle ou à l’un des
Parfaits Triangles de la même ville désigné d’un commun accord, ou, à défaut de
haut atelier palladique dans la ville, appartenant à l’un des Parfaits
Triangles de la province également désigné d’un commun accord, auront accès de
droit, comme visiteurs, dans la Loge Israélite ; le nombre de leurs
visites ne sera pas limité. Auront droit d’entrée, comme visiteurs, mais deux
fois seulement au cours d’une même année, les Inspecteurs Généraux du Palladium
en mission permanente, pourvus du grade de Mage Elu, et les Inspectrices
Générales, mais uniquement les Souveraines parmi les Maîtresses Templières, 2e
degré féminin du Rite Suprême. Néanmoins, le président et la présidente du
Lotus établi au chef-lieu de la province triangulaire auront toujours le droit
d’entrée dans toutes les Loges Israélites, sans exception, existant sur le
territoire de leur province.
Au Souverain Conseil
Patriarcal de Hambourg, tout Mage Elu et toute Maîtresse Templière Souveraine
auront l’entrée comme visiteurs, non par droit, mais à titre de bon accueil,
sur demande adressée au Souverain
Patriarche, et ce quel que soit le Parfait Triangle auquel ils soient inscrits.
Les Loges de la
Confédération pourront initier et admettre des Sœurs Israélites, sans avoir à
solliciter d’autre autorisation que celle du Souverain Conseil Patriarcal de
Hambourg. »
Cet acte, qui a été fait en
deux exemplaires, déposés l’un à Hambourg et l’autre à Charleston, porte la
signature du F.˙. Armand Lévy, sous la date du « 5e jour
de la lune Nisan, 24e jour du 1er mois de l’an de la
Vraie Lumière 000874, vallée du Tibre, orient de Rome », et la signature
du F.˙. Albert Pike, sous la date du « 1er jour de la lune
Thischri, 12e jour du 7e mois de l’an de la Vraie Lumière
000874, au Suprême Orient de Charleston et sous l’œil du Tout-Puissant Divin
Maître. »
Dans l’acte, le F.˙.
Armand Lévy est déclaré « muni des pleins pouvoirs des Fils de l’Alliance
des deux mondes, ses titres et son mandat reconnus et certifiés en bonne et due
forme par le Souverain Directoire Exécutif ».
Tel est le compromis qui a
été passé, il y a vingt ans, entre la juiverie maçonnique et le Palladisme.
Ainsi, le pouvoir suprême de
Charleston a définitivement légitimé les loges juives ; bien plus, il leur
a accordé des privilèges tout à fait exceptionnels, exorbitants. »
Or, dans Mystères et
Secrets du B’naï B’rith, d’Emmanuel Ratier, il est écrit à la page
59 :
« En 1874 (il
s’agirait du 12 septembre), un accord de « reconnaissance mutuelle »
aurait été signé à Charleston entre Armand Levy, pour le B’naï B’rith, et
Albert Pike, chef suprême du Directoire dogmatique du Rite écossais ancien et
accepté, pour la franc-maçonnerie universelle. Lorsqu’Albert G. Mackey,
considéré comme « the best informed Mason in America », 33e
et Grand maître des Royal and Select Masters de Caroline du Sud, Grand prieur
de l’Arche royale de Chicago et secrétaire générale du Suprême Conseil de la juridiction
méridionale des Etats-Unis, devint secrétaire général du Conseil suprême
Maternel du Rite écossais ancien et accepté, « il persuada Pike de
s’affilier à l’ordre ; celui-ci fut bientôt Grand Inspecteur souverain et
décida de se consacrer au Rite ; il réussit à reconstruire de fond en
comble l’organisation, révisa ou réécrivit la Bible du Rite écossais, Morals
and Dogma, véritable montagne de matériaux qu’il n’a jamais pu
achever ».
Selon la même source, Pike,
qui était membre d’honneur de la plupart des Suprêmes Conseils du monde, fut
reçu au Suprême Conseil de France en 1889, et « quoique américain, Pike
est universellement reconnu comme étant une des plus hautes, sinon la plus
haute autorité maçonnique ». L’accord signé entre Pike, qui utilisa pour
l’occasion son nom maçonnique – Limoude Ainchoff – et Armand Levy
indique :
« Nous, le Grand
Maître, le Conservateur de Saint Palladium, le Patriarche suprême de
la maçonnerie de tout l’Univers avec l’approbation du grand et Sérénissime
Collegium des Maçons Emérites comme l’exécution de l’acte de Concordat conclu
entre Nous et les trois Consistoires fédéraux suprêmes du B’naï B’rith
d’Amérique, d’Angleterre et d’Allemagne, qui est signé par Nous aujourd’hui,
ont pris cette résolution : une seule clause : « La
Confédération Générales des Loges Israélites Secrètes est fondée à partir
d’aujourd’hui sur les bases qui sont exposées dans l’Acte du Concordat ».
Juré sous la sainte Voûte dans le Grand Orient de Charleston dans la vallée
chère du Maître Divin en la première journée de la Lune Ticshuru le 12 juin du
7e mois de l’année 00874 de la Vraie lumière ».
Par d’autres sources, Emmanuel Ratier[139]
confirme les dires du docteur Bataille sur les Bnaï-Bérith. Or, comme Emmanuel Ratier
le rappelle, la littérature consacrée au B’naï B’rith en langue française est
tellement réduite qu’on peut pratiquement la citer intégralement :
Le Péril juif,
l’Impérialisme d’Israël, Roger Lambelin (Grasset, 1924)
La Mystérieuse
Internationale juive, Léon de Poncins, Beauchesne, 1936
B’naï B’rith et ses
esclaves : Wilson, Roosevelt, Churchill, Blum, Staline et Cie. Brochure de 16 pages,
signée par A. Prokrovsky, Petite Bibliothèque N°1, Paris, 1941. Extraits :
« C’est très étonnant que jusqu’à présent personne n’a rien dit que
l’ennemi principal du monde entier est l’Ordre judéo-maçonnique - B’naï B’rith.
(…) Les fauteurs responsables dans cette guerre (…) sont les esclaves de la
volonté étrangère (…) C’est le travail de l’Ordre judéo-maçonnique B’naï
B’rith ! (…) la base de B’naï B’rith - le Palladium - c’est le service du
diable (…) Les chefs du Talmud ont fondé l’ordre B’naï B’rith pour créer
l’Empire Israélite universel et l’esclavage de l’humanité sous les
paroles : la liberté, la fraternité et l’égalité ! Les paroles qui
étaient et seront toujours le plus grand mensonge des juifs (…) Le démon de
Charleston - Lucifer - tombe. Tous les truquages juifs sont dévoilés par le
fuehrer allemand, le nouveau prophète du monde, Adolf Hitler, qui déclare la
lutte aux gouvernements indignes et non aux peuples dont il est le
sauveur. » Etc.
Or, dans les années
1892-1893-1894, qui connaît les B’naï B’rith ? Même chez les anti-maçons
les plus renseignés ? Comment le docteur Bataille a-t-il pu être au
courant de cet accord entre Pike et Armand Lévy ? Tout simplement parce
que tout ce qu’il raconte dans le Diable au XIXe est vrai. Et que
l’extrait du « concordat », il l’a tout simplement recopié à
Charleston.
A l’époque de la sortie du Diable
au XIXe, nombre de personnes, en lisant les passages sur les Bnaï-Bérith,
ont du croire que le docteur Bataille inventait tout. Or maintenant, il n’est
plus possible de nier la réalité.
Et Léo Taxil, simple
apprenti franc-maçon, n’aurait pas pu apprendre tout cela. Il faut bien
conclure que c’est le Dr Hacks l’auteur du Diable au XIXe siècle, et non
Léo Taxil.
Certains affirment que le Dr
Hacks a écrit le premier tome du Diable au XIXe siècle, et que le second
tome a été écrit par Léo Taxil. Or, le chapitre sur les juifs dans la
Franc-Maçonnerie est dans le second tome. D’ailleurs, dans ce chapitre sur les
juifs, nous lisons, page 475 :
« Ces dangereux agents
du grand-maître italien sont plus nombreux qu’on ne suppose, et l’on ne saurait
trop s’en défier. Un grave tort de M. Léo Taxil, dont je suis loin de partager
certaine manière de voir, a été de ne pas porter ses investigations du côté de
la juiverie maçonnique : il en aurait découvert de belles sur les Lemmi,
les Bleichroeder, les Cornélius Herz et autres francs-maçons israélites qui ont
su prendre une part importante à la direction de la secte. M. Drumont, lui, a
été plus perspicace, et il est probable qu’un pseudo faux frère, en qui il
aurait bien vite flairé le juif, ne lui en imposerait pas.
Du reste, les agents secrets
de Lemmi sont faciles à reconnaître ; dans n’importe quel pays, ils ont,
je le répète, un signe distinctif qui les dénonce, pour peu qu’on se
renseigne : il n’y en a pas un qui ne soit juif. »
Albert Pike : « Le
Dieu de la théurgie moderne n’est pas le démon Satan de la vieille goétie. Nous
sommes Ré-théurgistes optimates, et non praticien de la magie noire. »
« Après sa révolte, cet
ange de Lumière, « Porteur de Lumière », - comme l’est saint Christophe
– est précipité du ciel ; déchu il ne peut cependant être confondu avec
Satan, car il conserve en lui l’espoir de la Rédemption. »
(Jean-Pierre Bayard, Grande
Encyclopédie maçonnique des symboles, rubrique Lucifer, page 264.)
Dans Maçonnerie occulte suivi
de L’Initiation hermétique, de J.-M. Ragon (Paris, E. Dentu, août 1853),
page 78 :
« La cabale est la clef des
sciences occultes. Les gnosticiens sont nés des cabalistes. »
Et page 1 :
« Les sciences occultes
révèlent à l’homme les mystères de sa nature, les secrets de son organisation,
le moyen d’atteindre à son perfectionnement et au bonheur, enfin l’arrêt de sa
destinée. Leur étude était celle des hautes initiations égyptiennes ; il
est temps qu’elles deviennent l’étude des maçons modernes. »
Pike, Morals and dogma, page 626 : « The Kabalah is the
key of the occult sciences ; and the Gnostics were born of the
kabalists. »
Eliphas Lévi dans Rituel
de la Haute Magie p. 160 :
« Le Lucifer de la
Kabbale n’est pas un ange maudit et foudroyé, c’est l’ange qui éclaire et qui
régénère en brûlant »
Eliphas Lévi dans Histoire de la Magie,
p. 357 :
« Lucifer ! Le porte-lumière ! quel nom étrange donné à
l’esprit des ténèbres. Quoi c’est lui qui porte la lumière et qui aveugle les
âmes faibles ? »
Eliphas Lévi dans La clef des grands mystères, p. 700 :
« L’ange déchu n’est
pas Lucifer le porte-lumière, c’est Satan, le calomniateur de l’amour. »
On sait que la
Franc-Maçonnerie se défend d’adorer Satan. Par contre, elle aime beaucoup
Lucifer. Car pour la Franc-Maçonnerie, Lucifer n’est pas Satan. Pour eux, ce
sont les chrétiens qui ont inventé que Lucifer était Satan. Nous pouvons donc
affirmer que la Franc-Maçonnerie est luciférienne. Cette doctrine n’est pas
seulement liée au XIXe siècle, elle est toujours actuelle. Pour preuve, voici
une « Planche » maçonnique de la Grande Loge nationale française, sur
Lucifer. Elle a été publiée par Emmanuel Ratier dans sa lettre
informatique :
« Piquée sur leur site
(GLNF) évidemment privé par un adepte. Plus qu'inquiétant pour une obédience
qui se prétend "chrétienne" ! Qu'est ce que ça doit être, les autres.
Fascination du malin
LUCIFER
V.˙. M.˙. et vous tous mes frères, en
vos grades et qualités
Le thème de cette planche peut
avoir de quoi étonner; et si d'aucuns savaient qu'en Loge aujourd'hui nous
allons évoquer le nom de Lucifer, des vapeurs de souffre risqueraient
d'embrumer plus d'un esprit.
Quoi d'étonnant que l'on imagine ensuite les
maçons faisant des messes noires en présence de diaboliques entités...
Ayant été élevé dans la religion catholique,
j'avais gardé à la mémoire, empaquetés et confondus : diable, Satan et
Lucifer.
Curieux de nature, j'appris un jour que diable
venait de diabolos qui veut dire séparer... et effectivement, l'Homme n'a-t-il
pas été séparé de Dieu ? N'avons-nous pas été coupés de la conscience de notre
propre nature ? J'appris ainsi que le contraire de diable était
« Symbole », symbolos qui signifie jeter ensemble, réunir... Et je me
trouvais conforté là par le travail que nous effectuons en Loge et destiné par
l'étude des symboles à retrouver l'unité avec Dieu.
Avec le mot Satan, je découvrais l'hébreu
« Haschatan » et la signification du mot qui veut dire
« l'ennemi, l'adversaire, celui qui s'oppose ». Satan relève
effectivement de l'entité qui pousse l'homme à s'opposer à Dieu.
Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque
j'abordais le mot Lucifer. Je vous rappelle ce que l'on nous apprend :
Lucifer était le fleuron des anges créé par Dieu. Il était le plus beau,
le plus intelligent, puis, il se prit pour Dieu et voulut qu'on l'adore à la
place de Dieu. Il détourna les créatures inférieures (c'est-à-dire l'Homme et
la Femme) de Dieu en laissant croire qu'il fallait l'adorer, lui !
De ce fait, il s'opposa à Dieu (il était dans
ce cas Satan), et séparant l'homme de son créateur, il devenait le chef des
diabolos. Logique non ?
J'ai cherché dans la Bible
et voici ce que j'ai trouvé:
Concernant le
« serpent » : Genèse 111-1 à 5
Concernant le « brillant »:
Isaïe XIV-12
Pour
« Satan » :
I chronique 21 1
Job 1-6 à 12
Zacharie III-1 et 2
Mathieu XII-26, XVI-23
Marc I-13
Luc X-18, XII-3
Romain XVI-20
I corinthien V-5
2 corinthien II-11
2 corinthien XII-7
I thessaloniens II-18
Rev II-9, XII-9, XX-2
Et la liste n'est bien sûr
pas exhaustive.
Je ne vous donne pas ces
références pour faire étalage d'une quelconque culture, mais pour faire les
marques suivantes :
SATAN est présenté dans les
textes, soit comme source des oppositions à Dieu, soit comme une entité
pouvant utiliser d'autres êtres, ainsi dans Mathieu XVI-23, Satan habite
Pierre, et dans Luc XX11-3, Satan habite Judas.
SATAN est présenté comme un
ange brillant déchu, comme dans Isaïe XIV- 12, ou 2 corinthien Xl- 14 (car
Satan lui-même se transforme continuellement en ange de lumière).
Mais c'est la révélation
(appelée apocalypse) qui donne toutes les clés. Il est dit par deux fois :
« Le Dragon, le serpent originel, celui qui est appelé Diable et Satan,
celui qui égare la terre habitée toute entière. » Or, à aucun
moment, il n'est fait mention de Lucifer. Et de là vient ma surprise... Car
prenant le dictionnaire Larousse (encyclopédie), je trouve d'abord :
Monseigneur Lucifer: évêque de Cagliari, mort en
370. Étonnant ! Un évêque catholique appelé Lucifer?
Lucifer était donc un nom de
baptême ???
Et plus loin:
« Lucifer: nom sous lequel le Démon est
souvent désigné, après avoir durant les premiers siècles de l'Église été
appliqué au Christ. »
Alors là... je tombe des
nues !!!
Et toutes les belles leçons de catéchisme de
mon enfance s'effilochent pour laisser la place à une interrogation: POURQUOI
?
Que disent donc les textes, s'ils disent
quelque chose !
Je vous ai dit que la Révélation (l'apocalypse
si vous préférez) contenait la clé en ce qui concerne le dragon, le serpent
originel celui qui est appelé le Diable et Satan.
Eh bien, il y a l’autre clé ! Voici ce
que dit le texte au dernier chapitre (Révélation XXII- 16) :
« Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange
vous attester ces choses pour les congrégations. Je suis la racine et le
descendant de David et l'étoile brillante du matin. »
Or mes FF.˙., ce qui a été traduit par
« l'étoile brillante du matin » s'inscrit dans le texte original qui
est en grec: « phôphoros », qui est lumineux, de Phôs lumière... et
en latin Lucifer.
Le dictionnaire dit aussi: Lucifer,
« c'est le nom de l'étoile du matin chez les romains », et Lucifer
vient de Lux: lumière, et ferre: porter.
Quoi d'étonnant dans ce cas que Jésus se soit
défini lui-même comme le porteur de la lumière.
Nous autres F.˙. M.˙.,
fils de la lumière qui travaillons avec comme fondement le prologue à
l'évangile de saint Jean, qui fait référence à la lumière, ne considérons-nous
pas Jésus comme celui qui apporte la lumière aux hommes ?
Et c'est comme cela que les premiers chrétiens
considéraient le Christ. Dans la langue française, le nom de Lucifer est à
l'origine de mots tels que: lucide, lucidité, ce qui représente bien la lumière
!
LYON, de son nom latin Lugdunum, nous permet
de retrouver la racine Lug qui désigne aussi la lumière mais en langue celtique
Inversement, dans un
dictionnaire latin, vous apprendrez avec effroi que Hostia représente l'ennemi
irréductible que l'on détruit et que parfois on dévore pour être sûr de ne plus
le revoir. Ainsi, Hostia a donné naissance en français aux mots: hostile,
hostilité. Bref...
Que se passa-t il donc et quand cela s'est il
passé pour qu'un retournement complet s'opère et que Lucifer soit devenu
synonyme de diable et de Satan ?
C'est au concile de Nicée en 325 de notre ère,
que l'église de Rome a fait de Lucifer un ange déchu.
Nicée, 1er concile, en présence de l'empereur
Constantin et de 250 évêques convoqués pour rétablir dans l'Église la paix
troublée par l'arianisme (doctrine d'Arius). Arianisme: négation de la divinité
du fils.
Or c'est à cette époque que Mgr Lucifer est
excommunié pour avoir pris parti contre l'arianisme. J'ajoute aussi que
l'arianisme chrétien s'est surtout développé dans les communautés germaniques
et celtes. Enfin, juste avant le concile de Nicée, c'est-à-dire vers l'an 314,
Édit de Milan : l'Église devient religion d'état, se structure totalement
sur le modèle administratif des romains, persécute avec l'aide des préfets
romains les Gnostiques Chrétiens et fait disparaître de nombreux écrits
évangéliques pour ne conserver que les évangiles dits canoniques, et qui sont
nos références aujourd'hui (bien que les récentes fouilles archéologiques nous
aient permis de retrouver des textes ayant échappé à l'autodafé de l'Église.
Mais là n'est pas le problème.)
Bref ! C'est à la même époque que les fils de
la Lumière sont obligés de se cacher. L’Eglise se pose à ce moment-là et en
tant qu'organisation, comme l'intermédiaire indispensable à l'homme pour retrouver
sa vraie Nature Divine, pour retrouver l'unité avec Dieu
On juge l'arbre à ses
fruits, nous dit l'Évangile. Que penser d'une institution qui a donné les
guerres de religions, l'obscurantisme, en s'opposant au véritable message de
Jésus, le porteur de la lumière, message de paix, de foi, d'espérance et de
libération ?
Bien entendu, mon discours ne se veut surtout
pas être un réquisitoire contre l'Église car je respecte autant l'institution
quand elle confesse et dépasse ses erreurs que les membres qui en sont dignes.
Mais souvenons-nous de l’œuvre de Satan qui ayant été capable auprès de Jésus
d'utiliser Pierre et Judas à ses fins, a aussi été capable de tromper l'église
en diverses époques, créant des contre vérités, œuvrant pour la confusion source
de l'intolérance. Ce que je vous ai dit là n'est bien entendu qu'une
interprétation.
J'ai dit...
F.E . »
Jean Baylot, un conservateur, franc-maçon, a réuni sur toute l’affaire un
dossier - composé en grande partie de pièces acquises dans une librairie de
livres anciens - qui se trouve à la Bibliothèque Nationale de France. Ce
dossier, qui a été étudié récemment par Jean-Pierre Laurant, contient une série
de documents réunis par un écrivain anti-maçonnique, le colonel Emmanuel Bon, à
propos de l’énigmatique Dr Bataille.
Emmanuel Bon, officier de carrière et anti-maçon est né le 24 juin 1856
à Trévoux (Ain). Propriétaire d’une importante bibliothèque maçonnico-occultiste,
il travaille de pair avec l’abbé Paul Fesch à l’élaboration d’une Bibliographie
de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes (1910) dont seul le premier
volume est paru. Sa très grande érudition et son importante documentation
l’amènent à servir efficacement le mouvement antimaçonnique français et, plus
particulièrement, la Revue internationale des sociétés secrètes où il
signe des pseudonymes « Hiram » et « Bibliophile Hiram ».
On lui doit un ouvrage très étoffé relatif à J.-B. Willermoz et le Rite
templier à l’O.˙. de Lyon (1935). Il est décédé au château Le
Brigon à Gières (Isère) le 19 janvier 1939. Sa bibliothèque a fait l’objet
d’une vente publique à Amsterdam (Pays-Bas) en janvier 1956. Les divers
obédiences maçonniques françaises se sont alors partagé la majorité des pièces
maçonniques originales et manuscrites du dit fonds.[140]
Dans la revue Politica hermetica[141]
Jean-Pierre Laurant, nous parle du fond Jean Baylot de la Bibliothèque
Nationale de France :
« Le dossier comporte
environ 250 pièces, réunies dans un carton à dessin marqué SS90, cote du
libraire-brocanteur chez qui Jean Baylot l’aurait acheté. Il était passé,
auparavant, par les mains de Roger Ménnevée qui l’a classé et accompagné d’un
résumé de 4 pages manuscrit. Ce dernier, en publiant L’Antimaçonnisme en
France (1900-1928), avait fait référence à une note d’un anti-maçon fort
connu, Paul Copin-Albancelli (1851-1939), dans La Bastille du 25 janvier
1910 faisant allusion à un dossier Léo Taxil établissant que l’affaire avait été
montée de toutes pièces par la franc-maçonnerie. Ménnevée ajoutait :
« Le hasard d’une acquisition chez un bouquiniste a mis entre nos mains la
majeure partie des archives de Léo Taxil et de cet important ensemble il n’y a
rien qui permette de supposer que Léo Taxil était, en la circonstance, de
connivence avec la franc-maçonnerie. Des documents entre nos mains, il semble
ressortir que Léo Taxil a recherché, tant dans sa campagne anticléricale que
dans ses attaques contre la franc-maçonnerie, des succès de librairie. »
Les imprimés voisinent avec
les manuscrits, prospectus, articles de revues (sur l’évolution de l’affaire
Diana Vaughan en particulier), comptes rendus de presse, de procès…
Les papiers de famille
comprennent deux testaments, des correspondances, des contrats d’édition (avec
le docteur Hacks) et beaucoup de « papier bleu ». […]
Des pièces ayant trait à
l’énigme Léo Taxil ont été ajoutées par la suite, notamment une correspondance
Clarin de La Rive/Emmanuel Bon ainsi que les pièces réunies par ce dernier pour
l’enquête qu’il mena de son côté (l’affaire fut reprise par la Revue
internationale des sociétés secrètes de Mgr Jouin).
Ce dossier, en fait,
conforte et confirme beaucoup de choses :
C’est le personnage du Dr
Hacks qui avait retenu l’attention d’Emmanuel Bon avant même la divulgation du
19 avril 1897. F. Margo (?) mena l’enquête aux Messageries maritimes sur ce
médecin de marine qui avait effectivement beaucoup voyagé et passait pour un
homme sérieux (lettre du 25 novembre 1896), il conseillait de lire sur la
question du diable les travaux des Jésuites et d’étudier la léthargie aux
Indes. L’abbé Pellousier, curé à Digne, l’avait connu étudiant en médecine,
participant à des veillées à l’aumônerie ; il fit état, le 9 décembre
1896, de souvenirs d’entretiens sur le surnaturel et le diabolique, il était
incroyant, « nous lui avons donné les huit volumes de Mirville ce qui a déclenché sa
vocation d’occultiste. Etabli à Marseille, il avait de bonnes relations avec
mon oncle puis a disparu. »
Le père Célestin Marie, du
couvent de Pau, avait bien connu Hacks. Il répondit le 26 mars 1897 que Hacks
avait voulu gagner de l’argent mais n’avait pas, à son avis, cherché à tromper
les catholiques, « il y a des faits qu’il a rapportés que je connaissais depuis onze ans
de source anglaise. Son œuvre n’est pas celle d’un imposteur dans son ensemble,
j’ai collaboré à une dizaine de pages (il ne se souvenait plus lesquelles). Après
plusieurs séjours à l’étranger et de passage à Paris quelqu’un l’avait averti
de l’évolution du Dr qui commençait « à mal tourner »
et refusa de le
rencontrer. Il paraît qu’alors il y avait une femme qui allait tous les jours à
sa clinique et restait enfermée avec lui jusqu’après l’heure des visites
médicales. Est-ce cette personne que la franc-maçonnerie aurait députée pour le
corrompre ? J’en ai la pensée.
A cette époque il me
demandait de prier pour qu’il eut le courage de faire ses pâques.
Il m’envoya aussi une
Anglaise que la lecture de son livre avait ébranlée. Ayant fait, disait-il, ce
qui dépendait de lui, il l’envoyait à un prêtre ... »
Il précisa, le 19 avril
1897, « ce ne sont pas des récits que j’avais écrits pour Le diable au XIXe
siècle, le Dr m’avait demandé un exposé théologique de la possession… Les
faits auxquels je faisais allusion… sont relatifs à Hardman et Powell (maison
de commerce anglaise dont l’enseigne, le Trade Mark avait été interprété comme
un signe maçonnique de reconnaissance). Le Dr crut devoir se rétracter devant
les protestations de ces messieurs mais avec la conviction que j’avais comme
lui raison, qu’il avait raison. Je servis d’intermédiaire entre Hardman et le
Dr et lui envoyais tout le dossier... » Le père était intervenu
alors dans une affaire de possession et la vérité de ces faits lui avait été révélée
« je me
crus autorisé à dire au Dr pour son bien : « Faites attention
qu’après avoir joué un bon tour au diable il ne vous en joue à
vous-même ». J’avoue que sa réponse fut alors assez vague… »
Les rapports du père
Célestin et du Dr Hacks sont confirmés par 2 lettres de l’abbé de Bessonies à
E. Bon du 28 mars et du 4 avril 1897.
Maurice, le frère de Léo
Taxil, auteur d’ouvrages politiques virulents : Histoire populaire de
la Commune de Marseille, 1871-1874 et Les Contemporains marseillais,
Gaston Crémieux, se fit surtout connaître, sous le pseudonyme de Marc
Mario, par des romans comme Drames et mystères de l’occultisme, le
pouvoir suprême, ou L’Amant de la juive. Marc Mario, qui figure
parmi les personnalités des dîners de « La vie mystérieuse », en 1910,
citées par Philippe Encausse, le fils de Papus, dans la biographie de son père,
a pu renseigner Léo Taxil sur ces milieux.
Une tante de Léo Taxil, Joséphine Jogand, est bien religieuse au
couvent Notre-Dame de la Réparation à Lyon et joua un rôle important dans la
conversion de Léo Taxil.
Mgr Bellard, évêque de
Carcassonne, a déclaré, au cours d’une retraite ecclésiastique, devant 900
prêtres, avoir vu et causé dans un couvent avec Diana Vaughan. »
Voici maintenant l’exemple
typique de désinformation. A chaque fois que l’on fait allusion à Taxil, tout
de suite on nous met en garde contre lui, et l’on nous rappelle l’épisode du
Diable qui apparaît sous la forme d’un crocodile.
Voici exactement le récit du
crocodile ailé qui joue du piano, qui se trouve page 618 et 619 du Diable au
XIXe siècle :
« Sandeman, - pour parler d’un fait récent, - m’a raconté un
incident à la fois bizarre et fantastique, dont il fut la cause, il y a de cela
quatre ans à peine, au courant de l’hiver 1889-1890, à Londres. Il assistait à
une soirée intime chez milady W., qui avait choisi ses invités exclusivement
parmi les spirites, tous plus ou moins Vocates Procédants.
On fit d’abord tourner et
parler une table, mais sans que personne la touchât ; il n’y avait donc
aucune supercherie, et les assistants étaient bien tous réellement de vrais
spirites.
Sans rien dire à personne,
Sandeman, qui est, on le sait, Mage Elu, et qui a beaucoup d’initiative en
matière d’expériences, résolut de tenter quelque chose d’inédit.
C’était un samedi, jour
consacré à Moloch. Il ne prévint personne et se contenta de dire en lui-même
sept fois le nom de l’Ante-Christ, qui est : Apollonius Zabah. Il récita
ensuite, toujours dans son for intérieur, l’invocation à Moloch, en s’excusant
humblement vis-à-vis de cet esprit du feu, de ne pas l’appeler avec tous les
accessoires habituels, mais en le priant néanmoins d’apparaître à l’assistance
et de ne faire aucune victime.
Personne ne se doutait de la
manœuvre à laquelle se livrait Sandeman. Tout à coup, la table qu’on venait de
faire tourner au commandement, sans la toucher, bondit au plafond, retomba sur
le parquet, et là, subitement, se métamorphosa en hideux crocodile, ailé.
Ce fut une panique générale,
ou, pour mieux dire, tout le monde, sauf Sandeman, était pétrifié, cloué sur
place. Mais la surprise fut au comble, quand on vit le crocodile se diriger
vers le piano, l’ouvrir, et y jouer une mélodie, aux notes des plus étranges.
Et tandis qu’il pianotait, le
crocodile ailé tournait vers la maîtresse de la maison des regards expressifs,
qui, on le pense bien, mettaient celle-ci fort mal à l’aise.
Cependant, Moloch n’était
pas dans un de ses jours de cruauté.
Le crocodile, enfin,
disparut brusquement. La table était, ainsi qu’auparavant, au milieu du salon,
mais chargée de bouteilles de gin, whisky, pale-ale et autres boissons offertes
aux invités ; seulement, toutes les bouteilles avaient été vidées comme
par enchantement et sans avoir été débouchées. L’assistance ne réclama pas,
heureuse d’en être quitte à si bon compte. »
Faisons trois remarques :
1° : Ce n’est pas Léo
Taxil, mais bien le Dr Hacks qui est l’auteur de ce passage. Nous avons
démontré que c’est bien le Dr Hacks qui a écrit les deux tomes du Diable au
XIXe siècle. Et même si on croit à ce que raconte le Dr Bataille après son
« retournement », il faut admettre que c’est lui qui est l’auteur du
premier tome du Diable au XIXe siècle. En effet, il a dit qu’il était
l’auteur du premier tome et Léo Taxil était l’auteur du deuxième tome. Or, ce
passage du crocodile ailé fait partie du premier tome.
2° : Théologiquement,
cette histoire du crocodile n’est pas impossible. Le diable peut apparaître (ou
donner l’impression d’apparaître) sous n’importe quelle forme. Il n’y a rien
dans cette histoire qui ne soit irréalisable pour le diable.
3° : Le Dr Bataille se
contente de raconter ce que lui a dit le palladiste Sandeman. Il n’a pas été
témoin. Et c’est pour cela qu’il ne dit pas si cela est vrai ou non.
Je croirais assez, pourtant, à une conversion réelle et sincère, à ses
débuts, de Taxil-Jogand. Malgré de sérieux arguments en sens contraire, il me semble
qu’il a donné d’abord des marques difficiles à récuser d’un changement de vie.
Puis il lui est arrivé ce qui arrive à tant d’autres, à tous les degrés,
hélas ! de la pratique chrétienne. On avait eu le tort d’ouvrir à ce bas
pamphlétaire, après un accueil trop enthousiaste, un crédit quasi illimité,
sans contrôle, comme apologiste applaudi, avidement lu, aveuglément suivi. Ce
Méridional expansif avait gardé le goût de l’argent et devait succomber à une
autre faiblesse plus commune encore. Sur la pente des exagérations profitables
à sa publicité, il ne tarda guère à rouler jusqu’aux inventions si faciles en
pareil sujet. De premiers embarras financiers, des liaisons coupables le
rejetèrent dans les filets de la secte, inquiète du tapage soulevé autour d’elle
par cette grotesque parade de foire. La mascarade était capable de mettre à la
fin en mouvement une opinion que n’avaient pas émue les dénonciations les plus
sérieuses. Il fallait en finir, et la Loge, ayant remis la main sur cette âme
misérable, profondément corrompue par ses anciennes habitudes de charlatanisme,
lui imposa cette abjecte comédie de la rétractation, si conforme à tout son
passé de bateleur.
La grosse difficulté reste, d’ailleurs, dans
cette hypothèse, de déterminer où commence et où finit exactement, dans cette
production anti-maçonnique, le plagiat, puis le bluff, puis l’éhonté mensonge
pour un malheureux trop longtemps accoutumé à vivre d’une plume sans scrupule
et de scandales.
N’en déplaise à la volée d’étourneaux
catholiques, aujourd’hui encore écartés du véritable état de la question par ce
vieil épouvantail, il y a des perles entassées sous ce fumier ;
l’insurmontable dégoût est seulement d’avoir à les en démêler. La vraie
solution, je crois, serait donc de reprendre à pied d’œuvre toute l’affaire du
satanisme maçonnique, avant l’intervention de ce misérable et cynique
simulateur.
Mais qui donc aujourd’hui est de taille à
entreprendre cette lourde tâche ? […]
Un mot, à propos de Diana Vaughan : car
c’est ici surtout, que l’affaire devient inextricable. Quelle qu’ait été la
femme dissimulée sous ce masque et quoi qu’on pense de ses prétendues
révélations - même au cas où Léo Taxil en aurait été entièrement l’inventeur -
il n’en reste pas moins qu’une personne a été présentée ou s’est présentée,
avant l’esclandre, plusieurs fois, sous ce nom, à d’indiscutables témoins,
machination, tant qu’on voudra ; il ne s’agit point d’un fantôme. Le
diable Bitru n’a d’existence acceptable qu’à condition d’admettre toute la
fable du palladisme ; mais une soi-disant Diana Vaughan en chair et en os,
complice ou antagoniste de Taxil, a vécu. On l’a vue, on lui a parlé ;
elle a écrit de sa main quelques lignes au moins qui ne sont point de Taxil.
Apparemment distinguée, instruite, étrangère, nullement ressemblante aux
portraits que Taxil-Bataille ont donnés d’elle : d’où plusieurs incidents
feints ou sincères, peu importe ici. Qui donc était cette femme et qu’est elle
devenue ?
Bien malins ceux qui excluent, a priori, en
tout état de cause, la possibilité d’une exécution à la veille de la
rétractation publique imposée à Taxil. Il y a, par centaines, d’autres exemples
de machinations aussi compliquées et de disparitions sanglantes. Dans certaines
villes, la police se lasse de les compter. Or, à mon sens, le fait capital du
procès est peut-être celui-ci. Jamais Taxil n’a pu, après l’incident, malgré
les défis qui lui furent portés par plusieurs anti-maçons qualifiés,
représenter à ceux qui l’avaient précédemment connue sous le nom de Diana
Vaughan, la personne qu’il a prétendu par la suite avoir été sa maîtresse du
moment ou sa secrétaire. Comparse ou victime, cette figure s’est évanouie à
jamais dans l’ombre et il semble permis d’en conclure tout au moins à la
fausseté de sa prétendue familiarité avec Jogand-Taxil. […]
J’ai suivi un certain temps, à la R. I. S.
S., le développement de cette campagne, dans l’espoir d’une plus complète
lumière ; mais rien ne venant, du moins à mon gré, je me désintéressai dès
avant mon départ, d’une controverse sans issue, dont je n’ai d’ailleurs eu, à
aucun moment, la direction ni le contrôle.
Et de même pour l’autre mystification de l’O.
T. O. ou Ordre du Temple d’Orient, dont l’animateur, Aleister Crowley, m’est
toujours apparu comme un sinistre et fangeux charlatan plutôt que comme un
véritable sataniste. La malle contenant les papiers relatifs à cette
Sur-Maçonnerie de carnaval avait été expédiée déjà à la campagne où, durant les
vacances, auprès de Mgr Jouin, j’étais invité à tirer de là, en 1929, un second
volume ou roman destiné à faire pendant à L’Elue du Dragon. Mais c’était
descendre vraiment trop bas dans l’échelle des diableries, en dépit d’un
certain nombre de pièces curieuses - beaucoup plus authentiques, soit dit en
passant, que la prétendue affiliation du cardinal Rampolla du moins à cette
Maçonnerie excentrique, invention bâtarde de Reuss et de Crowley. J’allai,
seul, cette année-là, préparer dans mon diocèse ma retraite définitive.
Et je ne vois pas que la R. I. S. S. ou Mgr
Jouin ait attaché, beaucoup plus que moi, depuis ce temps-là, à ces questions
un peu en marge, une importance exagérée.
Seul M. Brenier a donc pu se méprendre -
volontairement - sur la portée de cet incident.
L’Elue du Dragon est une autre
affaire.
Le volume s’est rapidement enlevé, comme on sait,
depuis 1928, bien que M. Brenier affecte de faire à son sujet la petite bouche.
Des traductions s’en répandent un peu de tous côtés à l’étranger et, encouragé
par ce succès, je viens d’en donner une réédition aux Nouvelles Editions
Latines, 21, rue Servandoni (6e). J’aurais mauvaise grâce de me plaindre à M.
Flavien Brenier d’avoir fait, au moment opportun, à cet ouvrage, une réclame
aussi gratuite qu’en vain sollicitée de l’Action Française.
Sans doute, ses commentaires sont peu aimables ; mais je préfère
de beaucoup ses injures à ses compliments : elles sont peut-être un nouvel
indice que cette publication a touché juste.
L’authenticité des Mémoires de
Clotilde Bersone n’est guère contestable, en effet, et le manuscrit original,
dicté par elle, que je croyais encore au Hiéron de Paray-le-Monial, est
aujourd’hui, parait-il, aux mains de la Revue international des Sociétés
secrètes. L’existence et la vie d’intrigues d’une soi-disant comtesse de
Coutanceau, vers les années 80, nous avaient été attestées par Mme Juliette
Adam. De nombreux détails sur Garfield, sur d’autres personnages et sur
d’autres scènes extraordinaires de ce récit se sont amassés depuis. J’apprends
même que de sérieuses recherches, en dehors des miennes, ont abouti au repérage
exact et aussi complet qu’on le pouvait souhaiter, de l’emplacement et de la
disposition encore visible de cette fameuse Grande Loge des Illuminés, qui a
tant fait sourire les sceptiques.
Que, sur certains points, par contre, la
Bersone se soit trompée, ou même, ait voilé la vérité ou menti, c’est bien
possible. J’ai dû effacer, dans l’Elue du Dragon, la trace de
quelques-unes de ses méprises les plus choquantes ; et je n’avais pas
attendu les véhémentes représentations du délicat M. Gatebois pour accentuer,
dans la préface de la seconde édition, mes premières réserves. Il n’en reste
pas moins un fond de tableau saisissant, dont rien ne permet de suspecter la
réalité. Il y a, au contraire, dans ces pages, une description si poussée, si
vivante, si féminine, des décors, des costumes, des cérémonies, que l’invention
en serait comme le monstrueux chef-d’œuvre d’une imagination digne de
s’appliquer à d’autres objets.
Sans doute bien des esprits ont hésité à
admettre, en particulier, les tragiques manifestations en loge du Dragon, et je
ne saurais leur en faire un grief. C’est l’endroit qui nous a fait le plus
longtemps hésiter, Mgr Jouin et moi. Nous n’avons franchi le pas qu’après avoir
consulté des théologiens dont la compétence surpasse de beaucoup, en ces
matières, celle de M. le chevalier de Saint-Christo ; et il est au moins
singulier que ces manifestations sataniques déconcertantes aient été présentées
avec une rare entente de la démonologie par une femme incapable par ailleurs de
dissimuler, même après sa fuite au couvent, dans sa confession originale, les
tares persistantes de son cœur. Aussi, pour mon compte, l’objection la plus
grave à faire à cette déposition me semblerait-elle plutôt l’accusation de
crimes atroces lancée pêle-mêle contre les plus célèbres personnages de
l’époque et, en particulier, contre à peu près tous les hommes politiques, sans
distinction de parti, jusque sur les bancs les plus respectés de l’opposition
catholique.
Qu’on discute donc, tant qu’on voudra sur la
véracité du récit ou sur l’objectivité de ces phénomènes. Il est difficile de
se prononcer, aussi bien sur cette histoire d’autrefois que sur tant de scènes
similaires qui se reproduisent presque tous les jours à Paris, dans les Loges
satanistes de toute envergure, rue Daunou, avenue des Champs-Elysées, dans les
parages du Rat Mort, autour de Saint-Sulpice, et ailleurs encore, à
Fontainebleau, à Lyon, etc. Mais que trouve t-on, après tout, de si étonnant à
ce que, au bout d’interminables séances d’évocation, sous 1’influence des
incantations, des violents parfums, des excitations érotiques, des profanations
sacrilèges, des stupéfiants, certains détraqués croient, tout au moins, voir
apparaître le Maître auquel ils se sont voués ? M. Flavien Brenier nous
jure que ce n’est pas lui : qu’en sait-il ? Pourquoi la Bersone qui,
de son propre aveu, fut un remarquable médium, ne nous aurait-elle pas conté
très sincèrement ses transes de visionnaire ?
Il est vraiment trop commode de nier en bloc
ces étrangetés et ces horreurs : et c’est ainsi qu’à la R. I. S. S. même,
certains de nos collaborateurs doutaient encore, malgré d’effroyables
confidences, de la réalité et de la fréquence dans nos églises, des vols
d’hosties destinées à la célébration de ces odieux mystères, jusqu’au jour où
un dignitaire de la Maçonnerie en fit l’aveu public, écrit, dans une revue de
la Secte, à la mort d’un malheureux prêtre apostat, confessant ainsi du même
coup ce que sont, pour ces soi-disant incroyants, leur foi haineuse en la
présence eucharistique et la signification du Dépôt sacré.
Ah ! M. Flavien Brenier-Gâtebois de
Saint-Christo tient à ce qu’il n’y ait là-dessous aucun satanisme ! Cette
« littérature » lui porte sur les nerfs. C’est bien dommage. Il aura encore des
surprises.
Quant à la R. I. S. S., à Mgr Jouin ou à moi,
on voit assez ce que l’enquête sur Diana Vaughan ou la publication de l’Elue
du Dragon, représentaient exactement : une série de documents, en
attendant les gloses utiles et les conclusions opportunes. Il s’agissait de
poser à nouveau, aussi vivement que possible, la question du satanisme dans la
Franc-Maçonnerie.
Question ardue et disputée, encore une fois,
mais de première importance, devant laquelle nul croyant sincère n’a le droit
de reculer et que même un honnête adversaire de l’hégémonie maçonnique dans
notre pays et dans le monde ne peut écarter, sans renoncer du même coup à une
exacte estimation de la mentalité sectaire !
Et cette question, ni la R. I. S. S., ni l’Elue
du Dragon n’ont jamais eu, certes, la prétention de l’avoir résolue,
comme cela, du premier coup, d’une façon définitive. Hélas ! il n’est même
pas très sûr qu’elle reste posée, comme Mgr Jouin l’a souhaité, au premier plan
de l’action maçonnique.
Comme celle de la haute direction juive des
Loges et celle des infiltrations maçonniques dans l’Eglise, la question du
Satanisme risque, au contraire, à brève échéance, d’être plus ou moins
délaissée et la bataille de plus en plus sera ramenée sur l’étroit terrain,
accepté par l’ennemi comme le moins défavorable, où évoluèrent si longtemps la Bastille,
l’abbé Joseph Tourmentin et tant d’autres inoffensifs lutteurs.
Ce n’est pas un progrès.
Toutefois, ce que les hommes comme le Père
Portalié, le Père Gruber[143]
et d’autres perdirent de vue, c’est le fond de vérité, d’une importance
incalculable, contenu dans les œuvres attribuées à Léo Taxil, qu’il aurait
fallu dégager de l’invraisemblance qui le masquait habilement. Comme principe
général, il est bon de se souvenir que l’imposture n’existe qu’autant qu’elle
est basée sur certains côtés de la vérité propres à inspirer confiance. C’est
ce qu’on ne fit pas assez entrer en ligne de compte. Il semble, en vérité, que
les adversaires de Taxil ne purent voir la forêt parce que l’arbre devant
lequel ils s’étaient placés couvrait à lui seul leur champ visuel. Il est, en
effet, stupéfiant de constater qu’au cours de toute la polémique qui eut lieu
avant la séance du 19 avril 1897, peu de travail fut fait pour étudier le côté
occulte de la maçonnerie qui, à ce moment, battait son plein. On ne peut, non plus,
s’abstenir de souligner que ce sont précisément les livres de Bataille, Le
Diable au XIXe siècle, et ceux de Taxil, de Diana Vaughan et de Margiotta
qui contenaient le plus de vérité. Avec beaucoup de bon sens, une patience
inlassable et des connaissances approfondies et étendues de plusieurs langues
et de divers pays, on eût recueilli dans ces œuvres bien des pierres qui
auraient formé une mosaïque saisissante de vérités.
En effet, il est indispensable de se rappeler
que depuis 1870, une recrudescence d’occultisme et de spiritisme s’était
manifestée aussi bien en Europe qu’en Amérique. Pour ne citer que quelques-unes
des écoles d’occultisme et de spiritisme qui faisaient nombre de disciples,
l’on trouve au premier rang celle d’Eliphas Levi (Surnom kabbalistique
d’Alphonse-Louis Constant, 1810-1875. Grand kabbaliste ainsi que le nomme son
historien Paul Chacornac, il écrivit plusieurs traités sur l’occultisme. Il
s’était d’abord destiné au sacerdoce qu’il abandonna. Après avoir passé par
l’école d’un socialisme outré, il tomba sous l’influence de la mystique de
Swedenborg, devint disciple de Hoene Wronsky, fut initié dans la maçonnerie.
Ayant aussi, au cours d’un séjour qu’il fit à Londres (1854) et en compagnie du
romancier Bulwer Lytton, démontré son pouvoir d’évocation, il devint rapidement
un des maîtres reconnus de l’occultisme.) pour l’occultisme occidental ;
puis, en Angleterre, où le développement de l’influence hindoue, - implantée en
1830 par Ram Mohun Roy ((1774-1833), Hindou et disciple des Lamas du Tibet,
fonda en Angleterre en 1830 un cercle d’occultisme oriental et de mystique
appelé Brahmo Somaj. Un de ses plus fervents disciples fut Sir Bulwer Lytton.)
et plus tard, en 1870, par Keshub Chunder Sen, - avait fertilisé le sol pour
l’éclosion de l’occultisme oriental, on voit fleurir la Théosophie. Les deux
courants de Kabbale et d’Hindouisme se développent parallèlement.
C’est également en Angleterre que se forment
de multiples groupes tels que la Societas Rosicruciana in Anglia, fondée
en 1866, et qui, en 1888, organise l’ordre secret du Golden Dawn (l’Aube
d’Or) ; la société Fratres Lucis (1882) ; la Société
Hermétique d’Anna Kingsford et E. Maitland (1884), et enfin tous les
groupes théosophiques de Madame Blavatsky. L’on y trouve aussi la secte
abominable de Thomas Lake Harris et Lawrence Oliphant dont les principes
obscènes ne sont égalés que par l’Illuminisme de Karl Kellner et Théodore
Reuss.
En Amérique, on trouve la Fraternité
Hermétique de Luxor, société secrète à laquelle avaient appartenu et Albert
Pike, chef suprême du Rite Ecossais et H. P. Blavatsky. Puis on y observe le
développement a pas de géants de l’occultisme dans le Rite Ecossais
(L’occultisme Luciférien a toujours pris dans l’Ecossisme ou Rite Ecossais des
proportions extraordinaires. En 1875 et même auparavant, le siége du Suprême
Conseil des Grands Inspecteurs Généraux du 33e degré était à Londres, 33,
Golden Square. C’était alors la demeure de Hugh David Sandeman qui, d’après les
records maçonniques, avait été, en 1862, Grand Maître de la Grande Loge
d’Angleterre et officier du Grand Chapitre de Royal Arch de la province de
Bengal (Inde). Sandeman y avait là de grands entrepôts de vin.
Monseigneur Meurin, dans son livre
intitulé : « La Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan »
fait mention de la situation du Suprême Conseil à cette adresse du n° 33,
chiffre ayant grande importance dans la kabbale de l’Ecossisme. Cette remarque
a été tournée en ridicule par A. Waite dans son livre : Devil Worship
in France. Cependant, jusqu’à il y a environ quatre ans, ce qui restait de
la maison de Sandeman, 12, St John Street, abritait : « The Faculty
of Arts » (Faculté des Arts), ayant à sa tête le juif Lord Burnham (Levy
Lawson), le temple maçonnique servait de salle pour les conférences et les
concerts ; des initiations y avaient également lieu. Les triangles
renversés étaient partout en évidence. Les souterrains étaient encore en usage.
En 1924, un livre intitulé : The nameless Order (l’Ordre sans nom)
fit son apparition. Mrs Nesta Webster, l’auteur bien connue, lui fit une grande
réclame. Le pseudonyme Dargon cachait le nom de l’auteur, Sir George Mac Gill,
mort en 1926, et de quelques collaborateurs. La description d’un temple
« où des messes noires et orgies de toutes sortes pour les adeptes et
initiés avaient lieu », n’était autre que celle de ces souterrains de
l’ancienne demeure de Hugh D. Sandeman. On y voyait, en certaines occasions,
des femmes initiées de haut grade dont les vêtements singuliers étaient
identiques à ceux que décrivait Dargon dans son livre (robe rouge flamboyant
garnie de peaux de léopard, ou de noir) comme marque distinctive des Grandes
Maîtresses.
Aujourd’hui, la maison a été détruite, et la
Faculté des Arts est allée s’abriter ailleurs.) et dans les sociétés
théosophiques issues de celle de Blavatsky.
En France, le Rosicrucianisme de Stanislas de
Guaita, du Sâr Peladan, d’Oswald Wirth, de Goblet d’Alviella, l’hindouisme de
Saint Yves d’Alveydre côtoient le développement de l’occultisme et du
spiritisme des salons mondains tels que celui de la théosophe Lady Caithness,
Duchesse de Pomar (née à Londres en 1830, morte à Paris en 1893. Théosophe et
spirite. Elle se croyait la réincarnation de Marie Stuart. Elle fut à Paris le
chef du groupement théosophique de Blavatsky : Société Théosophique
d’Orient et d’Occident, et édita une revue, l’Aurore. Son salon fut
le rendez-vous de tous les occultistes du temps. Il est bon de noter que Jules
Doinel (Jean Kostka) et Léo Taxil le fréquentaient.) On y verra aussi
l’indécence du culte d’Isis mis sur la scène par un littérateur théosophe,
Jules Bois (Littérateur. En qualité de théosophe, il s’occupa beaucoup
d’occultisme et fut disciple de l’abbé Boullan, prêtre défroqué de Lyon qui
mourut en 1893. Jules Bois attaqua violemment Stanislas de Guaita qu’il accusa
d’avoir « envoûté » l’abbé Boullan et causé sa mort. Dans une lettre
au Gil Blas du 9 janvier 1893, Jules Bois se disait un « adepte de
la magie ».), de concert avec Mac Gregor Mathers, Mage de la Societas
Rosicruciana in Anglia et chef du Golden Dawn, et de sa femme, sœur
du philosophe juif Henri Bergson.
C’est aussi l’époque (1892) de la formation
de la Franc-Maçonnerie féminine, l’Ordre mixte international du Droit humain.
En Allemagne fleurissent la théosophie de
Blavatsky, les loges occultes Swedenborgiennes soumises à John Yarker, chef
anglais, et enfin l’illuminisme de l’Ordre de l’O.T.O. (Ordre des Templiers
d’Orient) qui ouvrira et gouvernera dans tous les pays ses antres d’abomination.
Ensuite, contester comme beaucoup l’ont fait
le nom de Palladisme, l’attribuant à l’imagination fantaisiste de Léo
Taxil, était aussi une erreur. Dans la « Cyclopoedia of Fraternities »
de Stevens, on trouve que « l’Ordre du Palladium fut institué en 1730 et
introduit de bonne heure à Charleston. Là, il sommeilla jusqu’en 1886, époque
où il refleurit sous l’aspect nouveau du Palladium Réformé pour imprimer
une activité nouvelle aux traditions de la Haute Maçonnerie. Il est peu connu,
car le nombre de ses membres est très limité, et le plus grand secret enveloppe
ses délibérations. »
Et comme deux assertions valent mieux qu’une,
il est bon de citer ici celle du Dr Edouard Blitz, Chef du Grand Conseil
Martiniste aux Etats-Unis, Chevalier du Temple, Maçon.˙., Maître à tous
les grades du Rite d’York, etc., qui dans une lettre donnée plus loin dit entre
autres :
« ORDRE DU PALLADIUM
On dit que cet ordre est divisé ainsi en deux
grades masculins et en un grade féminin. Le premier et le second grade sont ceux
d’Adelphos et de Compagnon d’Ulysse pour les hommes. Le troisième
est celui de Compagne de Pénélope pour les femmes. On dit qu’il fut
institué en 1730 et introduit aux Etats-Unis en 1770. Le siège suprême était à
Charleston (Caroline du Sud). Là, l’Ordre sommeilla apparemment jusqu’en 1884,
époque à laquelle on le tira de son sommeil et en 1886, il réapparût sous le
nom de Palladium Nouveau et Réformé. A cette époque on déclara qu’il
était institué à nouveau afin d’imprimer une nouvelle énergie aux traditions de
la Haute Maçonnerie. Ses conciles se tiennent « incognito » et les minutes
en sont secrètes et ne sont jamais imprimées. Les membres sont en petit nombre
et très discrets. L’organe de cet ordre du Palladium est « Le Palladium
Libre et Régénéré ». »
Le Dr
Blitz donne comme source de ce renseignement : Le Résumé des
Fraternités secrètes, par S. G. Gould, 32°.
Léo Taxil mentait donc effrontément lorsque
le 19 avril 1897, il disait que le Palladium avait été inventé par lui et par
conséquent n’existait pas.
En tout cas, la fondation des Loges secrètes
du Golden Dawn dont les initiations avaient lieu dans l’édifice de la
Grande Loge d’Angleterre (Mark Masons Hall, Londres), offrait toutes les bases
nécessaires pour la narration de faits analogues à ceux des Mémoires ;
là, hommes et femmes étaient admis aux études et pratiques de l’occultisme et
de la magie, et ces loges présentaient une singulière analogie avec les «
Triangles » décrits par Diana Vaughan. (Dans son livre : The
Confessions of Aleister Crowley, p. 250, Aleister Crowley, chef actuel de
l’0.T.0., décrit son initiation à l’Ordre du Golden Dawn comme ayant eu lieu au
Mark Masons Hall, temple maçonnique de la Grande Loge d’Angleterre.
De plus, Arthur Waite qui, en fait de
maçonnerie, semble avoir comme ambition d’être l’omniscience, décrit dans son
volume : La Fraternité des Rose-Croix, un centre rosicrucien qu’il
appelle centre de l’ouest de l’Angleterre, créé en 1874, dont le chef, Major F.
G. Irwin, était aussi un des mages de la Societas Rosicruciana in Anglia.
Les prétendues révélations de cet Ordre rosicrucien étaient contenues dans un
manuscrit : « The Star rising in the East » (L’étoile qui
s’élève à l’Orient) ; l’introduction était signée Thomas Vaughan. De fait,
Waite ajoute que tous les « travaux » de ce cercle, y compris
l’occultisme et le spiritisme moderne, étaient fait d’après les révélations que
l’on présentait comme l’œuvre de Thomas Vaughan. Indépendamment de ce qu’écrit
Mr Waite, il est connu que ce centre rosicrucien admettait et initiait les
femmes, et les noms de plusieurs de ses adeptes se retrouvent dans l’ordre
rosicrucien du Golden Dawn).
De plus, personne n’ignore que tous les
disciples de Blavatsky, hommes et femmes, se livraient aussi à ces mêmes
pratiques, et que nombre d’entre eux se proclamaient récipiendaires de
relations surnaturelles. La correspondance de Lady Caithness et celle d’Anna
Kingsford en offrent d’abondantes preuves. Que dire aussi des analogies entre
les fait, mentionnés par Diana Vaughan, ses révélations, ses visions et surtout
son érudition et ceux contenus dans la vie d’une luciférienne anglaise
contemporaine ?
De quelque source qu’il les tint, il est
incontestable que Léo Taxil avait des documents authentiques émanant de
l’intérieur même des loges satanistes. Que pour en déguiser la source et la
portée, il eût, avec son cerveau méridional et son amour des tréteaux, inventé
la mise en scène, cela n’enlèverait rien à l’authenticité de certaines
révélations. Ainsi, aux pages 143 et 247 des Mémoires, il est question
des Lucifériens anglais. Si les négateurs de même que les défenseurs de Diana
Vaughan avaient suivi sérieusement la piste indiquée, ils eussent abouti à
l’étude de l’organisation de la Rose-Croix anglaise, et, avec quelques
recherches minutieuses, ils n’eussent pas manqué de découvrir les loges du Golden
Dawn, lesquelles, d’après le témoignage même de l’auteur des « Lightbearers
of Darkness » qui en fit partie, sont lucifériennes. En suivant le courant, ils
eussent fatalement abouti, comme il a été dit plus haut, à la découverte de l’Ordre
d’Illuminisme allemand, l’O.T.O., étroitement lié à la Societas
Rosicruciana in Anglia, et qui a pour but, cyniquement avoué, la
reconstitution du culte phallique que ses chefs s’efforcent de substituer à la religion
chrétienne. La correspondance échangée entre Karl Kellner et Théodore Reuss
fait, en vérité, pâlir les révélations de Diana Vaughan que le Père Portalié
qualifiait d’obscènes. […]
Et si la Societas Rosicruciana in Anglia,
composée de Francs-Maçons de la Grande Loge d’Angleterre, a des arrière-loges
occultes comme celles du Golden Dawn, pourquoi devrait-on repousser
l’idée que le Rite Ecossais d’Albert Pike avec son « Palladium » régénéré en
1886 n’en avait pas aussi établi de semblables pour rivaliser avec elles ?
Ne trouverait-on pas dans cette supposition l’explication de la lutte entre
deux camps maçonniques rivaux à laquelle il est constamment fait allusion dans
les Mémoires ? Il y a bien des points à éclaircir pour expliquer la
différence entre les Lucifériens et les Satanistes de cette époque.
La lecture de la correspondance publiée dans
ce volume fera ressortir la bonne foi absolue et la bonne volonté de prêtres
comme les abbés de Bessonies, Mustel, Billet (doyen de la Faculté théologique
de Lille) et comme aussi celles de Mgr Fava, de Mgr Meurin et M. de la Rive.
Elle fera certainement déplorer le danger de l’ignorance des sources mêmes du
mal, de ce ver corrupteur que sont les sociétés secrètes qui enrôlent les âmes
et les mènent à l’abîme, car il est évident que nul parmi les membres qui
composaient la Commission romaine (Cette Commission romaine fut créée au sein
du Comité de l’Action anti-maçonnique de Rome, section 4 du Congrès de Trente,
pour examiner spécialement la question de l’existence de Diana Vaughan. Elle
était composée du Commandeur Alliata, M. Pacelli, Mgr Verzichi, sous la
direction de Mgr Lazzareschi. Dans son verdict, elle déclara « n’avoir
trouvé aucune preuve péremptoire soit pour, soit contre l’existence, la
conversion, l’authenticité des écrits de la prétendue Diana Vaughan. »)
chargée d’enquêter sur l’auteur des Mémoires n’avait la connaissance la
plus élémentaire de l’existence ou des agissements des loges du Golden Dawn
et de l’O.T.O.
C’est à cela et à la provocation de querelles
personnelles qu’il faut attribuer l’échec lamentable du Congrès anti-maçonnique
de Trente et le triomphe de la Franc-Maçonnerie.
Seules les œuvres anti-judéo-maçonniques de
Monseigneur Jouin en France et de MM. Müller von Hausen et Théodore Fritsch en
Allemagne poursuivirent avec désintéressement l’effort et continuèrent la tâche
si courageusement entreprise de ces pionniers que Léo Taxil osa se vanter
d’avoir dupés avec tant de cynisme.
La lumière n’est pas encore entièrement faite
sur cette supercherie à double tranchant mais elle est en bonne voie de se
manifester, et elle mettra alors en relief les traits satanistes de ceux qui, à
l’époque de « Diana Vaughan », étaient les Porte-Lumière des Ténèbres.
L. Fry.
8 décembre 1933.
Tout ce que l’on sait, c’est que Diana Vaughan est
« mi-française, mi-américaine », et qu’elle est née à Paris d’un père
originaire du Kentucky (de Louisville, précisément) et d’une mère protestante cévenole.
Le nom de sa mère est longtemps resté inconnu, mais le travail admirable du
marquis de la Franquerie a permis de la découvrir. Dans son livre Lucifer et
le Pouvoir Occulte[144],
le marquis nous apprend que « Diana Vaughan est née le 29 février 1864 dans
le Kentucky, aux Etats-Unis. Sa mère Léonie de Grammont était d’origine
cévenole, donc française. »[145]
Comment a-t-il pu connaître le nom de la mère de Diana Vaughan ? Nous
pensons que c’est en enquêtant sur l’évêque à qui Léo Taxil avait dit les
renseignements qu’il n’osait publier publiquement car cela aurait pu menacer la
sécurité de Diana Vaughan, lors du Congrès de Trente. Nous pensons que le
marquis de la Franquerie a retrouvé cet évêque ou des écrits de celui-ci.
Dans Satan franc-maçon
d’Eugen Weber[146],
nous lisons page 46 et suivantes :
« Nous nous devons
d’intervenir à ce point pour éviter au lecteur ce qui pourrait être une grave
erreur : la tentation de suivre Miss Vaughan dans sa version de ses
origines familiales. Sans mettre en doute la bonne foi de la jeune
Kentuckyenne, il nous faut remarquer que son histoire repose sur une confusion,
assez compréhensible par ailleurs, entre deux Philatèthes du XVIIe siècle -
Eugène et Irénée : le premier étant Thomas Vaughan, le deuxième,
personnage qui reste toujours inconnu, l’auteur d’ouvrages d’occultisme
qui sont trop souvent attribués au bon Gallois.
Thomas Vaughan (1622-1666),
alchimiste et poète, et poète encore plus qu’alchimiste, fils d’une ancienne et
honorable famille du pays de Galles, fut éduqué à Oxford. Ayant choisi la cause
du roi Charles I - et non celle de Cromwell ![147]
- il se retira de la vie publique après la défaite de celui-ci, se dévouant aux
études de chimie qui devaient lui donner la réputation d’un alchimiste. On le
disait rosicrucien, bien que sa préface à une traduction de la
« Confession des Frères de la Rose-Croix » (Londres, 1652) déclare
qu’il n’avait aucune relation avec la fraternité, ni aucun désir d’en avoir[148].Comme
la plupart de ses ouvrages devaient paraître sous le pseudonyme d’Eugenius
Philalethes, il allait être confondu avec un autre écrivain mystique, plus ou
moins contemporain, au pseudonyme d’Eirenaeus Philalethes, mais qui avait aussi
tâté une fois du prénom d’Eugène. Au siècle suivant, Langlet-Dufresnoy allait
confondre les deux personnages et attribuer un ouvrage d’Irénée qu’il
traduisait lui-même, l’Introitus apertus ad occlusum Regis Palatium
(L’Entrée ouverte au palais fermé du roi), à Eugène, c’est-à-dire à Vaughan.
« Il semble bien
établi qu’il n’existe aucune identité entre Vaughan et cet étrange personnage
d’Irénée. Et n’importe qui peut voir dans l’édition de Langlet-Dufresnoy
lui-même, Irénée déclarant qu’il avait trentre-trois ans en 1645 quand, né en
1622, Thomas Vaughan avait dix ans de mons. Mais si l’erreur de Diana Vaughan
est manifeste, [… ]»
Or, il n’y a pas d’erreur de
la part de Diana Vaughan, puisqu’elle démontre justement dans ses Mémoires,
que les biographies officielles sur Thomas Vaughan se sont trompées sur sa date
de naissance.
Diana Vaughan ne confond
donc pas Eugenius Philalethes (Thomas Vaughan) et Eirenaeus Philalethes, comme
l’auteur voudrait nous le faire croire par ses allusions (bien qu’il admet que
« Diana pouvait se méprendre sur des questions généalogiques et
historiques qui trompent même les spécialistes »). Tout simplement,
Eugenius Philalethes et Eirenaeus Philalethes ne sont qu’une seule et même
personne.[149]
Exemples :
P. 12 :
« Ah ! Contre les
divulgations du docteur Bataille vous avez poussé, chez vous, des cris à
ébranler les murailles de vos temples !… Eh bien, je vous annonce mieux
que tout ce qu’a pu dire ce catholique romain ».
P. 26 :
« Quelques
rectifications de dates ont été accueillies avec courtoisie par le premier
narrateur ; M. de la Rive a bien voulu aussi rectifier un incident,
rapporté par le docteur Bataille d’après une légende très accréditée, mais inexacte ».
P. 67 :
« Parmi mes livres
emportés au couvent, était celui de Jean Kostka : Lucifer démasqué,
ouvrage d’un admirable style, d’une profonde science, aux hautes envolées
mystiques, et plein de vérité ».
P. 77 :
« Le docteur Bataille a raconté les scènes de sauvagerie des
triangles, il a montré mes ex-Frères et mes ex-Sœurs se ruant contre les
Saintes Espèces et les transperçant avec rage. Il a relaté l’existence de ces
boites, imaginées par le F\ Hobbs, dans lesquelles un
fragment d’hostie est enfermé et maintenu pressé, en même temps que déchiré,
par un morceau de liège garni de pointes d’aiguilles. Il a dit la triste
vérité, mais l’exacte. Ces appareils, d’invention diabolique, sont devenus d’un
usage courant dans le Palladisme ».
P. 301 : « Dans
l’ouvrage du docteur Bataille, on trouve un excellent exposé de la
question ; les erreurs qu’il a commises sont faciles à rectifier,
n’enlèvent rien à la valeur de l’œuvre, et proviennent de ce que l’auteur s’en
est tenu au 2e degré de la parfaite initiation. Je comprends le
sentiment qui le dominait en bornant son ambition au grade de Hiérarque :
catholique de cœur, il n’a pas voulu franchir le seuil des Parfaits Triangles,
attendu que l’initiation au 3e et dernier degré, Mage Elu, est
donnée par le démon en personne. Sa qualité d’Inspecteur Général du Palladium
en mission permanente lui facilitait la communication d’un grand nombre de
documents aux archives des Grands Directoires Centraux. Même, il a pu tenir en
mains le Livre Apadno, puisqu’il en a copié deux chapitres (celui de la
Création de l’Humanité en Tellus, et celui de l’Anti-Christ) ; mais ceci,
certainement, a été fait par surprise, ou grâce à une erreur de l’archiviste
sur ses droits, et il a dû ne pouvoir feuilleter le reste qu’à la hâte. En
effet, il n’a pas retenu tout à fait exactement ce qu’il a pu lire du chapitre
des Combats. »
P. 594 :
« Avant de raconter les
suites de cette célèbre séance du 25 mars 1885, j’ai le devoir d’apporter une
rectification au récit du Dr Bataille. Il a été dit, d’après une légende fort
accréditée, que, dans le temps qui suivit mon départ de France, le président
B*** eut tout-à-coup la tête complètement retournée du côté du dos, et que je
dus revenir d’Amérique pour la lui remettre en place. Le grand-maître du
Triangle Saint-Jacques eut, en réalité, une maladie qui l’obligea à
garder la chambre ; mais je ne fus rien dans sa guérison. C’est lui-même
qui a été cause de la légende de la tête à l’envers, par une lettre contre moi,
adressée au F.˙. Eaton, de New-York, bien connu par les théories
sociniennes outrées qu’il ne craint pas de professer ouvertement ; le
grand-maître B*** eut le tort d’écrire sa lettre en anglais, langue qu’il ne
connaissait que très peu, et il dut l’écrire en se servant maladroitement du
dictionnaire. Or, comme il disait que, pendant plus de vingt jours, il avait eu
« la tête à l’envers » à cause de moi, il avait traduit dans le sens
physique en anglais ce qui était au figuré dans la langue française. Longtemps
après, une dame unitarienne, qui est une amie du F.˙. Eaton, me raconta ce
que celui-ci croyait ingénument ; j’en ris beaucoup. Mais cette dame, au
lieu de détromper le F.˙. Eaton, lui apporta, la malicieuse, ma réponse,
en jouant aussi du sens physique pour le figuré. J’avais répondu :
« Oui, il a eu la tête à l’envers, à cause de moi ; mais je la lui ai
remise en place à mon premier voyage à Paris », par allusion à une visite
que je fis au F.˙. B***, pour avoir l’occasion de lui dire en face quatre
vérités. Et le bon Eaton narra dès lors à tous ses amis sociniens des Triangles
la prétendue mésaventure du président des Saint-Jacques, en y ajoutant
un grand éloge de ma magnanimité. C’est cet écho qui fut recueilli par le Dr
Bataille. On pense si je m’amusai quand je vis imprimé ce quiproquo, dont les
palladistes parisiens durent être renversés, mais qu’ils ne purent
démentir ; car comment démentir, sans donner les noms, sans avouer le
grave fait du 25 mars et ses conséquences ?…
Quant aux ignorants du
surnaturel diabolique, qui ont critiqué parce que les tours du
« grappin » paraissent invraisemblables en raison de leur caractère
burlesque poussé à l’outrance, leur opinion sceptique fait sourire de pitié les
théologiens érudits, les hommes qui à une foi solide joignent une connaissance approfondie
de cette grave question du merveilleux.
Rien n’est moins
extraordinaire que ce fait de la tête du grand-maître B. retournée à l’envers
par un démon. Un de mes abonnés a bien voulu me signaler un cas semblable, dont
les deux Eugène de l’Univers peuvent rire entre eux, mais qui n’en est
pas moins un fait absolument authentique.
Dans la Vie du Père
Jérôme d’Estienne, religieux éminent
par ses vertus et sa piété, de l’ordre des Minimes, ayant vécu en Provence au
XVIIe siècle, - ouvrage écrit par le R. P. Pierre de Rians, du même ordre, et
imprimé à Aix avec l’approbation du P. général, du P. provincial et de trois
théologiens de l’ordre (Aix, imprimeur Beau-Audibert, 1714-1715), - on lit, en
effet, l’épisode suivant : « En 1697, le P. Toussaint Pasturel était
à Tretz. Il y fut témoin du fait de persécution diabolique du P. Jérôme
d’Estienne, qu’il raconte ainsi : en cette année 1697, le P. d’Estienne
fut envoyé au couvent de Tretz pour le gouverner en qualité de supérieur. Dès
qu’il y fut arrivé, il alla à l’église rendre ses hommages à N.-S.
Jésus-Christ ; c’était là sa coutume ; car, disait-il, lorsque l’on
entre dans une maison, on doit aller d’abord en saluer le maître. Après quoi,
il monta à la chambre qu’on lui avait préparée et demanda qu’on lui apportât de
l’eau bénite. J’allais dans l’instant lui remplir un bénitier. Le P. d’Estienne
en voulut une plus grande quantité. Laquelle lui ayant été apportée, il y
trempa ses deux mains et les appliqua sur son visage. Le démon, ne pouvant
souffrir cette pieuse pratique, le lui tourna tellement que ses yeux, sa
bouche, le nez et tout le devant du visage parurent sur le derrière de la tête.
Jamais homme, me dit le P. Pasturel, ne fut plus effrayé que moi, lorsque je
vis ce terrible spectacle. »
[…]
« Rien de surnaturel ne
se produisit donc dans le vote unanime qui rejeta les conclusions du Triangle
parisien Saint-Jacques ; et pourtant une légende a été propagée, dont le
docteur Bataille se fit le public écho.
On a raconté que la
prétendue queue du lion de saint Marc, - ce talisman qu’Asmodée avait apporté
aux Onze-Sept le 29 février 1884, - s’agita dans son écrin avec
fracas ; que, le coffret ayant été ouvert, elle se projeta dans
l’espace ; et que, légère comme un fouet, elle cingla vigoureusement les
quelques Mages Elus qui s’étaient montrés disposés à voter ma radiation.
« Il n’y avait pas à en douter, a écrit Bataille ; le talisman
prenait parti pour Diana. En présence d’une telle manifestation, personne n’osa
voter l’expulsion de la Sœur indépendante. Elle fut maintenue adepte. »
Ce racontar est une fable,
aussi bien que l’anecdote de la tête du président des Saint-Jacques retournée à
l’envers.
Je vais remettre les choses
au point. Il y eut un fait surnaturel, mais après le vote.
Le vote fut suivi d’une suspension
de séance ; en termes maçonniques, l’Atelier fut mis en récréation. On
causait donc entre Frères. On demanda à R. T. pourquoi il n’avait pas voté
conformément à son discours.
_ Je ne saurais,
répondit-il, m’expliquer ce qui m’est arrivé. J’ai bien essayé de lever la main
pour la radiation ; mais je n’ai pu y parvenir. Mon bras avait pris un
poids tel, qu’il m’a été impossible de le soulever.
Cette explication ayant été
répétée, les partisans du F.˙. R. T. dirent de même. Etc. »
Diana Vaughan, dans ses Mémoires,
confirme tout ce que le Dr Bataille raconte dans le Diable au XIXe siècle.
Tout se tient. Si Diana Vaughan n’existe pas, ce qu’a raconté le Dr Bataille
est faux. Par contre, si Diana Vaughan a vraiment existé, ce que raconte le Dr
Bataille est vrai.
Exemple, p. 580 :
« Il est singulier que Satan ait fait éclater sa bombe au moment
où je venais à peine de commencer le récit de mon initiation au grade de
Maîtresse Templière, alors que j’allais raconter cette mémorable séance du 25
mars 1885, tenue à Paris, rue Croix-Nivert, n° 154, où, soumise à l’épreuve de
la profanation des Saintes-Espèces, je refusai absolument, m’attirant ainsi la
haine de Sophia. »
On voit que Diana donne des faits précis, avec l’adresse exacte. Les
habitants du n° 154 de la Croix-Nivert n’ont jamais démenti ou contredit cela.
Mais plus important, voici maintenant une étude des Mémoires de
Diana Vaughan, par Emmanuel Bon (Hiram).
Il s’agit du prénom que Thomas Vaughan accola à son pseudonyme de Philalèthe :
fut-il Eugenius ou Eirenœus ?
Diana Vaughan nous dit qu’il adopta celui d’Eirenœus ;
plusieurs bibliographes indiquent Eugenius ; pour nous, nous pensons qu’il
employa tous les deux successivement.
Que le prédominant ait été Eirenœus,
cela paraît incontestable ; c’est même le seul que nous indiquent des
autorités telles que Lenglet-Dufresnoy et Figuier. Ce fut sans doute son pseudonyme
de Rose-Croix, son nom de guerre.
Pourtant Kloss dans sa Bibliographie de la franc-maçonnerie
(1844) et Leigh Gardner dans sa sérieuse Bibliotheca Rosi-cruciana
(Londres, 1903) adoptent le vocable Eugenius.
M. Arthur Waite, auteur d’une Vie des philosophes alchimistes
(Londres, 1888), est revenu sur l’opinion qu’il avait émise d’abord, au sujet
des deux Philalèthes. Il avait suivi, dit-il, « l’opinion de la plupart
des écrivains hermétiques », et il en avait conclu que Thomas Vaughan
avait écrit indifféremment sous le pseudonyme d’Eugenius Philalèthes
et d’ Eirenœus Philalèthes. Après un examen plus approfondi de la
question, il déclare qu’il est arrivé à reconnaître que les faits établis de la
vie de Vaughan ne cadrent pas avec les indications que donne l’auteur de l’Introitus
apertus et que cette identification est impossible.
Donc Eugenius Philalèthes est pour M. Arthur Waite, Thomas
Vaughan. Quant à Eirenœus Philalèthes, c’est un personnage resté
inconnu.
Voilà une opinion bien invraisemblable puisqu’elle est contraire à
celle de Lenglet-Dufresnoy, de Figuier et de « la plupart des écrivains
hermétiques ».
Mais comme les raisons qui ont amené cet auteur à changer d’avis ne
sont pas énumérées, impossible de les examiner et de les contrôler. Nous aurons
d’ailleurs à revenir ultérieurement sur les opinions fantaisistes de M. Waite.
Par contre pour M. Jennings, auteur de l’ouvrage intitulé : Les
Roses-Croix, leurs rites et leurs mystères (Londres, Routledge), la
question n’offre aucune obscurité : Thomas Vaughan est le personnage dont
parle Robert Boyle et d’autres qui l’ont connu personnellement ; il est
l’auteur sans distinction de prénoms des ouvrages publiés sous le nom d’Eugenius
et d’ Eirenœus Philalèthes.
Enfin, pour M. Ladrague, le bibliographe distingué, auteur du Catalogue
Ouvaroff (Moscou, 1870, n° 1162), les pseudonymes Irénée, ou Cyrénée, ou
Eugène, ou Philopone Philalethe, Philaletha, ou Philalethes cachent un seul et
même écrivain dont on présume que le nom véritable était Thomas Vaughan.
Le parfait désaccord qui règne entre les divers écrivains ou
bibliographes qui ont traité de la question montre combien elle est complexe et
embrouillée : ce qui explique les erreurs qu’ont pu commettre ceux qui ont
tenté de l’élucider.
Voici ce que nous disent à ce sujet les Mémoires :
(Page 114) : « Thomas Vaughan qui signait non pas Eugénius
Philélèthes mais « Eirenœus Philaléthès, anglais de naissance et
habitant de l’Univers » a vu le jour à Monmouth. »
(Page 167) : « Thomas Vaughan avait vingt-huit ans (1610)
quand il passa de la Rose-Croix d’Or à la Rose-Croix, c’est à dire lorsqu’il
fut initié au 5e degré Adeptus Minor. L’initiation lui fut
donnée par Amos Komenski ; c’est alors qu’il choisit pour nom Eirenœus
Philaléthès.
(Page 162) : « Quant aux divers écrits qui ont paru sous le
signature Philalèthe, par imitation de celle mon ancêtre, ils sont
innombrables.
Jugez-en par ceci : tous ces livres et pamphlets, classés sous le
titre de Philalèthe remplissent un volume entier du catalogue du British
Museum. Par beaucoup, le pseudonyme Eugénius Philalèthes est attribué à
Thomas Vaughan, tandis qu’ Eirenœus est attribué à Georges Starkey…
Il y a aussi un Irenœus que plusieurs attribuent à William
Spang ; mais d’autres l’accordent à Thomas Vaughan. Tant d’imitateurs
étant survenus, on s’y perd, et d’ailleurs les appréciations sont
contradictoires.
Donc : il importe peu de s’arrêter à des discussions oiseuses, qui
ne feraient pas avancer d’un pas la question… D’après Wood, le très
consciencieux auteur de l’Histoire d’Oxford une traduction de la Themis
aurea de Michel Maïer, publiée en 1656 à Londres, et une traduction,
également anglaise de la Fama Fraternitatis Rosœ Crucis, de Valentin
Andreœ, publiée en 1652, ont porté la signature Eugenius et seraient
attribuées à un Thomas Vaughan autre que mon ancêtre… D’autre part les
manuscrits légués de l’un à l’autre en ma famille, et dont l’authenticité ne
sauraient être contestée, ont la signature Eirenœus et non Eugenius.
Wood a donc pu rapporter un bruit qui courait en son temps, et ce bruit a pu
être l’origine des erreurs dont Gould et Findel eux-mêmes se sont faits les
échos.
Laissons. L’essentiel c’est la véridicité indiscutable de l’histoire si
étrange de Thomas Vaughan. »
Donc Diana Vaughan elle-même renonce à tirer au clair cette énigme
bibliographique. Malgré cela, en nous basant sur les données qu’elle fournit,
ainsi que sur les bibliographies sérieuses que nous avons précédemment
énumérées : et aussi en nous appuyant sur divers ouvrages de Philalèthe que
nous avons en mains, tachons de jeter quelques clartés sur cet obscur problème.
Pour ce faire, relevons d’abord toutes les indications contenues dans les Mémoires
concernant les ouvrages publiés par Thomas Vaughan : en voici la copie
fidèle.
(Page 211) : « L’année qui suivit celle de la composition du
grade de Maître (qui fut rédigée en 1649), il commença à publier ses ouvrages
d’alchimiste Rose-Croix.
Les quatre premiers sont bien connus de titre. Ce sont :
1° L’Anthroposophia theomagica.
2° La Magia adamica.
Ces deux livres parurent en 1650 ; ils sont entièrement consacrés
aux œuvres de magie, présentées sous un aspect scientifique.
3° Lumen de lumine, imprimé en 1651.
4° Aula lucis, imprimé en 1652, - publication restreinte.
Dans ces deux livres, le caractère luciférien de l’auteur se devine
mieux.
(Page 215) : En l’année 1655, Philalèthe publia son :
(5°) Euphrates.
L’année suivante Komenski se retira en Hollande et Thomas Vaughan fit
d’Amsterdam la capitale de la Rose-Croix socinienne.
Et voici encore une preuve que mon ancêtre est vraiment l’ Eirenœus
Philalèthes. C’est en 1656, sa troisième année de grande maîtrise, qu’il
entreprit la publication des œuvres de Fauste Socin, à Amsterdam. Les ouvrages
du patriarche de Luclavie commencèrent la série de ce qui fut intitulé : Bibliotheca
Fratrum Polonorum : cette bibliothèque forme huit gros volumes
in-folio ; les écrits de Fauste y
occupent les tomes I et II. Or, l’impression fut faite à Amsterdam, cela est
reconnu, établi. Eh bien, suivant l’usage de l’époque, la Bibliothèque des
Frères Polonais porte, pour le lieu d’impression un pseudonyme de ville. Et
quel est le pseudonyme qui figure en tête des volumes ? Eirenœopolis,
c’est-à-dire le ville d’ Eirenœus, la ville de Philalèthe, la capitale
de la Fraternité, la cité à laquelle le grand maître donnait son nom. »
Notons dès à présent, pour ne pas avoir à y revenir, que les données de
cette édition, telles que nous les indiquent les Mémoires, sont exactes,
puisque conformes à celles mentionnées par Brunet dans son Manuel du
libraire (T. I, Col. 922), que voici :
« Bibliotheca fratrum polonorum quos unitarios vocant. Irenopolis (Amstelod.) post an. 1656, 8 vol, en II tomes in-f°.
Cette collection renferme les ouvrages de Faust. Socin, etc. Le dernier
vol., daté de 1962, a été imprimé à Amsterdam comme les premiers, mais sous la
rubrique Eleutheropoli. »
Ainsi en 1692, Philalèthe étant mort, son ex-fief, Amsterdam, ne
portait plus, sur les ouvrages des Roses-Croix, que le nom de « Ville de
la liberté ».
Après cette parenthèse revenons aux ouvrages de Philalèthes énumérés
dans les Mémoires.
« En 1650, Thomas Vaughan publiait, en anglais,
(6°) La Fraternity of R. C. ; en 1664.
(7°) La Medulla Alchymiœ.
Enfin, en 1667, Thomas Vaughan se décida à publier :
(8°) L’Introitus Apertus, son ouvrage capital, qu’il
avait écrit dès l’âge de trente-trois ans.
(Page 236) : Philalèthes était dans sa cinquante-sixième année
(1668) quand il publia les :
(9°) Experimenta de preparatione Mercurri Sophiri et les
(10°) Tractatus tres ainsi divisés : 1° La Métamorphose des
Métaux ; 2° La Préparation du Rubis céleste ; 3° La Source de la
Vérité chimique.
(Page 240) : L’année de sa disparition (1678) il publia :
(11°) le Ripley revised et
(12°) L’Enarratio methodieu trium
Gebri medicinarum…
Il est de certitude absolue que l’Enarratio trium Gebri a
été imprimée au commencement de 1678. »
Le numérotage entre guillemets à partir du n° (5°) a été ajouté par
nous afin de rendre plus clair et plus facile le commentaire qui va suivre.
Notons tout d’abord que des citations ci-dessus il résulte notamment
que les Mémoires attribuent à Thomas Vaughan la paternité de l’ouvrage
n°3 : Lumen de Lumine. Or, cet ouvrage, nous l’avons sous les yeux
et nous en recopions très fidèlement le titre que voici :
« Lumen de lumine : or a new magicall
light discovered, and communicated to the world » par Eugenius Philalèthes.
London, printed for II, Bluden at the Castle in Corne Hil. 1654.
Puisque ce titre porte comme prénom Eugénius, la preuve est
faite, d’après les indications mêmes des Mémoires, que Philalèthes, au
moins dans certain cas, en a fait usage.
D’autre part, l’ouvrage lui-même fournit une preuve frappante qu’il a
bien pour auteur Thomas Vaughan. En effet, la page 33 du volume contient une
gravure cabalistique très curieuse dont nous donnons ci-contre la reproduction
en phototypie.
On y trouve tous les symboles ordinaires communs aux alchimistes,
occultistes, Rose-Croix et francs-maçons. On y voit le soleil, la lune et les
étoiles ; une sphère munie d’une montagne d’aspect… douteux, qui présente,
paraît-il, celle de la lune ou de l’Inde, au choix. Dans le texte une
« Lettre des Frères de la R. C. » explique, d’une manière peu translucide,
ce que signifie cette montagne magique et le trésor qu’elle contient. La
sphère, qui représente sans doute le
globe terrestre, est entourée d’une région fantastique peuplée déjà des Maléakhs
- spectres infernaux - dont deux ou trois siècles plus tard nous parlera la
descendante de Thomas Vaughan.
Dans la sphère un autel, sur lequel un flambeau brûle du « feu de
la Nature » ; un génie lumineux armé d’une épée flamboyante, et un
mortel se dirigeant, les yeux bandés, vers l’abyme.
Enfin, en bas, l’Ouroboros, le Serpent ou Dragon qui se mord la
queue, symbole classique de « l’œuvre qui n’a ni commencement ni
fin ». En son centre une femme, qui symbolise sans doute cette œuvre,
assise sur un tas de pommes ( ?), présente un collier d’aspect… douteux…
Mais ce que nous voulons surtout faire remarquer dans cette gravure,
c’est que, comme il est facile de la constater, elle est signée dans le bas à
droite : Ro. Vaughan sculp.
Il nous paraît évident que le Ro. Vaughan en question est celui dont
nous parlent les Mémoires (page 114) :
« Un autre parent de mon ancêtre Thomas était le fameux antiquaire
Robert Vaughan, frère puîné de père Philalèthes ; c’est Robert, qui,
établi à Oxford dès 1613, y attira sa belle-sœur quand elle fut veuve, et fit
élever au Jésus Collège ses neveux
Thomas et Henry. »
La gravure de l’oncle a sûrement été composée pour l’ouvrage du neveu
et ce fait corrobore l’attribution de Lumen de Lumine à Thomas Vaughan,
en l’espèce Eugénius Philalèthes. Mais si l’oncle antiquaire était aussi
versé dans les sciences occultes que le manifeste sa planche, il n’est pas
étonnant que le neveu, dont il fit l’éducation, ne soit devenu
l’occultiste le plus en renom de l’époque !
Leigh Gardner de son côté enregistre aussi cet ouvrage au nom d’Eugénius
Philalèthes, sous le n° 550 de sa Bibliotheca Rosicruciana, avec des
données identiques à celles que nous relevons sur notre exemplaire.
Il en est de même pour les numéros 1 Anthroposophia, 2 Magia
et (5) Euphrates de la nomenclature des Mémoires, que nous
trouvons dans Gardner sous les numéros 542, 551 et 549, où ils figurent avec,
comme nom d’auteur : Eugenius Philalèthes.
L’Anthroposophia a, en fait, comme seconde partie, - ayant par
exemple une table d’errata commune avec lui – un autre ouvrage, également signé
Eugenius Philalèthes, et intitulé Anima magica abscondita, que ne
signalent pas les Mémoires, mais que Gardner enregistre sous le n° 541.
Notons en passant que notre exemplaire de ces deux ouvrages, assemblés
sous une même reliure de l’époque, contient à la fin, sur deux feuillets
d’ancien papier ajoutés, une table des matières manuscrite, en vieille écriture
du temps et soigneusement faite.
D’autre part en bas de la dernière feuille du livre, et immédiatement
avant la table, nous trouvons, de la même écriture, l’annotation
manuscrite suivante, en anglais : Tom Vaughan of Wales, London in the…
avec à la suite cinq ou six mots que nous n’avons pas pu déchiffrer, mais qui
nous paraissent être l’adresse à Londres.
Qui a bien pu s’intéresser à cet ouvrage au point d’en établir la table
des matières, travail toujours long et délicat ? Ne serait-ce pas l’auteur
lui-même ? Le fait que son nom est inscrit immédiatement avant, de la
même main, semblerait l’indiquer.
Posséderions-nous par hasard l’exemplaire d’auteur de Philalèthe ?
Il y aurait de quoi réjouir le cœur d’un bibliophile !
Quoiqu’il en soit nous signalons cette particularité sans y attacher
d’autre importance que celle d’une vague confirmation.
Le n° 4 Aula lucis, de la liste des Mémoires, figure bien
dans le catalogue Gardner (n° 547) au nombre des ouvrages d’Eugénius
Philalèthes, quoique d’après lui son titre ne porte pour désigner l’auteur, que
les initiales S. N.
En ce qui concerne le n° 6 Fraternity of R. C., nous ne trouvons
nulle part d’édition datée de 1659.
Par contre, celle de 1652, mentionnée par les Mémoires comme
attribuée à un Vaughan autre que Philalèthe, figure dans Gardner (n° 553) sous
le nom d’Eugenius Philalethes.
Kloss (n° 2435) la mentionne également, comme suit :
« Fame and confession of Rosie-Cross.
Trad. Par Tho.
Pour les numéros subséquents, (7) à (13), de la nomenclature des Mémoires,
notre contrôle sera facilité et abrégé par ce fait que Lenglet-Dufresnoy les
énumère tous en les classant au nom d’Eirenœus.
D’autre part nous possédons un exemplaire de l’édition de Daniel
Elzevir (Amsterdam, 1678) qui contient les numéros (12) Enarratio, (9) Experimenta
et (11) Ripley, de la liste des Mémoires.
Or, à la fin de ce volume se trouve le « catalogue des livres
publiés ayant comme auteur Eyrénée Philalèthe cosmopolite ». Nous
admettons - et nous pensons que l’on admettra avec nous - que si quelqu’un doit
bien connaître les ouvrages d’un auteur, c’est son éditeur. Par conséquent nous
tenons pour bon le tableau qu’Elzévir nous donne des œuvres d’Eyrénée
Philalèthe.
Maintenant, pour y voir clair, récapitulons les résultats de notre
contrôle en un tableau synoptique indiquant, pour les divers ouvrages que les Mémoires
attribuent à Philalèthe, leur titre sommaire, leur date et les principales
autorités bibliographiques, Lenglet-Dufresnoy, Elzévir et Gardner, sur
lesquelles nous nous appuyons pour établir le prénom exact du pseudonyme qui y
figure.
Le voici :
N° 1 |
Anthrop |
1650 |
Lengl. |
Gard. |
N°
542 |
Eugenius |
N° 2 |
Magia |
1650 |
″ |
″ |
N°
551 |
″ |
N°
3 |
Lumen |
1651 |
|
″ |
N°
550 |
″ |
N° 4 |
Aula |
1652 |
|
″ |
N° 547 |
S. N. |
N° 5 |
Euphrates |
1655 |
″ |
″ |
N°
549 |
Eugenius |
N° 6 |
Fraternity |
1652 |
″ |
″ |
N°
552 |
″ |
|
″ |
1659
( ?) |
|
|
|
|
N°
7 |
Medulla |
1664 |
″ |
Elz. |
N°
9 |
Eirenœus
|
N° 8 |
Introitus |
1667 |
″ |
″ |
N° 1 et 8 |
″ |
N° 9 |
Experim |
1668 |
″ |
″ |
N° 7 et 15 |
″ |
N° 10 |
Tractatus |
1668 |
″ |
″ |
N° 2 à 4 |
″ |
N° 11 |
Ripley |
1678 |
″ |
″ |
N° 10 à 14 |
″ |
N° 11 |
Enarratio |
1678 |
″ |
″ |
N° 5 à 7 |
″ |
Dans ce tableau, il nous semble qu’une seule chose saute à l’œil, c’est
que Philalèthe a employé pour ses écrits le prénom d’Eugenius pendant la
première partie de son existence et celui d’Eirenœus pendant la seconde.
A cette règle une seule exception - qui la confirme… puisqu’elle prouve
que Philalèthe changeait volontiers de pseudonyme ! - c’est que le n° 4 Aula
porte seulement les initiales S. N. - Serait-ce parce qu’il n’en aurait été
fait qu’une publication restreinte - comme le note Diana Vaughan ?
En l’état, si vous admettez que Philalethes est uniquement Eugenius,
qui est donc Eirenœus ? Et réciproquement s’il est uniquement Eirenœus,
qui est donc Eugenius ? Personne ne peut le dire.
Autre chose : si Thomas Vaughan, pour signer ses écrits, a usé
seulement du pseudonyme Eirenœus, il n’a rien publié pendant la première
partie de sa vie ; et, s’il s’est servi uniquement d’Eugenius, il
n’a rien publié pendant la seconde partie : or ces deux hypothèses ne
cadrent pas avec ses habitudes d’écrivain prolixe.
Comme notre étude prouve qu’il s’est servi des deux prénoms, nous
conclurons avec Jennings, Ladragne et la plupart des auteurs hermétiques
qu’Eirenœus et Eugenius c’est tout un : Thomas Vaughan.
Nous avons vu que les Mémoires ne mentionnent pas l’Anima
magica parmi les ouvrages de Philalèthe, à qui pourtant il revient
incontestablement ; mais il faut dire que Diana Vaughan n’indique nulle
part qu’elle donne la liste complète des œuvres de son ancêtre. Or, ce livre
donna lieu à deux autres ouvrages de Philalèthe, à propos desquels la Bibliographie
Peeters-Bœrtsoen (n° 812) nous dit :
« Ayant fait dans son Anima magica abscondita quelques
remarques désobligeantes sur la Psychodia Platonica d’Henry More,
Vaughan eut une polémique à soutenir, elle fut très vive. More, sous le
pseudonyme d’Alazonomastix Philalethes, publia en 1650 ses Observations upon
Anthroposophia Theomagica and Anima magica abscondita, où il accusait
Vaughan d’être un magicien, jetait le soupçon sur ses mœurs, et se plaignait
amèrement de la façon dont Vaughan avait traité Aristote et se disciples.
Vaughan se vengea dans The Man-Mouse taken in a trap (L’Homme-rat pris
au piège), 1650, qui produisit une réplique de More : The second lash
of Alazonomastix, 1651. Mais Vaughan eut le dernier mot : A second
Wash, 1651. »
La même Bibliographie Peeters nous dit encore, citant le Dictionary
of national biography : « Vaughan, après 1658, fut accusé d’avoir
l’habitude de s’enivrer, de jurer et déclaré impropre à l’état
ecclésiastique ! »
La première source
d’informations décriant la moralité de Vaughan est évidemment suspecte,
puisqu’elle émane d’un adversaire ; la seconde est sans doute plus
impartiale.
Quoiqu’il en soit, sans vouloir noircir à plaisir la renommée de
Philalèthe, qui n’a pas besoin de ça pour être fort sombre, constatons pourtant
que d’après cela nous sommes loin de la légende disant qu’il était
« rangé, de bonnes mœurs et qu’il s’éloigna de Starkey comme trop
débauché » !
Ce nouvel aspect de la physionomie de Vaughan cadre mieux d’ailleurs
avec la personnalité d’un grand-maître de la Rose-Croix.
[…]
L’étude prolixe que nous avons faite des ouvrages de Thomas Vaughan
cités par les Mémoires, et des prénoms Eugenius et Eirenœus
qui s’adaptant à son pseudonyme de Philalethe, servira tout au moins à
mettre en évidence les procédés de polémique dont on a usé à l’encontre de
Diana Vaughan, lors de la « suprême manœuvre », comme elle l’appelle,
ayant pour but de l’annihiler, elle et ses révélations.
Et malheureusement un grand nombre de catholiques ont suivi en aveugles
le branle-bas de combat organisé à cet effet par les loges.
Comme preuve à l’appui citons un passage caractéristique de l’ouvrage
de R. P. Portalié « La Fin d’une mystification » (Paris,
Retaux, 1897, page 59).
« Aux défenseurs de Diana il faut des arguments plus palpables.
Qu’ils lisent donc dans le Tablet du 10 octobre (p. 582) l’article où M.
C. C. Massey établit sur des faits connus de tous - et c’est sur ces faits
seuls que je m’appuie - que l’ignorante miss, trop pressée dans la lecture des
bibliographes, a, par une sotte méprise, confondu deux personnages différents
et attribué à l’occultiste Thomas Vaughan, fort connu sous le nom d’Eugenius
Philalethes, les œuvres et l’histoire d’un autre occultiste fameux dont les
livres portent le nom d’Eirenœus Philalethes. Mais aussi qui pouvait
deviner l’existence de deux Philalethes ? Quand cette bévue eut été
signalée, Diana essaya bien de réparer le désastre, mais « ses efforts,
dit le Tablet, offriront une plaisante comédie à tout lecteur au courant
des faits dont elle parle. » (Mémoires, pp. 114, 162 et 215). Nous
vantera-t-on encore la vie de Thomas Vaughan ? »
Et voilà comment, pour élucider une question en litige, on nous fournit
des « arguments palpables » ! Il faut lire dans le Tablet ?
N° du 1er octobre ? Un article de M. Massey ??? Établi sur
des faits connus de tous ???? Et c’est sur ces faits seuls que s’appuie le
P. Portalié ! Qui ne nous dit pas davantage sur ce sujet et poursuit le
cours triomphal de sa démonstration en parlant d’autre chose.
Nous respectons profondément la mémoire de cet excellent
religieux ; mais, s’il était encore de ce monde, nous nous permettrions de
lui faire remarquer que le procédé de vérification indiqué par lui est peu
pratique. Où faut-il aller chercher le Tablet et l’article de M.
Massey ? N’aurait-il pas pu le citer, ou en donner des extraits, ou
l’analyser ? En ce qui nous concerne nous avouons humblement que nous
n’avons jamais lu l’article en question et que nous ignorons totalement les
« faits connus de tous » sur lesquels, seuls, s’appuie le P.
Portalié.
Par contre il n’omet pas d’accuser d’ignorance la Miss qui, par une
« sotte méprise », confond Eugenius et Eirenœus ne
pouvant « deviner l’existence de deux Philalethes ».
Puis, innocemment, il donne en référence les pp. 114, 162 et 215 des Mémoires,
afin que l’on puisse contrôler l’exactitude de son dire. Or, ouvrez ce volume
aux pages indiquées, et vous y trouverez toute une dissertation - reproduite
plus haut par nous - sur ces deux prénoms et l’attribution qui en a été faite à
divers personnages !
Donc Diana Vaughan connaissait parfaitement les deux Philalèthes
supposés et ce n’est pas elle qui a commis une « sotte méprise ».
Un peu avant le P. Portalié, un écrivain anglais, M. Arthur Edward
Waite, avait publié un ouvrage intitulé : Devil-Worship in France or
the question of Lucifer. - Le Culte du diable en France ou la question de
Lucifer. - (Londres, Redway, 1896), dans lequel il s’en prend, lui aussi, aux Mémoires,
qui étaient alors en cours de publication, et à leur auteur.
Il était qualifié pour ce faire, appartenant à la Societas
Rosi-cruciana d’Angleterre et ayant publié précédemment une « Histoire
réelle des Rose-Croix », (Londres, 1887).
Gardner, dans sa Bibliotheca rosicruciana, mentionne cet ouvrage
sous le n° 568 ; et il ajoute à son sujet :
« Je ne puis mieux faire que de citer un extrait le concernant
tiré des Transactions du Collège Métropolitain de la Societas
Rosi-cruciana in Anglia pour 1891-92, p. 10, soit :
« M. Waite a compilé cet ouvrage et écrit ses commentaires sur le
Rosicrucianisme alors qu’il était entièrement étranger à l’Ordre Hermétique,
mais depuis lors il a fait amende honorable à cette société et il a
pénétré dans ses études par la porte reconnue et s’est déclaré très satisfait
d’avoir agi ainsi. »
Voilà donc une attestation officielle, en bonne et due forme, comme
quoi M. Waite est un vrai Rosicrucien et qu’il s’est pénétré de la pure
doctrine de l’Ordre Hermétique. De plus il est sûrement franc-maçon, puisque,
d’après ce qu’il nous apprend lui-même, le recrutement de cet ordre se fait
exclusivement parmi les F.˙.
Vu toutes ces « qualités » on reconnaîtra que son témoignage
a un grand poids.
Diana Vaughan dans ses Mémoires (Livraison n° 14, Août-Nov.
1896, p. 420-33), parle de lui et de son ouvrage.
Elle suggère que, porte-parole des Rose-Croix anglais, il fut chargé
par eux de répondre aux révélations accablantes qu’elle avait fait paraître
dans un article du fascicule n° 8 des Mémoires (fév. 1896, p. 247-252)
sur « les principaux rosicruciens d’Angleterre et d’Ecosse dont l’occulte
rite pratique le Luciférianisme » - article trop long pour que nous le
reproduisions, mais qu’il convient de relire pour en apprécier la prodigieuse
documentation !
Pour tâcher de démolir les Mémoires, le F.˙. Waite, qui
connaît son affaire, use d’une tactique plus astucieuse que le P. Portalié. Il
s’efforce d’établir que la biographie de Thomas Vaughan, donnée par cette
publication, est controuvée et pour ce faire il se base sur la citation exacte
d’un texte erroné que contient la première édition de l’Introitus apertus,
texte ultérieurement corrigé dans l’édition anglaise de 1669.
Voici le fait : l’année de la naissance de Philalethe est
déterminé d’une manière précise par la première phrase de cet ouvrage.
Les Mémoires nous disent à ce sujet (p. 111) :
« L’Introitus apertus ad
occlusum regis palalium, - L’Entrée ouverte du palais fermé du roi, ou, pour
les initiés du premier degré, la clef de l’occultisme, et pour les parfaits
initiés du second degré, l’Introduction des adeptes au palais (fermé aux
profanes) de Lucifer Dieu-Roi, - débute par ces lignes :
« Moi qui suis un philosophe adepte, connu sous le seul nom de Philalèthe,
j’ai résolu, en l’an 1645 de notre salut, et le trentre-troisième de mon âge
d’écrire ce traité. »
Ce livre qui a été imprimé en 1667 à Amsterdam, aujourd’hui
introuvable, n’existe que dans de rares bibliothèques de bibliophiles, en
Europe, principalement en Allemagne et en hollande…
Si rare que soient les exemplaires de l’Introitus apertus,
ils ne sont pas, du moins, détruit tous, et je suis certaine qu’il ne s’élèvera
de nulle part un démenti contre l’exactitude de la citation que je viens de faire.
Thomas Vaughan est donc vraiment né en 1612. »
Or, nous devons reconnaître que, présenté de cette manière et
s’appliquant à l’édition de 1667 de l’Introitus, cette citation est
inexacte. Nous avons en effet sous les yeux un exemplaire de cette édition et
nous lisons dans son texte latin (p. 1) à propos de l’âge de Philalèthe :
« Anno mundi redempti millesimo sercentesimo quadragesimo quinto, œlatis
aulem meae vigesimo tertio… » au lieu de « trigesimo tertio »
qui, d’après les Mémoires, devrait y figurer.
Par conséquent, suivant ce texte, Philalèthe, en 1645, aurait été non
pas dans sa trentre-troisième, mais bien dans sa vingt-troisième
année ; ce qui reporterait de 1612 à 1633 la date de sa naissance, en
le rajeunissant ainsi de dix ans.
Naturellement M. Waite constate la contradiction et s’en empare pour
crier à l’imposture ; il déclare même tragiquement « qu’il est
honteux pour toute personne, qu’elle appartiennent au sexe masculin ou féminin,
d’avoir si peu de considération pour son bon renom, en violant ainsi les règles
de l’honneur littéraire » !…
Toutefois si l’édition de 1667 - qui contient de nombreuses fautes,
d’après la déclaration même de Lang, son éditeur - donne une version différente
de celle des Mémoires, il n’en est pas de même de l’édition anglaise de
1669, qui est mentionnée comme suit, dans le catalogue Elzévir. (« Anglice
- 8. - Introitus apertus ex manuscripto perfectiori traductus et impressus,
in-8°, Lond. 1669. »)
Nous en avons comme garant notre bonne vieille connaissance, l’abbé Lenglet-Dufresnoy,
qui, comme on le sait, n’est pas le premier venu en matière de bibliographie
hermétique. Il a en effet corrigé cette erreur de date dans son édition du Véritable
Philalèthe, revu et augmenté sur l’original anglais, que contient le T. II de
son Histoire de la philosophie hermétique. Dans la préface de ce même
volume (pp. XXII et suiv.), il nous indique comment et avec quel soin il a
établi cette édition critique. Voici son texte :
« Venons maintenant au fond de l’édition même. Celle que je publie
est fort différente de toutes les précédentes, soit latines, soit françaises.
La première que nous en ayons fut méditée à Hambourg en 1666 et
imprimée l’année suivante à Amsterdam. M. Langius qui l’a donnée, ne fait pas
de difficulté de reconnaître qu’elle est extrêmement imparfaite : et comme
le Philalethe était encore vivant, il le prie de lui communiquer, ou de publier
lui-même un ouvrage dans un meilleur état, que l’édition qu’il en faisait
paraître. Elle est néanmoins la base de toutes celles qui ont été données soit
dans Musœum hermeticum de 1677, soit dans le recueil de M. Mangel.
Le savant M. Wedelius en publiant de nouveau cet ouvrage en
1699, avoue qu’il n’a copié que la première édition…
Enfin le dernière édition que j’ai vue, est celle du docteur
Jean-Michel Faustius de Francfort… Il avoue que c’est toujours le même
fond que celle de Langius.
Ainsi toutes sont également fautives.
Il n’en est pas de même de celle que je donne aujourd’hui : elle
est conforme à l’édition anglaise de 1669, qu’on doit regarder comme originale
et qui est extraordinairement rare. C’est par là que j’ai corrigé les
contre-sens qui se trouvaient dans toutes les autres éditions latines, c’est de
là que j’ai tiré les additions essentielles que, conformément à l’esprit de
l’auteur, je n’ai pas fait difficulté d’insérer dans le texte, mais afin qu’on
soit sûr des endroits que j’ai corrigés, j’en fais des observations
particulières. Par ce moyen on aura non seulement les anciennes éditions
quoique fautives ; mais on trouvera aussi dans le corps de l’ouvrage le
véritable sens de l’auteur. Ainsi le lecteur intelligent sera en état de faire
la comparaison.
La traduction française du sieur Salmon, médecin, outre les fautes de
l’édition latine, y a encore ajouté celles qui viennent d’un mauvais
traducteur, qui n’entendait ni son texte, ni sa propre langue. »
Ce sieur Salmon, que malmène Lenglet, est l’auteur de la Bibliothèque
des philosophes chimiques, dont l’édition originale de 1672, donne à
Philalèthe « l’âge de 23 ans » en 1645 ; mais l’erreur, commise
ainsi, fut corrigée dans l’édition de 1754 du même ouvrage - que nous avons
sous les yeux - et qui porte « à l’âge de trente-trois ans ».
Voici maintenant la version que donne Lenglet-Dufresnoy au début de son
Véritable Philalethe :
« Moi qui suis un Philosophe Adepte, connu sous le seul nom de
Philalethe, j’ai résolu, l’an 1645, de notre salut, et le 33e de mon
âge, d’écrire ce traité… »
On peut constater qu’elle est identique à celle des Mémoires.
Mais l’abbé Lenglet précise la version exacte d’une manière plus nette
encore, en tête de ses « Remarques sur les différences qui se trouvent
entre cette nouvelle édition de Philalethe et les anciennes » (Vol. II, p.
342), où il note ceci, qui est absolument concluant :
« Dans la Préface. - N° 1 - Œtatis autem meae trigesimo tertio. -
Le docteur Faustius a bien corrigé cet endroit, en le mettant conformément à
l’original, au lieu que dans l’édition de Langius on lit, Œtatis autem meae
vigesimo tertio. »
Voilà donc la condamnation formelle
de la version de Lang et l’approbation non moins formelle de la version de Dr
Faustius, conforme à celle des Mémoires.
Après cela vous croiriez peut-être que la cause est entendue et le
procès jugé, alors qu’un spécialiste d’une compétence absolue, d’une
impartialité hors conteste - qu’on ne peut même pas soupçonner, n’est-ce pas,
d’avoir entretenu dans l’avenir lointain la possibilité du litige Diana
Vaughan ! - s’est prononcé après une étude approfondie de la question.
Eh ! bien il n’en est rien. Pourtant « le lecteur intelligent
est en état de faire la comparaison », comme le dit le bon abbé Lenglet.
Oui, mais il n’y a pas de gens moins intelligents, que ceux qui ne
veulent pas comprendre ; comme il n’y a pas de pires sourds que ceux qui
ne veulent pas entendre : Arthur Edward Waite est du nombre et il a ses
raisons pour cela.
Se basant uniquement sur l’édition de l’Introitus donnée par
Lang, et ne tenant aucun compte de l’édition critique et définitive de
Lenglet-Dufresnoy, qu’il ne pouvait pourtant pas ignorer en sa qualité
d’historien de la Rose-Croix, il déclare Thomas Vaughan né en 1622 et il
« décale » ainsi toute son existence de dix ans. Vous voyez le
« truc » !
Il vient alors vous déclarer gravement que les données des Mémoires
ne concordent pas avec ce que l’on sait par ailleurs de la vie de Thomas
Vaughan. Par exemple Philalèthe n’a pas pu aller rendre visite à Andreae en
1636, puisqu’il n’avait alors que 14 ans ; il n’a pas pu se rendre en
Amérique en 1638, puisqu’il n’avait alors que 17 ans ; et ainsi de suite,
tout le reste à l’avenant. Voilà comment on écrit l’histoire à la mode
rosicrucienne !
Ce qu’il y a encore de très
curieux dans l’ouvrage de M. Waite, en dehors de ses fantaisies biographiques,
c’est qu’il parle de Diana Vaughan tout comme par exemple, de Margiotta, Hacks
ou Taxil, c’est-à-dire sans mettre le moins du monde en doute son existence. Il
la traite en personne bien connue, qu’il critique, morigène, voire qu’il
menace, quand elle produit d’accablantes révélations sur le compte de ses
collègues rosicruciens. Ce faisant il se constitue implicitement témoin et
garant de son existence.
Est-ce qu’au moment de la publication du Devil-Worship, qui a
paru alors que la crise anti-dianique n’était pas arrivée à l’état aigu, la
franc-maçonnerie n’avait pas encore lancé son mot d’ordre de « nier
carrément » ? Nous l’ignorons, le mais le fait est là.
[…]
Dans son livre, Waite se monte tout d’abord courtois envers Diana
Vaughan et il manifeste même de la déférence pour son sexe.
Il distingue dans ses révélations la part qui lui incombe
personnellement et celle qui provient de ses papiers de famille, dont il
demande la communication à des « investigators » anglais, pour
contrôle !
Mais les choses se gâtent quand le litige vient à porter sur la
révélation faite dans les Mémoires, du but et de la composition de la
Societas Rosicruciana d’Angleterre et sur la désignation, comme son chef, du Dr
William Wynn Westcott.
Alors M. Waite se fâche, crie à la calomnie et déclare « qu’il est
indispensable de prendre des mesures efficaces pour réfréner cette mauvaise
langue », qui se permet de… révéler le pot aux roses !
Oyez plutôt :
« La grosse calomnie publiée par la « convertie » Diana
Vaughan, sur le Docteur Wynn Westcott, qui se trouve être un maçon de haut
grade, elle n’osera jamais sortir de sa « retraite » pour venir la
réaffirmer dans la juridiction des Iles Britanniques, car elle sait bien qu’un
jury anglais ferait une large requête de ses réputés dollars américains. »
Quand même on ne menace pas d’une demande en dommages et intérêts… un
mythe ! Et M. Waite paraît connaître fort bien non seulement Diana
Vaughan, mais encore ses dollars ! Or qui pouvait être mieux placé que
lui, d’après tout ce que nous savons de ses titres et qualités, occultistes et
maçonniques, pour être bien renseigné ? Par ce fait son ouvrage est
démonstratif et nous ne connaissons aucun autre document, émanant d’un
adversaire, qui constitue une reconnaissance aussi formelle de l’existence de
Diana Vaughan.
Maintenant, pour mettre en évidence combien est faible ou inexacte
l’argumentation de combat des contradicteurs des Mémoires, même quand il
s’agit de sujets de peu d’importance, voyons ce que dit M. Waite de certaines
fautes d’orthographe ou de style qu’il croit y découvrir et qu’il déclare
caractéristique du français.
Voici ce que nous lisons p. 287 du Devil-Worship :
« J’ajouterai comme conclusion mon opinion personnelle que Miss
Vaughan n’a pas résidé depuis longtemps dans un pays de langue anglaise ;
encore moins peut-elle avoir reçu, comme le prétendent certains de ses amis,
une éducation américaine. La preuve en est qu’elle fait sur des mots anglais
des fautes caractéristiques du français.
Ainsi nous avons chaque fois Cambden pour Camden, Wescott
pour Westcott ; nous avons baronnet pour baronet, Cantorbery
pour Canterbury, Kirkud-Bright pour Kirkeudbright ;
nous avons des combinaisons hybrides comme Georges Dickson, des
impossibilités comme Tiers-Ordre Luciférien d’Honoris causa et beaucoup
d’autres cas semblables. »
Les fautes relevées - si fautes il y a ? - sont de bien minime
envergure : il s’agit presque uniquement de noms propres, dont
l’orthographe est moins sévèrement exigée que celle des noms communs et qui
sont plus exposés que d’autres à être écorchés par un typographe étranger.
Ensuite les observations de M. Waite ne sont pas toujours
exactes : ainsi nous trouvons dans la même page 247 des Mémoires
ligne 8 - Wescott et ligne 32 - Westcott.
D’autre part, écrivant en français, Diana Vaughan a mis correctement :
baronnet pour baronet, Cantorbery pour Canterbury, Georges
Dickson pour George Dickson ; et nous ne voyons aucune possibilité,
en notre langue, à l’accouplement des mots Tiers-Ordre Luciférien d’Honoris
Causa.
Que reste-t-il des critiques formulées ? Pas grand chose, si ce
n’est rien ; donc ce n’est pas Diana Vaughan qui est en faute mais bien M.
Waite qui lui cherche là, non pas une querelle d’anglais, mais bien une
« querelle d’allemand » !
Mais puisque nous en sommes sur ce chapitre, profitons-en pour établir
que, contrairement à la thèse soutenue par M. Waite, ce ne sont pas les
gallicismes, mais bien les anglicismes qui fourmillent dans les Mémoires.
Non pas que l’auteur ne parle pas très correctement et fort bien le
français ; mais à certaines expressions, à certaines tournures de phrase,
on sent que ce n’est pas sa langue maternelle ; ce n’est pas le français
d’un français qui connaît bien sa langue et n’en connaît pas d’autre. En
général il n’y a pas, a proprement parler, de faute grammaticale, mais
seulement des réminiscences caractéristiques de l’anglais.
Citons-en quelques exemples. Nous lisons dans les Mémoires :
Page7, ligne 7 : « Il faut donner grands coups de
balai dans les ordures. »
P. 8, l. 11 : « Je n’ai haine pour personne. »
P. 19, l. 4 : « Longtemps j’ai vu en eux des fous :
aujourd’hui j’ai tendance à les voir grands coupables. »
P. 21, l. 38 : « Le
narré de ma présentation à Lucifer… expliquera ce qui a été un problème pour
grand nombre. »
P. 23, l. 12 : « Cet état d’esprit… j’y ai persévéré pendant
six années, sans me rebuter par ce qui déchirait mon cœur. »
P. 24, l. 24 : « Ce fut mon premier versement pour la
propagande générale et l’aide à la création de Triangles dans les
provinces mal favorisées. »
P. 25, l. 3 : « La preuve est en ce que… je ressentais
des frissons. »
P. 26, l. 3 : « Je considérais horrible cette statue
aux monstrueuses formes. »
P. 39, l. 26 : « L’explication rectificative sera mieux
saisissante après. »
P. 59, l. 16 : « Semant dans les âmes la foi en Lucifer Dieu
Bon, j’étais criminelle inconsciente. »
P. 129, l. 23 : « Le maçon qui soutiendrait sérieusement
cette filiation, ferait moquer de lui. »
P. 130, l. 10 : « Ochino, moine apostat, était un des associés
à Lelio et Dario Socin. »
P. 211, l. 27 : « Les quatre premiers (ouvrages) sont bien connus
de titre. »
Nous en passons et des meilleurs, mais il faut savoir se borner ;
il nous semble d’ailleurs que voilà déjà une assez jolie collection
d’anglicisme !
On nous dira sans doute que ces anglicismes n’établissent pas que
l’auteur soit anglais, car un mystificateur peut toujours insérer dans sa prose
des phrases d’une allure étrangère.
C’est entendu : aussi n’ajoutons-nous pas une importance
primordiale à cette démonstration sur laquelle nous n’insistons que pour
établir la fausseté de la thèse inverse produite par M. Waite.
Mais si l’auteur est anglais, il est fatal qu’il commette quelques
anglicismes ; et de fait il n’en manque pas dans les Mémoires.
D’autre part, il n’est pas si facile que cela de pasticher convenablement une
langue qui n’est pas la vôtre. Il faut une grande habilité de touche pour
donner la teinte juste, qui ne choque pas trop, tout en se laissant voir. Le
« modus in rebus » - la mesure dans les nuances - est là bien
difficile à observer, si cela ne coule pas de source ; or il semble bien
qu’il en est bien ainsi dans les Mémoires.
En tout cas nous pensons, qu’après tout ce que nous venons de dire, nul
de nos lecteurs ne « considère horrible » notre manière de voir en
cette question ; mais que chacun d’eux au contraire admet que notre
« narré… explique ce qui a été un problème pour grand nombre », soit
que Miss Vaughan n’est pas un contrefacteur français.
Pour en finir avec M. Waite et son ouvrage citons encore un curieux
passage du Devil-Worship (page 278) que nous traduisons aussi
littéralement que possible :
« Le sujet de la Franc-Maçonnerie luciférienne a été discuté dans
les colonnes du Light bien avant que ce volume ne paraisse et un certain
nombre de « transcendentalistes » parmi lesquels un très éminent - M.
Charles Carleton Massey - quelques maçons de haut-grade, et moi-même, nous
avons exposé les prétentions de la conspiration française. Dans la plupart des
cas et par plus d’une personne des exemplaires des divers articles ont été envoyés
à Miss Vaughan, par l’intermédiaire de son éditeur. »
Ainsi, d’après cela, le groupe des rosicruciens, les
« transcendentalistes », comme ils s’appellent, adressaient leurs
publications à Diana Vaughan : ils ne la tenaient donc pas pour un
personnage mythique !
Mais… au fait… ce très éminent « transcendentalist » Charles
Carleton Massey… c’est évidemment l’auteur de l’article du Tablet du 10
octobre… où sont établis les faits connus de tous, sur lesquels s’appuie le P.
Portalié, pour démolir du même coup Thomas et Diana Vaughan !
Quand même, voilà un bon religieux qui s’appuie sur un
« transcendentalist Rosicrucian », quintessence de franc-maçon, et
nous le sert comme une autorité !
Les Mémoires peuvent se diviser, si l’on veut, en trois parties
distinctes : l’histoire ancienne concernant spécialement les origines
rosicruciennes de la Franc-Maçonnerie et basée sur les manuscrits de Thomas
Vaughan ; l’histoire moderne relatant des faits contemporains, connexes à
la vie maçonnique de Diana Vaughan ; et enfin le tohu-bohu final de la
« suprême manœuvre », comprenant la polémique avec les négateurs
acharnés de Diana Vaughan et les détracteurs de son œuvre.
[…]
Nous tenons à déclarer que nous avons vu, de nos yeux vu et lu, au
greffe du Tribunal civil de Marseille, l’original du fameux jugement de ce
tribunal en date du 22 mars 1844 condamnant Adriano Lemmi à un an et un jour de
prison pour vol.
Ce document, comme on le sait, servit de base à la formidable campagne
que Diana Vaughan mena contre ce triste personnage, à l’occasion de son
élection frauduleuse au suprême pontificat maçonnique. Ce fût elle qui livra la
photographie du document à Margiotta, afin qu’il en donnât le fac-simile dans
son ouvrage Adriano Lemmi (p. 287-292).
L’original du jugement nous fut exhibé par M. Laugier, qui, de longues
années durant fut à Marseille greffier du Tribunal civil en même temps que
marguillier de N.-D. de la Garde. Tout le monde à l’époque, en cette cité, a
connu cet excellent homme, aussi aimable et serviable que fidèle gardien des
actes de justice de son ressort.
Il nous dit, lors de notre visite, quel fut son émoi lorsqu’un beau
jour un de ses amis lui fit voir la reproduction de ce document dans le livre
de Margiotta. Tout saisi en reconnaissant au bas de l’acte la signature de son
prédécesseur, M. Carlhian, qui lui en garantissait l’authenticité, il se
précipita dans ses archives pour voir si elles n’avaient pas été cambriolées.
Il constata avec satisfaction qu’il n’en était rien et que la pièce originale
était à sa place : où nous l’avons vue et où elle est encore… à moins que
depuis lors…
M. Laugier nous dit encore s’être souvenu que, vers la fin du second
Empire, une reproduction photographique du texte de ce jugement avait été
établie à la requête du Ministère de la Justice, auquel elle fut adressée.
Cette élection de Lemmi, révélée par Diana Vaughan, soulève une grave
question : Y a-t-il un pouvoir suprême occulte, un chef unique, ignoré,
dirigeant et commandant la franc-maçonnerie universelle ?
Plusieurs ont cherché à établir ou démolir cette thèse, qui, étudiée,
commentée et discutée a fait couler des flots d’encre… et continue…
Sans vouloir entrer dans le débat, il nous semble évident, à priori,
que ce pouvoir suprême et absolu, ignoré de tout le vulgum pecus maçonnique,
existe incontestablement. Comment une organisation aussi complexe, une machine
de guerre aussi formidable que la franc-maçonnerie pourrait-elle exister et
fonctionner sans cela ?
On l’a bien vu pendant la dernière guerre : il est impossible de
faire marcher convenablement de front des armées alliées sans un chef
unique : que serait-ce quand il s’agit des multiples rites
maçonniques !
Satan est doué d’une trop vaste intelligence pour ne l’avoir pas
compris, et, singe de Dieu, il a sûrement organisé son église, la
Franc-Maçonnerie, sur le modèle de l’Eglise catholique, soit avec un suprême
pouvoir à la tête, un chef unique, un souverain pontife, son délégué et son
vicaire.
Mais point n’est besoin de disserter sur un fait quand sa réalité est
démontrée : or, dans le cas présent, c’est encore Diana Vaughan qui va se
charger de nous fournir la preuve. Ouvrez les Mémoires p. 63-64 et vous
y trouverez un article à part intitulé « La Puissance dogmatique ? »
que, vu son importance, nous reproduisons en entier ci-après :
« Y a-t-il dans la Franc-Maçonnerie, un pouvoir supérieur qui
légifère en questions de dogmes ?
Ce pouvoir est-il connu de tous les francs-maçons ?
Première question. – Réponse : oui.
Deuxième question. – Réponse : non.
La puissance dogmatique est tenue, rigoureusement, cachée aux neuf
dixièmes des francs-maçons ; ceci est notoire. En effet, depuis que
l’existence de ce pouvoir, supérieur même aux Suprême conseils, a été l’objet
de révélations publiques, les hauts maçons que ces divulgations gênent l’on nié
partout avec éclat.
Le F.˙. Goblet d’alviella l’a écrit, dans sa fameuse lettre à
Lemmi, du 30 juin 1894 : « Il faut s’entendre partout pour nier
carrément ».
On ne veut pas que la masse des francs-maçons soupçonne qu’elle a des
guides secrets ; qu’il existe, au dessus de tout, une Puissance Dogmatique
qui est l’âme même de la secte et qui inspire les divers rites officiels, les
Fédérations avouées.
On leur dit - à tout prix, il est nécessaire qu’ils le croient - que
chaque Fédération jouit d’une absolue autonomie dans son propre pays, que le
pouvoir national central (Grand-Orient, Suprême Conseil, etc., suivant le rite)
est le plus haut pouvoir légiférant, et que les Ateliers des différents degrés
(Loges, Chapitres, Aréopages) n’ont pas à se préoccuper de ce que peuvent dire
et écrire les anciens maçons, ayant abandonné l’Ordre, et affirmant avoir connu
cette fameuse Puissance Dogmatique, supérieure à tout.
Aujourd’hui ce sont mes ex-Frères du Rite Ecossais que je vais mettre
en mesure de constater que la très haute Puissance Dogmatique existe bien et
rend réellement des décrets ayant la plus rigoureuse force de loi.
Je m’adresse aux maçons de l’Ecossisme, tenus dans l’ignorance et ne
croyant avoir au-dessus d’eux rien de plus élevé que le Suprême Conseil de
France siégeant à Paris, et je leur dis : Veuillez jeter un coup d’œil sur
les Rituels.
Non pas sur les Rituels qui se vendent aux FF.˙. dans les
librairies maçonniques. Oh ! Dans ceux-ci, que le plus imparfait initié a
le droit d’acheter, vous ne trouveriez rien qui atteste l’existence de la
Puissance Dogmatique.
Je parle des Rituels officiels qui sont la propriété même de l’Atelier
et qui, dans une Loge, par exemple, ne doivent pas sortir des mains du
Vénérable et des deux Surveillants. On sait que lorsqu’une Loge est constituée,
le président de la commission d’installation remet au Comité directeur de
l’Atelier, de la part du Suprême Conseil, trois grands Rituels in-quarto, reliés,
imprimés sur beau papier de Hollande. Ceux qui servent dans les Loges de
l’Ecossisme français sortent des presses du F.˙. A. Quantin, imprimeur, 7,
Rue Saint-Benoît à Paris. Le titre est celui-ci : Rite Ecossais Ancien
Accepté, Suprême Conseil pour la France et ses dépendances. Rituel des trois
premiers Degrés Symboliques de la Franc-Maçonnerie Ecossaise.
Si l’Atelier vient, par une raison quelconque, à cesser de fonctionner,
ces trois Rituels doivent être rendus au Suprême Conseil ; le Vénérable et
les deux Surveillants n’en sont donc que les dépositaires, car ce sont ces
Rituels qu’ils ont en mains pour diriger les travaux de la Loge.
Maintenant que j’ai dit cela, tout maçon à qui le Vénérable ou tout
autre dignitaire a affirmé qu’il existe pas de Puissance Dogmatique pour la
souveraine direction de l’Ordre, sait ce qu’il a à faire, si vraiment il a
souci de s’éclairer.
A la première séance mettez donc en demeure le Vénérable ou l’un des
Surveillants de vous montrer le Rituel officiel délivré par le Suprême Conseil.
J’appelle votre attention sur les pages 7 et 8, qui contiennent le
chapitre intitulé : Instructions pour le Vénérable. Là, sous la
rubrique Initiation et mesures à pendre avant la réception du profane, à
la page 8, deuxième colonne, lignes 25 à 30, vous lirez ceci :
« Toute initiation ou augmentation de grade devra se faire
conformément aux Rituels approuvés par le Suprême Conseil, aux Arrêtés
financiers de l’Atelier, et aux décrets de la Puissance Dogmatique dont il
est expressément défendu de s’écarter sous aucun prétexte ».
Trois corps parfaitement distincts figurent donc dans cette énumération
officielle : 1° le Suprême Conseil qui signe l’approbation des
Rituels ; 2° l’Atelier (pour les grades symboliques, c’est la Loge, qui
rend des Arrêtés financiers) ; 3° la Puissance Dogmatique qui rend des
Décrets, dont il est expressément défendu au Vénérable de s’écarter sous aucun
prétexte.
Eh bien, les neufs dixièmes des membres de l’Atelier savent, comme les
parfaits initiés, qu’ils reçoivent une direction du Suprême Conseil ; mais
on leur nie l’existence d’un pouvoir supérieur à tout, dit Puissance
Dogmatique.
La voilà maintenant dûment constatée.
Or, quelle est cette souveraine Puissance Dogmatique, si ce n’est le
Souverain Pontife de la Franc-Maçonnerie universelle, le chef de la
haute-maçonnerie palladique, rite suprême ? »
D’après cela, l’existence de la Puissance Dogmatique sera démontrée si
l’on peut établir que le rituel en question existe, et 2° que la citation
donnée par les Mémoires est conforme à son texte.
Il ne nous sera pas difficile de fournir ces preuves, car nous
possédons un exemplaire de ce livre rare, soit le « Rituel des trois
premiers degré symboliques de la franc-maçonnerie écossaise » tel que le
décrivent les Mémoires : « in-quarto, relié (par l’éditeur),
imprimé sur beau papier de Hollande, sortant des presses du F.˙. A.
Quantin, imprimeur rue Saint-Benoît, à Paris ». Il fut délivré en 1876 à
une loge parisienne et porte in-fine (p. 155) le « Vu et
collationné » du chef du Secrétariat Général du Rite, signé par le
F.˙. Millet-Saint-Pierre, 33e. Afin que chacun puisse constater
de visu l’objectivité du livre, nous donnons ci-contre la reproduction
photographique de son titre.
Et pour que chacun puisse constater de même l’exactitude de la
citation, nous donnons également le fac-similé photographique de la p. 8, qui,
dans l’Art. 340 - encadré par nous au crayon pour le signaler - contient le
passage visé.
Cet article 340 est extrait des Règlements généraux de la Maçonnerie
Ecossaise pour la France et ses dépendances ; il figure p. 82 dans
l’édition de 1877. Il se trouve également, sous un numérotage différent, dans
plusieurs autres éditions des mêmes Règlements.
Après cela inutile de discuter, basée sur un document officiel émanant
du Rite Ecossais, la preuve est faite : l’existence de la Souveraine
Puissance Dogmatique est établie.
[Note d’ATHIRSATA : Nous possédons une réimpression de l’édition
de 1888 des « Règlements généraux de la Maçonnerie écossaise pour la
France et ses dépendances. »[152].
Nous confirmons la citation que rapporte Diana Vaughan et Hiram.
Personne encore ne l’a fait, mais peut-être que quelqu’un pourrait nous
dire : « la Puissance Dogmatique n’est pas ce que vous croyez, il
s’agit en fait du Suprême Conseil ou du Grand Orient.
En effet, le Grand Orient « s’attribue la puissance dogmatique,
législative, judiciaire et administrative de tous les ateliers de tous les
rites et de tous les grades existants dans toute l’étendue de la France. »[153]
En effet, le Suprême Conseil « est la clef de voûte de
l’édifice ; à lui seul sont confiés la conservation du dogme Maçonnique,
le gouvernement et l’administration du Rite. »[154]
En effet, « le Suprême Conseil, ou, par délégation, la Commission
Administrative, sur le rapport des sections de la Grande Loge Centrale, admet
ou rejette les demandes de formation de nouveaux Ateliers. Ces Ateliers une
fois installés, le Suprême Conseil a toujours le droit de les suspendre
momentanément et même de les interdire, s’ils violent les engagements qu’ils
ont pris ou s’ils méconnaissent les décrets de l’autorité dogmatique. »[155]
En effet, « un Atelier ne peut procéder à aucune initiation,
affiliation ou régularisation, sans en avoir obtenu l’autorisation expresse de
la Puissance suprême. »[156]
En effet, « la correspondance régulière des Ateliers avec l’autorité
dogmatique ne s’ouvre qu’après le dépôt, au Secrétariat général, du
procès-verbal d’installation et de la double expédition de l’obligation. »[157]
En effet, « il est interdit également aux Maçons du Rite, de tous
grades, de se réunir, en dehors des tenues régulières des Ateliers, pour
quelque cause que ce soit, sans en avoir, au préalable, obtenu l’autorisation
de l’autorité Maçonnique. »[158]
En effet, « Le Trésorier ne pourra faire aucune dépense que sur
quittance régulièrement établie suivant les prescriptions du Règlement
financier adopté par l’Atelier et sanctionné par l’Autorité.
La comptabilité particulière de chaque Atelier sera l’objet d’un
Règlement spécial dressé par les Frères dudit Atelier ; ce Règlement
financier sera soumis à la sanction de l’Autorité supérieure avant
d’être exécutoire. »[159]
En effet, « aucune réforme, sous peine de mise en sommeil, ne peut
recevoir d’application sans avoir au préalable reçu la sanction de l’Autorité
dogmatique (cf. art. 84 et
85). »[160] Or,
l’article 84 fait mention de « autorité maçonnique » et
l’article 85 fait mention de « Suprême Conseil ».
De ces citations, il ressort bien deux choses : tout d’abord le
Suprême Conseil est effectivement une puissance dogmatique. Et enfin, la
Franc-Maçonnerie emploie dans ses règlements des mots divers pour qualifier le
Suprême Conseil. Et cela pour brouiller les pistes et pour pouvoir
affirmer :
« Toute initiation ou augmentation de grade devra se faire
conformément aux Rituels approuvés par le Suprême Conseil, aux Arrêtés
financiers de l’Atelier, et aux décrets de la Puissance Dogmatique dont il est
expressément défendu de s’écarter sous aucun prétexte ».
Or, dans cette phrase, on voit bien qu’il y a trois niveaux : le
Suprême Conseil, les Arrêtés financiers de l’Atelier, et la Puissance
Dogmatique. Ici, la Puissance Dogmatique ne signifie pas le Suprême Conseil,
car la phrase aurait été tournée autrement et il n’y aurait pas eu répétition
du même terme.
Là où il faut faire attention, quand on étudie la Franc-Maçonnerie,
c’est qu’un même mot peut désigner différentes choses.]
[…]
A propos de Léo Taxil on nous demandera peut-être : croyez-vous
qu’il ait été, à un moment donné, réellement et sincèrement converti.
Nous répondrons : oui, à notre avis cela ne fait pas de doute.
Dans sa préface de Nos bons Jésuites il dit bien que de 1885 à 1897 il
est resté sous la bannière de l’Eglise « afin de mystifier Rome et de voir
de près le monde clérical pendant tout le temps nécessaire à une étude
complète. » Il lui fallait donc paraît-il, douze ans pour arriver à ce
résultat ! Et quel résultat : l’informe et stupide roman
ci-dessus !! A qui pourra-t-il bien faire avaler pareille bourde ?
On a dit qu’il était revenu au catholicisme dans un but intéressé et
mercantile : pourtant les livres de la bibliothèque anti-cléricale
devaient lui rapporter au moins autant, sinon plus, que ses ouvrages de
divulgation anti-maçonnique.
On a dit encore qu’il n’avait jamais cessé, après sa conversion, de
vendre les premiers en même temps que les seconds ; mais il s’en est
toujours défendu avec énergie, et on ne l’a jamais prouvé : nous croyons
donc que c’est là une imputation calomnieuse.
Quant à compter sur l’appui et les largesses des catholiques, c’eût été
téméraire ; car il faut reconnaître que, soit faute de tactique, soit
faute de ressources, ils n’ont pas trop l’habitude de gâter outre mesure les
transfuges qui viennent à eux, ni de leur faire un pont d’or : Taxil et
Diana Vaughan l’ont appris à leurs dépens.
De la conversion de Taxil nous avons un garant de premier ordre, dont,
pour nous, le témoignage fait foi.
Que l’on nous permette à ce sujet un souvenir personnel.
C’était après la fameuse séance du 19 avril 1897, où Léo Taxil vint
proclamer son apostasie et renier ses révélations palladiques. Nous sortions,
assez déconfits, l’ami de la Rive et moi, de la salle de la Société de
Géographie, en compagnie du R. P. Gardien des Franciscains de la R. des
Fourneaux. Vu l’heure tardive nous décidâmes d’aller accompagner le R. P.
jusqu’à son couvent. Un fiacre fut affrété et pendant que son coursier,
trottinant, nous acheminait vers le futur repaire du Rite Ecossais, on causa.
Bien entendu la lamentable séance et ses incidents formaient le thème
de la conversation. Désorientés par la brusque volte-face de Taxil, nous en
étions arrivés à nous demander si ce triste sire avait jamais été réellement et
sincèrement converti.
Alors le R. P. Gardien intervint et nous dit :
« Je crois à la conversion réelle et effective de Taxil :
j’ai été son confesseur et rien ne m’a donné à penser qu’il ne fût pas sincère
dans son retour à la religion.
Il venait me trouver au couvent de grand matin, se confessait et
communiait à ma messe que je célébrais à 5 heures.
Il était seul, ou à peu près, dans la chapelle ; ce n’était donc
pas par ostentation, pour faire preuve de catholicisme qu’il agissait ainsi. Au
contraire il paraîtrait que ce fût plutôt pour se dissimuler aux yeux du public
et se cacher des siens. L’unisson ne régnait pas dans son ménage sur la
question religieuse ; et il y recevait fort mauvais accueil quand on
pouvait se douter qu’il s’était approché des sacrements.
Ses visites se continuèrent régulièrement pendant trois ou quatre
ans ; puis elles s’espacèrent… se raréfièrent… et cessèrent complètement.
Depuis lors, je ne l’ai revu… jusqu’à ce soir.
Taxil s’est toujours montré très froissé et exacerbé par les doutes que
les catholiques ont conservés sur sa conversion ; c’est là sûrement le
motif principal de sa défection d’aujourd’hui. »
[…]
Ecoutons maintenant Taxil lui-même nous donner confirmation des paroles
du R. P. Gardien.
Après sa palinodie du 19 avril 1897, Taxil écoula pendant quelque temps
sa prose et sa rancœur, dans un vague hebdomadaire de troisième catégorie
intitulé : Le Frondeur.
Dans le numéro 15 (25 avril 1897) de ce journal, il donne le texte
intégral et officiel de sa soi-disant conférence à la salle de la Société de
Géographie. En voici l’exorde qu’il convient de lire attentivement, car on y
trouve, sous une forme à peine voilée, le motif de sa défection :
« Il importe, tout d’abord, d’adresser des remerciements à ceux de
mes confrères de la presse catholique, qui, - entreprenant tout à coup, il y a
six ou sept mois, une campagne d’attaques retentissantes, - ont produit ce
merveilleux résultat, celui que nous constatons dès ce soir, et que l’on
constatera mieux encore demain ; l’éclat tout à fait exceptionnel de la
manifestation de la vérité dans une question, dont la solution aurait pu
peut-être, sans eux, passer absolument inaperçue.
A ces chers confrères, donc, mes premières félicitations ! et,
dans un instant, ils vont comprendre combien ces remerciements sont sincères et
justifiés. »
Dans ce préambule, Taxil, qui emploie évidemment le mode ironique et la
contre-phrase, puisqu’il traite de chers confrères, - en leur adressant des
félicitations et des remerciements sincères et justifiés (!), - les
journalistes catholiques qui l’ont accablé d’injures, les incrimine du
pitoyable résultat obtenu, de l’éclat exceptionnel d’une manifestation
de contre-vérité et leur dit que, sans leur intervention, cela ne se serait
peut-être pas passé de la sorte.
Cette traduction de sa pensée intime, se lit clairement entre les
lignes.
Nous connaissons donc la cause principale de la défection de
Taxil ; nous pensons que c’est la même qui a dû déterminer le défaut de
manifestation de l’héroïne des Mémoires. Pour l’un comme pour l’autre il
dût être bien dur d’être constamment en butte aux attaques non seulement de
leurs adversaires, ce qui est normal, mais surtout de ceux qui auraient dû être
leurs partisans et leurs amis dévoués. Il est terrible, à la guerre, de
recevoir des balles dans le dos, tirées par ceux qui devraient combattre avec
vous.
[…]
Toutefois dans cet ordre d’idées de réfutation des Mémoires, que
l’on ne vienne pas nous servir une argumentation dont usent tous les
adversaires, à quelque camp qu’ils appartiennent, soit la preuve par
l’absurde : d’avance, nous la récusons formellement. Dans cette
argumentation est absurde celui qui s’en sert. Il faut reconnaître qu’elle est
commode et facile à employer ; on prend un des faits fantastiques et peu
vraisemblables narrés dans les Mémoires et on vous dit : c’est
absurde, donc tout le reste aussi. Et ça y est, la démonstration est
faite !
Nous répondrons à cela que l’absurde est relatif et personnel à
chacun ; c’est une appréciation et rien de plus. Ce qui est absurde pour
l’un ne l’est pas pour l’autre. Ainsi un Voltaire vous dira qu’il est absurde
de croire au satanisme, et un libre-penseur, qu’il est absurde de croire aux
miracles consignés dans l’Evangile. Que vaut leur argumentation : zéro.
Pour nous, nous ne nous sommes pas occupé des faits merveilleux et
prodigieux que contiennent les Mémoires, ils ne sont pas de notre
ressort : nous ne saurions, en effet, ni les infirmer, ni les confirmer.
D’ailleurs Diana Vaughan, elle-même, reconnaît que ce sont là des prestiges
diaboliques. Elle nous le dit notamment, à propos de l’apparition qu’elle eut
de Lucifer au Sanctum Regnum de Charleston (Mémoires, p. 43 et
suiv.). Voici ses paroles :
« Il faut examiner les prestiges diaboliques que je viens de
relater. Loyalement je dirai ce que je pense. Le voici : tout cela n’est
qu’une mystification. Depuis que je sais que Lucifer n’est que le déchu Satan,
depuis que j’ai la foi en l’unique Dieu seul Très-Haut, seul vraiment
Tout-Puissant, j’ai la conviction que les faux miracles du Maudit sont des
prestiges, rien d’autre ; par conséquent j’ai été mystifiée comme tous les
Palladistes…
Tout cela est mensonge, donc mystification…
Donc : illusion, illusion, illusion. »
Puisque Diana Vaughan traite de la sorte les manifestations diaboliques
qu’elle relate, n’en parlons plus ; mais aussi qu’on ne nous en parle
plus.
Le Bibliophile Hiram.
Voici des passages du livre
de Spectator dans Le Mystère de Léo Taxil et la Vraie Diana Vaughan
(Editions RISS, 1930) :
« Les pages qu’on va
lire ont été publiées dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes.
Il ne fallait rien moins que l’autorité de cet organe officiel de la lutte
anti-maçonnique pour les accréditer. Son vénéré fondateur, Monseigneur Jouin,
avait déjà pressenti qu’un mystère se cachait dans l’éclat tapageur et
désastreux organisé par la Secte, et qu’il a si bien nommée la Judéomaçonnerie,
lors de ce qu’on était convenu d’appeler jusqu’ici la mystification de Léo
Taxil. La publication de L’Elue du Dragon[161]
posait de nouveau, dans toute sa crudité, la question de la Haute-Maçonnerie
sataniste dont nul n’osait plus parler depuis le 19 avril 1897. Et c’est à la
faveur de cette publication que pouvait enfin être communiqué à Monseigneur
Jouin le récit, tenu en réserve depuis 32 ans, de l’enquête faite à Loigny dès
le lendemain des événements du 19 avril. Ce récit était à peine publié, que
« tombait providentiellement entre les mains » de la Direction de la
Revue « la lettre originale par laquelle Diana Vaughan en personne contait
par le menu à l’abbé de Bessonies, son voyage à Patay et à Loigny ». Les
deux documents, ainsi providentiellement conservés et livrés au public, se
rejoignaient et concordaient d’une manière si parfaite qu’ils constituaient la
preuve inéluctable de la trahison et de la supercherie de Léo Taxil au soir du
19 avril, en même temps qu’ils étaient la justification et la confirmation des
écrits signés du nom qu’on avait pensé ruiner à tout jamais par cette trahison
et cette supercherie. »
[…]
« On prétend d’autre
part qu’au temps de la plus grande vogue de ses ouvrages contre la Maçonnerie,
sa femme, avec son assentiment, continuait à tenir boutique de ses anciens et
boueux libelles. Or, un témoin qui l’a beaucoup et intimement connu nous a
apporté, à l’encontre de cette assertion, la protestation la plus formelle et
vingt arguments en faveur de l’ardente sincérité première de cette conversion.
Mais le malheureux Taxil demeurait dévoré de toutes les concupiscences :
le bruit, l’argent, les femmes. La Secte l’a ressaisi par là.
Nos amis me racontèrent, en
effet, que dans les deux mois qui avaient précédé la triste séance qu’ils
déploraient tous en ce moment, Taxil leur avait parlé, incidemment, d’un voyage
qu’il avait dû faire, sur la demande expresse de Diana Vaughan, à
Loigny, où se trouvaient, alors, des religieuses en révolte contre Rome et
excommuniées. Diana Vaughan avait demandé à Taxil de se rendre à Loigny et de
lui faire un rapport sur ces religieuses. Taxil, quand il avait parlé de ce
fait à nos amis, n’avait pas caché que cette demande de Diana Vaughan lui avait
paru étrange : et que ce voyage était une chose dont il se serait
passé ; mais que Diana Vaughan l’avait voulu à tout prix ; et que, ne
pouvant s’y dérober, il s’était rendu à Loigny et avait fait le rapport demandé
- un rapport de quinze pages, précisait-il.
Dans le même temps,
c’est-à-dire peu après le voyage de Taxil à Loigny, M. de Bessonies avait reçu,
de Diana Vaughan, une lettre écrite de Chartres. Après lui avoir notifié le
voyage qu’elle venait de faire en France, elle ajoutait que « lorsqu’il
aurait l’occasion d’aller à Loigny, il voulût bien faire ses excuses à M. le
Curé, de ce qu’elle n’avait point signé de son vrai nom sur le registre qui lui
avait été présenté ». Elle n’avait pas cru, bien que le M. le Curé de
Loigny lui parût « très intelligent et très sympathique », devoir se
faire connaître et trahir l’incognito sous lequel elle voyageait.
Quand nos amis avaient parlé
à Léo Taxil de cette lettre et du voyage de Diana Vaughan à Loigny, il avait
été vexé. Car il avait ignoré ce voyage. Il traduisait même son agacement par
ces mots : « Si elle devait y aller elle-même, pourquoi m’a-t-elle
demandé d’y aller et de lui faire un rapport là-dessus ? »
Au lendemain du 19, ce propos, tenu par Léo Taxil quelques semaines
auparavant, était d’un grand poids.
Nos amis, du reste, qui ne
prévoyaient pas alors l’événement du 19, mais qui, depuis toujours, étaient
soigneux de s’entourer de toutes les garanties, n’avaient eu rien de plus
pressé, au reçu de la lettre de Chartres, que d’écrire à M. le curé de Loigny
pour avoir son impression sur la mystérieuse visiteuse du 13 mars ; car
c’était ce jours là que Diana Vaughan était venue à Loigny. Ils envoyaient, en
même temps, à M. le Curé de Loigny une photographie du portrait de Diana
Vaughan, exécuté par M. Esnault, peintre de M. de la Rive, au lendemain du
dîner de 1893 ; et ils demandaient à M. le Curé si la personne qu’il avait
reçue était bien la même que celle qui était représentée dans cette
photographie.
M. le Curé de Loigny avait
répondu à nos amis, leur renvoyant la photographie, avec une attestation écrite
de sa main au dos de la photographie, déclarant qu’il reconnaissait
parfaitement, dans cette photographie, les traits de la personne venue à Loigny
le 13 mars, et que « la ressemblance était frappante ».
Nos amis me montraient cette
photographie et l’attestation écrite de la main de M. le Curé de Loigny.
En quittant Paris, je
résolus de me rendre à Loigny. […]
A la sacristie de Loigny,
j’aperçus le registre où signaient les visiteurs. Il était ouvert. Après avoir
signé moi-même, je tournai un feuillet et je me reportai à la date du 13 mars.
Quelle ne fut pas ma surprise, quand je reconnus, à ne pouvoir m’y méprendre,
dans la signature de ce jour, l’écriture de Diana Vaughan. Mon cœur battait
très fort. J’étais heureux de la constatation que je venais de faire. Je
l’estimais d’un grand prix.
M. le Curé de Patay fut
témoin de mon émotion.
Comme elle l’avait écrit, de
Chartres, à M. de Bessonies, Diana Vaughan n’avait pas signé de son vrai nom.
Elle avait écrit Ivana Pétroff, en raison, sans doute, de son culte pour
Jeanne d’Arc, dont elle avait reçu le nom au baptême, lors de sa conversion, et
pour Saint Pierre, vicaire du Christ, se perpétuant, dans la personne de ses
successeurs, à Rome. Mais l’écriture était la sienne, telle que la connaissent
tous ceux qui avait reçu de ses lettres dont la reproduction photographique
avait été publiée si souvent au cours des dernières années. […]
A 7 heures du matin, je me
trouvai de nouveau à Loigny, heureux de rencontrer cette fois M. le Curé qu’il
m’était si important de pouvoir interroger. M. le Curé fut très bon pour moi.
[…]
« _ Et en ce qui est
des religieuses, vous a-t-elle manifesté le désir de les visiter ? _ Au
vrai, m’a répondu M. le curé, vous me rappelez là une chose à laquelle je ne
pensais plus. Oui ; elle m’a manifesté ce désir ; et avec une particulière
insistance. Il m’a semblé même, à la manière dont elle insistait - bien que
toujours avec une parfaite discrétion et sans me dire aucunement ni dans quel
but, ni pour quel motif elle voulait les visiter - il m’a semblé qu’elle
était venue d’abord et surtout pour cela ».
Je tenais beaucoup à
connaître ce détail. Il allait m’expliquer plusieurs points très mystérieux et
d’une grande importance.
Je demandai à M. le
curé :
« _ Que lui avait-vous
répondu devant cette proposition ? _ Je lui ai répondu que non ; qu’elle
ne pouvait pas les visiter ; que les bons catholiques n’y allaient
jamais ; que, du reste, elle ne serait point reçue, car elles ne
recevaient que leurs adeptes ; et qu’enfin elles étaient excommuniées.
Elle m’écoutait, ne disant rien ; mais l’on sentait qu’elle était
réellement contrariée. Cependant, elle s’est très bien montrée, a paru
parfaitement accepter mes raisons ; et finalement, m’a répondu, avec une
parfaite politesse : « Puisqu’il en est ainsi, je n’irai pas ».
Elle est alors remontée en voiture, et est repartie immédiatement pour
Orgères ». […]
Ceci se passait le 13 mars.
Or, dans le fascicule des Mémoires, daté du 15 mars et paraissant vers
le 20, on lisait, tout à fait à la fin, cette note que d’abord, et jusqu’à ma
visite de Loigny, je n’avais pas comprise :
« Tout spécialement, je
remercie les amis connus et inconnus qui ont prié pour moi en ces derniers
jours. Je dois à leurs bonnes prières d’avoir échappé à un péril dont je frémis
encore. Je ne puis dire ce dont il s’agit. Toutefois, que mes amis ne croient
pas que ce danger se rapporte ni à ma santé, ni à la découverte de ma retraite.
Le malheur que Dieu, dans son infinie bonté, a écarté de moi, n’est pas dans
l’ordre des choses matérielles. Merci encore, et que le secours des prières me
soit continué plus que jamais.
D. V. »
Maintenant il devenait
évident pour moi que le péril dont parlait, dans cette note, Diana Vaughan,
n’était pas autre que la tentation, à laquelle elle avait failli céder, d’avoir
des accointances avec les religieuses révoltées de Loigny. Ecœurée et
déconcertée par la manière dont se comportaient à son sujet tant de
catholiques ; surprise, peut-être, d’un trop long silence de la part du
Vatican, dont elle avait peine à comprendre, dans sa généreuse loyauté, la sage
lenteur, surtout depuis ce qui s’était passé au Congrès antimaçonnique de
Trente, elle avait eu (et n’en retrouvait-on pas l’écho douloureux dans les
derniers numéros des Mémoires ?) la tentation de se demander si, en
venant à l’Eglise catholique et en se soumettant à Rome, elle n’avait point
fait fausse route. C’est ce qui l’avait portée à s’enquérir des doctrines et
des pratiques de ces religieuses de Loigny, dont elle avait entendu dire des
choses étranges, et, entre autres, qu’elles affirmaient le vrai Pape prisonnier
et l’Eglise à la merci de quelques intrigants. On s’expliquait, de la sorte, le
fameux rapport demandé à Léo Taxil, et la particulière insistance auprès de M.
le Curé de Loigny, et la note du 15 mars, où l’on sent le témoignage discret et
contenu, mais profondément ému et sincère, d’une âme nouvellement convertie,
qui est heureuse d’avoir pu résister, « échapper », comme elle disait
elle-même, à ce qu’elle comprenait maintenant avoir été une terrible tentation.
Ce qui n’était qu’une induction de ma part est maintenant une certitude
historique. Nous avons la lettre, datée du 14 mars, écrite par Diana Vaughan à
l’abbé de Bessonies, où le tout se trouve confirmé point par point.
Lettre de Diana
Vaughan :
Vivent Jésus, Marie,
Joseph !
Cher Monsieur l’Abbé,
Bénissez Dieu qui vient de
sauver mon âme d’un grand danger !… Je comptais n’être rentrée en mon cher
asile qu’après-demain ou demain au plus tôt ; j’ai dû précipiter mon
retour. Arrivée ce matin à la première heure à la ville, j’étais avant midi
chez mes bons amis. Ceci est pour vous rassurer quant à ma personne. Mais que
Dieu est miséricordieux, et combien je fus sage en me mettant hier sous la
protection de sa Très Sainte Mère, avant d’aller à Loigny ! Le péril du
corps n’était rien auprès du péril de l’âme !…
Mon voyage a été des plus
heureux. Après la cité du martyre, je voulais voir le champ de la terrible
bataille, le lieu même de la grande victoire de Patay… Et Loigny ! Loigny
où Jeanne coucha sur le sol, avant le combat. Loigny où il fut déployé pour la
France contre l’Allemagne, l’étendard du Sacré-Cœur !… Loigny et Patay,
inséparables dans l’histoire !… Et le démon, mettant à profit ces
dispositions de mon cœur enthousiaste, m’attirait à Loigny d’abord… Ah !
le perfide, comme il troubla mon âme !…J’avais donc résolu de voir par
moi-même, de me rendre compte des griefs des religieuses de Loigny, de
m’entretenir avec la voyante… Infâme piège du Maudit !… […]
Je voulais, de l’église, me
rendre au couvent des religieuses. Eh bien, cher Monsieur l’Abbé, je ne l’ai
pas pu. Tandis que j’apprenais que pour être reçue chez ces religieuses il me
fallait demander une lettre de recommandation, et au moment où je prenais la
résolution de la faire, j’ai ressenti en moi un malaise subit, une secousse
intérieure accompagnée de frisson, comme si mon sang se glaçait. J’ai eu la
pensée d’un avertissement du ciel, et immédiatement j’ai renoncé à mon projet.
Etc.
En Jésus, Marie, Joseph et
Jeanne, je suis toujours votre reconnaissante et respectueuse servante.
14 mars 1897.
Diana Vaughan.
Dans le numéro du 30 avril
de la France chrétienne, M. de la Rive écrivait : « Nous
sommons Léo Taxil de nous mettre en présence de la dactylographe. S’il ne peut
nous la montrer, ou s’il nous la montre et que les traits de cette femme ne
correspondent pas à ceux de la Diana Vaughan de l’Hôtel Mirabeau, du portrait
de M. Esnault, et de la Diana Vaughan qui se trouvait à Loigny le 13 mars
dernier, nous serons fondés à demander à Léo Taxil si la vraie Diana Vaughan
n’aurait pas été supprimée pour les besoins de la cause. Dans ce nouvel épisode
de la lutte anti-maçonnique, il y a un important mystère à éclaircir ».
Cette sommation de M. de la
Rive souleva les colères de M. Ranc, dans le Radical. Mais Taxil ne
répondit pas. Quinze jours après, M. de la Rive revenait à la charge, et il
écrivait : « Nous réitérons aujourd’hui notre sommation ! »
Cette nouvelle sommation n’eut pas plus de succès que la première.
Pour moi, après ma visite de
Loigny, je tenais pour certain que Diana Vaughan avait été trahie par Léo
Taxil. Je n’aurais pu admettre un sentiment contraire que si l’on m’eût
montré, vivant encore et ne protestant pas, la Diana Vaughan signataire du
registre de Loigny. Or, au lieu de montrer cette Diana Vaughan, et de la
faire parler et agir ou écrire dans le sens nouveau de la mystification, -
rien, pas un mot, pas une ligne d’elle. Depuis le 19 avril, on n’en retrouvait
plus la moindre trace. Chose plus grave encore : au lendemain du 19 avril,
une lettre signée Diana Vaughan était envoyé à M. le chanoine Mustel, de
Coutances, l’un de ceux qui avaient combattu le plus ardemment pour la réalité
des faits et la vérité de la conversion de Diana Vaughan. Cette lettre était ignoble
et ordurière. Elle n’avait pas été écrite par la noble antagoniste de Lemmi.
Elle était de la main et de l’écriture de Léo Taxil, mais contrefaite,
simulant l’écriture de Diana Vaughan. Pourquoi cette contrefaçon et ce faux,
si Taxil avait eu à sa disposition la prétendue secrétaire dont il aurait usé
depuis si longtemps pour tromper le public catholique ?
A cet étrange fait, comme à
tant d’autres questions qui se posaient de plus en plus précises et
angoissantes, il n’y avait qu’une explication capable de satisfaire :
Diana Vaughan avait disparu ; et celui qui l’avait livrée essayait de
donner le change.
C’était la solution donnée
par Jean Kostka, dans la brochure qu’il publiait peu après sous ce titre :
Le Cas de Miss Diana Vaughan. Et, dans une longue conversation que
j’avais avec lui, sur le trottoir de la gare de Carcassonne, il m’expliquait
comment le malheureux Taxil, qu’il avait connu dans l’intimité, depuis
sa propre conversion à lui, arrivée en 1895, avait été poussé à bout par
l’attitude révoltante de certains catholiques à son endroit, notamment de l’Univers,
de la Vérité, du Peuple Français, et aussi des Etudes,
sous la plume de ceux qu’on appelait les trois Eugène, c’est-à-dire Eugène
Veuillot, Eugène Tavernier, et Eugène Portalié.
On a reproché à Diana
Vaughan (et Léo Taxil) convertie de s’être mise aussitôt à publier des écrits,
au lieu de se vouer au silence pour raffermir l’œuvre de sa conversion. Mais
saint Paul s’était-il tu au lendemain de sa conversion ? Et n’avait-il
pas, tout de suite, dans cette même ville de Damas, où il était venu plein de
fureur pour emprisonner les fidèles du Christ, clamé bien haut l’erreur funeste
qui avait été la sienne, et que ce Jésus qu’il persécutait n’était autre que le
Fils du Dieu vivant ?
Au même moment où Diana
Vaughan se faisait baptiser, le R. P. Delaporte des missionnaires du
Sacré-Cœur, tombait subitement frappé et rendait sa belle âme à Dieu. Il avait
offert se vie pour la conversion de Diana Vaughan.
Cependant, à Lourdes, une
jeune fille, Melle Louise D…, envoyé au pèlerinage national par M. l’abbé de
Bessonies, au nom et avec les offrandes de Diana Vaughan, était miraculeusement
guérie d’une maladie humainement incurable, après s’être plongée dans la
piscine en ce même jour du 21 août. N° du 29 septembre du Pèlerin.
Il y eut aussi, que dans les
bureaux de nos grands journaux catholiques on fut à la merci d’un imposteur de
haut vol, véritable agent de Lemmi, celui-là, qui, déjà, en 1895, à Maëstricht,
se donnait pour converti et pour très au courant des choses maçonniques, disant
s’être appelé autrefois et avant sa conversion, du nom de Moïse-Lid-Nazareth,
nom qui était le sien en « palladisme » ; - comme devait en
témoigner une lettre de M. Van Term, de Hollande, adressée à M. de la Rive, le
11 mai 1897, quelque trois semaines après la fameuse séance du 19 avril.
C’était ce personnage, Paul Rosen, de son vrai nom, qui avait été chargé par
Lemmi de faire l’opinion des journaux catholiques sur Léo Taxil, sur Diana
Vaughan et sur le Dr Bataille. Un jour, il s’était présenté chez M. Pierret,
l’éditeur de Diana Vaughan, lui offrant une somme de dix mille francs,
s’il lui montrait « Diana Vaughan ». Informés par un tel agent, nos
journaux catholiques ne pouvaient être que bien renseignés…
Une chose pourtant aurait dû
faire réfléchir : le silence des feuilles maçonniques. D’où put venir
qu’on ne se demanda pas, un instant, la cause de ce silence ? Il eût été
facile de comprendre, semble-t-il, qu’un tel phénomène n’avait rien de
naturel ; et que si vraiment les révélations de ces dernières années
avaient été, pour la Secte, indignement calomnieuses, elle n’aurait pas manqué
de protester la première et de traduire bien haut son mépris à l’adresse de
tous les calomniateurs. Au lieu de cela, d’une façon générale, parmi ces
feuilles maçonniques, un silence de mort ; comme si la Secte eût craint,
en parlant, de se trahir et de laisser entrevoir les dessous d’une machination
qui était son œuvre. »
« Le Saint-Siège
avait été saisi du cas extraordinaire et profondément émouvant de la
conversion de Diana Vaughan. Une commission avait été désignée pour l’étudier.
Alors intervint le cardinal Rampolla, Secrétaire d’Etat de Léon XIII. Il
chargea Mgr Sardi de signifier sa volonté aux membres de la Commission :
« Au Vatican, disait le cardinal Rampolla, nous ne voulons pas de Diana
Vaughan et il faut la démolir. »
Il
alla même jusqu’à menacer plusieurs membres de cette Commission de perdre leur
place, s’ils ne suivaient pas ses ordres - entre autres, Mgr Lazzareschi et
Messieurs Albatta et Bonetti…
A
propos de cette scandaleuse intervention, de cet abominable abus de pouvoir,
l’abbé Mustel, directeur de la « Revue Catholique de Coutances »
écrit à l’abbé de Bessonies, le 3 avril 1897 : « Pour expliquer ce
mystère d’iniquité, il est bon de savoir que les cardinaux Rampolla et Mocenni…
son fortement soupçonnés, pour ne rien dire de plus, d’être
francs-maçons. »[163]
En
effet le cardinal Rampolla appartenait bien à la Secte, il est donc normal
qu’il ait suivi les instructions des arrières loges à ce sujet et qu’il ait
tout fait contre Diana Vaughan. Disons simplement ici que Mgr Jouin avait eu en
main l’affiliation du Cardinal Rampolla à la Haute Maçonnerie et m’avait chargé
- alors que j’étais le Rédacteur an Chef de la Revue qu’il avait fondée - de
montrer le document à un certain nombre de Cardinaux, Archevêques et Evêques.
Au cours de ces démarches, l’un des Evêques visités, l’intrépide Evêque de
Montauban, Mgr Marty, qui m’honorait de sa bienveillante amitié et n’a rien de
commun avec celui qui fut l’Archevêque de Paris, me confirma la trahison du
Cardinal Rampolla. Peu après la mort de ce dernier, Mgr Marty fit sa visite
« ad limina ». A cette occasion, le Cardinal Merry del Val,
Secrétaire d’Etat de St Pie X, lui confia qu’à la mort du Secrétaire d’Etat de
Léon XIII on trouva dans ses papiers la preuve de sa forfaiture ; il la
porta personnellement au St Père qui fût bouleversé. De son côté, Mr Félix
Lacointa Directeur du « Bloc Catholique » - devenu « Bloc
Anti-Révolutionnaire » - revue à laquelle je collaborais régulièrement -
avait un important dossier sur la question et publia un article dans sa Revue,
confirmant par d’autres sources, cette abominable félonie du Secrétaire d’Etat
de Léon XIII : « Le frère Rampolla » (n° juin-juillet 1929.)
Mais
revenons à Diana Vaughan. Une telle conversion, de telles révélations : c’en
était trop ! Lucifer et ses suppôts allaient se venger : la disparition de
Diana s’imposait. Le Pouvoir occulte fit intervenir alors un de ses anciens
adeptes qu’il avait chassé pour escroqueries mais qui était retombé sous son
joug, Léo Taxil, dont nous avons déjà parlé.
Très
justement le Père Pègues écrit à son sujet : « il demeurait dévoré de
toutes les concupiscences : le bruit, l’argent, les femmes. La Secte l’a
ressaisi par là… » Taxil organisa une ignoble machination dans un double
but : empêcher les dernières révélations que Diana avait annoncé devoir
faire publiquement le 19 avril 1897 et d’autre part discréditer les adversaires
du Luciférisme et de la Haute Maçonnerie. Diana fut enlevée et mourut martyre
de sa foi. Diana n’ayant donc pu se présenter en public le 19 avril, comme elle
l’avait annoncé, Léo Taxil - présent à la réunion - prétendit que Diana Vaughan
n’avait jamais existé et que c’était lui qui avait tout manigancé avec sa
dactylographe pour se moquer et se venger des Catholiques… La manœuvre de la
Secte ne réussit que trop, car elle parvint ainsi à ridiculiser tous ceux qui
affirmaient l’existence de la Haute Maçonnerie luciférienne et le culte rendu
à Satan.
A
la suite de la disparition de Diana, Monsieur de la Rive écrivit dans « La
France Chrétienne » du 30 avril : « Nous sommons Léo Taxil de
nous mettre en présence de la dactylographe. S’il ne peut nous la montrer et
que les traits de cette femme ne correspondent pas à ceux de la Diana Vaughan
de l’Hôtel Mirabeau, du portrait de Mr. Esnault et de la Diana Vaughan qui se
trouvait à Loigny le 13 mars dernier, nous serons fondés à demander à Léo Taxil
si la vraie Diana Vaughan n’aurait pas été supprimée pour les besoins de la
cause. Dans ce nouvel épisode de la lutte anti-maçonnique, il y a un important
mystère à éclaircir. »
Bien
entendu, Léo Taxil ne répondit pas, mais dans « Le Radical », le
franc-maçon Ranc manifesta une violente colère.
Quinze
jours après, Mr de la Rive réitéra vainement sa sommation. Qui plus est, au
lendemain du 19 avril, le Chanoine Mustel reçut une lettre ignoble et ordurière
simulant très maladroitement l’écriture et la signature de Diana Vaughan, mais
qui était de la main et de l’écriture de Léo Taxil.
Affirmons
hautement que la Secte a menti. Diana Vaughan a très véritablement existé. Il
n’est pas inutile de vous en donner quelques preuves entre bien d’autres :
1
- La généalogie et la notoriété de la famille de Diana dans le Kentucky aux
Etats-Unis.
2
- Tous les documents du Pouvoir Occulte qu’elle a publiés et dont certains ont
été confirmés authentiques par la suite.
3
- Son passage en 1893-1894 au Palais Borghèse à Rome, confirmé par le Prince
Borghèse lui-même.
4
- Le témoignage du Commandeur Lautier, qui avait été l’un des deux conviés par
Diana en décembre 1893 à un dîner à l’hôtel Mirabeau. Le 1er janvier 1894, il
en faisait la description suivante : « C’est une jeune femme de 29 ans,
jolie, très distinguée d’une stature au-dessus de la moyenne, la physionomie
ouverte, l’air franc et honnête, le regard pétillant d’intelligence et
témoignant la résolution et l’habitude du commandement. La mise est fort
élégante, mais du meilleur goût, sans affectation, ni cette abondance de bijoux
qui caractérise si ridiculement la majorité des riches étrangères. »
5
- celui de Mr Esnault, l’artiste peintre de M. de la Rive, qui assistait
également à ce dîner et qui, les jours suivants, peignit le portrait de Diana.
6
- Le Père Sanno Solario, Jésuite de Turin, la connaissait personnellement,
Monseigneur Parocchi l’affirme dans « Eco d’Italia » du 18 octobre
1896, donc plusieurs mois avant la disparition de Diana. Je le cite :
« Che la vista et la ha parlato qui l’a vue et lui a parlé » vers le
15 décembre 1893, alors qu’elle arrivait de Londres et y repartait.
7
- Quand elle venait à Paris, Diana descendait à l’hôtel Mirabeau : elle y
resta une dizaine de jours en 1893 et y recevait son courrier, généralement
recommandé ainsi qu’elle le voulait. On a donc dans les documents postaux
plusieurs signatures d’elle.
8
- La photographie de l’enveloppe d’une lettre recommandée envoyée de Bruxelles
à Diana, alors à Londres, en 1894 remise en mains propres. Photographie publiée
par le Chanoine Billaud dans son étude « Du Diable à Dieu par Jeanne
d’Arc ».
9
- Les très nombreuses lettres que pendant plusieurs années elle adressa tant à
M. de la Rive qu’à l’abbé de Bessonies, Premier Vicaire à N. D. des Victoires
à Paris, et au Chanoine Mustel, Directeur de la « Revue Catholique de
Coutances », tous les trois ont conservé ces lettres.
10
- Le témoignage de Mgr Fava, Evêque de Grenoble, dans sa « Semaine
Religieuse » du 14 janvier 1897, donc également avant la disparition de
Diana.
11
- La lettre que, de Chartres arrivant de Loigny, Diana écrivit le 14 mars 1897
à l’abbé de Bessonies, dans laquelle elle raconte que le curé de Loigny lui
ayant demandé de signer le registre des visiteurs elle s’y refusa tout d’abord,
voulant demeurer incognito, mais que, sur l’insistance du prêtre, elle signa
sous un autre nom, priant son correspondant de l’excuser auprès du Curé de
Loigny.
12
- L’Abbé de Bessonies écrivit alors au curé de Loigny, en lui envoyant une
photographie du portrait que le peintre Esnault avait fait de Diana et en lui
demandant si sa visiteuse du 13 mars était bien la même personne.
13
- Le Curé de Loigny en renvoyant la photographie, tint à y écrire au dos
l’attestation de sa main qu’il y avait identité de personne et que « la
ressemblance était frappante. » Lors d’une visite que l’Abbé fit
ultérieurement, il fit de la visiteuse une description en tous points conforme
à celle du Commandeur Lautier.
14
- Diana, sur le registre des visiteurs à Loigny, pour cacher son identité et
conserver son incognito, avait signé : Ivana Petroff. On contrôla donc
facilement l’écriture de cette signature avec celle des lettres qu’elle avait
adressées à ses amis. C’était bien la même écriture.
Ajouterai-je
que, personnellement, j’ai été à Loigny pour effectuer moi-même une enquête en
novembre 1954. L’abbé Thevert, Curé de Loigny à cette époque, non seulement me
montra le registre et la signature, mais, le 25 novembre suivant, de son propre
chef, m’envoya le calque de la signature avec son attestation.
Toutes
ces preuves de l’existence de Diana sont évidentes et incontestables, comme
aussi le mensonge et le crime des suppôts de Satan-Lucifer. »
Arrivé au bout de notre
étude, seules deux possibilités s’offrent
à nous :
Soit Diana Vaughan n’a pas
existé et donc ses écrits et ceux du Dr Bataille sont faux, soit elle a vraiment
existé, et alors ce qu’a raconté le Dr Bataille est vrai, puisque Diana Vaughan
a confirmé les écrits du Dr Bataille (et corrigé les deux trois erreurs).
Quand on s’aperçoit qui
étaient les plus grands acharnés contre Diana Vaughan et le Dr Bataille (Rosen,
Bois), leurs mensonges, leurs fréquentations suspectes, et comment à chaque
fois les défenseurs de Diana Vaughan triomphaient des attaques ; quand on
s’aperçoit que tout va finalement dans le sens des écrits de Diana Vaughan et
Léo Taxil ; alors le doute n’est plus possible.
Nous avons une preuve indiscutable que Taxil à menti
le 19 avril 1897 en disant qu’il avait inventé le palladisme, puisque nous
avons le témoignage irrécusable des fondés de pouvoir de la famille Borghèse
lors de leur visite au palais Borghèse, où ils ont vu un « temple
palladique », etc (cf. dans ce livre, chapitre Le Temple palladique du
palais Borghèse, pages 153 et
suivantes). Et cela, ce n'est pas du Taxil,
mais des témoignages italiens, dont la presse italienne s'est faite l'écho, et
dont personne n'as pu contester la véracité.
Léo Taxil a donc menti lors de la conférence du 19
avril 1897, en affirmant qu'il était l'auteur du palladisme.
Enfin, Taxil n'a jamais pu montrer la soi-disant
« dactylo » qui jouait le rôle de Diana Vaughan.
Sur certaines
« exagérations » dans les livres de Taxil, rappelons nous ce qu’il
dit lors de la fameuse séance du 19 avril 1897 :
« Je dirai même que
j’ai rendu service à la Maçonnerie française. Je veux dire que ma
publication des rituels n’a pas été étrangère, certainement, aux réformes qui
ont supprimé des pratiques surannées, devenues ridicules aux yeux de tous
maçons amis du progrès. »
A propos du « retournement »
de Taxil, Hacks et Margiotta, il faut se rappeler que la secte maçonnique ne
lâche jamais sa proie. Si vous êtes dangereux pour elle, elle essayera de vous
calomnier ou de vous acheter. Elle cherchera à trouver une faille et
l’exploitera. Avec l’argent, l’alcool, la drogue, les menaces de mort, le
poison, les femmes, la secte a de nombreux moyens d’obtenir une rétractation.
Sans oublier non plus, et
c’est peut-être le plus important, les tentations du démon. Quand on porte des
coups terribles à la Franc-Maçonnerie (synagogue de Satan), il faut s’attendre
à de redoutables attaques du démon.
Rappelons nous cette phrase
du Père Surin[164] :
« Ils m’attaquèrent par
des tentations d’impureté d’une manière si épouvantable, que, sans une grâce
miraculeuse, je n’aurais jamais pu m’en défendre ; ils me tourmentèrent
ainsi un an entier avec violence. »
Taxil, Hacks et Margiotta,
simples hommes avec leurs faiblesses, ont malheureusement succombés. Mais leurs
œuvres sont là, écrites quand ils étaient forts dans la Foi.
Pour Léo Taxil, nous ferons
sienne cette phrase qu’il écrivit dans la Revue Mensuelle en 1896 :
« On aura beau faire et
beau dire, et la Maçonnerie perd son temps à faire nier : Miss Diana
Vaughan existe bel et bien, en chair et en os. Je l’ai vue en cinq
circonstances différentes ; je ne suis ni mystificateur ni mystifié.
S’il m’arrivait le malheur de dire jamais le contraire, c’est que je serais
devenu complètement fou, et il ne resterait qu’à me faire entrer à
Charenton. »
En ce qui concerne Diana Vaughan, M. Tardivel, prophète, écrivait, dans
la Vérité, de Québec, du 7 novembre 1896 :
« Que les catholiques, qui aident à répandre le bruit que Mlle
Vaughan n’est qu’un mythe, réfléchissent bien à ceci :
Les francs-maçons se sont
dit : de deux choses l’une : ou bien, à force de dire et de répéter,
sur tous les tons et en toutes les occasions, que Mlle Vaughan n’existe pas,
nous finirons par faire accepter cette opinion par la masse des catholiques, et
alors ses révélations ne produiront aucun effet ; ou bien, à force de nier
son existence, nous contraindrons Mlle Vaughan à sortir de sa retraite pour
prouver qu’elle existe, et alors nous la supprimerons.
Certains catholiques,
ajoutait le personnage en question, ne semblent pas comprendre qu’ils font l’affaire
de la franc-maçonnerie. »
Et
cela n’a pas cessé puisque au Congrès des B’nai-Brith tenu à Paris en 1935 et
publié à Londres en février 1936, le rapporteur déclare : « Et les
gentils dans leur stupidité, ont prouvé être plus bêtes que ce que nous pensions
et espérions. »
Pour
terminer, nous citerons cette phrase de Mgr Jouin :
« Et de même que le
Christ, chef invisible de l’Eglise catholique, est représenté visiblement, ici
bas, par le Pape, de même j’estime que Satan, chef invisible de l’armée du mal
ne commande à ses soldats que par des hommes, ses suppôts, ses âmes damnées, si
vous voulez - toujours libres cependant de se soustraire à ses ordres et à ses
inspirations. Quant à ce pouvoir, plus ou moins occulte, de la Maçonnerie et
des Sociétés secrètes qui poursuivent le même but, il existe par la simple
raison qu’il n’y a pas de corps sans tête, point de peuple sans pouvoir public.
L’axiome romain : Tolle unum, est turba ; adde unum, est populus
(unum caput) a ici sa pleine application. Sans un pouvoir directeur, la
Maçonnerie serait une foule plus ou moins affolée par quelques idées
subversives, mais qui se désagrégerait d’elle-même, au lieu d’être la maîtresse
du monde… »
ATHIRSATA.
Dans le
« Journal de l’abbé Combe » concernant « Les
dernières années de Sœur Marie de la Croix, bergère de La Salette »
(réédité par les éditions Téqui), nous lisons page 178 :
(L’abbé
Combe interroge Mélanie*) :
« _ Mais
pouvez-vous dire qu’on a changé Léo Taxil ? Pouvez-vous dire que les
méchancetés des catholiques sont cause qu’il est retourné à la
franc-maçonnerie ? Comment ne voyez-vous pas qu’il s’est toujours moqué
des catholiques ? Lui-même l’a dit en 1897, quand on le somma de produire
sa Diana Vaughan, il leur a ri au nez.
_ Diana
Vaughan, mon Père, n’est pas un mythe. La courageuse femme qui avait confiance
en lui, ne sachant pas qu’il était redevenu mauvais, se rendit réellement à
Paris, et il la livra.
_ Qu’est-ce
que vous me racontez ! Vous l’avez vu la livrer ?
_ Oui, mon
père. La nuit il est allé la chercher à la gare ; en route il lui
dit : « J’ai des précautions à vous indiquer, entrons dans cette
maison. » Quand elle mit le pied dans la première chambre à gauche, elle
tomba dans une trappe.
_ Alors,
c’est plus qu’une fripouille, c’est un assassin !
_ Il ne l’a pas assassinée. Il fut payé pour la livrer, et on lui
avait dit qu’on se contenterait de l’emprisonner.
_ S’est-on
borné à la séquestrer ?
_ Les palladistes
l’ont fait souffrir, ô ! Combien, mais celle-là
n’apostasiera pas !
_ Vous
avez vu tout cela ?
_ Je l’ai
vu se faire. »
*(Rappelons
que Mélanie reçut un don insigne, celui de voir les évènements. Ainsi, lorsque
la Très Sainte Vierge lui révéla le fameux « Secret », en 1846, elle
vit tous les évènements se dérouler en même temps que le texte, à la manière
d’un film.)
Une critique de notre ouvrage a été récemment faite,
par Massimo Introvigne, sur le site du CESNUR (Center
for Studies on New Religions), que vous pouvez lire intégralement en allant sur
le lien suivant : http://www.cesnur.org/2003/mi_redux.htm
Tout d’abord, remercions Massimo Introvigne lorsqu’il
constate que nous avons fait un travail « considérable » :
« Reconnaissons d’abord que l’auteur a fait
un travail considérable, et qu’il faut toujours regarder d’un œil favorable la
mise à la disposition du public de documents qui, pour n’être pas inédits, sont
d’accès plutôt difficile, sauf à fréquenter la Bibliothèque Nationale de Paris.
Ajoutons qu’il s’agit d’une des machines
de guerre les plus ingénieuses qu’il nous ait été donné de voir mises en oeuvre
pour soutenir une thèse difficile. »
Cependant, il ajoute : « Mais la
thèse demeure insoutenable. »
Voyons donc pourquoi notre « thèse » est
fausse, en étudions les principaux arguments de Massimo Introvigne. Voici
notamment ce qu’il dit :
« Un deuxième groupe d’arguments montre que
plusieurs petits faits dans les ouvrages de Taxil, « Bataille » et
« Diana Vaughan » sont tout à fait exacts. Qu’il me soit permis de
faire référence ici à mon ouvrage Enquête sur le satanisme, où j’ai bien fait
remarquer qu’« il était impossible de produire dix mille pages en quelques
années seulement [comme Taxil l’a fait] sans puiser abondamment à des sources antérieures »,
et que par conséquent « on ne peut pas dire que tout ce que contient cette
littérature [de Taxil] est faux. Il était impossible de noircir plus de dix
mille pages sans utiliser des multiples sources, donc sans tomber, même sans le
vouloir, sur des documents et épisodes authentiques. Il se peut également que
certains épisodes véridiques – dont les conspirateurs préféraient faire croire
qu’ils étaient des faux – aient été mêlés à d’autres, d’une fausseté évidente,
pour brouiller les pistes des futurs chercheurs »
(pp. 199-200). Mais il ne faut surtout pas exagérer lorsqu’il s’agit
d’identifier la part de vrai dans les ouvrages taxiliens. »
Le seul problème, c’est que nous avons montré que même
les choses qui pouvaient passer pour farfelue dans les œuvres de Taxil, et bien
en fait n’étaient pas fausses, par exemple à propos du passage en latin de
cuisine de Taxil sur les sœurs maçonnes. (Cf. notre ouvrage page 478). Et que
donc en fait, les seules erreurs dans les ouvrages de
Taxil sont des erreurs bénignes, involontaires.
Continuons.
« Parfois, « Athirsata »
invoque des témoignages de francs-maçons : le fait que certains (surtout
dans la maçonnerie « en marge », ou para-maçonnerie) aient pris un
moment au sérieux certains éléments de la mystification est certes très fâcheux
pour eux, mais ne constitue pas en soi une preuve de la vérité de ces mêmes
éléments. »
Oui, nous n’avons pas dit le contraire, les
témoignages de francs-maçons étaient cependant indispensables et devaient être mis
sous les yeux des lecteurs. Nous avons de nombreuses preuves indiscutables pour
la véracité de notre « thèse », dans notre ouvrage, que d’ailleurs
Massimo préfère ne pas parler, car il est évident que cela gène sa thèse à lui.
Massimo écrit :
« Le troisième groupe, plus connu dans
l’histoire de ces controverses, insiste sur le fait que Diana Vaughan et Sophie
Walder ont bien existé : des journaux en ont parlé, des personnes
affirment les avoir vues. On comprend que l’on touche ici au fond de l’affaire.
Sur les deux personnages centraux de celle-ci, je me limite à deux
observations. Diana Vaughan, d’abord. Qui donc s’est montré à quelques
personnes sous ce nom ? « Athirsata » ne donne que deux
possibilités: la vraie Diana Vaughan, qui était bien ce que la littérature
taxilienne disait qu’elle était, ou la dactylo dont Taxil avait parlé en 1897.
On peut regretter que, si attentif qu’il soit à mon livre, et si critique qu’il
se montre à l’égard de l’ouvrage anti-taxilien du franc-maçon anglais Arthur
Edward Waite (1857-1942, Devil-Worship in France, or the Question of Lucifer (Redway, Londres 1896), « Athirsata » ait décidé
de ne pas mentionner le fait que Waite, après la confession de Taxil, écrivit
un second volume, Diana Vaughan and the Question of Modern Palladism, lequel
n’a pas trouvé d’éditeur mais dont je possède une copie du manuscrit original,
conservé dans une collection privée en Angleterre, copie que j’ai souvent citée
et utilisée. Dans ce second texte, Waite émet une troisième hypothèse, celle d’une
« Diana Vaughan » américaine, pathologiquement anti-maçonne et
affligée de sérieux problèmes psychiatriques, que Taxil aurait rencontrée et
exploitée. Il s’agit, certes, d’une simple hypothèse, mais il eût été
intéressant de la prendre en considération. »
Hé oui, hypothèse sans fondement, lancé
par le franc-maçon Waite pour essayer de faire diversion et de brouiller les
pistes. Malheureusement, le lecteur impartial, en lisant notre ouvrage, ne
pourra que constater devant nos multiples preuves l’insolubilité du personnage
Diana Vaughan.
Enfin, le point essentiel pour Massimo :
« Admettons, toutefois, l’insolubilité de
l’énigme Diana Vaughan. Reste Sophia Walder, et l’existence de cette dame et de
son père est un aspect tout à fait crucial de l’affaire. Je pense que là
réside, en effet, la preuve finale de la mystification taxilienne. Sophia
Walder est loin de n’être ici qu’un personnage mineur: la lutte de Diana contre
Sophia est si centrale que, si Sophia n’existe pas, Diana n’existe pas non
plus, ou n’existe pas dans les termes qu’on dit. Or, l’un des ouvrages capitaux
de la controverse, Le Diable au XIXe siècle (Delhomme et Briguet, Paris-Lyon
1892-1894), signé « Dr Bataille », nous affirme que Sophie ou Sophia
Walder est la fille de « l’ex-pasteur Walder, (…) aujourd’hui mormon, qui
réside aux Etats-Unis, dans l’Utah, où il est la doublure de John Taylor »
(vol. I, pp. 39-42). Son père, à son tour luciférien, joue dans cette même
affaire un rôle qui n’est pas tout à fait négligeable. Or, John Taylor (1808-1887)
n’est pas n’importe qui. Troisième Président de l’Eglise des Mormons, c’est un
personnage tout à fait fondamental dans l’histoire du mormonisme. Dans mon
ouvrage paru en 1997, j’écrivais : « il n’y a pas la plus petite
trace d’une ‘autorité générale’ (ni même d’un dirigeant local) de l’Eglise
mormone dans les années comprises entre 1860 et 1900, à Salt Lake City ou dans
les missions européennes, qui réponde au nom de Walder » (op. cit., p.
202). Je parle d’une « enquête que j’ai personnellement menées dans les
archives » de l'Eglise mormone à Salt Lake City (ibid.). Pour moi, en
matière de mormonisme, Salt Lake City locuta, quaestio soluta, mais
« Athirsata » n’y croit pas. Voici son commentaire : « Il
ne nous fera pas croire qu’il a eu accès à toutes les archives… »
(p. 472). Et de citer un extrait de l’ouvrage d’Abel Clarin de La Rive
(1885-1914) La Femme et l’enfant dans la franc-maçonnerie universelle (Delhomme
et Briguet, Paris 1894, p. 721) qui dit avoir vu « un journal
américain » qui annonce la mort de « Phileas Walder », lequel
aurait été « bien connu comme l’ami de John Taylor, le successeur de
Brigham Young ; c’est en qualité de disciple de ce dernier qu’il fit tant
pour la propagation des doctrines du mormonisme ».
Or, je connais bien l’ouvrage de Clarin de la Rive et
ne doute pas de la bonne foi de cet auteur. Mais il faut considérer ici ce
qu’est le mormonisme. Les mormons se considèrent a record-keeping people :
ils ont une vraie manie de l’histoire et des documents, et des raisons religieuses
les incitent à tenir un journal personnel et à s’occuper de généalogie. Les
documents sur l’Utah et les mormons au XIXe siècle ne sont nullement tous dans
les mains de l’Eglise mormone : plusieurs sont dans les familles des
pionniers mormons, dont beaucoup se sont éloignées du mormonisme, et des
milliers sont dans des collections non mormones, comme celles de la très laïque
Utah State Historical Society (que nous avons également consultées au sujet
d’un « Walder » mormon). Les archives de l’Eglise mormone étaient
très accessibles à la fin des années 1980 (date de notre enquête) : on y a
pu retrouver et publier notamment des documents sur les pratiques spirites, non
pas d’un quelconque Walder, mais du prophète fondateur du mormonisme lui-même,
sans parler de plusieurs criminels ayant appartenu à l’Eglise mormone au XIXe
siècle.
Ceux qui connaissent ces archives (doublées de celles
de l’Utah State Historical Society, que l’Eglise mormone ne contrôle
aucunement, et de la Huntington Library à San Marino, en Californie, qui elle
non plus n’est pas dirigée par des mormons) se rendent compte immédiatement que
la vie en Utah au XIXe siècle est parfois mieux documentée que celle à Paris en
2003. Nous savons qui habitait où, sa maison, son compte en banque. Si l’Eglise
mormone voulait supprimer le nom d’un personnage, même mineur, on en
retrouverait les traces dans des journaux de particuliers dont plusieurs
échappent totalement à son contrôle. Je dis bien : un personnage mineur.
En effet, supprimer jusqu’à l’existence de quelqu’un qui était « la
doublure » d’un Président de l’Eglise mormone, le disciple de Brigham
Young (1801-1887) en personne, et qui « fit tant pour la propagation des
doctrines du mormonisme », à supposer que l’Eglise y ait intérêt, cela serait
tout à fait impossible. Ce serait sans compter avec le fait que nous avons non
seulement des centaines, mais des milliers, de journaux et de collections de
documents soigneusement conservés par des particuliers, et déposés en bonne
partie dans des bibliothèques et archives non mormones. Il est impossible que
pas un seul de ces documents ne mentionne un Phineas, ou Phileas, ou en tout
cas un personnage du nom de Walder à l’époque de Brigham Young et de John
Taylor, si ce Walder a vraiment existé.
Objectera-t-on qu’on ne peut pas consulter tous les
documents ? Leurs index d’archives sont très bien faits. Aurait-on
manipulé les index, même dans des institutions non mormones ? Voilà qui
serait déjà très difficile à croire (pourquoi s’aventurer dans la difficile
suppression totale d’un nom, alors qu’il suffisait le cas échéant de nier son
« luciférisme » ?), mais nous avons maintenant la possibilité
d’une contre-épreuve. Aujourd’hui, on peut s’abonner sur l’internet à la banque
de données ancestry.com, qui est remarquablement complète sur tous ceux qui ont
laissé une trace aux Etats-Unis du XVIIIe siècle à nos jours. Par exemple, on y
trouve la trace des noms de personnes parus dans tous les journaux dont une
copie existe dans la moindre bibliothèque américaine, des actes de naissance,
de propriété et de décès (peut-être incomplets dans le Kentucky de Diana
Vaughan – sans pourtant croire trop rapidement Taxil sur ce point – , mais certainement pas en Utah). Bref, des millions de
noms, sur la base des archives mormones mais aussi de centaines d’autres archives non mormones. Or, il n’y a pas de Phineas ou de
Phileas Walder dans tout cet immense ensemble d’archives : il est donc
impossible qu’il ait laissé une trace dans les journaux américains. Clarin de
la Rive, certes de bonne foi, a eu sous les yeux (avant l’aveu du
mystificateur) un faux de Taxil.
Il y a eu aux Etats-Unis quatre Sophies ou Sophia
Walder, mais elles sont nées respectivement en 1838, 1876, 1892 et 1893 (celle
de 1892 est morte l’année même de sa naissance), donc aucune ne correspond au
personnage évoqué par Taxil. Ancestry.com inclut maintenant également les
données anglaises, où nous trouvons trois Sophia ou Sophie Walder qui se
marient respectivement en 1886, 1898 et 1920 : les dates ne conviennent
pas, ni les noces, puisque la Sophie Walder de Taxil est, de par ses
préférences sexuelles, « lesbienne ardente » (Léo Taxil, Y-a-t-il des
Femmes dans la franc-maçonnerie ?, H. Noirot, Paris 1891, pp. 390-393) –
et, en plus, fiancée (puis épouse) du très jaloux diable Bitru. En revanche,
pas de Diana Vaughan (serait-ce la faute des registres du Kentucky ?)
jusqu’à une époque récente : nous osons espérer qu’une pauvre Diana
Vaughan (1956-1975), morte à l’age de dix-neuf ans, n’aura au moins jamais su
de quelle héroïne elle portait le nom.
Bref, le Phileas Walder de Taxil et Bataille n’a
jamais existé, pas plus qu’un dirigeant mormon nommé Walder n’a eu une fille
nommée Sophie ou Sophia, et tout ce qui concerne ces personnages a été inventé
par Taxil. Mais si Sophie Walder, grande prêtresse luciférienne, et son très
luciférien (et mormon) géniteur Phileas n’ont jamais existé, comment prêter une
existence à Diana Vaughan - qui aurait donc menti sur une partie essentielle de
son histoire, tout comme le « Dr Bataille », lequel, comme bien
entendu Taxil, parle beaucoup de Sophie/Sophia Walder ? Qu’on nous apporte
la preuve de l’existence d’un dirigeant mormon « bien connu » Walder
(pourtant facile à donner pour n’importe quel mormon, même non dirigeant et non
« bien connu ») et nous réouvrons le dossier. Mais cette preuve, on
ne l’apportera pas. »
Que retenir de tout cela ? Massimo essaye
d’impressionner le lecteur en nous noyant dans sa connaissance des archives du
mormonisme, etc. Or, tout d’abord remarquons que, malgré ce qu’il dit, il est
possible qu’il n’est pas eu accès à toutes les archives, de même que certaines
revues ou archives maçonniques ne sont réservés qu’aux hauts-initiés maçons. De
plus, comme Diana Vaughan, Margiotta, et autres hauts-initiés, ils changeaient
de noms souvent, ce qui brouille les pistes. Enfin,
c’est pas parce qu’on ne trouve pas de traces papiers de quelqu’un que cette
personne n’a pas existée. Clarin de la rive a eu le
journal américain sous les yeux, où l’on parle de la mort de Phileas Walder.
De même, Phileas Walder est cité dans la revue
maçonnique « La Renaissance Symbolique ».
Mais surtout, le fait de nier l’existence d’un
quelconque Phileas Walder est absurde !
En effet, il suffit de consulter l’Encyclopédie de l’Occultisme de Lewis
Spencer, publié pour la premère fois en 1920, pour constater que Philéas Walder
a bien existé. Certes, lewis Spencer affirme que Diana Vaughan n’a pas
existé, ni le Palladisme et que Phileas Walder n’a pas joué le rôle aurpès de
Pike que lui prête le docteur Hacks. Mais il n’empêche qu’il affirme bien que
Phileas Walder a bien existé, et qu’il était un « franc-maçon et
occultiste sérieux. »
Voici cette notice, de L’Encyclopédie :
“Walder, Phileas
A Swiss Lutheran minister who became an occultist and Spiritualist, and
a friend of French occultist Éliphas
Lévi. In the anti-clerical hoax of Léo Taxil (Gabriel Jogand-Pagès), Walder and Miss Sophia Walder were
represented as associates of Freemason Albert
Pike in the rites of devil
worship in
Traduction :
« Ministre luthérien suisse qui est devenu un
occultiste et un Spiritualiste, et un ami de l’occultiste français Éliphas
Lévi. Dans le canular anticlérical de Léo Taxil (Gabriel Jogand-Pagès), Walder et Mlle Sophia Walder ont été
représentés en tant qu'associés du franc-maçon Albert Pike dans les rites du
culte de diable à Charleston, en Caroline du sud. En réalité, Walder était un
franc-maçon et un mystique sérieux. »
Voici la page de l’Encylopédie :
Ce que nous reprochons au compte-rendu de Massimo
Introvigne, c’est de ne pas parler des nombreuses preuves indiscutables en
faveur de notre « thèse ».
Par exemple, à propos de savoir si c’est Taxil qui a
inventé le palladisme luciférien ou pas. Or, nous avons une preuve indiscutable
que Taxil à menti le 19 avril 1897 en disant qu’il avait inventé le palladisme,
puisque nous avons le témoignage irrécusable des fondés de pouvoir de la
famille Borghèse lors de leur visite au palais Borghèse, ou ils ont vu un
« temple palladique », etc (cf. dans notre
ouvrage page 153 et suivantes). Et cela, ce n'est pas du Taxil, mais des
témoignages italiens, dont la presse italienne s'est faite l'écho, et dont
personne n'as pu contester la véracité.
Léo Taxil a donc menti lors de la conférence du 19
avril 1897, en affirmant qu'il était l'auteur du palladisme.
Enfin, Taxil n'a jamais pu montrer la soi-disant
"dactylo" qui jouait le rôle de Diana Vaughan.
Ce sont, nous pensons, les preuves capitales.
Les ouvrages non-soulignés
sont ceux dont le contenu est sûr à cent pour cent.
Les ouvrages en pointillés sont ceux dont il faut se méfier dans certains
passages, certaines citations.
Les ouvrages soulignés sont ceux dont une grande
partie du contenu est douteux ou presque.
Gougenot des Mousseaux
Henri-Roger, La Magie au dix-neuvième siècle, ses agents, ses vérités, ses
mensonges, H. Plon et E. Dentu, Paris, 1860.
Lecanu (abbé), Histoire
de Satan. Sa chute, son culte, ses manifestations, ses œuvres, la guerre qu’il
fait à dieu et aux hommes, Parent-Desbarres, Paris, 1861.
Ségur (Mgr de), Les
Francs-Maçons. Ce qu’ils sont, ce qu’ils font, ce qu’ils veulent, Librairie
Saint-Joseph, Paris, 1897.
Saint-Albin Alexandre de, Du
culte de Satan, Paris, J.-L. Paulmier et H. Aniéré, 1867.
Saint-Albin Alexandre de, Les
Francs-Maçons et les sociétés secrètes, Paris, F. Wattelier et Cie, 1867.
Gougenot des Mousseaux Henri-Roger,
Le Juif, le Judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, Plon,
Paris, 1869.
Gautrelet François-Xavier, La
Franc-Maçonnerie et la Révolution, Lyon, Briday, 1872.
Deschamps Nicolas, Les
Sociétés secrètes et la société ou la philosophie de l’histoire contemporaine,
Avignon, Fr. Seguin Aîné, 1874-1876, 3 tomes. (Complété par Claudio Jannet en
1880.)
Rosen Paul, La
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Chabauty (abbé), Les
Juifs nos maîtres, Paris, Palmé, 1882.
Rosen Paul, Aujourd’hui
et demain. Les Evénements dévoilés par un ancien Rose-Croix, suite de ses
révélations, Bloud & Barral, Paris, 1882.
Rosen Paul, La
Franc-maçonnerie. Histoire authentique des sociétés secrètes depuis le temps le
plus reculé jusqu’à nos jours, leur rôle politique, religieux et social, par un
ancien Rose-Croix, Bloud, Paris, 1883.
Fava Mgr, Le Secret de la
Franc-Maçonnerie, Lille, Société de Saint-Augustin, Desclée de Brouwer et
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France juive, 1886.
Brettes (chanoine), Maçonnerie
pratique - Cours d’enseignement supérieur de la Franc-Maçonnerie. Rite Ecossais
ancien et accepté, 2 tomes, Baltenweck, Paris, 1885-1886.
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Franc-Maçonnerie et les sociétés secrètes, 1886.
Taxil Léo, Les Frères
Trois Points, Letouzé & Ané, Paris, 1886.
Taxil Léo, Le Culte du
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Maçonnes, Letouzé & Ané, Paris, 1886.
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Franc-Maçonnerie de 1717 à 1890 en France, en Belgique et en Italie, Bloud
et Barrat, Paris et Société Belge de Librairies, Bruxelles, 1890.
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Taxil Léo et Fesch Paul, Le
Martyre de Jeanne d’Arc, seule édition donnant la traduction fidèle et complète
du Procès de la Pucelle, d’après les manuscrits authentiques de Pierre Cauchon,
Letouzey et Ané, Paris, 1890. (528 pages).
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politique, Albert Savine, Paris, 1890.
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Assassinats maçonniques, Paris, Albert Savine, 1890.
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Drumont, Letouzey et Ané, Paris, 1890.
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Testament d’un antisémite, E. Dentu, Paris, 1891.
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Conversions célèbres, Paris, Tolra, 1891.
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Flammarion, Paris, 1892.
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politique et rituels réformés, Paris, Ancienne Librairie Retaux-Bray,
Victor Retaux et fils, successeurs, 1892.
Dupont E., La République
Universelle gouvernée par les juifs, race supérieure, A. Savine, 1893.
Meurin (Mgr), La Franc-maçonnerie, synagogue de Satan, Retaux,
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Bataille (Dr.), Le
Diable au XIXe siècle, 2 tomes, Delhomme & Briguet, Paris-Lyon,
1892-1894.
Clarin de la Rive Abel, La
Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle. D’après des documents
officiels de la secte (1730-1893), Delhomme et Briguet, Paris, 1894.
Margiotta Domenico, Souvenirs
d’un trente-troisième. Adriano Lemmi chef suprême des Francs-Maçons,
Delhomme et Briguet, Paris, Lyon, 1894.
Taxil Léo, Le Diable et
la Révolution, Delhomme et Briguet, Paris-Lyon, 1895.
Clarin de la Rive Abel, Le
Juif dans la Franc-Maçonnerie, A. Pierret, Paris, 1895.
Margiotta Domenico, Le
Palladisme culte de Satan-Lucifer dans les Triangles Maçonniques, H.
Falque, Grenoble, 1895.
Kostka Jean (Jules Doinel), Lucifer
démasqué, Delhomme et Briguet,1895.
Vaughan Diana, Mémoires
d’une ex-palladiste, Pierret, Paris, (juillet 1895 - avril 1897).
Margiotta Domenico, Le Culte de la Nature dans la Franc-Maçonnerie
Universelle, Société Belge de Librairies, Bruxelles, 1895. (Grenoble, H.
Falque, 1896)
Margiotta Domenico, Francesco Crispi, son œuvre néfaste,
Grenoble, H. Falque, 1896.
Vaughan Diana, Le 33ème
Crispi. Un palladiste homme d’Etat démasqué. Biographie documentée du héros
depuis sa naissance jusqu’à sa deuxième mort, Pierret, Paris, juillet 1896.
Vaughan Diana, La
Restauration du paganisme. Transition décrétée par le Sanctum Regnum ; les
hymnes liturgiques de Pike ; rituel
du néo-paganisme, août 1896.
La Tour de Noé, La Vérité
sur miss Diana Vaughan la sainte et Taxil le tartufe, 8 mai 1897.
Il faut lire absolument Le Diable au XIXe
siècle.
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[1] Mais au fait, pourquoi a-t-il été initié franc-maçon alors qu’il était un personnage si « controversé » ? ATHIRSATA.
[2] Weber Eugen, Satan Franc-Maçon. La mystification de Léo Taxil, Julliard, 1964, p. 193.
[3] Introvigne Massimo, Enquête sur le satanisme, Dervy, Paris, 1997, p. 168.
[4] James Marie-France, Esotérisme, occultisme, Franc-Maçonnerie et christianisme aux XIXe et XXe siècles. Explorations bio-bibliographiques, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1981, p. 249.
[5] Taxil Léo, Confessions d’un ex-Libre-Penseur, Letouzey et Ané, Paris, 1887 : « Tu déshonores le nom de ta famille, me répétait mon père, navré. […] Le mieux, pour ne plus m’exposer à de telles récriminations, était d’adopter un pseudonyme. Mon aïeul maternel qui avait été mon parrain s’appelait Léonidas. Je supprimais les deux syllabes de son prénom ; il me resta Léo. D’autre part au collège j’avais été frappé par le nom d’un roi indien, Taxile, qui contracta alliance avec Alexandre-le-Grand, conquérant pour lequel j’éprouvais une vive sympathie ; Je retranchais l’e final de ce nom de monarque du temps de jadis. L’ensemble, Léo Taxil, me parut euphonique, et je composais ainsi le pseudonyme que j’ai gardé depuis et sous lequel je suis connu. »
[6] La Chaîne d’Union, septembre 1886.
[7] Muracciole Bernard, Léo Taxil. Vrai fumiste et faux Frère, Editions Maçonniques de France, 1998, p. 108.
[8] Muracciole Bernard, op. cit., p.
109.
[9] Les Mystères de la Franc-Maçonnerie, Léo Taxil, Letouzé & Ané, Paris. Dessins de P. Méjanel. Gravures de Pannemaker.
[10] James Marie-France, op. cit., p. 251.
[11] Fesch Paul (abbé), Souvenirs d’un abbé journaliste, 1898.
[12] Nous pensons pour notre part, que la rechute de Taxil date de la fin de l’année 1896. Nous y reviendrons.
[13] Pour la liste complète de ses œuvres, se reporter à : « Principaux ouvrages nous intéressant ayant paru durant la période : 1860-1900 », p. 553.
[14] Jarrige Michel, L’Eglise et les Francs-Maçons dans la tourmente, croisade de la revue la Franc-Maçonnerie démasquée, éditions arguments, Paris, 1999, pages 44 et 45.
[15] Léo Taxil, dans son livre sur Drumont a écrit quelques « boulettes », exemple page 55 : « Mais la synagogue n’attaque pas l’Eglise. Les israélites croyants respectent les croyances des catholiques. » (sic)
Et page 255 : « Du reste, le juif, qui suit sa religion, donne aux pauvres, en vertu de la loi hébraïque, la dixième partie de ce qu’il gagne. Celui qui ne pratique pas la dîme est un mauvais juif. »
[16] On croirait entendre une critique du film de Luc Besson sur Jeanne d’Arc…
[17] Ricoux Adolphe, L’Existence des loges de femmes, Paris, Téqui, 1891.
[18] Collignon-Teissier, Paris, 1861.
[19]
Massimo Introvigne écrit
page 143 de son livre, à propos de Pessina : « un personnage réel,
nommé Peisina puis Pessina dans Le Diable. » D’une coquille de
l’imprimeur, l’auteur essaye de semer le doute sur la réelle compétence et la
réelle véracité des faits que raconte le Dr Bataille. Voici à notre avis la
cause de cela : dans un passage du Diable au XIXe siècle, page 929,
nous lisons : « Je dois faire remarquer et rectifier une faute
d’impression qui s’est produite plusieurs fois au cours de cet ouvrage. Comme
catholique, j’écris : « Ante-Christ » ; mais les
palladistes écrivent : « Antichrist », ou :
« Anti-Christ ». Partout où je cite un document luciférien ou les
paroles d’un palladiste, il faut lire le mot avec un i ; et lorsque
je m’exprime moi-même, c’est-à-dire en tant qu’auteur catholique, il faut lire
un e. Les typographes, ne se rendant pas compte de cette différence, ont cru
parfois à une erreur de ma part et ont mis e pour i, et
réciproquement. » A notre avis, ce sont les typographes et non l’auteur qui sont
responsables de la coquille que mentionne Massimo.
[20] Chose non invraisemblable sur la base de ce que l’on sait du vrai Pessina, selon Massimo Introvigne.
[21] Bataille (Dr.), Le Diable au XIXe siècle, 2 tomes, Delhomme & Briguet, Paris-Lyon, 1892-1894.
[22] On a soutenu que Drumont était un catholique plutôt tiède, qui cherchait simplement à se servir de l’Eglise pour ses objectifs antimaçonniques et antisémites. Mais un grand écrivain français, Georges Bernanos (1888-1948), a raconté dans La Grande peur des bien-pensants, (Bernard Grasset, Paris, 1931), l’itinéraire politique et spirituel de Drumont, insistant sur les rapports tourmentés mais sincères de l’homme politique français avec la foi catholique (note de Massimo Introvigne).
[23] Introvigne Massimo, op. cit., p. 148.
[24] Margiotta Domenico, Souvenirs d’un trente-troisième. Adriano Lemmi chef suprême des Francs-Maçons, Delhomme et Briguet, Paris, Lyon, 1894.
[25] Voici une citation qui vient confirmer ce que dit le docteur Bataille : « Si en conférant ce grade, on ne le considère que comme un échelon pour parvenir à la maçonnerie hermétique, on ne donne point d’anneau au récipiendaire qui ne le reçoit qu’en obtenant un nouveau grade. » (Ragon, Rituels du 31e et 32e degré, p. 46.) ATHIRSATA.
[26] Ici le docteur Bataille fait sûrement allusion à G. Bois et à Rosen.
[27] Article paru dans la Revue Mensuelle, n°1, janvier 1894.
[28] Numéro du samedi 21 octobre 1893.
[29] Journal catholique dirigé par Auguste Roussel.
[30]Numéro portant la date du vendredi 27 octobre.
[31] Général Cadorna, franc-maçon avéré, envahisseur de la Ville éternelle et, de ce fait excommunié, assassin de soldats désarmés et de blessés.
[32] Ici, l’auteur de cet article se trompe, car si effectivement, les Triangles palladistes existent, les Triangles dont il est fait question dans le Bulletin maçonnique sont différents. Cf. plus loin page 443. ATHIRSATA.
[33] Hasard, nous verrons pourquoi dans le dernier chapitre : « Le Marquis de la Franquerie et Diana Vaughan », page 547.
[34] Fait très important à garder en mémoire, quand plus tard on voudra faire de Taxil l’auteur du Diable au XIXe siècle.
[35] Taxil Léo, Confessions d’un ex-Libre-Penseur, Letouzey et Ané, Paris, 1887.
[36] Page 176.
[37] C’est-à-dire Hacks.
[38] Ce sont là les seuls apports de Léo Taxil dans le Diable au XIXe siècle.
[39] Suite de l’article de Léo Taxil.
[40] Article paru dans la Revue Mensuelle, n°1, janvier 1894.
[41] Article du docteur Bataille paru dans la Revue Mensuelle, n°2.
[42] Article du docteur Bataille, Revue Mensuelle, n°2.
[43] Léo Taxil, Revue Mensuelle, n° 3.
[44] Léo Taxil, Revue Mensuelle, n°5 (mai 1894).
[45] Il s’agit de Domenico Margiotta.
[46]
Les révélations d’Abel Clarin de la Rive sont sérieuses, puisque puisées
aux sources mêmes. Dans une note page 419 du Diable au XIXe siècle, nous
lisons : « M. de la Rive, qui s’est fait initier pour connaître les
mystères de la franc-maçonnerie, s’est attaché à recueillir le plus grand
nombre possible de documents officiels de la secte. »
[47] page 393, lignes 11 à 15.
[48] Clarin de la Rive Abel, La Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle. D’après des documents officiels de la secte (1730-1893), Delhomme et Briguet, Paris, 1894.
[49] Article paru dans le numéro 5 de la Revue Mensuelle, par Quivis (Dr Bataille ou Léo Taxil).
[50] Cf. le n° 1 de la Revue Mensuelle, page 28.
[51] Léo Taxil, Revue Mensuelle n°6 (juin 1894).
[52] Kostka Jean (Jules Doinel), Lucifer démasqué, Delhomme et Briguet, 1895.
[53] Jarrige Michel, op. cit., page 164.
[54] Revue Mensuelle, n°9 (septembre 1894).
[55] Revue Mensuelle, n°9.
[56] Revue Mensuelle, n°10 (octobre 1894). Cet article est publié pour montrer que même pour des petits points de détails, ce sont bien Taxil et Cie qui ont raison contre leurs détracteurs. Le lecteur impatient peut sauter cet article et se rendre directement à la page 173 de ce livre.
[57] Numéro du 6 novembre.
[58] Numéro de novembre.
[59] Vérité, n° du 8 novembre.
[60] Observateur Français, n°du 18 avril.
[61] Page 191.
[62] Revue mensuelle, février 1895.
[63] Revue Mensuelle, juin 1895.
[64] Meurin (Mgr), La Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, Retaux, Paris, 1893.
[65]Revue Mensuelle, n°20 (août 1895).
[66] Franc-Maçonnerie démasquée, mars 1896.
[67] Jarrige Michel, op. cit., p. 196.
[68]Revue Mensuelle, 1896.
[69]Article d’Abel Clarin de la Rive dans la Revue Mensuelle, 1896.
[70] Nous pouvons confirmer ces citations, ayant eu sous les yeux un exemplaire de la Renaissance symbolique, dont nous reproduisons des photocopies. ATHIRSATA.
[71] Article de la Revue Mensuelle, 1896.
[72] « Comment se fait-il que telle grande Revue, qui fut fondé dans un but de large propagande anti-maçonnique, soit devenue une misérable coterie, une toute petite église, exclusivement destinée à abriter les élucubrations de l’éditeur, et des deux ou trois rédacteurs qui l’exploitent ? N’y a-t-il au monde d’autres œuvres, dignes d’être signalées, que celles qui sont faites avec l’assentiment ou la collaboration de l’un de ses rédacteurs ou qui sortent de l’officine de son éditeur ? La question de boutique, le coup du juif doivent-ils donc devenir la seule explication de certaines campagnes de presse ? Mon Dieu ! Je ne demande pas qu’on ne dise que du bien de mes ouvrages ; mais qu’on dise ce qu’on en pense, loyalement. » (Le Culte de la Nature, par Domenico Margiotta, page 261.)
[73] Note de la Rédaction de la Revue Mensuelle : « A notre tour, nous nous permettons d’ajouter un argument sans réplique, auquel notre éminente collaboratrice ne pouvait songer, ignorant le fait que nous allons citer ; en 1894, M. Margiotta a eu entre les mains le volume de M. de la Rive, La Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie, qui donne le portrait de Miss Vaughan en toilette de soirée ; il a eu aussi, devant nous, la photographie qui la présente en costume d’Inspectrice Générale du Palladium. Or, M. Margiotta a dit alors à nous-mêmes et à tous nos amis que la ressemblance était frappante. Mais, à cette époque, il ne songeait pas à lui nuire. D’ailleurs, s’il avait eu le moindre doute sur l’identité de la personne, ne nous aurait-il pas mis en garde ? Ne nous aurait-il pas dit : « Méfiez-vous ; vous êtes sans doute le jouet d’une aventurière ; cette femme n’est pas la Diana Vaughan que je connais. »
[74] En fait Domenico Margiotta flatte d’abord Diana, puis espère d’elle des documents sur Lemmi, espérant ainsi faire un livre complet sur Lemmi. Il s’est converti au catholicisme, mais il profite de ce que cela ne se sache pas encore dans les milieux maçonniques pour se faire passer toujours pour franc-maçon et ainsi récupérer encore pleins de documents. Diana Vaughan se trompe donc dans ses commentaires sur cette lettre. Note d’ATHIRSATA.
[75] Compte-rendue de la Revue Mensuelle, n° 34 (octobre 1896).
[76] Hacks Charles, Le Geste. Illustration de Henri Lanos. « Tout dire sans parler. » Le passage incriminé est à la page 130 (chapitre sur « le geste hiératique ». Les religions par leurs gestes – Les gestes du feu, du fer, et de la Croix).
[77] Cf. le compte-rendu de cette réunion au chapitre : « Une première preuve incontestable à propos de l’existence de Diana Vaughan », p. 60.
[78] Né le 27 avril 1859 à Melun (Seine-et-Marne), Marie Joseph Louis Gabriel de Bessonies reçoit l’ordination sacerdotale à Paris le 3 décembre 1883. Professeur au petit séminaire Notre-Dame des Champs, le jeune prêtre est ensuite affecté, en tant que vicaire, à Notre-Dame des Victoires le 21 janvier 1885. Il en deviendra chapelain le 28 juillet 1894. Figure centrale de l’anti-maçonnisme, rédacteur-vedette à La Croix, au Pèlerin et à La Franc-Maçonnerie démasquée, l’abbé de Bessonies écrit de nombreux articles sous le pseudonyme du Chercheur ou sous celui de Gabriel Soulacroix. A l’origine de la création du Comité antimaçonnique de Paris en 1892, il prend, l’année suivante, la responsabilité de La Franc-Maçonnerie démasquée. Il devient également secrétaire du comité national français pour la préparation du congrès antimaçonnique international, qui se tiendra à Trente en 1896. Il joue un rôle-clef dans l’affaire des fiches, en 1904, en gardant à son domicile les documents fournis par Jean Bidegain (1870-1926) - qui le connaît bien - jusqu’au jour de leur révélation à la tribune de la chambre des députés.
Il meurt à Paris le 4 février 1913.
[79] Article de la Franc-Maçonnerie démasquée, novembre 1896.
[80] Note de la FMD.
[81] Note de la FMD.
[82] Le jour de la Toussaint, on avait chanté à Notre-Dame des Victoires un Laudate Dominum adapté à la musique de l’Hymne à Jeanne d’Arc, composé par miss Vaughan.
[83] Si à l’époque on ne pouvait pas (ou plutôt plus) lire à la Bibliothèque Nationale la Renaissance symbolique, de nos jours il est de nouveau possible de le faire. Nous avons publié pages 198, 199 et 200 des extraits de cette revue qui démontre bien que Diana Vaughan a raison ; et que chaque citation faite par Vaughan, (ou Léo Taxil), est toujours exacte. En effet, à l’époque, les gens auraient pu dire qu’on ne peut vérifier le texte de la Renaissance symbolique, puisque cette revue était devenue introuvable à la BNF. Or, cent ans après, cette revue est de nouveau accessible au simple profane. Et la vérité éclate… ATHIRSATA.
[84] Léo Taxil, Revue Mensuelle, n°35 (novembre 1896).
[85] Note d’ATHIRSATA : voici ce qu’écrit Michel Jarrige à propos du Congrès de Trente : « Si l’abbé de Bessonies avoue à l’assistance n’avoir jamais aperçu la jeune femme, il précise qu’il connaît personnellement des témoins qui déclarent l’avoir rencontrée. Outre Bataille et Taxil, il cite Lautier et Esnault qui ont déjeuné avec elle, ainsi que Pierret, l’éditeur des ouvrages de l’ex-luciférienne, le frère de celui-ci, ses ouvriers et son apprenti. Tous ont assuré l’avoir vue à plusieurs reprises.
Léo Taxil monte ensuite à la tribune pour expliquer aux 400 personnes présentes (dont plusieurs évêques) que la ruse suprême des francs-maçons consiste à semer la suspicion sur les transfuges qui les démasquent. En conclusion de sa péroraison, le vrai faux-converti atteste sous serment avoir rencontré plusieurs fois Diana Vaughan. Il offre de communiquer à l’un des évêques présents, sous la condition du secret, le nom d’un autre évêque qui connaît personnellement la convertie. Mgr Lazzareschi fut désigné pour recevoir cette confidence, mais Taxil ne se rendit pas au rendez-vous convenu. » Or, ceci est faux, archi-faux. Soit notre auteur n’a pas lu en entier la Franc-Maçonnerie Démasquée, soit il l’a lu, mais a volontairement omis de citer les passages qui détruisent cette calomnie comme quoi Taxil ne se serait pas rendu au rendez-vous. Dans les deux cas, ce n’est pas très sérieux et on peut légitimement douter de la prétendue objectivité de l’auteur…
[86] A propos de ce Fromm, voici ce qu’écrit Diana Vaughan dans ses Mémoires, page 527 : « Si l’Univers a été représenté à Trente, c’est parce que M. le chanoine Pillet, doyen de la Faculté de théologie de Lille, s’est rendu personnellement au Congrès, y accompagnant trois jeunes antimaçons, étudiants de l’Université catholique de cette ville, et parce qu’il a bien voulu envoyer des correspondances au journal de M. Veuillot. Or, M. le chanoine Pillet est avec nous, et non avec le camp des négateurs du caractère infernal de la secte.
La Vérité, de Paris, a envoyé à Trente un de ses collaborateurs, M. Fromm. Est-ce comme congressiste ? Non. Elle l’a envoyé comme reporter purement et simplement, au même titre que les correspondants de journaux libéraux qui ont été admis aux assemblées générales publiques. M. Fromm ne se fit inscrire à aucune Commission, ne prit aucunement part aux travaux du Congrès. »
[87] Voici l’appréciation de Diana Vaughan à propos de Veuillot, page 564 de ses Mémoires : « Eh bien, les deux Eugène, l’oncle et le neveu, M. Veuillot et M. Tavernier, sont de simples farceurs ; ils ne croient à rien ; ce sont de vulgaires marchands du Temple. Ils vivent de la réputation du grand Louis Veuillot, chrétien ardent et sincère, écrivain d’un talent hors ligne, d’impérissable mémoire. Eux, ils ne l’ont pas remplacé ; ils lui ont succédé, comme dans une succession de commerce ; et, pour eux, le vaillant Univers d’autrefois n’est plus qu’une boutique… »
[88] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[89] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[90] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[91] Bref, quelqu’un de bien pour l’auteur, Waite étant en quelque sorte un René Guénon anglais…
[92] Note d’ATHIRSATA : Sic…
[93] Lettre du chanoine Mustel à propos de Taxil.
[94] Il s’agit de Paul Rosen.
[95] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[96] Au cours de leur procès, les Templiers furent accusés d’adorer une idole appelée Baphomet. L’origine de ce nom a été expliquée de plusieurs façons : corruption de « Mahomet » (par référence aux rapports des Templiers, parfois non conflictuels, avec l’islam en Terre sainte) ; allusion à un mystérieux « baptême de Métis », ou baptême de sagesse ; acronyme lu à l’envers d’une formule qui signifie « Père de tous les Templiers ». Le Baphomet reprit vie avec la diffusion, au XVIIIe siècle, des légendes sur les Templiers comme grands initiés, avec la création des grades dits « templiers » comme parties intégrantes des systèmes de « hauts grades » de certains Rites maçonniques, enfin avec la fondation d’un nouvel ordre du Temple (qui se disait faussement une continuation de l’ancien) à l’époque de la Révolution française. Dans bon nombre de ces tentatives de « résurgence » templière, sinon dans toutes, le Baphomet, véritable obsession pour certains occultistes des XVIIIe et XIXe siècles, occupait effectivement une place privilégiée. (Selon Introvigne Massimo, op. cit., p. 150.)
[97] Mémoires d’une ex-palladiste, numéro 14, août-novembre, page 436.
[98] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[99] Revue Mensuelle, novembre 1896.
[100] Le fautif n’est donc pas le docteur, ce n’est pas lui qui invente ou qui en rajoute, mais ce sont les légendes qui circulent chez les Triangles. Tout ce qu’a vu le docteur personnellement est vrai.
[101] Voici une opinion personnelle de Diana Vaughan sur Drumont, dans ses Mémoires, page 32 : « Plus particulièrement, avant de pouvoir écrire, je remercie les personnes qui m’ont envoyé : … ; les sept volumes de Drumont (je les avais lus déjà, et je suis heureuse de les tenir d’un fervent admirateur du célèbre auteur antisémite). »
[102] Tiens, tiens… Nous verrons plus loin pourquoi cette remarque est importante. ATHIRSATA.
[103] Article de Gabriel Soulacroix (abbé de Bessonies) dans la Franc-Maçonnerie démasquée.
[104] Pour ceux qui s’intéressent à la question Louis XVII-Naundorff, et pour avoir la vérité sur cette autre grande « mystification », vous pouvez écrire pour demander des renseignements, ou pour avoir un spécimen du bulletin de l’Institut Louis XVII à :
Institut Louis XVII
BP 90968
75829 PARIS Cedex 17
Site Internet : www.louis-XVII.com
Courriel : institut@louis-XVII.com
[105] Dans ses Mémoires, page 670, elle précise : « Ne figureront pas, lors de la manifestation publique du 19 avril, bien entendu, les deux documents que mes adversaires de mauvaise foi s’obstinent à réclamer : mon extrait de naissance, par la raison qu’il n’existe pas, pas plus que n’existe celui de M. Tardivel, directeur de la Vérité de Québec, né au Kentucky ; l’attestation de ma conversion, certifiée par l’évêque du diocèse où elle a eu lieu, document que le Pape seul doit connaître. »
[106] Mémoires, page 704.
[107] Style, il pensait tout prévoir à l’avance, que tout marcherait comme sur des roulettes, et qu’en avril 1897 exactement il pourrait avouer sa fumisterie.
[108] Où comment vouloir détruire un livre inattaquable, car vrai en tout point…
[109] Sic…
[110] Un évêque invité dans un temple maçonnique, même si aujourd’hui cela se fait de plus en plus (œcuménisme oblige), à l’époque cela était défendu… Alors soit Taxil invente, soit l’évêque en question est franc-maçon. ATHIRSATA.
[111] Renseignements d’après le livre Thérèse et Lisieux, par Pierre Descouvemont, Cerf, 1991.
[112] James Marie-France, op. cit., p. 252.
[113] Muracciole Bernard, op. cit., p.
92.
[114] En février 1896, l’abbé de La Tour de Noé est d’ailleurs cité par la Revue Mensuelle, à propos d’un article sur les prophéties :
« Quant à M. l’abbé de La Tour de Noé, il a laissé entrevoir que la fin du monde pourrait avoir lieu vers l’an 2000. » Article écrit par Louis Gayet.
[115] Sur cette brochure, on peut lire : « Abbé de la Tour de Noé, prêtre toulousain, descendant des anciens comtes de Noé et d’un héros de la première croisade. Toulouse, Imp. Douladoure-Privat, rue St-Rome, 39. »
[116] Mgr Fava connaît une mort subite en sa ville épiscopale de Grenoble le 17 octobre 1899. Empoisonné par la Franc-Maçonnerie à cause de son soutient à Diana Vaughan et des documents qu’il avait entre les mains ? Note d’ATHIRSATA.
[117] Effectivement, dans les Mémoires de Diana Vaughan, nous pouvons lire pages 127-178 :
« Selon ma promesse, a été effectué, le 29 septembre, le tirage au sort, entre mes abonnés ecclésiastiques, des insignes rituels destinés au Triangle Sainte-Hypathie, avant ma conversion.
Je rappelle le fait. Le comité Central de la Fédération Indépendante avait décidé de constituer à Paris ce Triangle pour grouper les palladistes parisiens désireux de se détacher de Lemmi. On avait recueilli immédiatement leur adhésion : le nombre réglementaire pour la constitution d’un Triangle étant onze (sept Frères, quatre Sœurs), on attendait les deux adhésions nécessaires. J’avais pris à mes frais les insignes rituels de ce Triangle, pour en faire don aux onze constituants.
Ces insignes sont les cordons de décor qui se portent en séance. Dans le Palladisme Indépendant, on a unifié l’initiation, et il n’y a plus là qu’un grade masculin et un grade féminin. C’est pourquoi l’insigne rituel de Frère équivaut à celui de Mage Elu et le reproduit exactement ; de même, l’insigne rituel de Sœur équivaut à celui de Maîtresse Templière Souveraine et le reproduit exactement.
Survint ma conversion. Ces insignes étaient ma propriété. Ne voulant plus contribuer à la constitution d’un Triangle, j’en ai fait des primes pour mes abonnés ecclésiastiques par voie de tirage au sort.
Voici les gagnants des insignes rituels de Frères :
M. l’abbé Boulogne, rue Simon, 26, à Reims, Marne.
M. l’abbé David, curé de Biéville, par Torigny-sur-Vire, Manche.
M. l’abbé Dion, professeur à l’Ecole Fénelon, à Bar-le-Duc, Meuse.
M. l’abbé Laurent, curé de Cellieu, par Saint-Genis-Terrenoire, Loire.
M. l’abbé M., via del Babuino, 22, à Rome. - Par offrande avec l’agrément du gagnant, attribution a été faite ensuite au Comité Central Directif de l’Union Antimaçonnique d’Italie.
M. l’abbé Poulain, rue Volney, 2, à Angers, Maine-et-Loire.
Révérend Théodore, franciscain, au Seraphic-Collège, à Clevedon, Somerset Angleterre.
Voici les gagnants des insignes rituels de Sœurs :
M. l’abbé Delhomme, curé d’Arrembécourt, par Chavanges, Aube.
M. le chanoine Hingre, rue de Jointure, à Saint-Dié, Vosges.
M. l’abbé de La Tour de
Noé, rue Saint-Rome, 29, à Toulouse, Haute-Garonne.
M. l’abbé Varangot, aumônier, à la Coconnière, Laval, Mayenne.
Les dits insignes ont été expédiés immédiatement aux gagnants qui peuvent en témoigner. »
[118] Articles parus dans la Franc-Maçonnerie démasquée en 1898 et 1899, et nous paraissant intéressant, bien que nous ne soyons pas d’accord avec tout ce qui y est écrit.
[119] Note d’ATHIRSATA : Plus tard, Huysmans, en 1901, inébranlable dans sa conviction, écrira dans sa Vie de la Bienheureuse sainte Lydwine de Schiedam :
« Il y a dans tous les cas, un fait indéniable, sûr, c’est qu’en dépit des dénégations intéressées, le culte luciférien existe, il gouverne la franc-maçonnerie et tire, silencieux, les ficelles des ministres baladins qui nous gouvernent. »
[120] Note d’ATHIRSATA : mais comme à l’époque Léo Taxil était vraiment catholique et anti-maçon, son « retournement » étant selon nous fin 1896, ses « révélations » sous le pseudonyme d’Adolphe Ricoux sont à prendre au sérieux.
[121] Note d’ATHIRSATA : Cela confirme que Léo Taxil n’a donc pas menti. C’est bien un religieux qui écrivait les articles sur les sociétés secrètes musulmanes. Léo Taxil a commencé de mentir seulement quand il s’est détaché de la religion catholique, c’est-à-dire fin 1896.
[122] Les auteurs de cet article croient que c’est Taxil qui a écrit le Diable au XIXe siècle. Or, rien ne permet de l’affirmer, sinon les dire de Taxil ou Hacks après leur « retournement ».
[123] Note d’ATHIRSATA : Ceci est totalement faux. C’est bien Albert Pike qui a « pillé » dans les œuvres d’Eliphas Lévi. Pour preuve dans l’article sur Albert Pike de l’Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie (La Pochothèque, 2000, sous la direction d’Eric Saunier), nous relevons la phrase suivante, à propos du livre Morals and Dogma, page 666 (Non, ce n’est pas une blague, c’est bien à la page 666, quel hasard !) : « Souvent l’auteur (Pike) se fait compilateur ; quitte à remanier et à interpoler, il incorpore des fragments d’auteurs précédents, le plus souvent cité étant Eliphas Lévi. Pike annonce son procédé au seuil de son livre et seule l’ignorance ou la mauvaise foi a permis quelquefois de crier au plagiat. »
[124] Note d’ATHIRSATA : Albert Pike s’est beaucoup inspiré des œuvres d’Eliphas Lévi. En effet, Eliphas Lévi a voulu dans ses œuvres faire une recherche et un résumé très complet de la doctrine des mages, des initiés. Ses œuvres font référence. Albert Pike a donc pioché largement dans les œuvres d’Eliphas Lévi. Dire que Léo Taxil a pompé dans les œuvres d’Eliphas, c’est une pure affirmation sans preuve. En fait, Léo Taxil a bien retranscrit des textes de Pike. Mais ce sont les textes de Pike qui sont très influencés par les ouvrages d’Eliphas.
[125] Le docteur Blitz, dans sa résidence du Nevada, atteste l’existence du rite Palladium. Mais c’est un rite peu connu et peu suivi. Croyant bien faire, le docteur Blitz, on ne peut plus complaisant, envoie aux anti-maçons français, en mars 1898, une petite brochure éditée par la Societas Rosicruciana. La rédaction de la FMD s’empresse de faire traduire l’opuscule. Grand est son étonnement de découvrir une description du Palladium qui ressemble furieusement aux « élucubrations taxiliennes ». (Jarrige Michel, op. cit., p. 244.)
[126] Sic… Tout d’abord le Dr Bataille cite très souvent les sources qu’il utilise, et enfin, il s’aide d’autres ouvrages, mais aucunement il ne plagie. Note d’ATHIRSATA.
[127] L’extrait des minutes des actes de décès du XVIIIe arrondissement de Paris, année 1907, fait état, de son coté, de Sarah Canel. » Renseignements donnés par la RISS. ATHIRSATA.
[128] Introvigne Massimo, op. cit., quelques extraits des pages 199 à 206.
[129] Il rigole, ou quoi. Plus aucun anti-maçon (même les plus « durs ») n’utilise les ouvrages de Léo Taxil depuis belle lurette… A notre grand regret d’ailleurs… ATHIRSATA.
[130] Sic, c’est plutôt l’inverse qui s’était passé… ATHIRSATA.
[131] Ah, bon, lesquels ?
[132] Note d’ATHIRSATA : Il ne nous fera pas croire qu’il a eu accès à toutes les archives… Voici un extrait de l’ouvrage de M. de la Rive, la Femme et l’Enfant dans la franc-maçonnerie universelle, page 721 :
« Phileas Walder est mort après le Convent du 20 septembre ; nous lisons à son sujet dans un journal américain :
Echos de Londres (par télégraphe). – Londres, le 8 octobre (1893). On annonce la mort de M. Phileas Walder, le spirite bien connu, qui était passé à Londres, à l’âge de soixante-dix ans, après son retour d’un voyage en Italie. Il avait une réputation en Europe et en Amérique comme représentant du spiritisme, et il était aussi bien connu comme l’ami de John Taylor, le successeur de Brigham Young ; c’est en qualité de disciple de ce dernier qu’il fit tant pour la propagation des doctrines du mormonisme. On ne doit pas oublier qu’il était également un occultiste de l’école d’Eliphas Lévi. »
Or, c’est M. de la Rive qui cite le journal américain qu’il a sous les yeux, ce n’est pas Léo Taxil où le Dr Bataille. C’est le témoignage du catholique qui n’a jamais retourné sa veste et qui n’invente jamais rien, qui ne ment jamais.
Après cela, « nos chercheurs » n’ont pas trouvé une seule trace du nom de Phileas Walder dans la presse, etc. Mais ont-ils vraiment cherché ?
[133] Ha bon et lesquels ? Nous voulons voir ces documents….
[134] Editions Maçonniques de France – Editions Cêtre, 2000.
[135] Collignon-Teissier, Paris, 1866.
[136] Louis Andrieux (1840-1931) est le père d’Aragon. Député, préfet de police, puis ambassadeur, il quitta la franc-maçonnerie en 1885. ATHIRSATA.
[137] Rappelons que l’ouvrage de Rosen : Satan et Cie, paru en 1888, ne contient que 70 pages originales sur 408 et quelques planches. Tout les reste est purement et simplement la reproduction du Cours de Maçonnerie pratique du chanoine Brettes. A tel point que Rosen fut condamné en justice en 1889 pour s’être copié lui-même. En effet, le livre de Brettes est basé sur des documents fournis par Rosen contre espèces sonnantes et trébuchantes. Satan et Cie ne pouvant plus être vendu après le jugement du tribunal, Paul Rosen fit éditer en 1890 L’Ennemie Sociale.
[138] Ce qui est vrai en partie, mais en partie seulement, car des passages du texte du livre de Léo Taxil sont introuvables dans le texte du Cours de Maçonnerie pratique.
[139] Emmanuel Ratier qui dirige une excellente lettre d’informations confidentielles : Faits et Documents (BP 254-09, 75424 PARIS cedex 09). Et aussi : www.faits-et-documents.com
[140] Renseignements d’après Marie-France James, op. cit., p. 45.
[141] Politica hermetica, n°4, 1990.
[142] Voici ce que pense Leslie Fry (pseudonyme de Paquita Chichmarev), dans son livre, Léo Taxil et la Franc-Maçonnerie. Lettres inédites publiées par les amis de Mgr Jouin, British-American Press, Chatou, 1934.
[143] Voici ce que nous apprend Massimo Introvigne : « Le jésuite allemand Hermann Gruber - l’un des plus acharnés dans la dénonciation de Taxil - passera, redisons-le, des écrits anti-maçonniques à des rencontres discrètes pour promouvoir un dialogue entre Eglise et franc-maçonnerie ». Pas de commentaires…
[144] Marquis de la Franquerie, Lucifer & le Pouvoir Occulte (ouvrage non mis dans le commerce, réservé exclusivement aux amis de l’auteur, 1984).
[145] Cela confirme ce que Diana Vaughan affirmait dans ses Mémoires page 704, à propos du nom de sa mère : « qu’il n’est pas le premier nom venu. » ATHIRSATA.
[146] Weber Eugen, op. cit.
[147] Sic. L’histoire dans les Mémoires de Diana Vaughan est beaucoup plus complexe que cela et ne se résume pas à ce simplisme. ATHIRSATA.
[148] Lisons de plus près cette préface : « Je suis en mesure d’affirmer l’existence et la réalité de cette chimère admirée, la Fraternité des Roses-Croix… Je n’ai, pour ma part, aucune relation avec ces gens là…, L’attention que je leur donne (n’y aurait-il pas là une contradiction ?…) fut d’abord éveillée par leurs livres, car je les y ai reconnus pour de vrais philosophes… Leurs principes sont entièrement d’accord avec l’antique et primitive sagesse ; ils sont même conformes à notre propre religion (sic) et en confirment tous les points… La sagesse et la lumière sont venues de l’Orient ; c’est à cette source vivante que les Frères de la Rose-Croix ont puisé leurs eaux salutaires. » Or, aujourd’hui, tout le monde et surtout les Roses-Croix, reconnaissent que Thomas Vaughan était bien Rose-Croix. Note d’ATHIRSATA.
[149] Voir l’article d’Hiram page 517.
[150] Extrait de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, dans les années 1929-1930, plusieurs articles intitulés : « Diana Vaughan a-t-elle existé ? Notes sur les Mémoires d’une ex-palladiste », par Hiram.
[151] Suite de l’article d’Hiram.
[152] Réimprimé par les Presses de l’Imprimerie Christian Lacour à Nîmes, octobre 1993.
[153] Clavel, Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie, 3e édition, 1844, page 26.
[154] Règlements généraux de la Maçonnerie écossaise pour la France et ses dépendances, page 13.
[155] Ibid., page 16.
[156] Ibid., pages 31-32.
[157] Ibid., page 33.
[158] Ibid., page 34.
[159] Ibid., page 50.
[160] Ibid., page 115.
[161] En ce qui concerne l’Elue du Dragon de Clotilde Bersone, nous n’en parlerons pas par manque de place. Peut-être cette autre affaire fera l’objet d’un autre livre. ATHIRSATA.
[162] Article extrait de son livre Lucifer et le Pouvoir occulte, dans le chapitre consacré à Diana Vaughan.
[163] Cf. L. Fry, op. Cit., p. 333-334.
[164] Exorciste lors de l’affaire des possédés de Loudun. Sa persécution par les démons dura vingt ans, avec quelques rares intervalles de repos. Cependant, il recouvra définitivement le calme et la santé en 1658.
[165] Lewis Spence, Encyclopedia of occultism &
parapsychology, 1ère edition, 1920.
Encyclopedia of
occultism & parapsychology, édité par J. Gordon Melton, 2001, 5ème edition, volume 2, page 1644.
Lewis Spence, Encyclopedia of occultism & parapsychology, re-print Kessinger
Publishing, 2003, volume 2, pages 972-973.